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sur 271 notes
Comme il est amusant de se dire qu'à la prochaine personne qui nous dira qu'elle a lu tout Freud, on pourra répondre qu'elle aurait sans doute mieux fait de faire autre chose, qu'elle n'a lu que la pensée d'un seul, qui prétendait appliquer à tous ce qu'il ne ressentait que lui-même et que toutes ses constructions ne sont qu'une philosophie, pas plus scientifique que le marxisme ou le kantisme. Quant aux quelques résultats qu'il a obtenus (quand il n'était pas falsifiés), ils étaient majoritairement dus à d'autres types de thérapie (cures thermales, drogue, toucher, etc...).
Onfray m'a convaincu. j'espère ne pas apprendre un jour que ses écrits relèvent eux aussi de la plus grande affabulation !
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Bien que peu enthousiasmée par la lourdeur du titre , j'ai osé la rencontre avec le grand imprécateur des média, digne successeur de Jean-Edern Hallier pour les sautes d'humeur et le côté persécuté. Hélas je n'ai pas pu lire en entier cet ouvrage qui se donne donc pour but rien moins que le déboulonnage d'une idole,j'ai été stoppée pour un détail peut-être, mais le diable est dans les détails.
La pensée négative était le sujet de la thèse du jeune Michel Onfray. On ne peut pas dire qu'il ait beaucoup avancé sur ce point. Mais ce qui me paraît infiniment plus grave est qu'il n'entende rien au sous-entendu.
Ainsi, qu'il brandisse triomphalement , comme preuve de son abjection,une petite note très ironique de Freud, sommé d'écrire après une garde à vue qu'il avait été bien traité par la Gestapo, et écrivant en effet qu'il recommandait chaudement celle-ci, qu'il ne comprenne pas le trait d'esprit de ce vieil homme en danger de mort (pas plus d'ailleurs que les nazis n'y ont pigé quoi que ce soit, qui ont libéré Freud et sa fille Anna et donné l'autorisation de leur départ pour Londres) qu'il prenne donc la lettre au pied et n'en saisisse pas le sens, voilà qui est inquiétant pour la validité de toutes les analyses de Michel Onfray. On peut donc être philosophe et ne rien entendre aux lois du discours, méconnaître l'existence et l'usage de la connotation.
Pour moi, la cause est entendue, et je laisse à ses nombreux lecteurs (à qui je ne veux aucun mal, je le précise car les sous -entendus sont parfois perdus dans le tumulte des croisades philosophiques ou pseudo philosophiques) je laisse donc à qui s'y intéresse les deux mètre cinquante linéaires d'oeuvres de Michel Onfray. C'est vrai, il y a longtemps ,j'ai voulu acheter un ouvrage de cet auteur, et je n'ai pas pu faire un choix devant cette avalanche de titres aussi discrets que les trompettes de Jéricho. Si Nietzsche parlait de philosophie à coup de marteau, il disait aussi que la vérité s'approche avec des pas de colombe...
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Je fais partie des gens que le freudisme agace, cela depuis de lointaines études et l'interdiction qu'il y avait alors à mettre en doute les affirmations de l'enseignant. Elles devaient être admises sans discussions possibles. J'ai toujours considéré la psychanalyse comme une thérapie peu fiable aux résultats très incertains et d'une durée risible. Ceci posé je n'ai jamais, au grand jamais mis totalement en doute les thèses de Sigmund Freud ou comme les appelle Michel Onfray ses " cartes postales

«Freud a découvert l'inconscient tout seul à l'aide d'une auto-analyse extrêmement audacieuse et courageuse»
«Freud a découvert une technique qui, via la cure et le divan, permet de soigner et de guérir les psychopathologies»
«la psychanalyse procède d'observations cliniques, elle relève de la science»
«le complexe d'Oedipe est universel»,
«la conscientisation d'un refoulement obtenue lors de l'analyse entraîne la disparition du symptôme»

et bien sûr : l'interprétation des rêves, les actes manqués, le déni, toutes ces notions développées dans une oeuvre qui occupe plusieurs rayons de bibliothèque, oeuvre qui semblait intouchable.
C'était sans compter sur Michel Onfray, éternel empêcheur de penser en rond qui s'attaque à la statue du commandeur.
C'est toute l'oeuvre de Freud qu'Onfray a lu pour écrire son livre, mais aussi sa correspondance, même si une partie de celle-ci est encore interdite d'accès.
Que nous dit Michel Onfray en multipliant les citations de Freud lui-même ?

