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Perez-Reverte m'avait conquise dans « La peau du tambour » et « le tableau du maitre flamand ».
J'aime l'Espagne comme si, dans une ou des vies antérieures, j'y avais vécu. Qui sait ?
La révolution française m'intéresse depuis toujours.
J'ai adoré donner cours sur le siècle des Lumières, notamment sur Voltaire.
L'Encyclopédie est à mes yeux une oeuvre précieuse et témoin d'un pas en avant dans la marche du monde, ou tout au moins dans sa façon de penser.

Et pourtant…
Et pourtant que la lecture de ce roman m'a paru longue !
J'ai abordé pourtant avec plaisir cette histoire à la narration originale (l'auteur ou le pseudo-auteur qui n'est pas Perez-Reverte se met en scène dans son désir d'écrire et dans la genèse de son écriture).
Le contexte suffocant, à la religiosité maladive, aux passions étouffées dans l'oeuf, est très bien décrit par l'auteur lorsqu'il se charge de nous planter le décor : une Espagne catholique où pas un soupçon de progrès n'ose voir le jour. L'Académie du 18e siècle se charge de surveiller le langage et ses ramifications les plus infimes, mais c'est tout. C'est normal que certains se tournent vers la France toute proche mais pourtant si lointaine en ces temps où les diligences sont à la merci des ornières, où les voyageurs sont détroussés et même occis de la plus simple façon.

Ah la France et ses lumières ! Paris, la capitale de la pensée, receleuse du plus grand trésor qui puisse exister à cette époque : l'Encyclopédie !
Deux « hommes de bien », académiciens distingués, sont dépêchés pour négocier l'achat des 28 volumes. C'est sans compter sur la rouerie de deux autres de leurs vénérés collègues, bien décidés à empêcher cet acte anti catholique de se produire. Leur voyage est semé de quelques embûches, Paris est le théâtre de quelques coups bas.
Ils y côtoieront quelques personnages illustres dans des lieux non moins illustres.

Et pourtant, je me suis ennuyée. Beaucoup de conversations tournent autour des mêmes sujets : l'Eglise et le progrès, bien sûr, mais aussi l'aristocratie confite dans sa mollesse, le peuple abruti par la misère, et le seul salut qui vient des écrivains, des imprimeurs et des journalistes.
Madrid-Paris, aller-retour. Quelques coups d'épée, beaucoup de promenades dans les rues de Paris, peu d'actions, beaucoup de paroles.

Mais rassurez-vous : j'aime toujours l'Espagne. La révolution française m'intéresse encore, ainsi que les Lumières, Diderot, D Alembert et Voltaire.
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Livre d'aventures mené tambour battant par Arturo Perez Reverte, qui nous conte la folle traversée de la France de deux académiciens espagnols à la recherche de L'Encyclopédie interdite en ce 18ème siècle tant en Espagne qu'en France, quoique, mais surtout leur découverte quelque peu échevelée de Paris, la capitale aux mille facettes.

Il y a des longueurs. J'ai personnellement trouvé inutile que l'auteur entrecoupe le récit des modalités des recherches historiques qu'il a effectuées, même si je reconnais que cela donne du rythme à l'histoire en permettant au lecteur de souffler.

Un bon livre distrayant et qui vaut bien le détour.
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Membre de la Real Academia Española, Arturo Pérez Reverte a un jour découvert que la bibliothèque de cette noble institution comprenait les vingt-huit volumes de l'Encyclopédie dans sa première édition. Sachant qu'elle était alors interdite (l'Inquisition espagnole ne sera supprimée qu'en 1834), il s'interroge sur la façon dont elle est parvenue sur ces étagères. Voilà le point de départ de ce curieux livre dans lequel l'auteur joue avec ses lecteurs.

