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EAN : 9782266336239
208 pages
Pocket (07/09/2023)
3.98/5   128 notes
Résumé :
On la dit laide, revêche, frigide, avare, aigrie, ennuyeuse et ennuyée. On l’imagine avec ses chats, ses pelotes de laine et sa solitude. Parce qu’elle n’a pas eu la chance de trouver un mari ou de faire des enfants, la vieille fille représente un échec. Elle est celle qui n’a pas joué ou qui a perdu au jeu de l’amour. Elle est ce que l’on ne souhaite pas aux jeunes filles de devenir, une image épouvantail.
Pourtant, la vieille fille a-t-elle vraiment un dest... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Un essai à la portée de toutes et tous qui démystifie le statut de « vieille fille », en démontant un à un les nombreux clichés en vigueur de tous temps. L'auteure porte un regard neuf sur toutes ces figures stigmatisées de « filles à chats », « célibattantes », catherinettes, chaperonnes et autres béguines qui ont traversé L Histoire, le cinéma, les séries ou la littérature de façon plus ou moins heureuse.

Elle s'appuie également sur son vécu, son expérience personnelle pour démontrer que l'expression est sacrément obsolète, et qu'elle ne rime pas avec virginité, indésirabilité, frigidité, hystérie, misandrie ou asocialité. Tout en révélant que la donne a changé : c'est désormais un sort enviable ou carrément un choix de vie, assumé loin des normes et injonctions que la société patriarcale fait peser sur les femmes.

C'est un livre décomplexant qui donnera à coup sûr l'envie d'en découvrir d'autres - comme ceux de Mona Chollet - puisqu'il n'y a bien souvent qu'un pas séparant la vieille fille de la sorcière dans l'inconscient collectif.

#Vieillefille #NetGalleyFrance #LaDécouverte
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J'aime la non-fiction quand elle agit comme un révélateur de notre société - au sens photographique du terme, c'est-à-dire comme un produit chimique qui rend visible l'image photographiée latente. C'est exactement ce qui se passe avec ce texte de Marie Kock : elle prend appui sur sa situation de célibataire endurcie, ni épouse ni mère, pour questionner les normes sociales ainsi remises en cause. Nous nous engouffrons donc à sa suite dans la "faille" que représente la vieille fille pour déconstruire (c'est à la mode) tout un tas de diktats pesant sur la femme.
Et ça décape !
La vie de couple épanouie ? Beaucoup de mensonges. le mariage hétérosexuel? Une "histoire de peur du vide et de solitude", une combine pour échapper au déclassement social. L'envie de faire l'amour? Arme de la société de consommation. Les enfants qui en résulteront ? Projections névrotiques et perpétuation des inégalités sociales...

Même si j'y ai perdu au passage quelques plumes et petites illusions de fillette, j'ai trouvé cette lecture très roborative. Ne serait-ce que parce qu'elle nous pousse à prendre conscience du conditionnement social à l'oeuvre au coeur même de nos choix les plus intimes: tomber amoureuse, s'engager avec la personne aimée, faire des bébés... Parce qu'elle répond bien aux questions qu'on se pose en tant que mère, en tant qu'épouse et ce qu'on perd à l'être - ce qu'on y gagne n'est pas le sujet du livre. Parce qu'il ne faut pas laisser passer l'occasion de mieux comprendre, donc davantage respecter, celles qui n'ont pas fait les mêmes choix que nous. Qui en effet n'a pas un jour jugé avec commisération l'éternelle célibataire qui enchaînait les mauvais plans, en se demandant ce qui clochait chez elle, quel vice caché l'empêchait d'être "comme tout le monde"?

