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EAN : 9782848763620
375 pages
Philippe Rey (03/10/2013)
3.45/5   37 notes
Résumé :
Avec ce recueil de nouvelles (chacune un vrai roman en soi) et qui pourrait s'intituler Terreurs tranquilles, Joyce Carol Oates prouve encore, s'il en était besoin, son incontestable maîtrise du genre. En proie dès le début à un malaise grandissant, impossible à analyser, l'innocent lecteur devient la victime consentante d'une panique subtile qui finit par le laisser, au bout de ces récits, pantelant d'angoisse, incapable de distinguer un bonheur entrevu d'un malheu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Panique… Et je n'ouvre que la première page, je suis pris d'une panique grandissante devant ce petit mouvement de violence qui s'instille dans cette putain de vie. Il ne faut pas grand-chose pour déliter une vie, un bus, un flingue et la panique. Mais courageux, je suis, persévérant je continue. Je me prends un verre de whisky, un Cutty Sark, comme le trois-mâts. Les souvenirs refont surface et égrènent cette douleur insidieuse qui sue à travers les pores de ma vie, de mon être, mal-être. Un couteau, long, effilé, la lame froide, l'âme froide, tentant, très. Je prends une lame de rasoir, une perle de sang coule, s'écoule, mes veines se teintent, se vident, ma vie s'écoule le long…

Dans un centre de remise en forme ou une décharge, la vie a ses ombrages, sa violence intrinsèque. En cure de désintox, je récite le sutra du coeur, celui d'une vie, d'une femme, d'un homme. Une idylle qui a également son lot de violence, de trahison, de fausse harmonie. A Princeton. A Lost Lake Mountain. En zazen ou recroquevillé dans un vieux fauteuil en cuir. Un coup de Kyôsaku sur l'épaule ou une seringue plantée dans le bras, un aller-retour des pensées et de la méth, l'âme s'écoule en ta demeure de chair. Chère Carol, ou Joyce, je crois que c'est mon premier recueil que j'aborde avec toi, j'aurais envie de te l'écrire, te le dire, un verre de Cutty Sark entre nous, mais le déséquilibre du lecteur sorti de sa poussière peut s'avérer dévastateur. J'ai adoré, ces histoires sombres où l'espoir a abandonné nos misérables vies poussiéreuses. Cela fait du bien, un bien fou de se sentir mourir à petits feux dans l'univers ombragé de tes nouvelles.
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La grande dame de la littérature américaine a encore frappé. Au moins en ce qui me concerne. Ce recueil de nouvelles aurait pu s'intituler "Terreurs tranquilles", comme le suggère la quatrième de couverture, ou "Les contes cruels", pour faire un petit emprunt chez L'Isle Adam.
Les petites drames des gens ordinaires (père aveugle ou soeur handicapée à gérer, trop d'amour à offrir mais pas assez en retour, l'ennui pesant pendant les longues soirées d'hiver, impossibilité de remplir son rôle d'épouse, d'amant, d'enfant....) sont traités ici avec un mélange de cynisme et de la mélancolie; avec un détachement presque descriptive. Presque tous les personnages d'Oates (sauf, peut-être dans "Remise en forme suicidaire", la fin était elle "bonne"?) sont pris ici aux débuts de la descente dans une spirale infernale, et il n'y a pas beaucoup qui s'en sortent indemnes.
Car c'est la façon d'écrire de Joyce Carol Oates; cela peut-être le métaphorique "Maudits", les livres-histoires comme "Confessions d'un gang de filles" ou ce recueil d'un noirceur délibéré qui est "Cher époux", on y trouve toujours ce perfide "indicible" planant entre les lignes, qui nous met mal à l'aise avec beaucoup de finesse et de subtilité.
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Joyce Carol Oates, c'est plus d'une cinquantaine de romans, essais, nouvelles (on s'approche peut-être même de la centaine ?!). de ce décompte qui fout le vertige, j'ai du en lire 3 ou 4 , c'est dire si je ne connais encore rien à son oeuvre foisonnante. Malgré tout, j'ai apprécié – et pas qu'un peu – le peu que j'ai lu jusque là... En tout cas jusqu'à "Cher Époux"

Pas que c'est mauvais ni rien, faut pas abuser, mais y'a pas ce petit truc accrocheur (oui, j'aime employer des termes hautement techniques afin qu'on me comprenne clairement) que j'avais trouvé dans ses livres lus précédemment. On a ici une succession de nouvelles que j'aurais tendance à qualifier d'inégales même si j'ai conscience que ce sont mes goûts personnels qui parlent et non pas le style, l'écriture ou le talent de l'auteure. Parce qu'à ce niveau, il y a tout ce qu'il faut, on sent qu'on a quand même sous le nez quelqu'un qui connait son affaire et qui la connait bien.

