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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Deux hommes de bien est un roman plutôt surprenant, dans lequel Arturo Pérez-Reverte nous propose un voyage dans le temps, dans l'espace et dans les esprits. Il s'agit ici d'un roman atypique entre histoire d'aventures, roman historique et récit initiatique.

La forme retenue est celle d'un roman. Il est toutefois difficile de le qualifier uniquement d'historique ou d'aventures, car le propos prend le meilleur des deux genres. Nous voici plongés au XVIIIème siècle à suivre la mission de deux "héros ordinaires", académiciens espagnols, mandatés pour acheter à Paris la première édition de l'Encyclopédie avant de l'escorter vers Madrid. Il leur faudra compter avec des adversaires, bien décidés à les faire échouer.

Le récit oscille entre les points de vus des deux académiciens, de leur deux adversaires et du mercenaire mandaté pour faire échouer l'opération. de manière assez surprenante, l'auteur, s'adressera directement au lecteur pour lui expliquer tel ou tel choix, les recherches qui ont été faites. Cette approche est très bien vue, car elle permet de distinguer ce qui relève de la fiction et de ce qui est attesté par des sources. le récit gagne en dynamisme, ce qui n'aurait pas été le cas avec de simples références en bas de page ou des développements en annexe.

Bien que le lecteur connaisse d'emblée le résultat de cette mission, le récit reste prenant. Il y a d'abord l'attachement pour les trois personnages principaux. Même Pascual Raposo, le méchant du livre, est sympathique à suivre, bien que les deux héros, l'Amiral et don Hermès sont de bons compagnons de route. Mais il y aussi les nombreuses dissertations philosophiques qui sont présentées en cours de route. Il s'agit généralement d'échanges, qui sont plaisant à lire et à interpréter. Il s'agit véritablement de parties intégrantes du récit. Qui aurait dit que tout cela soit aussi passionnant ?

Le récit est plutôt bien ficelé, bien que de facture assez classique. Certaines séquences sont un peu prévisibles (le duel, l'inévitable histoire d'amour, les difficultés rencontrées, les difficultés qui ne cessent de s'accumuler afin de mettre les personnages et le lecteur sous pression), bien qu'elles demeurent plaisantes. Il faut dire aussi que le roman rend hommage à de nombreux auteurs, ouvre de nombreux débats philosophiques… tout cela évite l'ennui.

Seul le dénouement déçoit un peu. Une ellipse importante viendra gâcher le plaisir. le périple s'achève un peu rudement et laisse la place à un épilogue qui apporte peu d'explications et laisse de trop nombreuses questions sans réponse. le choix est un peu rude, mais il faut bien reconnaître qu'ainsi, le roman ne traîne pas en longueur.

Pour parfaire son effet, l'auteur nous parle de Madrid mais surtout de Paris au XVIIIème. Si la ville a beaucoup changé depuis, il n'en demeure pas moins que ce roman, composé par un européen, est tout à fait indiqué pour accompagner un voyage vers la capitale française. La traduction française est très réussie et il n'y a plus qu'à espérer qu'il en est de même pour les autres langues.

Deux hommes de bien est donc une belle découverte, un roman qui offre bien plus que ce qu'il peut laisser supposer. A découvrir de toute urgence !
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Arturo Pérez-Reverte, membre de l'Académie royale d'Espagne, est l'auteur de nombreux romans avec une trame historique et ou géographique réelle, mêlant des personnages ayant existé avec d'autres tirés de son imagination féconde.

Lors d'un de ses passages à la bibliothèque de l'Académie, il remarque que celle-ci possède l'édition originale de l'Encyclopédie de Diderot et D Alembert en vingt-huit volumes, alors que cet ouvrage était interdit par l'Inquisition au milieu du XVIIIème siècle.

En étudiant les comptes rendus des sessions de l'Académie, Pérez-Reverte apprend qu'avec l'autorisation du roi Charles III et de l'Eglise, deux membres de l'Académie ont fait le voyage de Madrid à Paris vers 1780 pour acquérir l'Encyclopédie. Arturo Pérez-Reverte décide de refaire le trajet et d'acquérir le plus de documents possibles de l'époque pour reconstituer le trajet, les paysages et les décors de l'Espagne et la France de la fin de l'Ancien Régime. Tout oppose Madrid, enferré dans le conservatisme et la bigoterie à Paris, ville où sont célébrées les idées nouvelles, qu'elles soient scientifiques ou philosophiques, avec une liberté de ton et de moeurs inconnus en Espagne.