En 1780 l'Académie Royale d'Espagne décide donc d'envoyer deux de ses membres à Paris se procurer les vingt-huit volumes de l'Encyclopédie, interdite en principe en France et plus fermement en Espagne et cependant avec l'autorisation du roi Charles III et l'accord du membre représentant l'église. C'est l'histoire de ce périple, par deux émissaires très différents, l'un Hermogénes Molina sincèrement croyant qui tâche de concilier cette foi avec la raison, et l'autre, Pedro Zárate esprit scientifique et athé. Pourtant alors qu'ils ne s'étaient jamais vraiment parlé auparavant, les deux hommes grâce à leur honnêteté d'esprit et leur courtoisie vont devenir amis. Mais cette équipée est compliquée par l'opposition de deux autres membres de l'Académie pourtant adversaires mais qui ont dépêché un sbire pour les empêcher de venir à bout de leur mission. Au lieu d'en faire un simple récit historique, l'auteur choisit de montrer le livre en train de se faire.
Mais en fait ce n'est pas si simple, cet écrivain qui nous explique ses recherches, ce n'est pas vraiment Perez Reverte. Il cite des lieux où il a écrit tel ou tel passage d'un de ces livres, sauf que L'ombre de Richelieu ou le chasseur de livres n'existent pas. Et puis les recherches qu'il dit faire ne semblent pas toujours indispensables. Il reste nombre de références bibliophiliques comme celle aux mémoires de Lenoir qui assure que la Révolution française est l'oeuvre de médiocres, frustrés par leurs échecs.
Et qu'en est-il de ce collègue Francisco Rico qu'il brocarde ? Oh il existe bien mais Reverte a t il réellement du mépris pour ce philologue qu'il interroge pour les besoins de son livre ? Qui est dupe ?
Ce roman fait aussi revivre le Paris juste avant la Révolution avec cet abbé Bringas qui y jouera un rôle, et tant d'autres figures comme madame Dancenis, Marat, des encyclopédistes, ou lieux tel le café Procope...

Voilà donc un livre érudit. Est-ce à dire que c'est un chef d'oeuvre ? Pas vraiment pour moi. Si je l'ai commencé avec beaucoup de plaisir, au fil du temps j'ai eu de moins en moins d'empressement à le reprendre. C'est peut-être dû au fait que j'ai largement entrecoupé ma lecture de recherches sur Internet. Pourtant je le recommande.
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Deux hommes de bien est un roman plutôt surprenant, dans lequel Arturo Pérez-Reverte nous propose un voyage dans le temps, dans l'espace et dans les esprits. Il s'agit ici d'un roman atypique entre histoire d'aventures, roman historique et récit initiatique.

La forme retenue est celle d'un roman. Il est toutefois difficile de le qualifier uniquement d'historique ou d'aventures, car le propos prend le meilleur des deux genres. Nous voici plongés au XVIIIème siècle à suivre la mission de deux "héros ordinaires", académiciens espagnols, mandatés pour acheter à Paris la première édition de l'Encyclopédie avant de l'escorter vers Madrid. Il leur faudra compter avec des adversaires, bien décidés à les faire échouer.

Le récit oscille entre les points de vus des deux académiciens, de leur deux adversaires et du mercenaire mandaté pour faire échouer l'opération. de manière assez surprenante, l'auteur, s'adressera directement au lecteur pour lui expliquer tel ou tel choix, les recherches qui ont été faites. Cette approche est très bien vue, car elle permet de distinguer ce qui relève de la fiction et de ce qui est attesté par des sources. le récit gagne en dynamisme, ce qui n'aurait pas été le cas avec de simples références en bas de page ou des développements en annexe.

Bien que le lecteur connaisse d'emblée le résultat de cette mission, le récit reste prenant. Il y a d'abord l'attachement pour les trois personnages principaux. Même Pascual Raposo, le méchant du livre, est sympathique à suivre, bien que les deux héros, l'Amiral et don Hermès sont de bons compagnons de route. Mais il y aussi les nombreuses dissertations philosophiques qui sont présentées en cours de route. Il s'agit généralement d'échanges, qui sont plaisant à lire et à interpréter. Il s'agit véritablement de parties intégrantes du récit. Qui aurait dit que tout cela soit aussi passionnant ?

