Est-ce son patronyme qui a poussé cet érudit, un nom qui évoque les bandes de serfs révoltés parcourant la France entre 1251 et 1320, à se plonger dans l'histoire médiévale ?
Toujours est-il que chacun de ses ouvrages me plonge dans un plaisir sans égal. Voici un recueil de textes très accessibles qui décryptent à nos yeux aujourd'hui si dénués de références culturelles les significations des symboles du Moyen-Âge.
Comment l'homme de ces temps reculés – que souvent nous considérons comme obscurs – « voyait » les
couleurs, comprenait les allusions, résolvait certains jeux de mots, saisissait les allégories, « lisait » les armoiries ou les choisissait …même sans être noble. Comment cette symbolique a perduré dans la culture occidentale. Une science qui n'a pas grand-chose à voir avec la pseudo-littérature s'appuyant sur le décryptage des symboles (A.
Perez-Reverte,
Dan Brown …).
Au Moyen-Âge, le symbole commence souvent par un jeu de mots – fondé sur le latin, naturellement. Si le pommier est l'arbre du mal, c'est parce que son nom latin est « malus ». le nom d'une personne dit sa vérité, retrace son histoire, prédit son avenir. Véronique – vera icôna – est celle qui a recueilli l'image de la face du Christ … une légende hagiographique naît ainsi. L'image fait partie de la réalité, est une réalité au Moyen-Âge. le symbolisme occidental a donc un triple héritage : la Bible, la culture gréco-romaine, le monde celto-germanique et scandinave.
Naturellement,
Michel Pastoureau passe en revue l'iconographie animalière : le roi lion et son contraire le léopard, pourquoi la représentation d'un animal de face est presque toujours péjorative, l'ours qui perd sa place prépondérante grâce à l'influence de l'église qui le diabolise, le dompte et le ridiculise. le sanglier, le cerf …
Les végétaux ont aussi leur symbolisme : certains arbres sont bons comme le tilleul, d'autres mauvais comme l'if ou le noyer. La fleur de lis que l'on trouve déjà sur des cylindres mésopotamiens, les bas-reliefs égyptiens, les poteries mycéniennes, les monnaies gauloises, les étoffes sassanides, les vêtements amérindiens, les armoiries japonaises, avec une symbolique différente selon les cultures : pureté, virginité, fertilité, insigne de pouvoir et de souveraineté. Avec ses trois pétales : Foi, Sapience et Chevalerie, trois vertus envoyées à Clovis lors de sa conversion.
Ensuite vînt la Réforme et le triomphe du noir et blanc, le succès de la gravure. Mais le chapitre le plus étonnant concerne la couleur rousse : couleur des démons, du goupil, donc de l'hypocrisie, du mensonge et de la trahison. Judas est roux à partir de la seconde partie du IXème siècle, en particulier dans les pays rhénans à la suite d'un jeu de mots « l'Iscariote » ou, en allemand : « Ist gar rot ». Comme Caïn, Esaü, Saül, Caïphe, Ganelon, Mordret (dans la légende arthurienne), comme les hérétiques, les cagots, les lépreux, les Juifs, les suicidés, les mendiants, les suicidés, les vagabonds, tous les déclassés. Une seule exception à cette règle : David !
D'autres découvertes : l'évolution du jeu d'échecs, la technique de conception des armoiries et des drapeaux, la lecture des cimiers, le choix des prénoms, le bestiaire de Jean de la Fontaine, une lecture du poème
De Nerval « El Desdichado » au regard du Codex Manesse, manuscrit allemand aux merveilleuses enluminures (...Le prince d'Aquitaine à la Tour abolie ...).
Comme toujours, la lecture de
Michel Pastoureau passionne et apprend à « lire » les représentations médiévales en découvrant les sens cachés parfois surprenants.
Enfin, je peux répondre à la première question posée : ce n'est pas son nom qui a provoqué l'intérêt de l'auteur pour le Moyen-Âge mais le film de Richard Thorpe "
Ivanhoe" et je lui réponds par là-même à la question qu'il pose à la fin de son livre : oui, j'ai lu la "fiction" de
Walter Scott dans une édition originale il y a cinq ans, et j'ai beaucoup aimé. Savoir que le film qui en a été tiré est conforme à ce que fut l'époque me réjouit !