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EAN : 9782070770694
240 pages
Gallimard (01/04/2004)
4/5   8 notes
Résumé :

J'évoque quelques-unes des œuvres sans lesquelles je ne serais pas tout à fait ce que je suis, la musique comptant autant que le sang, la terre, la religion ou la langue dans ce qui détermine un être. J'avais sept ou huit ans, et déjà la musique était tout sauf un divertissement ; les larmes que me tirait l'andante du Concerto pour clarinette de Mozart, la profonde songerie où me poussaient la Septième de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un livre superbe, où les lecteurs pareillement atteints de la passion de la musique auront le plaisir de se retrouver..
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INTERMEZZO VIII
Anciennes voix d'enfants
     
Longtemps j'ai détesté le théâtre et l'opéra, à cause de la voix — qui est la nudité même.
J'appartiens à une génération silencieuse, qui répugne à l'emphase, au pathos, à la doxa, à l'exhibition, à la barbarie posthumaniste ; la voix vive, la voix haute me semblait le lieu de bien des impostures ; à cela je préférais les voix blanches ou muettes.
Mêlée de voix, la musique avait pour moi quelque chose d'impur, même dans le lied ou dans la musique sacrée — laquelle, pensais-je avec excès, doit instrumentaliser la voix et non se mettre au service d'un texte, en une trop humaine tautologie. J'aurai voulu que ce fût le silence qui chantât.
...
Un titre du compositeur George Crumb ne cesse de me hanter : Ancient Voices of Children.
C'est à quelque chose de cet ordre qu'écrivant j'en appelle, que je tente de capter, la voix de l'enfant que je fus et, avec mon enfance, ce qui se tait dans toute enfance, dans le taire du taire, chez ceux qui ont le souci de passer sous silence ce que la voix fait surgir du fond bruyant des langues, ceux aussi (mes ancêtres) qui ont parlé au plus bas de la voix et qui me demandent, taciturnes, taiseux, d'accompagner dans l'écriture leur mouvement vers le taire qui n'est ni tout à fait le silence ni un murmure d'avant-mort ou d'outre-tombe, mais l'éternelle réticence de la parole. Une pudeur, aussi bien, qui a autant à voir avec la religion et l'expérience artistique qu'avec l'enfance. Avec ce qui, littéralement, ne parle pas mais dit quelque chose de la profération silencieuse comme de l'au-delà légendaire du sens : le sens comme légende, le toujours à dire, ce qui demeure en suspens de soi dans la littérature comme dans la musique, lorsque le chant déploie tel poème que je ne reconnais pas ou ne comprends pas vraiment (ou ne veux pas comprendre), mais que j'entends comme supplément, arrêt, ou généreuse absence de sens — voire comme supplique au sens: un redéploiement signifiant dont est exemplaire tout poème mis en musique, voix et instruments échangeant leurs propriétés respectives dans une instrumentalité nouvelle que nous pouvons entendre comme un ordre intime, neuf et lumineux, de la signification, et néanmoins proche de l'enfance de la voix : ce qui chante dans le chant et qui est si proche du silence en appelle souvent, fatalité ou assomption, aux grandes formes du déploiement narratif, roman, poème épique, symphonie, opéra...
     
Extraits, pp. 167-169
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(...) il parlait les yeux fermés, et ne travaillait à rien d'autre qu'à ses oeuvres, supposais-je à le voir demeurer presque tout le temps au salon, face au bow-window, immobile, dans un silence que je ne pouvais m'expliquer que comme le travail même de la création, sans toutefois aller jusqu'à deviner qu'un créateur travaille aussi bien quand il n'est pas à son piano ou à sa table de travail que lorsqu'il y peine, que les oeuvres s'élaborent en nous autant que nous y travaillons, et qu'elles nous façonnent de la même façon, sinon mieux, que les années.
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(...) j'entrais dans le véritable exil, qui est intérieur, et qui a partie liée au temps bien plus qu'aux lieux, la nostalgie n'étant que le mouvement d'un retour qui ne cesse d'avoir lieu par défaut ou surcroît de sens. Nous savons qu'il n'y a pas de retour; Ithaque nous est aussi fermée que Cythère, et les seules expériences de retour se font, à travers l'Achéron, grâce à l'art et dans la nostalgie de ce qui est à venir.
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Vespérale ou nocturne, la pluie est liée à un sentiment de quiétude, proche et rare bonheur que seule me donne encore à ce point la musique et dont la nature me reste énigmatique. (...) Elle obéit à des rythmes aussi complexes que ceux de Messiaen; elle est, avec le corps à corps amoureux, une des scansions les plus apaisantes qu'il nous soit donné de connaître; elle est musique d'un silence neigeux.
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(...) les plus belles des musiques, celles qui me requièrent tout entier, sont les oeuvres qui ont lieu au plus près du silence et dont Anton Webern, Federico Mompou, Luigi Nono, Morton Feldman, Györgi Kurtag, pour citer quelques compositeurs qui aujourd'hui m'accompagnent, ont noté le bruissement stellaire, arachnéen ou mystique qui fait de la musique un silence traduisant un surcroît de silence."
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