Cela faisait quelques temps déjà que je voulais découvrir
Robert Merle, j'avais d'ailleurs repéré son «
Malevil » qui attend toujours dans ma PAL. Mais «
La mort est mon métier » s'est finalement invité en premier, l'occasion d'échanger avec mon fils qui a fait cette lecture en janvier pour ses cours.
Et bien je peux dire que j'apprécie la plume de l'auteur car, malgré la difficulté du sujet, j'ai dévoré les 400 pages en une semaine.
Sujet difficile car jamais simple de s'immerger dans l'Histoire des camps de concentration de la seconde guerre mondiale.
Ici l'auteur nous retrace le parcours de
Rudolf Höss - Rudolf Lang dans le roman - ancien commandant du camp d'Auschwitz.
La préface de R. Merle est intéressante car il explique entre autre qu'il s'est principalement appuyé sur les rapports de G. Gilbert, un psychologue américain, qui a pu s'entretenir avec ce haut gradé nazi avant son exécution.
« Il y a une différence entre coucher sur le papier ses souvenirs en les arrangeant et être interrogé par un psychologue… » Préface
C'est que Lang/Höss a une personnalité complexe. Une enfance difficile, traumatisante même, où il présente déjà des troubles qui vont façonner sa personnalité. L'éducation très stricte, quasi militaire de son père, le conduit à réprimer ses émotions et à adopter une attitude de soumission. On le découvre peu sociable, avec un grand besoin de cadre, de règles et de rituels pour dérouler sa journée et ne pas faire de « crises ».
La discipline de l'armée ne pouvait que lui convenir, et, conforté par son fort sentiment nationaliste, davantage encore son adhésion pleine et entière à la philosophie nazie.
Et les hauts dirigeants nazis l'ont d'ailleurs bien compris en lui confiant la mise en oeuvre de leur monstrueuse « solution finale ».
« - Je vous ai choisi, vous, à cause de votre talent d'organisateur…
Il bougea légèrement dans l'ombre et articula avec netteté :
…et de vos rares qualités de conscience. » P274
Pour sûr, le bon profil pour obéir aussi aveuglément à de tels ordres. On voit au fil des pages que la soumission au chef est un refuge pour lui, une ligne de conduite qui le rassure et l'apaise. Inutile de se poser de questions, du point de vue moral j'entends, tout est simple : le chef a ordonné ; il suffit d'obéir.
« Il ne m'est jamais venu à l'idée de désobéir aux ordres. » P412
Et c'est par sa narration que l'on voit comment ces camps d'exterminations ont été progressivement élaborés, les difficultés rencontrées et les solutions envisagées. Des horreurs décrites froidement, avec un oeil pragmatique, déshumanisé. Il ne parle d'ailleurs pas d'humains, mais d'unités.
« -En fait, reprit-il, tuer n'est rien. C'est enterrer qui prend du temps. » P319
Une lecture difficile par son contenu, pas simple pour mon fils d'en mesurer vraiment l'horreur et surtout sa réalité. Cela parait tellement impensable que des humains organisent de telles choses…
En faisant quelques recherches sur le net (dont des photographies des protagonistes pour donner plus de réalité à ce récit à mon fils), je suis tombée sur cette citation de Gustave Gilbert, le psychologue :
« Höss donne l'impression générale d'un homme intellectuellement normal, mais avec une apathie de schizophrène, une insensibilité et un manque d'énergie que l'on ne pourrait guère trouver plus développés chez un franc psychopathe ».
Robert Merle le dépeint tel quel dans son livre.
Je ne suis pas prête d'oublier ce récit, ni ce bourreau.
Un livre d'Histoire incontournable, c'est certain.