Finalement ce manque d'enthousiasme sur ce recueil viendrait plutôt du fait que ces nouvelles ne marquent pas. Elles se lisent, et elles se lisent avec plaisir mais un fois fermé, ce livre ne laisse pas de traces derrière lui.
C'est peut-être le bémol quand on est aussi prolifique : on ne peut pas mettre dans le mille à chaque coup.
Je suis sûre que le prochain m'accrochera mieux, si, si, si... il a intérêt !
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Novice dans la découverte de ce genre littéraire, j'ai lu ces nouvelles avec plaisir. Sans être ni trop longue ni trop courte, on reste parfois sur sa fin, mais je crois que c'est un peu le but !
Les différentes nouvelles sont variées et traitent de sujets très divers. On ne présente plus Joyce Carol Oates et ce recueil est a l'image du talent de cet auteur !!!
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Je m’appelle ________________. Je suis un _________________. En désintox à Watertown. Par longs segments entortillés, on vous éviscère. Vingt-neuf ans lorsque incarcéré dans le centre (fermé, sécurité moyenne) et trente ans quand j’en suis sorti, « sevré », « clean », sept mois plus tard et pour la première fois mes pensées étaient si claires et si cristallines que j’étais capable de pleurer sur ma jeunesse – « prometteuse » - perdue – quoique très probablement, soyons réalistes, la perte de ma jeunesse prometteuse ne pouvait avoir plus d’importance que des détritus voletant dans le vent. Et pourtant : ‘Nous avons foi en toi, en ton talent. Tout ce que tu as à vivre et à apporter au monde’. C’était ainsi, en déintox, quand les hallucinations s’étaient calmées, quand on avait cessé de me donner cet anticonvulsif qui me faisait l’âme aussi plate que ces cadavres d’animaux écrasés sur les routes, je m’étais remis à écrire, des poèmes lyriques dans le style "Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux ? Et je l’ai trouvé amère. Et je l’ai injuriée" dont vous ne m’auriez pas cru capable (n’est-ce ? Vous qui vous imaginez avoir vu au fond de mon cœur ?) car j’avais un jour su assez de français pour lire Rimbaud, et cela avant mon amour pour Magda Maria dont la famille venait du Québec, une poésie lyrique jaillissant comme la flamme irisée d’un briquet bon marché et ayant la nature fugace de cette flamme que certains prennent pour les illuminations profondes de l’âme.
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Magda Maria était-elle vivante ? - dormant profondément, gémissant dans son sommeil, transpirant, une sueur huileuse à l'odeur de musc, sur son cou crasseux un pouls battait faiblement sous la peau, allongé près d'elle dans le naufrage de notre amour je la serrai dans mes bras quand elle se mit à respirer plus difficilement, produisant un bruit guttural Euh-euh-euh pareil à un gémissement sexuel, à moins que ce ne fût le son rauque de ma propre respiration, des glaires dans ma gorge, tels de lourds serpents assoupis nos membres s'entrelaçaient, encore un peu, pensais-je, juste un petit peu pour nous deux, avant que nous glissions dans le réconfort de l'oubli, pas grand-chose, un centimètre, quelques secondes Magda Maria je ne t'abandonnerai jamais mais je perdis connaissance et à un moment de la nuit Magda Maria dut cesser de respirer, dut basculer de l'autre coté sans moi, cette seconde fois où je me réveillai, Magda Maria était totalement immobile, rigide dans mes bras, mes lèvres effleurèrent ses lèvres froides sans susciter de réaction, sa peau était froide et moite, je ne perçus aucune pulsation sur son cou, je ne perçus aucune pulsation à son poignée, je ne perçus aucun battement de cœur sous ses côtes délicates, de plus en plus affolé je l'appelai par son nom mais ne pus ranimer ma chère Magda Maria et je me glissai donc hors de notre lit souillé et nu et les mains tremblantes, je cherchai à tâtons mes chaussures tâchées d'eau, quittai la chambre 408 de l'Empire Hotel sentant l'odeur de notre amour, sperme et mucus séchés, vomissures et mort, et m'enfuis.