Que les thèses développées par l'inventeur de la psychanalyse répondaient surtout aux obsessions de leur inventeur
Que Freud était fasciné par des techniques qui frôlaient le charlatanisme
Que lors des entretiens thérapeutiques avec ses patients il lui arrivait de s'endormir sans gêne aucune
Qu'il a inventé des patients et masqué ses échecs thérapeutiques en falsifiant les rapports de ses expériences
Qu'assoiffé de gloire et de richesse il n'hésitait pas à dénigrer, calomnier ses amis si cela pouvait servir ses intérêts
Que son épouse, sa fille, sa belle-soeur ont toutes fait les frais de ses tourments personnels sans compter plusieurs patients qui ne se sont jamais remis des traitements infligés.

Mais Onfray ne s'arrête pas là, après avoir affirmé que Freud n'a jamais guéri personne, il insiste aussi sur les positions très conservatrices de Freud et lui reproche son silence sur la montée du Nazisme, car Freud n'a jamais écrit " contre Hitler, contre le national- socialisme, contre la barbarie antisémite, alors qu'il n'hésite pas, régulièrement, à publier de longues analyses contre le communisme, le marxisme, le bolchevisme"
La charge est violente et le réquisitoire très sévère, on sort de cette lecture un peu ahuri, se demandant pourquoi ces faits n'ont jamais été étudiés, comparés, pourquoi alors que la science réclame en permanence des preuves, on a accepté comme vérité la parole seule de Freud sans aucune preuve à l'appui. " Freud ne s'est pas contenté de créer un monde magique, il y a conduit nombre de personnes et a souhaité y faire entrer l'humanité tout entière"
En voilà assez pour abattre n'importe quel statue, et l'homme Freud apparaît bien petit, on comprend mieux désormais sa haine des biographes et la destruction par lui ou ses proches d'une partie de sa correspondance.
Alors tout est à jeter ? Non, même si le bilan est assez terrible, Michel Onfray reconnaît Freud comme philosophie et reconnaît l'apport important qui a " fait entrer le sexe dans la pensée occidentale "
Il ne dénigre pas la psychanalyse mais refuse de la considérer comme une science comme Wittgenstein, Popper ou Deleuze avant lui.

Onfray aime la polémique et ses passages sur les plateaux télé sont devenus trop fréquents, son livre d'une écriture directe et simple est plein d'approximations disent ses détracteurs, mais beaucoup d'arguments avancés reposent sur les écrits de Freud lui-même ce qui affaiblit considérablement la critique. A cette lecture on s'offusque, on rit, on s'étonne, on est d'accord ou non, mais on ne s'ennuie pas un seul instant. Lisez ce livre dérangeant et tonique.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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A l'agité du bocage

