Osman, étudiant, marqué par un livre, se lance à travers les routes de Turquie pour en retrouver les lecteurs qui comme lui, ont été transformés par « le livre ».
C'est au hasard des rencontres que le voile se lève petit à petit. C'est surtout l'histoire d'une quête qui en renferme d'autres : quête de la vie des autres, de l'amour –impossible avec la belle Djanan – ; quête de l'osmose / rivalité avec Mehmet ; quête de l'identité turque peu à peu envahie par l'occidentalisation de ces produits, de son industrie où les produits anciens disparaissent au profit de firmes internationales et bien connues de soda ou de hamburgers, ; quête spirituelle où le temps passe parfois en surimpression et bien sûr quête de soi-même, du sens de la vie qui ne va pas sans une vision personnelle de la mort omniprésente représentée par « l'Ange » auquel le narrateur, Osman, fait constamment référence et qui semble le suivre au cours de ses pérégrinations en autocar avec ou sans Djanan.
Enfin, j'ai lu ce ivre comme un conte moderne et philosophique sur les apparences : les personnages rencontrés ou même connus sont-t-ils vraiment ce que l'on en sait ou ne doit-on pas reconstituer, à travers eux, le puzzle de notre propre vie ?
"Avec quelle force je ressentais ce que je découvrais en moi : la paix, le sommeil, la mort, le temps ! J'étais à la fois ici et là-bas. En paix, mais engagé dans un combat sans pitié, insomniaque comme un fantôme, mais aussi dormant sans arrêt, présent à la fois dans une nuit interminable et aussi dans le temps qui s'écoulait avec rapidité."
De même doit-on se fier au narrateur ? N'est-il pas en train de nous mener en bateau ? Car tout se mêle tellement vite dans ce roman foisonnant et il est vrai que tout se côtoie avec son contraire et le narrateur apostrophe souvent le lecteur un peu pour le réveiller de sa torpeur, il le veut toujours aux aguets, l'esprit en alerte :
"Voilà pourquoi, cher lecteur, ne te fie pas à moi, qui ne suis pas du tout plus sensible que toi, ne te fie pas à mes souffrances, ni à la violence de l'histoire que je te raconte. Mais persuade-toi de l'impitoyable cruauté de la vie !"
Voilà donc un de ces romans où l'auteur semble avoir tout mis, un concentré de vie rêvée et de réflexions, de méditations sur le monde qui l'entoure qu'il soit réel ou invisible. Un livre étonnant et ténu du début à la fin.
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Sentiment désagréable de ne pas avoir compris grand chose à cette lecture, par manque de repaires au sujet de la situation politique de la Turquie des années 70 (avant le dernier coup d'État militaire). Il s'agit d'un voyage hallucinatoire tout au long des routes poussiéreuses d'Anatolie, en bus, à la recherche d'une fille, d'une organisation politique mystérieuse, des résidus d'une économie pré-libérale (avant l'ouverture économique du pays), d'un ouvrage aux connotations initiatiques... Road book?
Comme toujours chez Pamuk, il y a le thème (obsessionnel) d'une recherche de personnalité (personnage ou esprit etc etc)disparue, ainsi que de la tentative schizophrène d'entrer dans l'esprit d'autrui (ou d'un autre personnage représentant l'autre).
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La lecture éveillait en moi le désir de parler, mais la conversation se déroulait surtout entre les livres eux-mêmes dans ma tête. Je remarquais parfois que les livres que je dévorais l'un aprés l'autre à cette époque se chuchotaient des choses entre eux ; que ma tête devenait ainsi une fosse d'orchestre où des instruments de musique résonnaient de toutes parts, et je réalisais que j'arrivais à supporter la vie grâce à cette musique qui m'emplissait la tête.
Sur la table couverte d'un feutre vert, j'aperçus le livre et le cahier, ouverts, des crayons, des gommes, un paquet de cigarettes, des bribes de tabac, une montre-bracelet, à côté du cendrier, des allumettes, une tasse de café qui avait refroidi. C'étaient là les outils qu'utilisait pour parvenir au bonheur un malheureux condamné à écrire toute sa vie vie durant!
Je l'avais lu quelque part, la fortune n'est pas aveugle, elle est ignorante.
Car si ce qui est écrit dans les livres était vrai, si la vie était telle que je l'avais lue dans ce livre, si un monde pareil était possible, pourquoi les gens allaient-ils encore à la mosquée, ou passaient-ils leur temps à bavarder ou à somnoler dans les cafés, pourquoi à cette heure-ci, tous les soirs, s'installaient-ils devant la télé pour ne pas crever d'ennui ? Voilà bien ce qui était incompréhensible.
Toutes ces choses que j'avais apprises, auxquelles j'avais cru jusque-là, n'étaient plus que des détails dépourvus de tout intérêt, et des choses que j'ignorais surgirent des recoins où elles s'étaient terrées jusque-là et me lancèrent des signaux.
Le nouveau roman "Les Nuits de la Peste" de l'écrivain turc Orhan Pamuk se présente comme le théâtre d'une grande fresque historique qui résonne avec l'actualité. La pandémie mondiale est venue donner une actualité poignante au roman qu'il écrivait depuis trois ans.
Son récit mêlant fiction et réalité raconte les ravages une épidémie de peste dans l'île fictive de Mingher en 1901, contrée de l'Empire Ottoman en déclin. Un livre à la croisée des chemins et des genres. Roman historique, roman d'amour et roman politique, ce livre vient interroger notre rapport à la fiction et au réel, l'imaginaire se mélangeant au réel, et le romanesque à l'historique. La véritable prouesse d'Orhan Pamuk consiste à jouer avec les codes de la fiction et à rendre la frontière poreuse entre l'histoire et la grande Histoire. Au milieu de ce drame humain et politique, l'amour est un refuge pour ceux qui se battent contre l'épidémie.
Orhan Pamuk nous livre une réflexion sur le pouvoir et la liberté, à l'heure où s'amorcent le délitement de l'Empire Ottoman et les conflits de succession entre sultans.
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