Ce mépris social, Marie Kock nous en fait prendre conscience en nous promenant dans l'histoire et la littérature à la rencontre de toutes ces "vieilles filles" : recluses du Moyen-Âge, religieuses, béguines, duègnes, "filles à chats"... Elle, au contraire, les voit comme celles qui ont eu le courage de s'émanciper en échappant à la sexualité imposée par le patriarcat. Dans le même temps, elle déplore l'absence de modèle positif de la femme seule, à l'inverse de figures masculines dont la misanthropie se pare d'un charme tout romantique : Jeremiah Johnson versus "la vielle dame qui finit dévorée par ses chats dans l'indifférence générale"...

J'ai aimé ce tissage de réflexion et de récit de l'intime, émaillé d'exemples variés. Virginia Woolf, La Petite Maison dans la prairie, Dickens, Koh Lanta, Marie Kock fait feu de tout bois ! La lecture est pop à souhait, le livre se lit avec plaisir. J'ai été un peu gênée parfois par ce feu d'artifice comme autant de salves savoureuses qu'aucune problématique profonde ne gainait, si ce n'est la nécessité de faire entrer toutes les vieilles filles recensées dans la même grille de lecture. Peut-être peut-on le comprendre finalement comme un "droit à la friche" dont l'autrice se prévaut dans sa conclusion, gagné en ayant refusé de vivre sa vie selon les normes en vigueur :
"C'est à ça que je tends. À être moi-même un terrain vague. Un endroit en friche, où il aurait pu se construire des choses et où il ne s'est rien construit".
Pourquoi pas finalement? Elle écrit comme une femme seule, émancipée du jugement social, évoluant selon son bon plaisir, faisant l'apologie du chaos... Sacré argument !

Dans la dernière partie de l'ouvrage cependant, l'équilibre entre réflexion et récit intime se fait plus lâche, l'introspection prenant le pas sur la généralisation. le souvenir du premier amour mort brutalement et le deuil impossible qui en a résulté pour Marie Kock, pour touchants qu'ils soient, font passer son choix du célibat pour une blessure jamais refermée. La question reste entière pour moi (mais peut-être ai-je mal lu) : peut-on vivre seule par pur choix et non par non-choix ?

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs Pocket 2024

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La vieille fille, cet être étrange, repoussoir absolu d'une "vie de femme" réussie, affublée de toutes les tares anti-féminines : laideur, avarice, inutilité, stérilité, frigidité, vieillesse (précoce), sécheresse, égoïsme, méchanceté, ou pire encore, fadeur et transparence.
Aujourd'hui encore, elle hante nos angoisses sous le costume de la vieille fille à chats, dont le destin est de mourir seule et dévorée par ces ingrats félidés. (Pourquoi des chats, d'ailleurs, n'y aurait-il pas là quelque parenté avec la sorcière, de sinistre réputation elle aussi ?)

Mais enfin, n'est-ce pas un peu mérité, quand même ? N'est-ce pas le prix à payer pour refuser les joies de la conjugalité, de la maternité, des tâches domestiques, de la charge mentale liée à l'organisation d'une vie familiale et professionnelle réussie ?

A travers l'exploration de la figure de la vieille fille dans la littérature, le cinéma, les séries, et son expérience personnelle, Marie Kock pose un certain nombre de questions et de réflexions qui deviennent à mon sens inévitables dès lors qu'une femme sort des clous de la vie de couple hétérosexuelle et de la parentalité. Que ce soit par choix ou par les circonstances de la vie.

Il y d'autres manières de vivre, d'autres parcours que ceux déjà tous fléchés, soumis à des injonctions sociales plus ou moins insidieuses, et parfois contradictoires. Qu'on les suive ou qu'on s'en écarte, le chemin est semé d'embûches qui mènent trop souvent à l'aliénation, la honte, la culpabilité ou l'épuisement.

Quels que soient nos vies ou nos choix, on peut trouver dans cet essai des pistes de réflexions intéressantes, à propos de la honte, du consentement, de la possession, de la productivité, de la transmission, de la libido, du lien aux autres, proches ou inconnus.

