J'avais lu et beaucoup apprécié, il y a beaucoup d'années maintenant, deux gros volumes de contes de Hoffmann. J'ai gardé une grande tendresse et intérêt pour les fascinants et étranges personnages de ces contes : l'Homme au sable, Nathanaël, la poupée Olympia, Kreisler, le fantasque chat Murr...Certains de ces personnages sont devenus célèbres, ont été repris, ont inspiré d'autres artistes, comme
Offenbach dans son dernier ouvrage lyrique. Ils font partie d'un imaginaire collectif. En tombant un peu par hasard sur une biographie de l'auteur, j'ai été tentée d'en savoir un peu plus sur l'homme qui inventa tous ces personnages et toutes ces histoires entre rêve et cauchemar, de faire un voyage dans l'Allemagne romantique du début du 19e siècle.
Né à la fin du 18e siècle, à Königsberg, il passe son enfance et adolescence dans la famille de sa mère, qui a quitté le père d'Hoffmann, trop mauvais sujet, dissipateur, noceur, et un peu artiste. le frère de d'Ernst Theodor est quand à lui resté avec le père. La famille de Luisa Dörffer (la mère de Hoffmann) est une famille de petits bourgeois très conventionnels, la grand-mère tient d'un main de fer ses trois enfants qui vivront jusqu'à leur mort dans le foyer familial, et le petit Ernst Theodor, que sa mère laisse à l'éducation de sa grand-mère et de son oncle. Une enfance qu'il semble trouver triste et morne, qui s'illumine un peu au moment où il fait la connaissance de Theodor Hippel, qui deviendra son ami pour la vie, qui devenu un personnage important, aidera son ami jusqu'à sa mort. Il apprend aussi la musique, qui sera la grande passion de sa vie, et dans laquelle il espérera réussir presque jusqu'à sa mort.
Malgré ses aspirations artistiques, Hoffmann va étudier le droit, et devenir petit fonctionnaire prussien. Envoyé ici et là, marié entre temps, il va partager son existence entre son travail, qu'il va accomplir scrupuleusement, et la création, musicale surtout, et aussi le dessin, dont les caricatures, qui lui vaudront à plusieurs reprises des ennuis avec les autorités. Si très tôt, il ne se fait aucune illusions sur ses talents de peintre, il rêve de réussir comme musicien, il compose beaucoup d'oeuvres. L'écriture viendra plus tard. Et puis dans chaque ville où il est nommé, il trouve des amis, avec qui partager ses goûts artistiques, et aussi l'alcool, et la taverne.
Même si Hoffmann ne se passionne pas pour la politique, l'histoire va bouleverser sa vie : nous sommes en pleines guerres napoléoniennes, et en 1806 Napoléon triomphant licencie les fonctionnaires prussiens. Hoffmann se retrouve au chômage. Ce qui va le pousser à se tourner vers une carrière artistique pour vivre : il va devenir directeur de théâtre et chef, d'abord à Bamberg, puis à Dresde. Il compose frénétiquement pendant cette période. Renvoyé en 1814, il retourne à l'administration, grâce à Hippel qui lui permet d'intégrer un poste à Berlin. Cet emploi lui permettra de continuer ses activités artistiques tout en ayant la possibilité de gagner sa vie : en 1817 arrive le moment de son plus grand triomphe musical, son opéra Ondine est donné à Berlin avec un certain succès. Malheureusement, après quelques représentations, le théâtre brûle entièrement, ce qui met fin à la carrière de l'opéra, et à la carrière de musicien de Hoffmann, qui renonce à se faire un nom dans la musique. C'est qu'entre temps, à Bamberg, il a commencé à publier des oeuvres littéraires, qui ont de plus en plus de succès, pour lesquelles il est reconnu, et qu'on lui demande d'écrire de plus en plus.
La fin de la vie de Hoffmann va être terrible : atteint physiquement par la syphilis, il finira paralysé, souffrant énormément. Sa maladie lui évitant par ailleurs les foudres du pouvoir, on lui reproche d'avoir libéré un homme que le directeur de la police voulait faire condamner pour l'exemple, et il se permet de caricaturer le puissant chef de police dans un texte.
Le livre de
Pierre Péju se lit merveilleusement bien, très bien écrit et construit, il permet de mieux connaître Hoffmann et son oeuvre, montre les interférences entre l'une et l'autre, à quel point les expériences, le vécu a influé sur les écrits. Cela me donne très envie de me replonger dans tous les textes de Hoffmann lus il y a longtemps, en ayant sans doute une lecture et vision différentes.