« Les controverses les plus furieuses ont pour objet des matières où il n'y a aucune sorte de preuve. » (Bertrand Russel)
Plus coutumier des auteurs reposant dans leurs « cendres de conséquence », je n'envisageais pas de me pencher sur la prose essayiste du sieur Onfray : les philosophes, à de rares exceptions, m'excitent autant qu'une session de l'Assemblée nationale à la veille des grandes vacances ! C'est alors que vint à mes oreilles, à l'époque de la sortie de ce livre, un concert d'injures adressé à l'auteur…
Après quelques renseignements glanés çà et là, je découvrais que ledit philosophe fascisant célébrait Nietzsche à défaut d'Alfred Rosenberg ; ne portait pas de tee-shirts avec imprimé en grosses lettres : « I Love Pinochet !» (à la manière des jeunes filles en fleurs affichant leur amour pour New York ou Londres sur des poitrines turgescentes à l'arrivée des beaux jours !) ; qu'enfin il n'était même pas membre de l'Amicale bavaroise de la Raie au Côté ! Alors pourquoi tant de tapage ? Je devais lire le crépuscule d'une idole pour comprendre (essayer au moins !) :
Sans adhérer aveuglément à la remarque introductive des Caractères de la Bruyère, selon laquelle tout serait dit et l'on viendrait trop tard, j'éprouve toutefois cette vérité qu'il n'est rien que je puisse penser ou écrire à partir du néant. Je crois à la psychanalyse comme à un formidable champ d'investigation, mais je ne la crois ni autosuffisante, ni née de nulle part. de ce point de vue, Onfray fait bien de rappeler que Freud n'est pas un prophète qui aurait entendu des voix intérieures, et seulement elles, pour inventer la psychanalyse.
Onfray frappe dans la fourmilière et pointe les contradictions de Freud, ses dissimulations, les travaux qu'il s'approprie, etc., avec une méticulosité de légiste.
Hélas pour étayer sa thèse, il force souvent le trait. Voir le passage du Roi Lear : les ficelles sont tellement énormes qu'elles pourraient maintenir un supertanker en équilibre dans les airs ! Idem pour la fin de la seconde partie, où on glisse franchement dans le mélodramatique éculé. Pourquoi convoquer Marilyn Monroe, symbole de la fragilité psychique ? La psychanalyse n'y est pour rien, il me semble, dans sa descente aux enfers. Et, selon pas mal de témoignages, à commencer par ceux de l'actrice, elle l'aidait même à supporter le poids de ses souffrances.
La psychanalyse ne saurait avoir tout faux, monsieur Onfray !
Oui, la charge érotique symbolique des objets est parfois évidente. le cinéma a d'ailleurs très bien compris l'usage qu'il pouvait en faire, notamment pour tromper la censure : la dernière image de la mort aux trousses d'Hitchcock est un train pénétrant dans un tunnel (précédée par celle d'un Cary Grant attirant sur sa couchette une Eva Marie Saint très consentante !). Suis-je alors irrémédiablement contaminé par la pensée freudienne ?!
Certes, Freud est à bien des égards un personnage antipathique (beaucoup d'autres le sont, qui ont malgré tout élevé l'humanité !). Il n'empêche : parce que des thérapeutes ont su séparer le vin de l'ivraie dans sa pensée, des patients ont bénéficié des bienfaits de la théorie psychanalytique, riches et pauvres mêlés. Que le fondateur de la psychanalyse soit effectivement un opportuniste, obsédé par la reconnaissance n'enlève rien à son talent de découvreur.
La conclusion du Crépuscule d'une idole le reconnaît elle-même : la psychanalyse n'est pas vide de substance, au contraire. Avec elle, au moins, les malades psychiques ont cessé d'être des monstres : ils sont redevenus des hommes. C'est déjà pas mal.
Onfray, quelles que soient nos réserves sur le contenu de son essai, invite à une chose essentielle : ne pas céder à la pensée unique. Malheureusement, Freud n'est plus un penseur : il est devenu une idole pour ses féroces thuriféraires. D'où impossibilité de débattre.


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C'est la première fois que je lis un livre de Michel Onfray, que je ne connaissais quasiment qu'à l'oral et que j'appréciais pour sa capacité inébranlable à ne pas perdre le fil.
Je dois tout de même vous l'annoncer, j'ai lu ce livre pour me conforter dans mon idée qu'il était bizarre d'aduler la psychanalyse freudienne. Et se faire conforter par Michel Onfray, c'est pas décevant. Il est méthodiquement précis avec une foule de références et une logique qui ne dévie jamais. C'est vraiment loin d'être déplaisant.
De là à réussir à convaincre de l'illégitimité du complexe d'Oedipe ou du concept de la cryptomnésie en soirée, c'est pas gagné... Mais au moins je ne me sentirai plus comme une marginale. Et moi, ça me fait du bien.
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Voila un gros livre sur Freud, l'homme et l'oeuvre, mais un livre qui se révèle d'emblée comme un énorme brûlot venu soudainement troubler, déstabiliser, déconstruire, démonter, démystifier les idées reçues - pour ne pas dire des idées arrêtées - chez la nombreuse tribu des fidèles de la psychanalyse, lesquels ont plus ou moins contribués à l'affabulation freudienne, une espèce de légende moderne (et le mot n'est pas trop fort) qui dure depuis cent ans ou plus. C'est un livre étonnant, dérangeant, et c'est le moins que l'on puisse dire, un livre dévastateur que tout lecteur attentif de l'oeuvre de Freud n'est pas près d'oublier.