Le récit est plutôt bien ficelé, bien que de facture assez classique. Certaines séquences sont un peu prévisibles (le duel, l'inévitable histoire d'amour, les difficultés rencontrées, les difficultés qui ne cessent de s'accumuler afin de mettre les personnages et le lecteur sous pression), bien qu'elles demeurent plaisantes. Il faut dire aussi que le roman rend hommage à de nombreux auteurs, ouvre de nombreux débats philosophiques… tout cela évite l'ennui.

Seul le dénouement déçoit un peu. Une ellipse importante viendra gâcher le plaisir. le périple s'achève un peu rudement et laisse la place à un épilogue qui apporte peu d'explications et laisse de trop nombreuses questions sans réponse. le choix est un peu rude, mais il faut bien reconnaître qu'ainsi, le roman ne traîne pas en longueur.

Pour parfaire son effet, l'auteur nous parle de Madrid mais surtout de Paris au XVIIIème. Si la ville a beaucoup changé depuis, il n'en demeure pas moins que ce roman, composé par un européen, est tout à fait indiqué pour accompagner un voyage vers la capitale française. La traduction française est très réussie et il n'y a plus qu'à espérer qu'il en est de même pour les autres langues.

Deux hommes de bien est donc une belle découverte, un roman qui offre bien plus que ce qu'il peut laisser supposer. A découvrir de toute urgence !
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Ce roman a été pour moi un véritable coup de coeur. J'en reste étonnée, mais il m'a littéralement emporté. Quel bonheur de voyager à travers la France du XVIIIème siècle et découvrir des lieux encore présent à l'heure actuelle. Et puis, quelle superbe idée de partager avec le lecteur l'énorme travail qui repose derrière un roman. D'autant plus lorsqu'il s'agit d'un roman historique, puisque chaque fait et chaque date doivent être consciencieusement vérifiés. Lorsque j'étais encore écolière, l'histoire-géographie ce n'était pas mon dada … Pas du tout même ! Je vous avoue que si, au moins, l'un de mes professeurs avait eu un jour, ne serait-ce que la moitié de la passion de Arturo Perez-Reverte, j'aurais adoré cette matière. Parce que l'histoire d'un pays, ce n'est pas que des dates à apprendre par coeur, mais c'est surtout de petites anecdotes, des sentiments, et des gens … J'ai dégusté ce roman. Vraiment ! Il a été important pour moi de le parcourir dans une sorte de huit-clos. Juste nous … le livre et moi. Alors qu'habituellement je dévore mes romans en l'espace de quatre jours au maximum, celui-ci m'en a demandé six. Pas parce qu'il était compliqué, non ! Parce qu'il devait être savouré. J'ai adoré, également, ressentir cette passion que les académiciens vouaient à l'Encyclopédie et aux mots. C'est un sentiment, qui me semble, en voie de disparition de nos jours. L'amour des livres n'est plus ce qu'il était auparavant … Et, c'est bien dommage. En percevant leurs émotions, je me projetais. Attraper un livre sur une bibliothèque demande du soin … Presque de l'élégance. Tourner les pages d'un livre est semblable à une caresse … Lire les mots qui y sont inscrit, c'est prononcer une toute douce poésie … Rien ne destinait ce livre à être aimé de ma personne … Bien qu'il s'agit d'une réelle aventure de se lancer à la poursuite de cet ouvrage, le rythme du roman est relativement lent et, pour ainsi dire, il n'y a pas vraiment d'aventures non plus. Si vous êtes un amoureux des mots, un amoureux de la France du XVIIIème, un historien, ce livre est fait pour vous !