Arturo Pérez-Reverte aurait pu se contenter d'écrire un roman historique d'aventure tel que le Capitaine Alatriste, mais il se met en scène dans la préparation et les recherches qui aboutiront à ce roman. Ce procédé, qui a désarçonné certains lecteurs habitués au style des précédents ouvrages de Pérez-Reverte, me semble quant à moi, relever d'un exercice de virtuosité inspiré du tableau de Diego Vélasquez, Les Ménines, peint en 1656. le peintre est représenté à côté d'une petite Infante, entourée de demoiselles d'honneurs et d'une naine, avec le roi et la reine en reflet dans un miroir dans le fond au centre du tableau. « La composition complexe et énigmatique de la toile interroge le lien entre réalité et illusion et crée une relation incertaine entre celui qui regarde la toile et les personnages qui y sont dépeints. » (Wikipédia)

Arturo Pérez-Reverte n'a jamais caché son intérêt pour la peinture ancienne depuis le tableau du Maître flamand, son premier roman paru en 1994.
Dans Deux hommes de bien, les Académiciens espagnols du XVIIIème siècle sont plus occupés par les oeuvres du passé glorieux de l'Espagne, comme Don Quichotte de Cervantès ou La vie est un songe de Calderon que par les oeuvres contemporaines. Arturo Pérez-Reverte se met en scène dans son livre et invite le lecteur à réfléchir tant sur le processus littéraire que sur le contenu de la narration elle-même, dans un jeu permanent de miroirs où se mêlent l'histoire et la fiction, le passé et le présent, l'écrivain et le lecteur.