L'auteur, Michel Onfray, est un philosophe de formation, une formation doublée d'études en histoire de l'art et en psychanalyse (à laquelle il a été introduit dès l'entame des études supérieures, en plus de ses lectures «sauvages et solitaires, voraces et furieuses, anarchiques et instinctives» comme il se plait à le dire aux toutes premières pages du livre, avant même qu'il ne fasse connaissance du programme officiel de l'Education nationale qui proposait des textes de Freud, et ceci dès le Baccalauréat), qui a écrit une cinquantaine de livres.

C'est une production imposante et prolifique pour un auteur qui apparait avoir, incontestablement, atteint sa pleine maturité (maturité philosophique s'entend) dans ses écrits qui vont de l'histoire de la philosophie (et la «Contre- Histoire» de la philosophie), l'esthétique, la pensée et la culture modernes, en général, à la lumière d'un contre-modèle de «philosophie féroce», à un rythme de croisière, dans sa production réflexive, époustouflant !

L'auteur de cette destruction annoncée de toute une légende a lu toute l'oeuvre de Freud, dans l'ordre, a décortiqué, exploré avec soin la «mine d'or» des correspondances de Freud, et la dernière en date, complète et non tronquée comme celle des éditions précédentes, les «Lettres à Wilhelm Fliess» (1887-1904), parue en 2006 (qui comprend seulement comme l'indique le titre du recueil, les lettres de Freud à Fliess, celles qui lui étaient adressées par Fliess ayant été détruites par Freud lui même), qui contiennent de très précieuses informations sur la naissance de la psychanalyse, et un autre visage de Freud que celui auquel nous ont habitué les hagiographes à défaut de biographes objectifs (celle monumentale d'Ernest Jones, 1956-1959, est un parfait exemple d'hagiographie), un grand nombre d'études critiques de l'oeuvre… Tout cela est rapporté en détail dans une bibliographie commentée de 20 pages, en caractères d'imprimerie petits et serrés, à la fin de l'ouvrage.

Le livre comprend cinq parties : 1- Symptomatologie. Déni soit qui mal y pense ; 2- Généalogie. le crâne de Freud enfant ; 3- Méthodologie. Un château en Espagne ; 4- Thaumaturgie. Les ressorts du divan; 5- Idéologie. La révolution conservatrice.

Dans cette mise à nu de l'idole, et de cette théorie habillée de respectabilité scientifique, de cette thérapie (la cure psychanalytique) fabriquée, selon l'auteur du livre, de toute pièce et sans aucun résultat concret, Onfray cite, à l'appui de ses arguments, dès les 60 premières pages de son livre, plusieurs extraits de Frédéric Nietzsche (en particulier «Par delà le bien et le mal» et «Le gai savoir») où il est dit que les philosophes, dans leur ensemble, sont «les avocats et les mêmes astucieux défenseurs de leurs préjugés, baptisés par eux «vérités»» (‘Par delà le bien et le mal'). Et Freud est, incontestable ironie du sort, lui qui détestait les philosophes, avant tout un philosophe ! Au sens où, s'écartant de la neurologie, et de la médecine en général, qui était sa formation de départ, il développe une théorie basée sur une incroyable machine de rhétorique sophistique pour expliquer les ressorts cachés de l'âme et de la personnalité humaine. Entre Freud et Nietzsche il ya quelque chose comme une attraction / répulsion. le théoricien de la psychanalyse, qui sans doute a lu le philosophe de ‘Par delà le bien et le mal', 'Ainsi parlait Zarathoustra', ‘Généalogie de la morale', dissimule l'influence de Nietzsche, la repousse, la nie, la ‘travestie' (j'emploie le terme d'Onfray) bien que dans sa correspondance apparaissent ça et là des confessions où il reconnait beaucoup d'«intuitions» de Nietzsche qui sont proches de la psychanalyse. S'il prétend ne l'avoir pas lu, c'est par tout un art sophistique qui consiste «à ne pas prêter intérêt par excès d'intérêt» (p.59).

