5 étoiles sans hésiter pour ce grand grand classique, indispensable, nécessaire mais ô combien difficile à lire, à entendre, à réaliser.
Les pages sont lourdes tant elles regorgent de réalités, de scènes, de données chiffrées accablantes, qui donnent la nausée, la chair de poule.
Je termine cet opus, l'estomac noué, la gorge serrée.
Pourtant, je ne peux que vous conseiller de lire ces pages qui donnent un éclairage très précis, quasi clinique, sur une fâcheuse réalité : comment un homme ordinaire peut basculer dans l'horreur la plus totale, et commettre l'irréparable.
Il est certain que si vous êtes plus attirés par une lecture sucrée, détente en ce moment, il vaut mieux remettre cette lecture à plus tard.
Rudolf Lang (personnage inspiré de
Rudolf Hoess), "une sacrée caboche de Bavarois", "un hareng mort", "tout à fait sans coeur" (comme il se décrit lui-même), cynique personnage "aux yeux froids", "déshumanisé" ... suit les ordres tombés de plus haut, fait son devoir à tout prix, désireux aveuglement de suivre les ordres et à qui "il n'est jamais venu à l'idée de désobéir aux ordres".
Himmler en personne lui confie la tâche de former un escadron de SS, puis celle abjecte d'exterminer le plus d'"inaptes" possibles, davantage qu'à Treblinka. Ce sont des ordres !
A plusieurs reprises, on perçoit des doutes, des tentatives de refus de la part de Rudolf, mais les ordres sont les ordres.
"Notre Führer Adolf Hitler avait défini une fois pour toutes l'honneur SS. Il avait fait de cette définition la devise de sa troupe d'élite : "Ton honneur", avait-il dit, "c'est ta fidélité". Désormais, par conséquent, tout était parfaitement simple et clair. On n'avait plus de cas de conscience à se poser. Il suffisait seulement d'être fidèle, c'est-à-dire d'obéir. Notre devoir, notre unique devoir était d'obéir. Et grâce à cette obéissance absolue, consentie dans le véritable esprit du Corps noir, nous étions sûrs de ne plus jamais nous tromper, d'être toujours dans le droit chemin, de servir inébranlablement, dans les bons et les mauvais jours, le principe éternel : L'Allemagne, l'Allemagne au-dessus de tout."
"- Mais c'est tout bonnement impossible !
[...]
- Mein Lieber, dit-il d'un air jovial et important, Napoléon a dit qu'"impossible" n'était pas un mot français. Depuis 34, nous essayons de prouver au monde que ce n'est pas un mot allemand."
Les chiffres ne me dérangent pas mais ceux relatifs à Auschwitz, aux Konzentrationslager, alors ceux-là, je les vomis (excusez-moi pour l'image !).
Les descriptions sont cliniques. Aucun détail n'est épargné au lecteur, les étapes nécessaires à l'élaboration de la meilleur technique, celles qui vont permettre tuer encore davantage sont disséquées, de même que celles qui visent extermination totale ... Rappelez moi, je vous ai dit que cette lecture n'était pas une lecture détente !
Pourtant, il faut les avoir lus ces détails, au moins une fois, pour ne pas oublier, pour essayer aussi de comprendre comment les SS ont pu basculer dans ces abjections les plus totales.
L'absurdité de la guerre n'échappe pas à la plume de
Robert Merle. On retrouve le même désarroi des soldats qu'évoquer dans "Les Feux" quand la guerre s'arrête et qu'ils sont livrés à eux-mêmes, plus aucun ordre ne tombant d'en-haut, ne sachant que faire, ni comment agir. Des jeunes enrôlés que l'on s'empresse de destituer quand on n'a plus besoin d'eux.
Rien n'est suggéré dans cette oeuvre, la plume est excellente, sans concession aucune ...
C'est aussi ça la littérature, porter un regard sur les pages sombres de l'Histoire fait du bien quelque part, et aiguise notre perception et notre conscience, nous pousse à réfléchir.
Une oeuvre capitale.