Challenge Pavés 2022
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Deux hommes de bien est sans l'ombre d'un doute l'un des plus beaux thèmes jamais traités par Arturo Pérez-Reverte, dans une oeuvre pourtant féconde. A partir de faits réels et enflammé par l'imagination et la maîtrise narrative du roi Arturo, quelle belle histoire en effet que ce voyage à Paris de deux membres de l'Académie royale d'Espagne, missionnés pour ramener au pays la version originale en 28 tomes de la déjà célèbre et sulfureuse Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, interdite en Espagne. Un périple que l'on pressent mouvementé et pimenté d'autant que deux de leurs collègues ont décidé de tout faire en sorte pour que l'aventure échoue. le livre, à tous les échelons du récit, s'appuie sur des dualités : entre ses deux héros, dissemblables physiquement et moralement (clin d'oeil à Don Quichotte), entre les conservateurs et les esprits éclairés, entre le catholicisme et l'athéisme, entre Madrid et Paris, etc. Cela vaut même pour les deux personnages opposés à la mission, aux convictions et à l'éthique très différentes. Cette chasse à l'Encyclopédie est l'occasion pour Pérez-Reverte de dresser un tableau de Paris, une décennie avant la Révolution, d'une érudition impressionnante avec une puissance d'évocation qui n'étonne plus de la part du maître espagnol. Deux hommes de bien est aussi précis dans sa topographie et sa toponymie de la capitale française qu'un roman de Modiano, ce qui n'est pas peu dire. Toutefois, il faut sans doute être passionné par l'histoire de cette époque, tant en Espagne qu'en France, pour goûter totalement les longs dialogues que s'échangent les divers protagonistes et qui pour les amoureux d'action peuvent sembler un brin fastidieux. La mise en scène du roman, à savoir l'intervention assez fréquente du narrateur, qui explique les secrets de fabrication du livre avec une multitude de références à des ouvrages rares et uniquement trouvables chez les bouquinistes, peut également constituer un frein à la lecture mais on a aussi le droit de la considérer autrement, comme une sorte de making of, qui certes aurait eu sa place dans une postface, mais qui finalement sert de pause et de teasing pour ce qui suit. Deux hommes de bien tient donc pour la plus grande parties les promesses d'un "synopsis" alléchant au gré d'un roman tortueux comme une venelle du Paris du XVIIIe siècle. C'est aussi, et cela va sans dire, un hommage vibrant à la culture française, à l'esprit des Lumières et plus largement à tous ceux, dans le passé, illustres ou inconnus, qui ont combattu l'obscurantisme et les censures de tous poils au profit de la liberté de penser et de la tolérance.
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Lu rapidement, j' ai trouvé ce livre particulièrement charmant. Nous déambulons avec les personnages à travers la France du XVIIIème siècle. C'est bien écrit, spirituel. L'intrigue est romanesque à souhait. Un peu Dumas, un peu Diderot, un roman très agréable, intelligent du célèbre auteur du Tableau du maitre flamand. Il y a un aspect érudit entre guillemets qui ne m'a pas du tout dérangé car j'ai trouvé que l'auteur parvenait à conserver une certaine légèreté élégante, très typique des clichés que nous projetons sur la France des Lumières.
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J'ai eu à plusieurs reprises grand plaisir à lire les romans historiques (ou autres) d'Arturo Pérez-Reverte ,aussi me suis-je précipité sur ce roman. Et ce fut ,en partie, une déception : l'histoire de ces deux envoyés de l'Académie Royale espagnole chargés de rapporter de la capitale française les 28 volumes de la première édition de l'Encyclopédie n'avait pas un parfum épique mais cette fin du XVIIIème , moment pré-révolutionnaire , m'a toujours attiré. Et l'auteur nous y fait un portrait saisissant et documenté de cette période traversée d'une agitation intellectuelle intense et travaillée en profondeur par des mouvements sociaux lourds de violence à venir . Il met en scène des personnages bien campés et attachants (l'abbé révolutionnaire Bringas étant tout de même un peu caricatural) dont on suit avec plaisir les joutes idéologiques et les aventures . Mais alors d'où vient ma déception ? de l'idée , à mon goût saugrenue, de consacrer la moitié du livre au « making-off » de celui-ci avec nomenclature complète des livres lus et des rencontres pour se documenter en intercalant ces épisodes didactiques avec les passages de narration. Cela n'amoindrit pas l'intérêt de l'intrigue mais la ralentit et l'alourdit considérablement.
