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Michèle Planel (Traducteur)
EAN : 9782864321057
150 pages
Verdier (01/04/1990)
3.91/5   48 notes
Résumé :

Au seuil de la mort, un homme achève l'expérience extrême de l'abandon. Pour conjurer la peur, il parle. Il raconte avec une grande pudeur et une douceur infinie, sa cruelle traversée.

Il réveille dans ce village oublié des Pyrénées aragonaises, les visages disparus que la maladie, la vieillesse, la guerre mais surtout l'exode ont emportés jusqu'au dernier - lui.

Il évoque sa résistance obstinée contre les forces obscures ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Je poste un billet repeche dans les oubliettes de mon ordi. Je le poste parce que ce livre merite attention. Il merite d'etre lu, d'etre commente, d'etre conseille a des lecteurs en puissance. de sortir de l'ombre. Quoi qu'en fait il ne soit pas vraiment a l'ombre. Ou peut-etre l'ombre n'est qu'une question de geographie.


Je me demande pourquoi et comment certaines oeuvres arrivent a passer les frontieres des langues et d'autres non. "La pluie jaune" est un longseller en Espagne alors qu'en France il est pratiquement passe inapercu.
C'est vrai que c'est un livre un peu stressant. le village d'Ainielle, dans les monts d'Aragon, a ete abandonne par ses habitants, et le seul qui s'entete a rester, le vieux Andres, se rememore sa vie et y attend la mort, dans un environnement de plus en plus desole et desolant. Les maisons tombent en ruine. Des arbres commencent a pousser dans certaines d'entre elles et leurs racines rongent les murs. Avec le brouillard qui descend de la montagne, les feuilles mortes que le vent precipite sur le village deviennent pour Andres une pluie jaune, une pluie qui oxide et detruit peu a peu tout, meme sa memoire. Une pluie symbolique du passage inexorable du temps. Une pluie qui altere le village et le convertit "en terre, en fumee, en poussiere, en ombre, en rien". Andres ne peut resister physiquement, mais il sait qu'un jour on viendra s'enquerir de lui et on trouvera sa depouille, il espere alors une sorte de vengeance de la memoire: "le temps finit toujours par effacer les blessures. le temps est une pluie patiente et jaune qui eteint doucement les feux les plus violents. Mais il est des brasiers qui brulent sous la terre, des crevasses de la memoire si seches et profondes que jusqu'au deluge de la mort ne suffirait pas, quelquefois, a les faire disparaitre".


Se basant sur des traditions moyennageuses, l'auteur erige le jaune en symbole de la folie, de la pourriture, de l'abandon, de la destruction, de la tristesse, et en definitive de la mort. Son texte est hautement poetique, rendant le tact de la mousse sur les pierres, les odeurs de l'automne, la cadence de la chute des feuilles. Et surtout l'ecroulement, la decheance de la memoire.


Moi j'ai ete tres impressionne par ce livre. J'ai beaucoup aime. A ceux qui ne seront pas effarouches par cette critique je conseille de le prendre en mains. Face a une cheminee si possible, c'est un livre d'hiver.
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Dans un tout petit village isolé du fin fond de l'Espagne, un homme vit ses dernières heures. Il a vu sa famille et ses voisins disparaître les uns après les autres. Certains ont décidé de s'exiler (comme son propre fils Andres), d'autres sont morts. Maintenant, c'est son tour. Lui, l'ultime représentant d'un monde révolu. Presque oublié. Il a faim, il a froid, il ne lui reste plus d'énergie. Ces dernières heures, elles sont toujours propices à des réflexions sur le passé et ce roman n'y fait pas exception. le narrateur ressasse sa relation tendue avec son fils, avec les derniers survivants (ils ont préféré s'enfuir, les traitres !), le poids du leg familial, etc.