Pour Onfray, l'inventeur de la psychanalyse «n'est pas plus scientifique que Shakespeare ou Cervantès», et en fin de compte «Freud est un philosophie élaborant des vérités prétendument universelles avec ses intuitions.

Il pense à partir de lui, avec son salut personnel en ligne de mire. Sa théorie procède de la confession autobiographique, et ce de la première à la dernière ligne de son oeuvre. Singulièrement, et toujours affligé de cette incapacité à voir en lui ce qu'il prétend si bien discerner chez autrui, Freud explique ce qui définit la philosophie – la proposition d'une vision du monde ; puis il développe ses théories sur plus d'un demi-siècle en proposant … une vision du monde, mais il ne veut pas être un philosophe !» (p.72)

En somme, la leçon qu'il faut tirer de ce livre, est que la psychanalyse n'est rien d'autre qu'une discipline qui concerne la personne de Freud (affirmation très forte, pour des générations de psychologues, médecins, psychiatres, mais attendons de voir la suite), et tous les concepts de l'oeuvre freudienne ont servi d'abord et avant tout à penser «sa propre vie, à mettre d'abord de l'ordre dans son existence : la cryptomnésie, l'auto-analyse, l'interprétation du rêve, l'enquête psychopathologique, le complexe d'Œdipe, le roman familial, le souvenir-écran, la horde primitive, le meurtre du père, l'étiologie sexuelle des névroses, la sublimation constituant parmi beaucoup d'autres autant de moments théoriques directement autobiographiques» (pp.39-40)

La psychanalyse apparait ainsi, dans ce livre dévastateur, tout juste un ‘roman familial' extrapolé à l'ensemble de l'humanité !

C'est à la lumière de la correspondance de Freud avec Fliess (longtemps expurgée par les soins d'hagiographes – ou biographes qui systématiquement embellissement la vie de leur héros, Freud – et disciples ‘juges et parties' dans le dossier Freud), celle dite ‘authentique' de 2006 (c'est dommage que Michel Onfray ne mentionne pas la maison d'édition de cet important texte, de même qu'il ya d'autres problèmes d'ordre méthodologique, où les pages des textes cités de Nietzsche ne sont pas données, en plus de quelques coquilles et quelques autres remarques qui seront signalées à la fin de l'article) que le concept majeur de l'oeuvre, ‘clé de voûte' ou ‘socle de la psychanalyse' apparait, malgré toute l'ambigüité du mythe grec, comme le principal déclencheur de toute la saga de l'oeuvre freudienne. Pour Onfray, le complexe d'Œdipe ‘épicentre de la psychanalyse' est «d'abord le coeur nucléaire de l'âme de Sigmund Freud, car cette hypothétique vérité scientifique, est avant tout un problème existentiel subjectif, personnel, individuel. Ce problème devenu, par la grâce et la magie du maitre et de ses disciples, le tourment de tout un chacun depuis le début de l'humanité jusqu'à la fin des temps, ce problème, donc, c'est celui d'un homme, d'un seul, qui parvient à névroser l'humanité tout entière dans le fol espoir que sa névrose lui paraitra plus facile à supporter, plus légère, moins pénible, une fois étendue aux limites du cosmos» (p.137)

Suivent, ensuite, pour illustrer tout cela, des pages et des pages sur le ‘roman familial' de Freud, son attachement (par euphémisme) à sa mère, sa haine du père, son attachement particulier à sa fille Anna, ses relations ambigües avec sa belle soeur Minna Bernays, etc… Toute une généalogie non pas de la morale freudienne, mais des fantasmes, des rêves, des désirs, des tropismes du théoricien de la psychanalyse.

