Déjanté, dérangeant, limite délirant, sont les qualificatifs qui me viennent à l'esprit concernant ce recueil de 11 nouvelles, reçu par le biais d'une Masse Critique Littérature (merci Babelio et les Editions Paul et Mike, dont j'ignorais l'existence avant). Bon, le résumé me laissait entrevoir quelque chose qui sortirait des sentiers battus, mais là quand même, j'en suis restée comme deux ronds de flan...
Difficile de résumer des nouvelles, surtout aussi insolites et variées, mais elles ont en commun de mettre en scène des personnages et des situations qui, sous des dehors de banalité parfaite, partent rapidement et totalement en vrille. Exemple : dans "Frais de porc (inclus)" la n°10 et la plus courte, ça démarre sur une banale dispute de couple, la femme s'enferme dans sa chambre pour y pleurer tranquillement, mais au bout de quelque temps l'époux affamé souhaiterait qu'elle en sorte pour lui faire à manger. Rien de très original, tout ça, sauf que...quand la femme claque la porte et s'en va, on découvre l'origine de la dispute, et on est plié de rire (enfin moi en tout cas). En 4 pages,
Arnaud Modat nous invite à franchir la frontière entre le quotidien et son monde totalement incorrect où il se permet tout ce qui ne saurait être dit et fait dans la vraie vie. Cet humour grinçant et sans filtre se retrouve dans chacune des histoires, surtout dans "La rançon" (n°4), où monsieur G. est appelé par un démarcheur téléphonique de la société "un seul être vous manque" qui va tenter de lui extorquer une rançon, ou plutôt une "soustraction à enjeu lucratif" comme il préfère l'exprimer, pour récupérer sa femme. Un orteil de celle-ci a été placé dans le frigo de monsieur G., à titre de preuve de l'enlèvement, ce qui perturbe quelque peu son repas. le problème, c'est qu'il ne tient pas vraiment à ce que Diane G., 47 ans, 58 kilos, bipolaire, revienne, ce qui n'arrange pas les affaires de cette société un brin particulière ! Ou encore dans "Pendant ce temps-là, au Darfour" (n° 8), où l'on assiste, hilare, à un dialogue surréaliste entre Papa, Maman et Jean-Timéo le fiston qui ne veut pas manger ses frites :"tu ferais mieux de la manger, Jean-Tim. Ça se fume pas, une McCain ! Il est couillon quand même...". Il finira par manger, mais pas sa frite, pendant que Maman se bourre la gueule en essayant de lui enseigner le conditionnel et que Papa tente de lui inculquer des rudiments de culpabilité judéo-chrétienne.
Voilà pour les plus brèves, mais il y a également des textes plus développés, comme "Les limites de la philosophie chinoise" (n°1) où l'auteur décrit, à la 1ère personne, le sauvetage de Sophie, en proie à une crise d'épilepsie sur les marches de la médiathèque
Olympe-de-Gouges, bien connue des strasbourgeois et de moi-même. N'écoutant que son courage et son brevet de secouriste, il vole au secours de la malheureuse, soutenu par les conseils et les commentaires des passants, qui ont chacun leur idée de ce qu'il convient de faire. Heureusement, il est là pour distribuer les tâches et coordonner la délicate opération. Parviendra-t-il finalement à restituer "Destins yaourt", célèbre oeuvre d'
Edika, à la médiathèque ? Si tu veux le savoir, lis l'histoire ! Idem si tu veux découvrir si Arnaud qui "aime le rock mongoloïde désespéré", va perdre sa virginité avec Sabine, sa monitrice d'auto-école, ou avec Tiffany, page 48 et 49 du catalogue des 3Suisses, dans "Un chef-d'oeuvre d'humour juif " (n°2). Si tu préfères les ambiances plus tragiques, va faire un tour en bord d'océan avec un jeune homme atteint de sclérose en plaques, qui se réveille en plein lendemain de cuite au moment où la marée monte, déjà à moitié immergé. Suspense : Luna, sa sex-thérapeute, l'a-t-elle abandonné à son triste sort ? on suit l'affaire dans "Death on two legs" (n°5, le titre est un morceau de Queen).
Et pour finir en fanfare, dans "Continuer ou non à se laver les dents" (n°11) nous retournons à Strasbourg où tout avait commencé, mais cette fois près de sa superbe cathédrale (désolée, je suis un peu chauvine). Les rues y sont pavées et souvent encombrées de touristes, ce qui va causer l'accident du narrateur cycliste. Accident fatal pour le vélo, mais qui va entraîner toute une série de conséquences ubuesques pour son propriétaire, ponctuées par des rencontres avec : Her Keller, son ancien prof d'allemand de 4ème, un garçon de café en rollers, un orateur prophète de l'apocalypse qui n'est pas un inconnu, des personnages de roman, un militaire de l'Opération Sentinelle qui se sent sous-employé, Cyril, ex-responsable de plate-forme téléphonique reconverti en présentateur-animateur de fusillade et pour finir en beauté (!), la romancière-chroniqueuse
Christine Angot. Je n'en dirais pas plus, n'insistez pas !
Un conseil : ne vous cassez pas la tête à chercher le rapport entre les titres et les histoires, à mon avis il faudrait creuser dans le cerveau de l'auteur pour le trouver, mais laisser-vous emporter sans complexes dans son univers loufoque et borderline. Tout ne m'y a pas plu sans réserve, mais je ne regrette franchement pas le voyage, même si j'ai du le faire en plusieurs étapes, entrecoupées d'autres lectures histoire de m'aérer un peu les neurones entre deux nouvelles. Une chose est sûre, quand j'ai coché ce titre, je ne m'attendais pas à cette découverte plus que surprenante.