Du côté des personnages, je n'ai pas grand chose à en redire. L'Amiral est le personnage fort du duo d'aventurier. Il a la parole facile, toujours douce sans manquer de piquant. Hermès, quant à lui, est un fervent pratiquant de la religion catholique. Religion très ancrée dans les us et coutumes espagnoles, d'autant plus à cette période. Guidé par sa foi, il reste donc beaucoup plus doux. Peut-être même beaucoup trop doux. Raposo est le mafieux dans toute sa beauté … Jusqu'à la fin du roman, en tout cas. Là, on ne comprend pas ! Pourquoi fait-il ça ? Ça paraît tellement contraire à son personnage. C'est dommage ! Bringas, je l'ai imaginé, avec un visage un peu félin … un peu sournois. J'ai adoré son personnage torturé. Madame Dancenis, pour la petite touche frivole, parce qu'il en faut et parce que fidèle à l'histoire, la frivolité à cette époque était de mise. 
Les parties intermédiaires, où l'auteur explique son travail, peut être déconcertant si on ne le vit pas comme une histoire dans l'histoire. Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ce côté « documentaire ». Grâce à lui, le lecteur sait que l'écriture d'un roman est un travail à temps complet. Un travail d'imagination, bien sûr, mais également de recherche d'informations. Et dans ce roman, tout est exacte : les coiffures des dames, les boyaux de brebis, les plats servis, les auberges, les restaurants … Tout ! J'ai eu d'autant plus de plaisir à les lire en ressentant la passion de l'auteur pour les lettres oubliées. Mère des langues latines, le latin a une place bien particulière dans ce roman et c'est un véritable plaisir de la découvrir. Un plaisir à essayer de rechercher la signification de ces phrases.
Vous l'aurez compris : lisez-le ! Et laissez-vous porter sans attendre réellement d'aventures palpitantes. Ce ne sont pas les protagonistes qui vivent une aventure, mais vous ! Lire ce roman c'est intégrer un autre monde. Pour ma part, je ne parviens pas à en vouloir à l'auteur pour le peu de dynamisme de l'intrigue … Ni pour la fin du roman, quelque peu facile … Ce roman appelle la curiosité sur beaucoup de sujet : la philosophie, les langues, la France, l'Espagne, la révolution ainsi que tous les personnages réels qui ont traversé ce roman.
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Quel bonheur de lecture! Il y a tout ce que j'aime dans ce roman : une trame historique véridique, un clin d'oeil appuyé à quelques monuments de la littérature, de l'aventure et du suspense, l'arrivée du romancier dans son roman et quelques pistes de réflexion sur l'évolution actuelle de notre vieille Europe.
C'est un régal de suivre les émissaires de l'Académie royale d'Espagne de Madrid à Paris. Un voyage commandé afin de ramener un exemplaire de l'Encyclopédie. Mission périlleuse pour don Hermógenes Molina et l'amiral don Pedro Zárate, à la fois pour des raisons logistiques – le trajet et long et les routes ne sont pas très sûres – et pour des raisons politiques. Car dans l'Espagne de l'Inquisition tous les membres de la prestigieuse Académie n'apprécient pas cette décision et cet ouvrage qui remet en cause un certain nombre de dogmes, le poids de la religion catholique et le pouvoir absolu: « Il n'y a en Espagne ni penseurs ni philosophes originaux. L'omniprésente religion empêche leur épanouissement. Il n'y a pas de liberté... Quand elle nous vient de l'extérieur, c'est à peine si nous la touchons du doigt, de peur de nous brûler. (…) Ici, en terre d'Espagne, c'est une folie de suggérer à un peuple inculte et violent qu'il peut disposer de lui-même comme il l'entend. de telles extrémités menacent le sort des rois. »
