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Inspecteur Morales tome 1 sur 3
EAN : 9782864247722
272 pages
Editions Métailié (17/03/2011)
3.41/5   23 notes
Résumé :
Entre deux orages, Managua est traversée par des processions religieuses délirantes, des manifs de toubibs, des embouteillages monstres, au milieu des ruines du tremblement de terre de 1972, des bidonvilles et des quartiers chics. La guérilla est loin désormais, on inaugure en grande pompe des stations-services rutilantes et les évangélistes vendent du savon miracle. Les anciens guérilleros sont devenus flics, bandits, notables, employés, les trahisons vont bon trai... >Voir plus
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Le Nicaragua n'avait pas encore été tamponné sur mon passeport de lectrice endiablée et un "Mois Espagnol & Sud Américain" (chez ma copinaute Sharon) est une excellente occasion pour voyager confiné !

Nous sommes face à un polar, noir, bien entendu, il ne saurait en être autrement dans un pays qui a connu la guérilla et où les anciens guérilleros sont devenus flics, ou bandits, ou bien notables, employés aussi ou femme de ménage.

On se recycle où on peut, on garde son surnom de guerre et il n'est pas facile quand deux personnages se sont connus dans la guérilla et sont maintenant chacun à l'opposé l'un de l'autre (un flic et un voyou en col blanc).

L'inspecteur Morales est un ancien guérillero rattaché à la brigade des stups, souvent en contact avec les agents de la DEA et l'auteur nous fait bien comprendre que les gringos ne sont pas vus avec des yeux de velours car les Américains étant des gros consommateurs de drogues, leur pays est une plaque tournante pour tous ces produits qui se sniffent, s'injectent, se fument…

L'inspecteur Morales, c'est la nonchalance d'un Derrick avec la libido de Rocco Siffredi mais sans les éclairs de clairvoyance d'un Columbo !

Ok, je force un peu le trait, mais il a des maîtresses et n'hésite pas à se farcir un témoin, mère de la victime et à draguer une infirmière peu après.

Et on ne peut pas dire que Morales courre partout comme un Jack Bauer, surtout qu'il a une patte folle. Ni qu'il a une équipe de flic de choc pour l'aider puisqu'il va se faire aider par Dona Sofia, la femme de ménage du commissariat (ancienne de la guérilla aussi) et Fanny, sa maîtresse… C'est vous dire comment ça bosse à Managua !

Durant l'enquête, l'auteur va nous brosser un portrait du Nicaragua, de la ville de Managua, de ses blessures, ses fêlures due aux guérillas et au tremblement de terre, de la corruption, le tout entrecoupé des vannes de nos deux flics, Morales et Lord Dixon, son pote policier qui enquêtera à ses côtés.

C'est une plume cynique que l'auteur utilise pour nous parler de son pays, de ces habitants, de ces moeurs, des paysages, des bidonvilles, des maisons huppées, des cartels de drogue, des flics corrompus, dans les hautes sphères. Une satire sociale assez grinçante où il vaut mieux éviter de se perdre dans tous les personnages aux multiples noms et surnoms.

À un moment donné, le récit semble s'enliser dans un banc de sable et là, j'ai ramé un peu pour continuer l'histoire qui, juste après, est repartie de plus belle.

Un roman noir à découvrir pour en savoir un peu plus sur un pays à genou, sur une révolution – caramba – encore ratée, sur une société fracturée entre pauvres et riches, pour découvrir un roman sociétal, sans fard ni mascara pour couvrir cette misère que d'autres ne voudraient pas voir.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Au Nicaragua, l'inspecteur Morales enquête sur la disparition d'une jeune fille. Dans cette enquête, il va être aidé de Sophia qui est femme de ménage et de Lord Dixon. La corruption fera partie de l'histoire. L'auteur nous dresse un portrait social et culturel du Nicaragua où chacun doit trouver sa place. Une intrigue complexe ancrée dans l'univers de la drogue et de personnages louches.
J'ai aimé ce roman, mais il m'a manqué un petit quelque chose pour vraiment l'apprécier. Un roman social qui nous décrit l'histoire du Nicaragua et c'est ce qui est intéressant dans ce livre. On en apprend beaucoup sur l'histoire du Nicaragua. Un roman policier un peu farfelu.
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Une nouvelle enquête est dévolue à l'inspecteur nicaraguayen Morales et à sa patte folle (il porte une prothèse depuis la révolution sandiniste) : un bateau luxueux a été retrouvé abandonné dans une lagune, avec un T-Shirt taché de sang à son bord, ainsi qu'un livre dont le marque-page est la carte d'un casino de Managua. Pour Morales et son fidèle compagnon Lord Dison, il y a de fortes chances que cette histoire ne soit qu'une banale affaire de "narco". Oui mais voilà, les débuts de l'enquête semblent indiquer que l'histoire de ce yacht est un petit peu plus compliquée qu'on ne pourrait le penser a priori !