Donc, La pluie jaune, ce sont les souvenirs d'un vieil homme qui se sait condamné. Ces souvenirs sont racontés un peu dans le désordre, voyageant du présent au passé et vice-versa. de l'abandon de la mine, unique source d'emploi, à l'abandon du village jusqu'à ce qu'il ne reste que quatre individus, des vieillards. Eux aussi, ils tomberont chacun leur tour. Jusqu'à Sabina, l'épouse du narrateur, découragée et désespérée, qui s'est pendue dans la grange. Pendant tout ce temps, les maisons et bâtiments ont suivi la même tengente. Mal entretenus, ils se sont écroulés les uns après les autres. C'est la ruine, la décadence.

Le début du roman m'a un peu surpris et mélangé. Les informations ne sont dévoilées que petit à petit. Par exemple, après qu'il ait découvert le corps de Sabina, le narrateur donne les noms des gens armés qui viendraient le retrouver. Je pensais à une sorte de vendetta. Après tout, à ce point, je ne connaissais pas encore le vieil homme, il aurait pu être responsable de la mort de sa femme. Ou les villageois auraient pu l'en croire responsable. Je m'attendais donc à un récit plus sombre et porté vers l'action. L'histoire d'un fugitif.

Mais je ne suis pas déçu. D'abord, tout se replace rapidement, on comprend le malheur du narrateur. Sa folie ? Ensuite, j'aime bien ces romans sombre, crépusculaires, qui présentent un univers vaguement onirique. Même le rythme un lent ne m'a pas dérangé. En fait, il semblait vraiment approprié à un roman qui traite de l'oubli, de l'abandon, de l'agonie d'un village et du désespoir d'un homme.

Cette histoire, c'est celle de plusieurs villages dépeuplés et abandonnés qui ont connu un sort semblable. Ainielle pourrait tout aussi bien s'appeler Vegamian, le petit village où Julio Llamazares est né et qui a été englouti par les eaux lors de la construction d'un barrage. C'est vraiment triste. Mais, tant qu'il y aura des romans comme La pluie jaune, ils ne seront pas oubliés.
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Il y a le temps qui passe, le temps qui presse, le temps qui lasse et qui oppresse.
Le temps qui casse, celui qui stresse, le temps impasse de la vieillesse.
Le temps pluvieux, les temps anciens et puis l'absence et l'abandon.
Le manque, l'oubli.
Amnésie.
Le temps plus vieux, un temps périt…
Eau rage, haut désespoir, il y a la pluie, la pluie au fond de l'âme avec le coeur qui crachine.
Le goutte à goutte au bord du cil.
Il y a le vent, un courant d'air et puis… un dernier souffle.
Terre de pierres peuplée d'ombres, sur les vestiges quelques poussières.
La déchéance, et puis la cendre, le sablier, le temps passé.
Photos jaunies, instants tannés
C'est un vil âge, inhabité, c'est un village dépeuplé.

Merci à Dandine pour cette piste qui m'a mené jusqu'à Ainielle, ce village abandonné depuis le début des années 70 dans les Pyrénées Espagnoles, où j'ai rencontré la seule écriture qui me parle vraiment, une écriture d'une poésie infinie.
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Ainielle est un village des Pyrénées espagnoles. Un village au bord de l'oubli, noyé de neige et de silence. Un homme, le dernier habitant, se meurt, dans la solitude la plus totale. Entre confusion et lucidité amère, il essaie de se souvenir de ce que fut sa vie, des plaies qu'elle lui a laissées au fond de sa mémoire. « La pluie jaune de l'oubli » tombe goutte à goutte dans son coeur et c'est dans cette lenteur et cette touffeur du souvenir qu'il nous dit le poids d'une vie lorsque tous sont partis.

C'est un monologue introspectif que nous propose Julio Llamazares dans ce roman espagnol intitulé « La pluie jaune ». Un homme attend la mort, transi de peur, mais aussi pétri d'espoir face à ce qu'il considère, au final, comme une délivrance. Ce monologue est centré sur la mémoire : cet homme seul qui a vu tous ses proches partir essaie de se souvenir de ce que fut sa vie. Mais la confusion (la folie ? la démence ?) est là, au bout du parcours, et le fil ténu d'une existence se délite peu à peu. Cet aspect me semble très bien rendu par l'auteur : le propos ne suit pas un ordre chronologique. Passé, présent, futur s'entremêlent. L'homme met en doute sa mémoire, dans un instant de lucidité, et donne ainsi au lecteur un repère temporel, tout en se questionnant sur sa véracité :