Face à la dimension sacrilège de l'entreprise, Manuel Higueruela et Justo Sánchez Terrón chargent un bandit sans scrupules d'empêcher le succès de l'expédition par tous les moyens qu'il jugera utile. le redoutable Pascual Raposo va suivre le carrosse qui emmène les deux hommes jusqu'au moment le plus adéquat pour mettre fin à leur mandat. Toutefois, il se rend vite compte que sa mission pourrait se transformer en un voyage d'agrément. Car à Paris nos deux hommes vont se heurter à un gros problème: il n'existe quasiment plus d'édition originale de l'Encyclopédie, interdite, tout juste des copies incomplètes. Mais le bibliothécaire et le militaire retraité n'entendent pas baisser les bras et cherchent de l'aide dans les cafés et les cercles littéraires. Un peu déroutés par les moeurs parisiennes, ils vont se voir tour à tour confrontés à un épisode des Liaisons dangereuses (comment résister à une entreprise de séduction menée dès potron-minet dans une alcôve entièrement dédiée à l'amour) puis à un autre des Trois Mousquetaires (clin d'oeil dans le clin d'oeil, c'est Choderlos de Laclos qui est témoin du duel organisé un peu à l'écart des Champs-Elysées). Sans oublier le grand Cervantès que l'auteur célèbre tout au long du livre en faisant de son amiral une sorte de Don Quichotte qui se battra jusqu'au bout pour son rêve et de son bibliothécaire un Sancho Panza aussi fidèle et naïf que son modèle. Voilà comment on finit par mettre la main, après moult péripéties, sur la «vraie» Encyclopédie.
Comme toujours avec Arturo Pérez-Reverte, on se retrouve immergé dès les premières lignes dans les lieux et dans l'époque. Grâce à un travail considérable de documentation qui pousse quelquefois le romancier à prendre lui-même la route pour vérifier un itinéraire ou la plausibilité d'une rencontre, il est aisé de lire ce livre comme si l'on était devant un film. Mieux même, aux images et aux sons viennent quelquefois s'ajouter les odeurs.
Une autre trouvaille complète cette belle épopée, dont il serait dommage de révéler la fin, l'arrivée du narrateur-écrivain en train d'écrire le livre. Dans un entretien accordé au magazine Lire en mai dernier, l'auteur du Capitaine Alatriste a expliqué comment lui est venu cette idée: «J'ai d‘abord conçu le roman de façon linéaire, mais j'ai vite remarqué que la matière était parfois trop aride, trop complexe. Au bout de soixante-dix pages, j'ai compris qu'il fallait changer la structure pour pouvoir opérer des ruptures, des sauts temporels. L'introduction du narrateur était alors nécessaire. Après, on pourrait bien sûr croire que ce narrateur est Arturo Pérez-Reverte, mais comme pour le reste, la plupart de oe qu'il dit est entièrement faux».
L'effet est saisissant, «Le lecteur a l'impression gratifiante qu'il est en train d'assister â la création du roman, mais ce n'est qu'un autre roman!» Un roman brillant qui, j'en prends le pari, vous emportera…