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J'ai découvert Marie Kock invitée d'Elisabeth Quin dans son émission « 28 minutes ».
Leur discussion sur le sujet m'a interpellée à plusieurs reprises, j'ai donc commandé à mon libraire préféré ce livre « Vieille Fille » qui a eu du mal à l'obtenir.
Cette lecture a été passionnante de bout en bout.
Une première partie très bien documentée sur ce qu'est une « Vieille fille » avec tout ce que les siècles ont charrié de clichés sur ces femmes solitaires et enfin l'évolution de la société actuelle avec un certain affranchissement des moeurs bien que tout ne soit pas encore gagné.
Et une seconde partie beaucoup plus personnelle où l'auteur délivre la part intime de ses choix qui n'en est pas moins passionnante.
Certainement le sujet ne passionnera pas les foules, j'ai acheté ce livre parce que je me suis sentie concernée et que j'ai subi tout ce que l'auteur décrit, cependant il intéressera surement les jeunes femmes qui veulent vivre seules pour les déculpabiliser de ne pas avoir envie de se marier et d'avoir des enfants, de ne pas avoir envie de se plier aux injonctions d'une institution qui ne leur convient pas. Je le leur recommande chaudement même. Bonne lecture.
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N'aurait-on pas trop misé sur le désir, le couple, la famille ? Voilà le questionnement auquel nous invite Marie Kock en mêlant essai et récit car elle part bien de sa vie de « vieille fille » à elle, vie de vieille fille pourtant dépourvue de chats, de pelotes de laine et surtout d'âcreté.
Que signifie « trop miser » ? Trop miser au sens où tout est une question de proportion ou plutôt de disproportion. Et en l'espèce, il est bon de voir qu'il y a tout de même un sacré écart entre conférer une valeur très forte au couple, aux enfants (valeur que nul ne nie) et faire de cette valeur l'équivalent d'une condition de possibilité d'une existence « heureuse ». Dit autrement, la condition « couple/famille » doit être remplie pour que l'on puisse s'octroyer le droit de qualifier sa vie de réussie. Or…"On peut avoir une vie réussie ou ratée indépendamment du fait d'être en couple et avec des enfants. On a donné une place démesurée à ces éléments dans l'accomplissement d'une vie." Entend-on si souvent cela ? Tout comme le mouvement me too a révélé des comportements et des présupposés tus pourtant évidents et sus de tous, Marie Kock vient elle aussi à sa manière dynamiter un sacré «petit» tabou. Elle nous raconte comment elle s'est ainsi rendu compte qu'elle avait eu beaucoup de périodes de sa vie durant lesquelles elle avait été « bien » et somme toute –osons le mot- « heureuse » sans pour autant les considérer réellement comme telles. Pourquoi ? Parce que ces périodes ne valaient tout simplement pas de points au « game ». Comment se sentir heureux quand on (soi, la société, les autres) a intériorisé que le vrai bonheur ne démarre qu'en couple d'abord, et avec des enfants ensuite ? Stipulons d'emblée que Marie Kock n'a rien ni contre l'un (c'est une vieille fille qui n'a pas manqué de relations avant de se décider « pour voir » à sortir du « game ») ni contre les autres car elle a elle-même longtemps poursuivi ce but avec l'aveuglement du croyant indétournable de sa foi qui aujourd'hui ne se renie pas. Pour autant, que récuse-t-elle ?
Le fait que le célibat ne puisse guère être qu'une situation d'attente entre deux « vrais » états (jeune célibataire /adulte en couple).
Le fait qu'il faille tout juger à l'aune de l'intensité amoureuse, d'autres états sont intenses aussi et l'intensité se solde parfois par le fait de s'infliger des états cataclysmiques sans raison quand on ne sait même pas pourquoi in fine on s'est jeté à corps perdu dans cette histoire…