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Un silence, de nouveau. J.J. contemplait l'haleine fumante de son père : si fugitive, la visibilité du souffle.
"Jon ? Tu m'écoutes ?
- Bien sûr, papa. Qui d'autre écouterait tes conneries ?" Jon rit.
"Inutile d'être grossier, Jon.
- Reste où tu es. N'avance pas, papa."
Grâce à sa nouvelle vision remarquable - ses yeux étaient de vrais lasers - J.J. vit parfaitement ce que son père mijotait ! Comme dans les films, où on lit dans le regard d'un acteur ce qu'il s'apprête à faire, et où on sait - c'est une étrange prémonition cinématographique qui s'accentue, plus on voit de films - comment cela va finir : le coup de feu en plein visage, le sang qui gicle de la bouche, le nez qui explose. Cela se passerait si vite, avant même que l'oreille n'enregistre la réplique assourdissante des coups de feu. Et une fois que l'homme serait tombé, sur la neige éclaboussée de sang recouvrant la terrasse en séquoia, rien ne pourrait empêcher le canon de fusil de s'abattre sur sa tête comme un démonte-pneu ou une hache. Jusqu'à ce que le crâne éclate comme un melon.
Plus que mûr, pourrissant. Répandant ses graines pourries comme une cervelle.
En cours d'anthropologie, on pouvait apprendre que dans les civilisations "aborigènes" le cerveau des anciens respectés est dévoré par les jeunes. Exclusivement entre mâles : père-fils.
C'était la méth qu'avait dû fumer J.J., qui lui donnait cette clairvoyance fantastique. Cette merde vous bousille le cerveau - aucun doute là-dessus ! - mais en échange de pouvoirs surnaturels.
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Ce n'est pas la première fois que Serena se coupe, elle avait commencé dans son école quaker à quatorze ans. De légers coups de rasoir à l'intérieur de ses bras minces, où ses manches dissimulaient les fines petites blessures. Pour piquer et pour réconforter. Le sang jaillissait si vite, comme une caresse. Elle pressait sa langue sur les écorchures, léchait le sel de ce sang secret.
Plus tard elle s'était fait des coupures à l'intérieur des cuisses (elle avait beau jeûner, elles lui paraissaient épaisses, lourdes, flasques, laides), sous sa toison bouclée de poils pubiens la peau douce et pâle.
Adolescente, Serena s'était servi d'un rasoir, jamais d'un couteau. A présent, elle n'aurait su dire pourquoi, même si dans un poème elle aurait pu explorer la subtilité de ces distinctions, l'idée d'utiliser un rasoir lui répugne. C'est un couteau qu'il faut, mais pas un couteau ordinaire : un couteau qui soit une œuvre d'art, sauvage, étincelant dans le soleil hivernal.
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Je baissai ma propre voix, devenue légèrement rauque parce qu'elle ne servait pas souvent. "J'y pense tous les jours, dis-je. Dès l'instant où je me réveille, j'ai cette pensée-là en tête.
- Quelle pensée ?
- Qu'aujourd'hui sera peut-être ce jour-là. Son dernier jour."
Abigail me dévisagea. Un long moment elle parut incapable de parler. " Et que... que ressens-tu ? Quand tu penses cela ?
- De l'anxiété. De l'excitation. De l'espoir.
- 'De l'espoir.' "
Agibail ne semblait pas vouloir me provoquer ni même me questionner, elle essayait simplement le mot.
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Vidéo de Joyce Carol Oates
Après seize ans de négociations, le réalisateur Stig Björkman a convaincu Joyce Carol Oates, 85 ans, de lui ouvrir les portes de son univers. Portrait sensible de l’immense romancière, inlassable exploratrice de la psyché noire de l'Amérique.
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Joyce Carol Oates (difficile si vous ne connaissez pas son oeuvre)

Un des nombreux romans de Joyce Carol Oates est consacré à Marilyn Monroe. Quel en est le titre ?

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