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Formidable roman! Comme à son habitude Arturo Pérez Reverte nous plonge dans une aventure historique digne des grands romans du 19ème siècle, mais avec la patte d'un auteur contemporain. Membre de l'Académie Royale Espagnole des lettres, il découvre dans les archives de l'institution, le compte-rendu d'une mission menée vers 1780 par deux académiciens, suite à un vote des membres. C'est le point de départ d'un roman dont il commente régulièrement l'avancée des recherches qu'il a dû faire pour être au plus près de ce que ces " deux hommes de bien " ont vécu. Leur mission consistait pour Pedro Zarate dit l'amiral et don Hermogène Molina à se rendre à Paris, pour faire l'acquisition d'un exemplaire de l'encyclopédie de Diderot et D Alembert dont le contenu en pleine période de philosophie des Lumières, faisait grand bruit en Europe. Dans l'Espagne très catholique et royaliste de l'époque, l'acquisition de ces livres ne fait pas l'unanimité et des opposants au projet vont tout tenter pour faire échouer la mission. Il y a deux aspects dans le roman, l'un purement aventure, avec les descriptions d'un voyage de Madrid à Paris à la fin du 18ème siècle, les conditions d'hébergement dans les auberges, les attaques brigands de grands chemins, le duel auquel l'amiral devra se livrer, les réceptions dans les salons littéraires tenus par des femmes, notamment Mme de Dancenis, l'évocation de la littérature libertine, les agressions et les vols subis par les deux hommes, la vie dans le Paris de l'époque,avec les bouquinistes et les bibliothèques privées renfermant des trésors. L'autre aspect, concerne les idées, Perez Reverte , tout d'abord, montre les inégalités entre la noblesse et le peuple, ensuite il décrit par les conversations entre les personnages, les interrogations que les philosophes, les Voltaire, Rousseau, Diderot, déclenchaient dans la France secouée par les prémices de la révolution, il prouve en quoi ils ont guidé les leaders du soulèvement populaire et le renversement de la royauté. Il rappelle les craintes qu'ils soulevaient en Espagne qu'il décrit en retard sur le plan idéologique, ce qui lamente d'ailleurs les deux académiciens.
Pendant cette lecture, on est transporté plus de deux siècles en arrière! C'est historiquement bien documenté, et passionnant à lire.
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Deux histoires, en fait, dans ce roman : les aventures des deux héros et les « recettes » de la fabrication du roman. le narrateur de la partie contemporaine prétend être l'auteur des aventures d'Hermógenes Molina et de l'amiral don Pedro Zárate. Il nous fait part de ses recherches dans des explications souvent érudites et que l'on sent très documentées. le mélange de personnages réels et de personnages fictifs jusque dans ces explications empêche cependant le lecteur de confondre ce narrateur et l'écrivain au travail que serait Pérez-Reverte...
Pas mal de surprises aussi, grâce au choix de cette narration à deux voix. Au moment où je me disais « Si on suit comme ça chaque péripétie du voyage jusqu'à Paris, je vais trouver le temps long », le prétendu auteur intervient pour dire à son lecteur qu'il ne racontera pas les péripéties du voyage jusqu'à Paris, parce que ça lasserait le lecteur… Ces coupures temporelles qui nous ramènent dans un présent faussement réel constituent un texte parallèle à l'aventure des deux héros, texte qui devient rapidement un roman en soi.
L'aventure en elle-même est intéressante aussi. Qu'il s'agisse du poids de la religion et de la crainte de l'Église en Espagne, du parallèle tant physique que psychologique entre les deux héros et le Quichotte et Sancho Panza, des différences de moeurs entre Paris et Madrid, des premiers frémissements de la Révolution, de la difficulté à trouver la première édition de l'Encyclopédie, j'ai appris plein de choses et suivi leurs aventures, sans pourtant m'attacher vraiment aux héros.
J'ai « bien aimé » ce roman, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'être un peu déçue. Je ne suis pas fan du capitaine Alatriste. J'ai trouvé que les aventures des deux académiciens espagnols s'apparentaient plus à ce type de romans-là qu'au Tableau du maître flamand ou à La Diagonale du fou que j'avais tant aimés.
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« Charles III a été un bon roi dans la limite de ce que l'on pouvait en attendre » et, en dépit de l'opposition de l'Inquisition et de la papauté, il a autorisé l'Académie royale espagnole à se procurer les vingt-huit volumes de la fameuse Encyclopédie publiés entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot et D'Alembert. Plus facile à dire qu'à faire ! En 1780, se procurer un des 4400 exemplaires de la collection est une aventure des plus risquées. Deux académiciens parlant le français sont chargés de se rendre à Paris pour tenter de trouver et rapporter ce que l'Europe entière considère comme le phare de l'ère des Lumières.