Que nous dit-elle ? Que l'amour est précieux et rare et qu'il ne peut donc pas se trouver au coin de la rue « coûte que coûte »
Que le couple n'est pas toujours l'amour et qu'on s'inflige souvent le premier qu'on ait ou non trouvé le second.
Pourquoi ? Il y a un avantage à s'abandonner plus ou moins totalement à quelqu'un d'autre que soi. Celui de ne pas se heurter – ou pour le moins de retarder le choc – à son propre vertige existentiel.
Et c'est ce que Marie Kock développe très bien dans son livre et qui en fait tout l'intérêt. Vivre seul(e) est une façon différente « d'être au monde » qui n'implique pas le même type de confrontation à soi d'abord, aux autres ensuite et enfin, à l'existence. Pour autant, elle ne valorise ni plus ni moins une situation qu'une autre présentant les avantages et les désagréments de chacune mais rétablissant une proportion qui apparaît plus pleinement juste et objective que dans l'imaginaire collectif habituel.
Nulle forme d'existence n'en invalide le fond. Et vous avez le droit de vivre seul(e) sans que cela n'emporte de conclusion sur la qualité et la plénitude de votre vie. Telle est la façon dont on pourrait tenter de résumer son propos. Humble, simple, non partisan et un peu révolutionnaire ! « Et il a fallu attendre tout ce temps pour réussir à se le formuler ? » pourrait-on ajouter. Ce livre est à lire, vraiment, que l'on soit seul(e) ou bien en couple car il sait dire l'infinie richesse que proposent les états de solitude.
Il est fin, juste, discret (discrétion dont témoigne très bien le sous-titre « une proposition »), porteur d'une même « évidence » que les ouvrages de Mona Chollet. Il ne prône aucun modèle. En revanche, il nous explique à quel point notre obstination sociale à faire de la vieille fille (et du vieux garçon) un contre-modèle nous fait inutilement du mal en tant qu'individu et limite nos possibles.
Lien : https://liseusesdebordeaux.o..
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Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
Ne plus attendre l’amour, c’est d’abord se reposséder. Reprendre
possession de son corps, de son cerveau, de son temps.
Dans les premiers temps du sevrage, c’est ce qui m’est apparu en
premier. Le temps. Le temps que je gagnais en supprimant cette donnée de
mon agenda quotidien. Le temps pour faire d’autres choses bien sûr, mais
aussi et surtout pour penser à autre chose. Mon temps de cerveau disponible
s’est mis à augmenter de façon spectaculaire. Toutes ces heures passées à
penser à l’autre, à ce qui lui ferait plaisir, pourquoi il avait dit ça, et donc
qu’est-ce que ça voulait dire pour notre relation, et ah non le 12 je ne peux
pas parce que c’est l’anniversaire de sa mère… Toutes ces heures se sont
retrouvées vacantes. D’un coup, j’ai eu le temps de respirer sans
m’inquiéter, sans me mettre en colère, sans attendre tout et son contraire.
Quand certaines de mes amies se séparaient et étaient à nouveau
célibataires, avec ou sans enfants, celles qui étaient encore en couple, avec
ou sans enfants, ont souvent eu le réflexe de les encourager d’un : « Mais
c’est génial, tu vas pouvoir sortir, faire de nouvelles rencontres, ne pas te
prendre la tête ! » Moi, j’ai choisi de prendre énormément de temps pour
vapoter en regardant le plafond. Pour ranger mes placards, me faire masser,
lire, voir mes amis (et pas dans l’espoir qu’ils aient ramené un +1). Pour
aller travailler sans avoir rien à raconter à mes collègues de mes soirées
sinon la vie ordinaire d’une femme seule. Bien sûr, j’ai eu des moments de
panique. J’arrivais aussi à l’âge où la question de faire un enfant ou pas
devenait pressante. Le compte à rebours avait commencé. Est-ce que je
devenais cette femme de la chanson d’Enzo Enzo, vivant une vie sans
aventures et dont on retiendrait surtout que « J’dis “Bonjour” à la
