Un destin en images

Irène Némirovsky n'aura donc obtenu ni le prix Goncourt ni la nationalité française , encore refusée en septembre 1939 en raison des "circonstances" et malgré de prestigieux soutiens . Le baptême catholique , reçu en famille , ne l'a pas mieux protégée que son talent . Dénoncée , arrêtée , elle est internée au camp de Pithiviers le 15 juillet 1942 .
Sa dernière nouvelle paraît le même jour , sous pseudonyme , dans l'hebdomadaire "Présent" : "Regardez-moi .Je suis seule comme vous à présent , non pas d'une solitude choisie , recherchée , mais de la pire solitude , humiliée, amère , celle de l'abandon , de la trahison ". Aucun appel de détresse n'empêche le départ du convoi n° 6 pour Auschwitz le surlendemain . Sa voix se tait , victime non de l'oubli , mais du crime organisé et de la complicité . Plus de soixante ans après , le succès international de "Suite française" n' a pas lavé cette honte , mais il l'a rendue criante .
Irène Némirovsky a bu jusqu'à la lie son "vin de solitude" . L'ivresse l'animait encore lorsqu'elle se livrait , dans "Suite française" , au saccage de ses illusions . Et dans la marge , c'est en français qu'elle a écrit : "Mon Dieu , que me fait ce pays" ? La langue , la langue seule , son premier et son dernier refuge , lui sera restée fidèle .
OLIVIER PHILIPPONNAT