Il pleut sur Managua est un roman policier qui met en scène un duo qu'on a du mal à qualifier "de choc", soutenu par des "enquêtrices" très compétentes mais fort improbables : Dona Sofia, la femme de ménage du commissariat, et Fanny, la maitresse de Morales. Au détour de la poursuite de l'enquête, Ramirez en profite pour nous faire un descriptif du pays plutôt coloré, avec des évènements plus que pittoresques, comme les innombrables inaugurations de bâtiments officiels, les manifestations des médecins, les processions religieuses qui engorgent la circulation de Managua, les publicités décalées sur les savons qui nettoient des péchés, etc…
J'avoue au départ avoir été un peu perdue au départ entre les différentes dénominations de chaque personnage : chacun d'entre eux porte un nom (jusque-là, c'est normal), un surnom (ça arrive souvent), et également un nom de guerre qui date du temps de la dictature de Somoza. du coup, quand on connait encore peu les protagonistes et que ceux-ci sont nombreux, on ne sait plus qui est qui. D'autant que policiers et trafiquants marchaient côte à côte du temps de la révolution sandiniste, ce qui ne facilite pas leurs rapports, entre les amitiés anciennes et les chemins qui ont évolué chacun d'un côté de la justice.
Au final, j'ai trouvé l'enquête un peu molle, avec un décalage "de gravité" entre l'histoire principale (où tout n'est pas rose) et les digressions (très colorées et souvent légères et amusantes). le duo d'enquêteurs est plutôt sympa ; ces flics à l'ancienne, qui s'envoient des vannes avec un humour souvent grinçant toutes les 5 minutes mais ont une confiance "à la vie à la mort" en l'autre m'ont parfois fait penser au duo Riggs- Murtaugh de L'arme fatale, l'action en moins. Et du coup, entre les digressions et le manque d'action, je me suis parfois ennuyée…
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L'inspecteur Morales est amené à enquêter sur un yacht abandonné, au milieu d'une lagune, à proximité de Managua. Il en découvrira bien plus qu'il ne pensait au fil de son enquête.

Intrigue on ne peut plus basique, pour un polar, ce qui se confirmera au fil du récit, Il pleut sur Managua reste une lecture plaisante, parce que principalement polar d'atmosphère, ceux que je préfère. L'on baigne en effet dans la capitale nicaraguayenne, entre relents de révolution sandiniste et omniprésence de la corruption et du narcotrafic qui en a découlé à sa fin, et l'on s'y baigne bien volontiers. Mais l'on suit aussi, un peu trop, des personnages types, protagoniste en tête, comme parfait anti-héros tout aussi type pour ce genre de romans, qui enfoncent le clou de l'intrigue déjà très classique.