A cela, il faut ajouter les autres termes et pratiques au coeur de l'oeuvre, telles la sublimation, l'auto-analyse, la cure psychanalytique, les pseudo-guérisons (entre autres le cas de Anna O., c'est-à-dire Bertha Pappenheim, laquelle est seulement «guérie sur le papier, mais souffrant toujours dans un lit d'hôpital» (p.186), la religion ‘entendue comme névrose obsessionnelle' (p.217) … Tous ces termes sont minutieusement analysés, disséqués, remis soigneusement dans leur contexte du ‘roman familial'.

Dans la quatrième partie de l'ouvrage (Thaumaturgie), l'auteur relève un certain nombre de sophismes qui contribuent au verrouillage systématique de la discipline psychanalytique. de cette manière «Freud, la psychanalyse, les psychanalystes restent intouchables car la doctrine leur offre un statut d'exterritorialité intellectuelle. Freud prend pour une offense personnelle toute remise en cause de la moindre de ses thèses. Comment pourrait-il en être autrement avec une personne ayant fait clairement savoir que sa vie se confondait à la psychanalyse, qu'elle s'y identifiait, qu'elle était son enfant, sa créature, sa création ? le docteur viennois prétendument débarrassé de sa psychonévrose fort grave en a fait un objet fusionnel. Ses disciples se prosternent depuis un siècle devant le même totem devenu tabou. Or la tâche du philosophe n'est pas de s'agenouiller devant les totems» (p471).

La thèse de Nietzsche réactivée, pour ainsi dire, à travers tout l'ouvrage, est que «toute philosophie est confession autobiographique de son auteur» (p.69). le Freudisme en est une illustration, c'est l'hypothèse majeure du livre d'Onfray à propos de l'oeuvre de Freud.

«Le crépuscule d'une idole» est un livre d'une grande puissance perceptive, un livre qu'on pourrait lire tel un ‘traité d'athéologie' comme le souhaiterait son auteur, et l'on pourrait même imaginer, si l'âme des morts errait parmi les vivants, ou, en d'autres termes, le ‘noûs' ou souffle purement spirituel qui s'élance vers les hauteurs célestes, chez Platon, (le ‘noûs' comme intellect actif chez Aristote), et plus prés de nous l»anima', archétype du féminin chez Carl Gustav Jung, que peut être l'âme de Nietzsche jetterait un regard bienveillant ou complice sur ce livre.
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Laure Adler n'aurait pas écrit la préface. Donc deux étoiles minimum pour cette seule satisfaction. Une étoile pour une autre satisfaction: à l'heure ("sombre", évidemment) où on n'exige jamais d'excuses des politiciens ou des journalistes pris en flagrant délit de mentir, mais où inversement tous ceux qui ont commis le grave péché de lâcher une vérité - un "dérapage", ça s'appelle - se confondent en excuses, Onfray ne s'excuse jamais. Par orgueil, on me dira. Ca m'est égal. Il ne s'excuse pas. Et pour retrouver ça, il faut remonter à François Mitterrand en 1994. Quant au reste, qu'apprend-on? Rien, ou pas grand chose. Il y a très longtemps, presque un demi-siècle, que la psychanalyse est totalement tombée en disgrâce en psychiatrie, où d'ailleurs elle n'a jamais joué qu'un rôle mineur, marginal et très subalterne. Je défie quiconque de me trouver un article de médecine psychiatrique de moins de cinquante ans paru dans une revue scientifique de niveau international et qui traiterait de psychanalyse autrement que sous une forme négative ou pour présenter des pourcentages! Il n'y en a pas. Vous pouvez vous en assurer en fouillant Google Scholar.