Point de navires ni de cartes marines, on ira par voies terrestres de Madrid à Paris en passant par Bayonne. Il est rare que les académiciens soient de première ou même de seconde jeunesse, les nôtres n'échappent pas à la règle : Don Pedro Zarate est un marin à la retraite qu'on appelle à l'Académie l'Amiral, Hermogenes Molina est un bibliothécaire qui n'a jamais quitté l'Espagne et « n'a plus l'âge ni la force d'encaisser de telles fatigues ». le premier est agnostique et le second catholique pratiquant.

Il y a aussi, comme dans toute bonne chasse au trésor, des opposants. Ceux-là sont également académiciens et assez sournois pour commanditer un spadassin chargé de faire échouer la mission. La route passe par Meung sur Loire (clin d'oeil à D'Artagnan au tout début des Trois Mousquetaires), on fait le coup de feu pour échapper à des bandits de grand chemin, un policier véreux tend une embuscade, l'ambassadeur d'Espagne se désintéresse de la mission mais présente l'abbé Bringas, un compatriote exilé qui, moyennant finances, doit les aider à trouver ce qu'ils cherchent tout en leur faisant découvrir le Paris pré-révolutionnaire.

Tous les personnages sont authentiques, le spadassin pourrait être le capitaine Alatriste ou l'un de ses frères d'armes. Il a perdu son honneur un jour au Portugal et parfois, le vieux lieutenant courageux qu'il a laissé partir seul au combat et à la mort vient le hanter. On découvre que Bringas fut plus tard un des plus sanguinaires membres de la Convention et qu'il eut le privilège de monter à l'échafaud le même jour que Robespierre, juste après Saint Just. Il faisait partie du petit nombre de détenus libérés de la Bastille le 14 juillet 1789 où il séjournait selon lui pour ses écrits séditieux mais plus vraisemblablement selon les historiens pour commerce de pornographie ! On croise un charlatan qui se dit médecin, entend soigner un rhume par une saignée et se nomme Marat. On mesure l'abîme séparant les élégants du faubourg Saint Honoré des spectres survivant rue des Rats ou rue du Pet-au-Diable. Nos académiciens courent les libraires et rencontrent, au café Procope, Condorcet, D'Alembert, Bertenval et Franklin sans oublier (ah les échecs tellement présents dans l'oeuvre de Pérez-Reverte) Philidor qui « joue mentalement…(sans) échiquier ou adversaire…seul contre le monde ». On comprend, à travers Bringas, ce que la Révolution et ses bains de sang doivent aux écrivains, poètes, philosophes, avocats médiocres et jaloux du talent et du succès de leurs confrères.

On philosophe avec D'Alembert « nous n'avons pas fait l'Encyclopédie pour ça (la révolution sanglante) », « pour notre révolution nous n'avons pas besoin d'autres armes que celles des livres et des paroles » mais Bringas a le dernier mot « forger l'homme nouveau va nécessiter une étape intermédiaire…il n'y aura d'école possible que là où l'on aura dressé un bon échafaud…il faut éliminer les ennemis du progrès…en séduisant les membres de la classe dirigeante…que leurs coeurs, leurs intérêts ou l'air du temps conduisent vers les Lumières puis…se substituer à eux…c'est bien simple : on les extermine sans pitié»

L'Amiral se voit provoqué en duel par l'amant d'une belle qui a jeté les yeux sur lui. Vingt ans sans avoir tiré l'épée, vingt ans de plus que son adversaire, Don Pedro saura-t-il se tirer d'affaire ? Saura-t-il aussi se tirer d'affaire avec la coquette qui reçoit chez elle, dans sa chambre, pour le petit-déjeuner.

C'est une très belle et très riche aventure remarquablement contée (si vous ne vous sentez pas trempés jusqu'à l'os comme le cavalier de la page 146, c'est à désespérer) avec le sens extraordinaire du détail qui caractérise tous les romans de Pérez-Reverte. Ici, il nous offre le plaisir rare, en préambule puis à l'intérieur de son récit, de nous dévoiler son travail de documentaliste sur les traces de ses deux héros. C'est aussi passionnant que l'histoire de cette chasse au trésor dont voici les premières lignes:

« Imaginer un duel à l'aube, dans le Paris de la fin du XVIIIème siècle, n'est pas difficile. le raconter par écrit est plus compliqué. le tout est d'obtenir du lecteur qu'il voie ce que l'auteur voit ou imagine. de devenir le regard de l'autre, celui qui lit, et de s'effacer discrètement afin que ce soit lui qui fasse corps avec l'histoire qu'on lui raconte. Celle de ces pages demande un pré couvert de givre au petit matin, et une lumière diffuse, grisaillante, pour laquelle il serait utile de recourir à la douce brume, pas trop épaisse, qui s'élevait le plus souvent des bois aux alentours de la capitale française dès les premières lueurs du jour…Ce qui doit attirer notre attention, ce sont les deux hommes immobiles qui se font face…du groupe assemblé sous le couvert des arbres vient une voix et les deux hommes lèvent lentement leur épée »… maintenant poursuivez la lecture !