« Si ma mémoire était fidèle. 1961, si elle ne mentait pas. Et qu'est-ce donc que la mémoire sinon un grand mensonge ? Comment pourrais-je être sûr que c'était bien la dernière nuit de 1961 ? » (p. 41)

« La pluie jaune » traite du thème de l'abandon et de l'exode : un à un, les habitants du village sont partis, laissant seuls l'homme et son épouse, Sabina. Leurs enfants sont partis. La chienne fidèle veille sur le couple. Mais des pertes tragiques guettent encore cet homme, jusqu'à l'ultime, tant redoutée, mais aussi tant désirée parce que salvatrice.

Le thème de l'oubli est également central dans cette oeuvre : l'oubli des autres qui sont partis, l'oubli de soi, à travers la confusion qui survient, symbolisée par « la pluie jaune ».

« Comme une rivière barrée, tout à coup le cours de ma vie s'était arrêté et, maintenant, devant moi, seuls s'étendaient l'immense paysage désolé de la mort, l'automne infini où habitent les hommes et les arbres qui n'ont plus de sang, la pluie jaune de l'oubli. » (p. 42)

Au final, c'est le thème du temps qui semble fédérer l'oeuvre, le temps qui amène l'oubli, à l'image d'une « pluie jaune ». D'un côté, « le temps finit toujours par effacer les blessures », mais, d'un autre, il est des plaies qui ne s'oublient jamais. Elles sont souterraines, selon les dires de l'homme, mais peuvent ressurgir à tout moment à l'occasion « d'une simple lettre, d'une photographie » :

« le temps finit toujours par effacer les blessures. le temps est une pluie patiente et jaune qui éteint doucement les feux les plus violents. Mais il est des brasiers qui brûlent sous la terre, des crevasses de la mémoire si sèches et profondes que jusqu'au déluge de la mort ne suffirait pas, quelquefois, à les faire disparaître. On essaie de s'habituer à vivre avec ces plaies, on amasse silence et rouille sur le souvenir et quand on croit qu'on a tout oublié, il suffit d'une simple lettre, d'une photographie, pour faire éclater en mille fragments la dalle de glace de l'oubli. » (p. 52.)

L'écriture chemine au gré d'un rythme lent, le temps d'une agonie, le temps d'une plongée dans les réminiscences d'une existence. le style est poétique : il en ressort une étrange beauté qui peut donner la sensation d'un charme hypnotique. Cependant, le propos me semble trop univoque, sur le mode unique de la plainte, de la complainte, du souvenir malheureux. A la longue, on peut se sentir étouffé voire oppressé. L'espoir reste absent de cette oeuvre.

Une oeuvre assez courte (un peu moins de 150 pages), bien écrite, au style poétique. Une oeuvre poignante, sur un mode introspectif, qui présente le vécu douloureux d'un homme abandonné, au seuil de la mort. Une oeuvre qui peut captiver par certains aspects mais dont on termine la lecture avec une réelle sensation d'oppression.
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La pluie jaune est le roman de l'exil et de l'oubli à travers le récit en forme de Lamento d'un survivant qui attend sa propre mort dans un village de montagne du Sobrepuerto peu à peu abandonné par tous ses occupants puis par ses propres souvenirs. Un homme qui est fidèle au passé, à ses ancêtres, qui a décidé qu'il ne partirait jamais et affronte à la fois les éléments (le froid, la neige, le vent, cette fameuse pluie jaune de l'automne), la faim, le désespoir, la folie et surtout la solitude qui devient comme une véritable présence, une ombre qui a le visage de la mort au point de lui donner le sentiment que son errance est déjà « l'écho ultime de la mémoire qui se dissolvait dans le silence ».

