Le convive de Pierre et autres scènes dramatiques

A la fin des années 1830 Alexandre Pouchkine écrit quatre petites pièces nommées "Les petites tragédies". Ces petites pièces de théâtre ont quelque chose d'expérimental comme ici avec "Le convive de pierre". L'originalité vient surtout de la brièveté du texte. D'ailleurs je ne connais pas d'autres auteurs qui ont écrit des pièces aussi courtes. Et puis il y a le sujet comme cet hommage au Don Juan de Molière.
En quelques pages et quatre actes très bien construits, je trouve que dans "Le convive de pierre" c'est la comédie qui domine même si la fin est tragique.

Don Juan revient secrètement d'exil accompagné de Leporello son serviteur. Avant d'entrer dans Madrid, ils se trouvent devant le monastère de Saint Antoine ou la belle Donna Anna vient se recueillir aux pieds d'une statue, sur le tombeau de son mari tué par Don Juan.
Mais c'est Laure qu'il est venu voir, la ravissante actrice qui chante les chansons que Don Juan à écrites. Pourtant la flèche de cupidon va l'atteindre sous les traits de Donna Anna. Et oui, Don Juan va connaître l'amour, s'y brûler et tomber, héroïque victime de son passé, lequel fait son retour sous la forme d'une statue vengeresse.

Avec cette petite tragi-comédie, l'histoire de Don Juan vu par Alexandre Pouchkine montre que nos passions nouent nos destinées qui dépendent de la contingence de nos choix, que vivre c'est aimer et pour cela mourir.

Le personnage de Don Juan Ténorio a fait couler beaucoup d'encre. Pouchkine a été influencé par l'Occident puisqu'il fait aussi référence à un musicien italien (Salieri) dans une autre de ses pièces. Mais on voit ici un Don Juan qui n'est pas une caricature cynique contrairement à celui de Molière ou d'Alexandre Dumas (Don Juan de Marana). Les bonnes moeurs suggèrent un trait exagéré montrant un pervers séducteur doublé d'un faiseur de veuves car il élimine les époux légitimes de ces dames avant de les abandonner. Notre auteur slave reste effroyablement raisonnable dans son recours au fantastique (La statue du Commandeur répond à l'invitation du séducteur et, d'une poigne de fer... pardon, je veux dire de pierre, le conduit dans l'au-delà.) et la liste de ses victimes semble trop limitative. En guise de conclusion, j'aurais aimé que ce thème soit traité par un auteur hispanisant moderne dans le cadre d'une réécriture dépeignant un affreux machiste davantage préoccupé par un catalogue de ses conquêtes (avec des annotations salaces) que par des sentiments amoureux.