Finiront-ils par dénicher leur Graal ? Seront-ils capables de le défendre ? Sont-ils prêts à mourir pour lui ? Assurément car ce sont « Deux hommes de bien » tandis qu'Arturo Pérez-Reverte est un Grand d'Espagne.
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J'ai beaucoup aimé ce roman à la fois historique et fictionnel de cet auteur jusqu'alors inconnu de moi. Arturo Perez Reverte raconte comment deux membres de l'Académie Royale d'Espagne (le pendant de notre Académie Française) vont vers la fin du XVIII° siècle entreprendre un grand voyage vers Paris pour tâcher d'y acheter L'Encyclopédie de D'Alembert et Diderot. Cette dernière est interdite en France (où elle se vend clandestinement) et en Espagne mais son achat est autorisé concernant la seule Académie.
Mais c'est sans compter sur deux opposants au projet (la part romancée de l'histoire), dont l'un souhaite rester la seule référence des Lumières dans son pays et serait jaloux de l'entrée d'une telle Encyclopédie qui ferait de l'ombre à ses écrits, et dont l'autre est un partisan de l'obscurantisme religieux luttant contre le progrès de la raison et tout ce qui semble différer un tant soit peu des Ecritures.
C'est intéressant de découvrir l'Académie de cette époque, avec une majorité de personnes éclairées dont des ecclésiastiques modérés puis de suivre les pérégrinations de nos deux héros, Don Hermogenes et Don Pedro Zarate. Nous voyageons avec eux pour se dépayser dans l'Espagne et le Paris du XVIII° siècle, avec ses idées nouvelles, ses salons mais aussi sa pauvreté et ses inégalités. Cela, l'abbé Bringas (ayant existé) -qui accompagne longtemps les deux hommes de bien- ne manque pas de tout faire pour le leur faire bien comprendre. A la fois repoussant, pique-assiette, calculateur, partisan de la violence et homme d'esprit capable d'anticiper et d'expliquer le grand bouleversement de la révolution qui se prépare, ce personnage ne manque pas de sel car il incarne tous ceux qui malgré leur entendement et leurs capacités ne sont pas pris au sérieux ou méprisés à cause de leur condition misérable et de la saleté qui va avec à cette époque, ceux en lesquels grondent une colère sourde qui se transforme en violence mais qui lancent des piques incisives souvent censées. Ce dont l'Amiral se rend compte à plusieurs reprises, partageant d'ailleurs avec lui quelques idées. Car le voyage est aussi le lieu de quelques débats entre l'Amiral, Don Hermes et Bringas, ce qui le rend d'autant plus intéressant et nous rend chaque personnage plus attachant, avec ses idéaux, son humour, l'amitié qu'il porte aux autres et ses contradictions. Les deux académiciens vont devenir presque comme des frères et j'ai aimé suivre l'évolution de leurs rapports également et parallèlement, les aventures de celui qui, mandaté par les deux fâcheux, doit mettre à mal leur projet coûte que coûte. On côtoie ainsi deux Paris, celui du progrès, parfois du pédantisme et celui du dénuement. La fin est riche en rebondissements même si l'on se doute de l'issue.
L'auteur fait aussi de multiples digressions pour raconter ses recherches sur le voyage des deux hommes, les ouvrages consultés, les choix narratifs qu'il a dû faire, ce que j'ai apprécié d'abord mais que j'ai ensuite trouvé trop présent dans le récit cadre, au détriment de l'intrigue romanesque.
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Lire un nouveau roman de Perez-Reverte, c'est comme revoir un ami. de tous ceux que j'ai déjà lus, quatorze à ce jour, il n'y en a qu'un seul avec lequel je n'avais pas accroché, alors à chaque fois qu'il en publie un nouveau.... Moitié roman d'aventures historique, et érudit, moitié promenade de l'auteur lui-même sur les pas d'une énigme, Deux hommes de bien démarre peut-être un tout petit peu lentement mais peu importe quand tout y est si jubilatoire. Est-ce le style? le sujet? J'ai toujours un peu du mal à mettre le doigt sur les raisons qui me font sourire tout azimut de pages en pages, alors permettez-moi un petit résumé.
Sous l'Ancien Régime, les personnages: Don Hermogenes, charmant bibliothécaire vieillissant, veuf, croyant, et son comparse, Don Pedro, un vaillant membre à la retraite de la marine espagnole, voyagent vers Paris dans le but de se procurer pour l'Académie l'Encyclopédie, dans sa version d'origine. Seulement en Espagne, certains sont près à envoyer l'ouvrage au diable, et déjà se presse un étrange personnage sur leur talons...
Et, intercalée dans leur démêlé, Perez-Reverte lui-même qui retrace leur voyage, curieux de savoir comment ils ont pu trouver l'introuvable.
A vrai dire, les périodes modernes du roman gênent un peu parfois, arrivant comme un cheveu sur la soupe au moment le plus passionnant, mais tout est tellement agréable à lire qu'on pardonne ce petit travers pour se laisser entraîner dans un très bon cru.
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