boulangère, je tiens la porte à la vieille dame » ? À mon enterrement, ceux
qui m’avaient croisée pourraient-ils dire que j’étais « Juste quelqu’un de
bien » ? La réponse me terrifiait autant que la chanson. Mais je ne bougeais
pas. Je me contentais de répéter, à moi et aux autres, que j’allais m’y
remettre, avant de rentrer chez moi me blottir bien au chaud. J’avais besoin
de temps et le temps dont j’avais besoin ne cessait de s’allonger.
J’échappais, en partie, au temps des femmes tel que l’a défini la philosophe
Camille Froidevaux-Metterie :
"Contrairement à la représentation commune d’une cyclicité féminine, imputable à la répétition
mensuelle des cycles menstruels, le temps des femmes s’avère en fait tragiquement linéaire. Il
est marqué par ces moments décisifs que sont la puberté et la ménopause qui signalent l’entrée
et la sortie de la potentialité maternelle, l’une et l’autre tout aussi indécidables qu’irrémédiables.
Il est rythmé par ces événements corporels qui viennent, périodiquement ou soudainement, en
infléchir le déroulement. Les règles donc, mais également l’apparition des seins, les grossesses,
les fausses couches ou les avortements, l’accouchement, l’allaitement, la vie sexuelle sur le
versant positif de la quête du plaisir comme sur le versant négatif du harcèlement et des
violences. Le temps des femmes est un temps tragique donc, scandé par une succession de
péripéties qui, en introduisant de la discontinuité et en produisant des coups de théâtre,
entretiennent une intensité émotionnelle à laquelle il est quasiment impossible d’échapper".
Le temps retrouvé, c’est ce qui m’a permis de digérer toute cette intensité
émotionnelle accumulée, restée invisible tant que je tentais de surnager et
de renouveler l’excitation en accumulant les dramas sentimentaux et
professionnels. De me rendre compte qu’il pouvait se passer beaucoup de
choses même quand il ne se produisait pas d’événements. J’apprenais à me
passer de mon addiction au frisson et à découvrir les joies d’une vie
débarrassée de la contrainte et de l’ascenseur émotionnel. Peu à peu le
sentiment d’urgence s’est estompé. Bizarrement, j’ai repensé à la pression
que j’avais ressentie lors du brevet des collèges. À l’époque, ce rite de
passage me semblait déterminant pour le reste de ma vie. Le réussir ou le
rater serait forcément décisif. Évidemment, il n’en était rien (et j’aurais bien
aimé qu’on me le dise à l’époque).
Au départ, j’avais envisagé ce retrait comme une pause, comme
lorsqu’on part se ressourcer à la campagne ou que l’on met son foie au
repos après les fêtes. J’étais fatiguée de mes élans, de ceux qui avaient été
reçus comme de ceux qui avaient été déclinés. Je n’avais plus l’énergie pour
me relancer, une fois encore, dans une rencontre, dans les projections
qu’elle ne manquait jamais de déclencher. Mon corps, mon cerveau, mon
cœur étaient épuisés, vidés, asséchés. Ils demandaient grâce. Je me suis
donc mise à la diète, pensant que, à un moment ou à un autre, je finirais
bien par avoir de nouveau faim. J’étais persuadée que la désertion du champ
de l’amour ne serait que momentanée, que j’avais simplement besoin de
reprendre mon souffle avant de me relancer dans la bataille pour laquelle je
m’étais entraînée toute ma vie. C’est tout autre chose qui a commencé à
émerger.
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(...) faire un enfant pour être adulte m'a toujours semblé moins logique qu'être adulte pour faire un enfant. Comment être responsable d'un autre qui ne sait rien alors qu'on n'est pas encore responsable de soi-même ? Je ne parle pas d'avoir une bonne situation professionnelle ou une maison avec toute la batterie d'équipements ménagers et des factures bien rangées selon un code couleur. Mais de faire le tri dans nos névroses, celles dont nous avons héritées et celles que nous sommes susceptibles de transmettre, dans les désirs que nous croyons être les nôtres et que nous ferons porter à ceux qui nous succèdent, je parle de savoir pourquoi on veut un enfant et comment on va le protéger du monde hostile mais aussi de nous-même, quels que soient notre amour et notre bonne volonté.