Dans un style élégiaque qui évite les excès de lyrisme à travers une prose subtile et lancinante, presque fantastique, LLamazares décrit l'agonie d'un village en même temps que celle du gardien de sa mémoire. La tristesse de l'abandon du départ fait place à la douleur du deuil puis à la folie que génère la faim, une piqûre de vipère et surtout la solitude insoutenable malgré la présence de sa chienne fidèle qui n'a pas de nom. Les fantômes du souvenir affluent peu à peu comme autant d'invitations à rejoindre les être aimés du passé dans l'au-delà. La nature tour à tour source de tourments dans les rigueurs de l'hiver et de réconfort aux premières lueurs du printemps finit par se figer progressivement avec l'arrivée de cette pluie jaune qui colore le village des tonalités de l'oubli. Ce roman est un petit miracle de poésie.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
On croit qu'on ne pourra jamais accepter sans peur l'idée de la mort. Tant qu'on est encore jeune, on la voit si improbable, si éloignée dans le temps que la distance même la rend inacceptable. Ensuite, à mesure que les années passent, c'est précisément le contraire - sa plus grande proximité - qui nous remplit de crainte et nous empêche à tout instant de la regarder en face. Mais, quel que soit le cas, la peur est toujours la même : peur de l'iniquité, peur de la destruction, peur du froid infini que l'oubli porte en lui.
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De cet endroit même où un jour mon père avait lui aussi vu les siens s'enfuir inexorablement, j'ai assisté désormais impassible à la décomposition dernière du village et de mon corps et j'ai attendu sans chagrin ni impatience que cette nuit vienne. Seule la chienne est restée avec moi jusqu'au bout. La chienne et cette rivière silencieuse, mélancolique, solitaire et oubliée comme moi, qui porte dans son courant le cours de ma vie et qui, seule, me survivra.
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Aujourd'hui je ne me souviens pas davantage du temps que j'ai passé sans dormir .Des jours , des mois , des années peut-être.Il ya un moment dans mon existence où les souvenirs et la vie s'interpénètrent.un point indéfini et mystérieux où la mémoire se dissout comme la glace et le temps devient un paysage immobile et impossible à appréhender .Peut-être plusieurs années ont-elle passé depuis ce moment là_ des années qu'un homme quelque part se sera certainement soucié de compter .Ou peut être que non .Peut être la nuit que je suis entrain de vivre est-elle toujours la même que celle oùj'ai compris que j'étais déjà mort et donc , que je ne pouvais plus dormir .Mais , quoi qu'il en soit , qu'est ce que cela peut bien faire maintenant ? Que cent jours , cent mois ou cent ans se soient écoulés , quelle importance ? Cela s'est fait si vite que c'est à peine si j'ai eu le temps de les voir s'enfuir.Si c'est toujours la même nuit qui au contraire se prolonge , sombre et interminable , pourquoi évoquer à présent un temps qui n'existe pas , un temps qui couvre de sable mon coeur ?
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Mais brusquement, vers les deux ou trois heures du matin, un vent léger se fraya un passage par la rivière : la fenêtre et le toit du moulin se remplirent tout à coup d’une pluie drue et jaune. C’étaient les feuilles mortes des peupliers qui tombaient, la pluie lente et paisible de l’automne qui revenait vers les montagnes pour couvrir les champs de vieil or et les chemins et les villages d’une douce et sauvage mélancolie. Cette pluie dura quelques minutes à peine, mais suffisamment pour colorer en jaune la nuit entière et pour me faire comprendre, à l’aube, lorsque la lumière du soleil revint incendier mes yeux et les feuilles mortes que c’était elle qui rouillait et détruisait lentement, automne après automne, jour après jour, la chaux des murs et les vieux calendriers, le bord des lettres et des photographies, la machinerie abandonnée du moulin et de mon cœur.
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Le temps finit toujours par effacer les blessures. Le temps est une pluie patiente et jaune qui éteint doucement les feux les plus violents. Mais il est des brasiers qui brûlent sous la terre, des crevasses de la mémoire si sèches et profondes que jusqu’au déluge de la mort ne suffirait pas, quelquefois, à les faire disparaître. On essaie de s’habituer à vivre avec ces plaies, on amasse silence et rouille sur le souvenir et quand on croit qu’on a tout oublié, il suffit d’une simple lettre, d’une photographie, pour faire éclater en mille fragments la dalle de glace de l’oubli.
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