Si vous avez le moral tout mou, attrapez donc un Pratchett !
Un coup de barre, Pratchett, et ça repart !
Dans cette énorme parodie du "songe d'une nuit d'été" de Shakespeare, l'auteur s'en donne à coeur joie, le traducteur aussi, et que c'est bon, mais que c'est bon pour les lecteurs !
Comme dans l'original, ça part dans tous les sens, il y a des tas et des tas de personnages, ça se croise, s'entrecroise, se duellisent, se poursuivent, se draguent, c'est vraiment un joyeux bordel !
Les 2 vieilles soeurcières, Mémé et Nounou, flairent une embrouille pas nette au cercle de pierre, car voilà-t-y pas que la jeune génération se mêle de ce qui ne la regarde pas au moment même où les univers parallèles se "conjonctionnent", pendant que Magrat prépare (ou plutôt subit la préparation de) son futur mariage avec Vérence, beaucoup moins marrant maintenant qu'il est roi que quand il était bouffon...
Tout le monde est invité, y compris les mages, et l'archichancelier RIdculle a des bouffées de nostalgie en pensant à sa jeunesse envolée. Il décide donc de se rendre au Royaume de Lancre pour ce fameux mariage, avec quelques compères, dont l'inénarrable bibliothécaire anthropoïde !
Mariage qui demande moult préparatifs, dont une pièce de théâtre, jouée par la compagnie des danseurs Morris de Lancre, comprenant entre autres Jason Ogg (Fils de Nounou) (on croise beaucoup de Ogg(s) dans cette histoire, mais eux on les reconnait de suite, ils disent "maman a dit que..." sans arrêt !), Boulanger le tisserand, ou Tisserand le chaumier et d'autres du même acabit (autant dire qu'on s'y perd ! mdr !).
A côté de tout ça, on a une jolie critique de notre société du superficiel et de la beauté, jeunesse éternelle, du moins moi j'y ai vu ça, surtout à la fin quand Mémé discute avec la Reine des fées, (ça m'a fait penser à toutes ces stars qui se font ravaler la façade en permanence pour paraître 30 ans à 60, 40 à 70 ans, et 50 ans à 80 (du moins le croient-elles)). Il y a aussi ce que provoque nos croyances ou non-croyances, la tradition vs la modernité, la sagesse des anciens vs l'ignorance des jeunes, mais aussi l'acceptation du changement inévitable, de la mort inévitable. Bref comme toujours avec cet auteur, beaucoup de profondeur sous la légèreté apparente...
Non je ne vous spoile rien, de toute façon ce livre est totalement indescriptible, il faut le lire pour savoir (et c'est la suite de Mécomptes de fées, donc lisez l'autre avant !). J'ai beaucoup ri et ça m'a bien remonté le moral, c'est absolument génial.
Pratchett, c'est bon, lisez-en !
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Mais le pire, oui, le pire… c’est qu’ils lisent dans les pensées. Ils entendent ce qu’on pense, et par autodéfense, on pense ce qu’ils veulent. Le gueulamour. Et on barricade les fenêtres la nuit, on met à manger dehors pour les fées, on se retourne trois fois avant de parler d’eux et on accroche des fers à cheval au-dessus d’la porte.
- Je croyais que ces choses-là, c’était, vous savez… (le roi sourit faiblement) du folklore.
- Evidemment que c’est du folklore, espèce d’imbécile !
- Je suis tout de même le roi, dites donc, se rebiffa Vérence.
- Espèce de roi imbécile, Vot’ Majesté.
- Merci.
- Ça veut pas dire, voyez, que c’est pas vrai ! Ça s’embrouille peut-être un peu avec le temps, on oublie les détails, on oublie le pourquoi de certaines habitudes. Comme le truc du fer à cheval.
- Courageux de ta part de te la coltiner sur l’épaule, fit Nounou. Avec en plus les elfes qui te tiraient des flèches dessus.
-Comme ça je risquais moins de me faire toucher », dit mémé.
Nounu Ogg fut scandalisée.
« Quoi ? T’as pas raisonné comme ça, tout d’même ?
- Ben, elle était déjà blessée. Si moi je m’faisais toucher aussi, on avait plus aucune chance de s’en sortir ni l’une ni l’autre, répliqua simplement Mémé.
-Mais c’est… c’est manquer d’cœur, Esmé.
- C’est p’t-être manquer de cœur, mais pas de tête. J’ai jamais prétendu être gentille, seulement sensée.
"Abattre d'une balle le dictateur et empêcher la guerre ? Mais il ne représente que le sommet du furoncle purulent de sanie sociale d'où émerge son espèce; qu'on l'abatte et un autre surgit dans la minute. L'abattre lui aussi ? Pourquoi ne pas abattre tout ce qui bouge et envahir la Pologne ? D'ici 50 ans, 30 ans, 10 ans, le monde aura quasiment repris son ancien cours. L'Histoire garde toujours une grande inertie"
- Vous insinuez que j'ai fait un saut dans un autre univers pour me marier ? fit Ridculle.
- Non ! Je veux dire que vous êtes marié dans cet autre univers mais pas dans le nôtre, expliqua Cogite.
- Ah bon ? Quoi ? Une vraie cérémonie et tout ?
- Oui !
- Hmm.
Ridculle se caressa la barbe.
- Vous êtes sûr ?
- Certain, archichancelier.
- Ma parole ! J'en savais rien.
Cogite s'était préparé à une telle objection.
- Parce que le "vous" de l'autre univers est différent du "vous" de celui-ci, répondit-il. C'est un "vous" différent qui s'est marié. Il vit sans doute quelque part. Il est sans doute grand-père maintenant.
- Il écrit jamais, ça je peux l'dire, fit Ridculle. Et ce salaud-là m'a jamais invité à la noce.
- Qui ça ?
- Lui.
- Mais c'est vous !
- Ah oui ? Huh ! J'aurais tout d'même pu penser à moi, non ? Quel salaud !
-J'ai rien dit , moi, répliqua Nounou d'une voix douce.
-Tu dis jamais rien, toi ! Mais je t'ai entendue quand même ! T'as les silences les plus bruyants que j'connais pour quelqu'un encore d'ce monde !
Extrait de "De bons présages" de Terry Pratchett et Neil Gaiman lu par Stéphane Ronchewski. Parution en numérique le 24 septembre.
Pour en savoir plus : https://www.audiolib.fr/livre-audio/de-bons-presages