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Les recluses ne sont pas les seules femmes à avoir tenté de vivre en
dehors de la vie conjugale et/ou familiale et ne sont pas non plus les seules
à avoir exercé un pouvoir – certes, fragile – sur la cité. L’une des options
qui ont été offertes aux femmes qui souhaitaient échapper aux affres du
mariage et de l’enfantement, a été de se soumettre à l’autorité divine. De
donner sa vie à Dieu en entrant au couvent. Un choix qui, même lorsqu’il
était volontaire et non pas subi, ne mettait pas à l’abri de toutes les
violences, notamment sexuelles, mais qui permettait au moins à ces femmes
de s’extraire de leur destinée par la religion et l’abstinence. Ce fut le cas
notamment dans les religions hindouiste, bouddhiste et jaïne, ainsi que dans
le christianisme qui se distingue du judaïsme et de l’islam en prônant, à
partir de saint Augustin, la chasteté comme moyen d’élévation spirituelle.
La révolution chrétienne permet aux femmes d’accéder à cette chasteté,
mais surtout à celles qui sont issues de l’aristocratie romaine. Comme le
raconte l’historienne canadienne Elizabeth Abbot dans son Histoire
universelle de la chasteté et du célibat, ces femmes qui se donnaient à Dieu
avaient en contrepartie le droit d’étudier, d’enseigner et d’entretenir des
correspondances avec des hommes3. Avant que l’abstinence ne devienne, à
partir du XVIIIe siècle, une punition (sous les assauts conjoints de la
médecine et de la religion), elle représente pour les femmes un moyen
d’émancipation.
Parmi ces femmes, certaines ont même réussi à échapper, au moins pour
un temps, à l’autorité du Père (qui reste, comme son nom l’indique, une
autorité patriarcale). Ce sont les béguines. Elles s’étaient organisées en
communautés religieuses mais laïques et leurs vœux n’étaient pas
perpétuels. Elles gardaient donc leur indépendance par rapport à l’Église et
étaient libres de partir – ce qui n’était pas le cas des moniales ou même des
vestales qui devaient trente ans de chasteté à la Rome antique en échange de
leurs privilèges. Mais les béguines, elles, s’organisaient simplement en
communautés non mixtes et mettaient leur temps à la disposition des
pauvres et des malades. C’étaient des célibataires qui souhaitaient échapper
au mariage et à la maternité, ou des veuves. Ces communautés se sont
formées au XIIe siècle, surtout en Belgique et dans le nord de la France. Les
béguinages se développent avant de subir un gros retour de bâton de la part
de l’Inquisition qui supportait mal ces femmes ne dépendant d’aucune
autorité. Les juges les soupçonnent, les persécutent quand ils ne les
exécutent pas. Les béguines sont finalement interdites par le concile de
Vienne (1311-1312) avant, pour certaines, de rejoindre le giron de l’Église
et d’accepter de suivre les règles qui régissent une paroisse. Cela suffit à
provoquer leur extinction (même si on en trouve encore aujourd’hui une
trace dans les béguinages solidaires ou certaines maisons de retraite
indépendantes)