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Arturo Pérez-Reverte, membre de l'Académie royale d'Espagne, est l'auteur de nombreux romans avec une trame historique et ou géographique réelle, mêlant des personnages ayant existé avec d'autres tirés de son imagination féconde.

Lors d'un de ses passages à la bibliothèque de l'Académie, il remarque que celle-ci possède l'édition originale de l'Encyclopédie de Diderot et D Alembert en vingt-huit volumes, alors que cet ouvrage était interdit par l'Inquisition au milieu du XVIIIème siècle.

En étudiant les comptes rendus des sessions de l'Académie, Pérez-Reverte apprend qu'avec l'autorisation du roi Charles III et de l'Eglise, deux membres de l'Académie ont fait le voyage de Madrid à Paris vers 1780 pour acquérir l'Encyclopédie. Arturo Pérez-Reverte décide de refaire le trajet et d'acquérir le plus de documents possibles de l'époque pour reconstituer le trajet, les paysages et les décors de l'Espagne et la France de la fin de l'Ancien Régime. Tout oppose Madrid, enferré dans le conservatisme et la bigoterie à Paris, ville où sont célébrées les idées nouvelles, qu'elles soient scientifiques ou philosophiques, avec une liberté de ton et de moeurs inconnus en Espagne.

Arturo Pérez-Reverte aurait pu se contenter d'écrire un roman historique d'aventure tel que le Capitaine Alatriste, mais il se met en scène dans la préparation et les recherches qui aboutiront à ce roman. Ce procédé, qui a désarçonné certains lecteurs habitués au style des précédents ouvrages de Pérez-Reverte, me semble quant à moi, relever d'un exercice de virtuosité inspiré du tableau de Diego Vélasquez, Les Ménines, peint en 1656. le peintre est représenté à côté d'une petite Infante, entourée de demoiselles d'honneurs et d'une naine, avec le roi et la reine en reflet dans un miroir dans le fond au centre du tableau. « La composition complexe et énigmatique de la toile interroge le lien entre réalité et illusion et crée une relation incertaine entre celui qui regarde la toile et les personnages qui y sont dépeints. » (Wikipédia)

Arturo Pérez-Reverte n'a jamais caché son intérêt pour la peinture ancienne depuis le tableau du Maître flamand, son premier roman paru en 1994.
Dans Deux hommes de bien, les Académiciens espagnols du XVIIIème siècle sont plus occupés par les oeuvres du passé glorieux de l'Espagne, comme Don Quichotte de Cervantès ou La vie est un songe de Calderon que par les oeuvres contemporaines. Arturo Pérez-Reverte se met en scène dans son livre et invite le lecteur à réfléchir tant sur le processus littéraire que sur le contenu de la narration elle-même, dans un jeu permanent de miroirs où se mêlent l'histoire et la fiction, le passé et le présent, l'écrivain et le lecteur.


Challenge Pavés 2022
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« Deux hommes de bien » est un aller-retour entre Madrid et Paris, ou deux hommes vont se rencontrer et nous offrir leur propre rencontre, accompagnée par une ombre en souffrance. L'auteur nous invite à cette promenade dans une époque, une autre belle époque, une "avant la révolution française", comme un « 1912 » avant sa grande tuerie de "14-18". Les personnes humaines croisées sont touchantes, attachantes, et éloignées de toutes caricatures.
En commençant la lecture, je croyais que j'aurais des réticence par rapport aux commentaires personnel de l'auteur, à ses encarts. Mais ce n'est pas comme ces auteurs insupportables et narcissiques des années 90-2000, c'est juste un auteur qui parcourt lui-même sa propre création et ses propres difficultés pour nous rendre cette époque au plus juste.
Très très beau roman d'Arturo Pérez-Reverte !

Durant ces 10 jours de lectures je me suis promené aussi dans l'automne nouvelle, celle de 2019, une automne si différentes des 57 autres que j'ai connu, une automne qui évoque que quelque chose d'inattendu est en train de surgir dans l'horizon.
Lien : https://tsuvadra.blog/2019/1..
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Deux hommes de bien, de l'Académicien espagnol Arturo Perez-Reverte, est un des meilleurs romans historiques que j'ai pu lire jusqu'à aujourd'hui. J'ai trouvé ce texte formidable et ce, pour plusieurs raisons, tenant aussi bien au fond qu'à la forme.
Concernant celle-ci, l'auteur joue sur deux époques. Il ne s'est pas contenté d'une préface ou d'une postface pour expliquer pourquoi et comment il a écrit ce livre. A la place, il raconte la construction de son récit à mesure que celui-ci, qui se passe dans les années 1780, se déroule. Il a été aussi passionnant de suivre les péripéties des deux académiciens espagnols partis à Paris en quête de l'Encycopédie, que de voir les recherches de l'écrivain. Car la quête de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, alors interdite par la Ste Inquisition dans le royaume ibérique, a réellement existé. Aussi Arturo Perez-Reverte a-t-il multiplié les recherches bibliographiques, cartographiques et même directement sur les lieux pour peaufiner son récit, coller au plus juste à la réalité. Lisant, retrouvant des anciennes cartes ou des mémoires de visiteurs espagnols de l'époque, interrogeant des spécialistes des deux côtés des Pyrénées, parcourant avec sa voiture l'itinéraire qu'ont suivi ses deux héros, ... C'est un régal que de voir se construire un récit.