La psychanalyse est une chose du passé. Et taper dessus, c'est un peu comme tirer sur un corbillard. Plus de 85% de la Société Américaine de Psychanalyse, la plus dynamique du monde, a plus de 50 ans. On imagine où elle en sera dans 25 ans. le seul milieu universitaire où survive la psychanalyse, c'est dans les sciences humaines, et encore!

Ensuite, Jean-Paul Sartre, Karl Popper, Frank Cioffi ou le psychiatre Pierre Debray-Ritzen ont déjà fait le boulot depuis longtemps (dans les années 50, 60 et 70): l'inconscient étant par définition inconnaissable, comment voulez-vous savoir ce qu'il y a dedans où même s'il existe, explique Sartre; le psychanalyste dit "savoir", mais d'où sait-il ça? C'est une religion révélée, conclut-il. Karl Popper dit la même chose: la psychanalyse n'obéit pas au principe de réfutabilité qui est le critère de démarcation de la science - aucune de ses affirmations n'est scientifiquement vérifiable; en fait, elle crée elle-même les problèmes qu'elle se propose de résoudre. Frank Cioffi, idem. Debray-Ritzen décortique le fonctionnement cérébral et montre de son côté que bien des principes freudiens ne correspondent à rien au point de vue médical.

Je confesse sans problème que le freudisme m'a beaucoup intéressé vers la fin de la vingtaine. C'est une colossale compilation et combinaison des principes que Freud a collectionnés chez d'autres. Je ne pense pas qu'il ait jamais découvert ou inventé quoi que ce soit. Il a structuré en un système unique, inaltérable et applicable à tout, les principes piochés un peu partout, et surtout, d'ailleurs, dans la médecine expérimentale française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. C'est cette structure arbitraire qui pose problème. Pas tellement les principes isolés qui ne sont pas "freudiens" en soi, c'est à dire tant qu'ils ne sont pas ramenés à la structure centrale élaborée par Freud et qui appauvrit et fausse tout par son monodéterminisme sexuel et sa fixation sur l'inceste.

Anecdotiquement, il y a aussi le fait, soulevé par Onfray, que Freud saluait sincèrement en Mussolini un "héros de la culture" et qu'il se félicitait du parfait comportement de la Gestapo ("Ich kann die Gestapo jedermann aufs beste empfehlen"). Onfray juge dérisoire la mauvaise foi qui exige officiellement qu'on y mette de l'ironie - ironie que personne n'a vue à l'époque (il est effectivement difficile d'imaginer que les fascistes et les nazis étaient incapables de détecter qu'on se foutait d'eux). Mais souvenons-nous que René Laforgue, disciple et ami de Freud, et pionnier de la psychanalyse en France, avait demandé entre 1940 et 1942 une aryanisation des professions psychothérapeutiques… L'étude de cette époque recèle bien des surprises et ne correspond en rien au manichéisme des documentaires télévisés.

Maintenant, une chose qui n'est pas développée, c'est à quel point on pourrait trouver la psychanalyse parfaitement misogyne, comme l'a fait, par exemple, Sophie Robert dans le Phallus et le Néant. Or Norman Doidge - je viens de rechercher le nom dont je ne me souvenais plus - a montré que les patient(e)s de la psychanalyse étaient "mostly women" (Am J Psychiatry. 1994 Apr;151(4):586-90.) Pourquoi? Ca, ce serait intéressant à fouiller…

Bref, 3 étoiles. Mais c'est le bout du monde. Et c'est cher payé pour enfoncer des portes ouvertes.
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Je ne reviendrai pas sur les débats qui ont fait rage à la parution de ce livre.
Son principal mérite est de remettre en perspective les fondements de la psychanalyse selon Freud en s'appuyant sur la biographie de celui-ci. L'auteur justifie chacune de ses assertions avec divers documents (ouvrages, correspondances... enfin, ceux qu'on a le droit de consulter aujourd'hui puisque je doute que les archives qui pourraient soit corroborer soit contrer les arguments de M. Onfray soient ouvertes de mon vivant); je n'ai pas lu l'intégralité de la prose de Freud et je n'en ai pas l'intention, mais je trouve la distance introduite par l'auteur par rapport aux dogmes des tenants de la psychanalyse très rafraîchissante.
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Lorsque Michel Onfray prend tout au pied de la lettre, cela donne un ouvrage méchamment incendiaire à l'égard de Freud et de la psychanalyse. En effet, le philosophe se propose de déboulonner la statut du père de cette discipline, à juste titre légendaire, mais pas uniquement littéraire et fantasmatique. L'auteur l'assassine sans détour possible, avec une grande conviction, de façon alors performative (ce qu'il reproche d'ailleurs à Freud).