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Il se trouve que, n'ayant pas été aveuglé par ma propre progéniture, j'ai toujours eu le sentiment que parmi les enfants d'aujourd'hui se cachait aussi les connards de demain. L’idée que nos enfants feraient mieux que nous, apprendre à de nos erreurs, m'a toujours paru un peu folle. En tant qu’ancienne enfant, j'ai dû reproduire les erreurs de mes parents et de leurs parents avant eux pour arriver à me faire une vague idée de ce à quoi pouvait et devait ressembler à une vie. Les erreurs ont été commises sous d'autres formes, avec d'autres moyens d'expression, d'autres conséquences. Mais aucun parent n'a pu empêcher son enfant de tester les limites de son propre corps et de son existence. Aucun parent ne peut empêcher un enfant d'être ce qu'il est. Il n'est pas question ici de minimiser l'impact de l'éducation, de l'amour ou de la négligence, de la transmission ou de l'abandon dans le devenir d'un enfant. Mais les personnes atroces d'aujourd'hui ont aussi été des enfants qui ont fait leurs premiers pas sous les applaudissements de leur famille, qui ont aimé lécher le chocolat dans la casserole, qui ont ri aux larmes devant un père qui faisait semblant de conduire sans les mains. Il est question au contraire d'envisager que l'enfant ne soit pas forcément le visage de l'espoir. Et s'il ne s'arrête pas à la gêne que peut provoquer une telle pensée, alors on peut continuer à se retrousser les manches plutôt qu’à déléguer la concrétisation de nos idéaux à la génération que nous créons.
Le problème de voir dans les enfants le visage du progrès et de la civilisation qui vient, c'est que cela peut nous pousser à abandonner nos propres velléités d'action, à rentrer dans une forme d'apathie intellectuelle ou à ne plus nous préoccuper que de ce qui est susceptible de concerner le bien-être des enfants. Ils se mettent à grandir, nous commençons à vieillir. Nous sommes habitués à un certain confort de vie. Nous sommes fatigués d'avoir essayé et d'avoir parfois échoué. Nous sommes plus lucides, plus pragmatiques, plus désabusés. C’est le moment où l'on est tenté de passer le relais à la génération d'après. Mais est-ce bien raisonnable de leur léguer la responsabilité de faire mieux que nous et de nous désengager de notre époque, au prétexte que les plus jeunes sont plus innocents, plus déterminés, plus radicaux (oubliant au passage qu'il y a aussi des enfants et des adolescents conservateurs qui se foutent complètement de l'avenir du monde). Ce n'est pas raisonnable de notre part et ce n'est pas gentil non plus. Mais, pour ne pas faire payer ce lourd tribu aux enfants, il faut accepter de renoncer au confort de les envisager tous et toutes comme des miracles ( et de continuer à défendre des principes qui ne bénéficieront pas qu'à la chair de notre chair).
page 195
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Nous oublions le fait que tomber amoureux se produit généralement à un moment où l'on ne connaît presque rien ou si peu de son partenaire (voire de soi-même). C'est-à-dire que notre choix se fait dans un mélange d'hormones, de projections personnelles, d'espoir d'être, enfin, tombé sur le gros lot. Cette folie, se lier à un inconnu, que l'on tente de justifier à grand renfort de signes, de synchronicité, d'intérêts a priori communs, de sentiments d'évidence, est bien sûr ce qui rend la rencontre si excitante. Mais c'est aussi la raison qui fait que, quelques années plus tard, on ne sait plus très bien qui est cette personne qui est en train de se laver les dents dans la salle de bains et qu'on ne peut plus saquer.
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Vidéo de Marie Kock
Le mouvement #MeToo a mis en lumière les difficultés des relations hétérosexuelles, régies par des logiques patriarcales, de violence, d'inégalités et de domination. Depuis, de nouveaux modèles de couple et de famille émergent, désirables, et avec eux l'horizon du célibat et de non-parentalité. La productrice de France Culture, Adila Bennedjaï-Zou, autrice du podcast “Ex-ologie : une vie de célibataire” (Les Pieds sur Terre) et l'essayiste Marie Kock, journaliste autrice de Vieille fille. Une proposition (La Découverte) en discutent.
#metoo #célibat #etmaintenant _____________
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