Les parties situées au XVIIIème siècle se révèlent très réussies, le sérieux de l'auteur dans sa préparation garantissant une véritable plongée dans l'Espagne et la France de l'époque dite des Lumières. le chemin vers Paris et retour est tout sauf une sinécure. On voyage alors en voiture hippomobile et, étant sexagénaires, les deux académiciens se ressentent du cahotement incessant. Sans compter les risques de casse de roues ou d'essieux, le brigandage de grand chemin, le confort et l'hygiène souvent très relatifs des auberges d'étapes. Et j'en passe. Surtout que dans l'ombre se trame un complot visant à faire echec à la mission.

J'ai suivi avec grand plaisir les pérégrinations de Don Hermès, le bibliothécaire de l'Académie, et l'Amiral, sur les routes, dans les salons et milieux huppés parisiens comme dans les bas-fonds de la capitale, dans les librairies comme dans les tavernes. Car tout y est également occasion de discuter pour les deux comparses, ensemble ou avec les rencontres effectuées. La plume érudite du romancier place dans ces dialogues les grandes questions qui agitent cette période prolifique. On croise ainsi le chemin de certains rédacteurs de ladite Encyclopédie, un curieux abbé espagnol en exil virulent athée et qui voudrait changer le monde par le feu et le sang (personnage réelle qui accompagnera Robespierre sur l'échafaud), une femme tenant salon, ...

Je ne peux que recommander, en conclusion, cet excellent roman foisonnant. L'action se mêle à la réflexion de façon souple et intelligente. Et puis, quelque soit les contextes de cette lecture,  répandre un peu des Lumières ne peut pas faire de mal.
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Deux hommes de bien est sans l'ombre d'un doute l'un des plus beaux thèmes jamais traités par Arturo Pérez-Reverte, dans une oeuvre pourtant féconde. A partir de faits réels et enflammé par l'imagination et la maîtrise narrative du roi Arturo, quelle belle histoire en effet que ce voyage à Paris de deux membres de l'Académie royale d'Espagne, missionnés pour ramener au pays la version originale en 28 tomes de la déjà célèbre et sulfureuse Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, interdite en Espagne. Un périple que l'on pressent mouvementé et pimenté d'autant que deux de leurs collègues ont décidé de tout faire en sorte pour que l'aventure échoue. le livre, à tous les échelons du récit, s'appuie sur des dualités : entre ses deux héros, dissemblables physiquement et moralement (clin d'oeil à Don Quichotte), entre les conservateurs et les esprits éclairés, entre le catholicisme et l'athéisme, entre Madrid et Paris, etc. Cela vaut même pour les deux personnages opposés à la mission, aux convictions et à l'éthique très différentes. Cette chasse à l'Encyclopédie est l'occasion pour Pérez-Reverte de dresser un tableau de Paris, une décennie avant la Révolution, d'une érudition impressionnante avec une puissance d'évocation qui n'étonne plus de la part du maître espagnol. Deux hommes de bien est aussi précis dans sa topographie et sa toponymie de la capitale française qu'un roman de Modiano, ce qui n'est pas peu dire. Toutefois, il faut sans doute être passionné par l'histoire de cette époque, tant en Espagne qu'en France, pour goûter totalement les longs dialogues que s'échangent les divers protagonistes et qui pour les amoureux d'action peuvent sembler un brin fastidieux. La mise en scène du roman, à savoir l'intervention assez fréquente du narrateur, qui explique les secrets de fabrication du livre avec une multitude de références à des ouvrages rares et uniquement trouvables chez les bouquinistes, peut également constituer un frein à la lecture mais on a aussi le droit de la considérer autrement, comme une sorte de making of, qui certes aurait eu sa place dans une postface, mais qui finalement sert de pause et de teasing pour ce qui suit. Deux hommes de bien tient donc pour la plus grande parties les promesses d'un "synopsis" alléchant au gré d'un roman tortueux comme une venelle du Paris du XVIIIe siècle. C'est aussi, et cela va sans dire, un hommage vibrant à la culture française, à l'esprit des Lumières et plus largement à tous ceux, dans le passé, illustres ou inconnus, qui ont combattu l'obscurantisme et les censures de tous poils au profit de la liberté de penser et de la tolérance.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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