En étant honnête, on dira que ce pamphlet est un plaisir de lecture, il se lit admirablement bien et reste un ouvrage passionnant de bout en bout. Onfray déploie une écriture didactique, pédagogique souvent, en tout cas argumentée et étayée. Cela dit, on lui reprochera sa lecture beaucoup trop linéaire du texte freudien, sans tenir compte des subtilités ou des autres niveaux de lecture qui peuvent y être perçus. La tonalité sans cesse ironique de l'écriture d'Onfray frôle parfois l'hystérie (!), on dirait bien que le philosophe se complait à détruire de A à Z la psychanalyse, et notamment son plus illustre représentant. Il semble emporté dans cette quête effrénée de réduire la pensée freudienne à une vaste plaisanterie, sans même nuancer ses propos, ce qui les rend alors, parfois, fragiles et contestables.
Les arguments les plus souvent employés sont des extraits de la correspondance de Freud, notamment avec Fliess, et Onfray ne semble pas tenir compte des fluctuations nécessaires de l'élaboration de la théorie chez un penseur, avec toutes les contradictions et les erreurs que cela suppose. Il ne prend pas garde non plus de considérer Freud comme... un homme! Les défauts, bien sûr qu'il devait en avoir. Des traits de caractère dérangeants, pouvant prêter à polémique, bien sûr qu'il devait en avoir. Baudelaire n'était-il pas assurément misogyne? Cela ne l'empêche pas d'être le plus grand poète de l'ère moderne et l'un des penseurs les plus importants de la littérature. Mais de là à considérer Freud comme un misogyne, un homophobe «ontologique» (on appréciera cette tournure pour ne pas dire complètement qu'il l'était), un sympathisant fasciste, un antisémite, un mégalomane, un père incestueux, et j'en passe... de là à le considérer, pour un seul homme, sous toutes ces casquettes foncièrement déplaisantes, il semble que Onfray soit allé un petit peu trop loin. La nuance et le manque de contextualisation font défaut à l'entreprise de Michel Onfray, ce qui aurait été appréciable pour mieux comprendre, véritablement, Freud. Cette destruction du père de la psychanalyse est bien trop systématique pour être véritablement cohérente.

Enfin, un dernier point qui peut prêter à sourire. Onfray affirme que Freud n'était motivé que par la célébrité et l'argent (peut-être est-ce vrai), mais quand est-il de ses propres motivations en écrivant un livre qui démonte délibérément l'un des penseurs les plus commentés depuis un siècle, et qui, assurément a été un succès littéraire prévisible? Onfray ne semble pas le mieux placé du monde pour critiquer et mettre à mal cette recherche de l'argent et de la célébrité... Il a réussi, il a lui-même tué le père et s'est assuré une belle place parmi les contestataires lumineux de ce XXIe siècle!
Lien : http://aucrepusculedesmots.b..
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J'aime la truculence d'Onfray et, osons le dire, son côté pamphlétaire et blasphématoire. J'ai retrouvé dans cet opus tout le plaisir de lecture de son "Traité d'athéologie". Un bémol peut-être pour les redites -on dirait parfois qu'Onfray veut taper fort sur le même clou-, qui sont un peu lassantes et qui permettraient -en les supprimant- de revenir à un nombre de pages plus alléchant pour le néophytes de ce philosophe, car Onfray est véritablement un auteur qui mérite le détour.
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Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

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