En somme, un roman qui se lit vite et bien, qui tient la route, mais qui manque vraiment d'originalité.
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À Managua, l'inspecteur Dolores Morales, brigade des stupéfiants, est chargé d'enquêter sur un yacht abandonné dans la zone de Laguna de perlas. Les soupçons de l'ancien guérillero et de son fidèle ami, un lieutenant surnommé Lord Dixon, s'orientent rapidement vers le trafic de drogues. Une ex-guerillera, devenue femme du ménage du commissariat, se mêle à l'affaire. Pendant ce temps-là, dans le contexte de pèlerinage de la Vierge de Fatima, de grèves et sur fond de chaos social, le président du Nicaragua inaugure des stations-service...
L'écriture de Sergio Ramirez est agréable, mais il me semble que la traduction est un peu lourde. L'intrigue est trop légère et s'enlise vite. Je me suis rapidement ennuyé. La satire sociale n'est pas assez claire pour moi, les personnages pas assez critiques à mon goût et les tensions en leur sein assez minimes.
Je trouve ça vraiment dommage, car les descriptions des bidonvilles, du paysage, et de la ville sont très intéressantes : elles sont très bien structurées.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
La fenêtre du bureau de l’inspecteur Dolores Morales au troisième étage de l’immeuble de la police nationale, sur la plaza del Sol, occupé par la direction de la brigade des stupéfiants, restait toujours ouverte, car le système d’air conditionné ne fonctionnait plus depuis des siècles. Il ne la fermait jamais, même quand il pleuvait, et le rideau de cretonne, roulé à une extrémité, n’était plus qu’un lambeau d’étoffe lourd d’humidité et de poussière.
Ce cube d’aluminium et de verre avait été le siège d’une compagnie d’assurances, avant la révolution sandiniste , et ne présentait qu’une seule nouveauté : une modeste pyramide en plexiglas installée sur la terrasse à la demande du commissaire Cesar Augusto Canda, qui, en bon sociétaire de la Fraternité Ésotérique des Rose-Croix, croyait aux vertus du magnétisme biologique.
Dans un coin du bureau, à l’écart de la table métallique, brillait l’écran de l’ordinateur, qui avait plutôt l’air d’encombrer dans cette pièce mal équipée, aux murs de laquelle étaient fixées des photos éparpillées, de moyen format: une escouade de guérilleros maigres, barbus et mal armés, parmi lesquels on pouvait reconnaître l’inspecteur Morales; des policiers en civil qui trinquaient autour d’une table, toujours avec l’inspecteur Morales, pour célébrer un anniversaire; une autre photo qui le représentait recevant l’insigne correspondant à son nouveau grade ; et une autre sur laquelle on le voyait saluer le chef de la DEA pour la zone Amérique centrale et Caraïbes, en visite au Nicaragua.
Il s’approcha de la fenêtre, le téléphone portable collé à l’oreille. Le numéro était toujours occupé. En bas, sur le parking, des chants dissonants se mêlaient aux pétarades des fusées qui éclataient en volutes légères dans le ciel. Il était plus de midi, et la couronne de la Vierge de Fatima brillait sous le soleil d’une canicule finissante, tandis que l’icône, en pèlerinage à travers tout le Nicaragua, avançait entre deux haies de policiers, sur un char fleuri porté par les épaules des officiers, hommes et femmes, de l’état-major. Les sons de la marche festive, exécutée par un orchestre militaire, arrivaient étouffés; l’air chaud semblait les disperser, comme la fumée de l’encensoir qu’agitait lentement l’aumônier, un homme aussi volumineux qu’une armoire à glace, qui ouvrait la procession sous une chasuble violette à parements dorés.
L’inspecteur Morales savait qu’en bas son absence ne passait pas inaperçue, et il n’insista pas davantage pour obtenir sa communication.
Il enfila la chemise de son uniforme – avec la chaleur il préférait travailler en tee-shirt – et sortit dans le couloir désert, où il ne rencontra personne, à part doña Sofía.
Officiers de police, simples flics et subalternes, enquêteurs, secrétaires, femmes de ménage, tout le monde était en bas, aux côtés des chefs, qui recevaient la Vierge Pèlerine ; tout le monde, sauf doña Sofía Smith, sa voisine du quartier de l’Éden. Indifférente au vacarme extérieur, celle-ci continuait à astiquer le carrelage avec un balai-serpillière trempé dans un désinfectant couleur turquoise, à l’odeur douceâtre, qu’on n’utilise nulle part, Dieu sait pourquoi, sauf dans les prisons et les casernes.
Lorsque l’inspecteur Morales passa près d’elle, elle se mit au garde-à-vous, levant le manche du balai comme un fusil, une habitude héritée du temps où elle en avait un vrai, un vieux BZ tchèque, un matamachos , quand la police s’appelait police sandiniste. Et elle ne fit rien pour cacher son dédain. Tôt le matin, elle avait laissé sur le bureau de l’inspecteur Morales un mémorandum, écrit au crayon au dos d’une fiche de réclamation de fournitures de bureau:

Sujet: Activités religieuses.
À: Camarade Artemio.

J’ai reçu une invitation à la réception de la Vierge de Fatima, mais qu’on ne compte pas sur ma présence. J’ai honte pour mes camarades révolutionnaires, qui se prêtent à cette mascarade.

Elle continuait à l’appeler Artemio, pseudonyme sous lequel elle l’avait connu dans la résistance urbaine, alors qu’elle-même servait de courrier clandestin. Ils étaient entrés ensemble dans la police sandiniste à la chute de Somoza en 1979, et comme son fils unique José Ernesto, alias William, était tombé au combat à El Dorado pendant l’insurrection des quartiers Est de Managua, elle était toujours montée sur les estrades lors des cérémonies anniversaires de la fondation de la police, avec les autres mères des héros et martyrs, toutes portant le deuil et tenant le portrait encadré de leurs fils.
Fille d’un lieutenant des Marines américains cantonnés au Nicaragua jusqu’en 1933 et d’une modiste du quartier de San Sebastián, couturière à domicile pour les épouses des officiers yankees, elle portait le nom de Smith parce que sa mère le lui avait donné d’autorité, sans passer par le mariage. Évangéliste à mort et sandiniste à mort, doña Sofía était un dur mélange de deux dévotions ; et comme les rites de la révolution n’étaient plus en usage, elle se réfugiait dans ceux du culte protestant, en fidèle assidue de l’Église de l’Eau Vive.
À son entrée dans la police, elle avait assumé ses fonctions de femme de ménage avec une discipline de partisane, tout à ses tâches de nettoyage en uniforme vert olive, pantalon et chemise, son insigne de militante sur la poche, côté cœur. Depuis, elle n’avait pas bougé, même s’il n’y avait plus de réunions du comité de base ni de journées de travail volontaire. Elle portait maintenant un uniforme gris avec une jupe. Elle en avait deux, et il y en avait toujours un qui séchait sur l’étendage du patio de sa maison. Comme ils étaient voisins, chaque fois qu’il le pouvait l’inspecteur Morales l’emmenait dans sa Lada bleu ciel, rescapée de cette époque.
L’inspecteur Morales répondit à son regard de reproche avec un vague geste d’impuissance, et aussi prestement que le lui permettait la prothèse de sa jambe gauche, il descendit les marches étroites plongées dans la pénombre, l’ascenseur étant condamné depuis des années.
Alors qu’il se battait sur le front Sud en novembre 1978, pendant l’un des combats pour s’emparer de la colline 33, celui où était tombé le curé asturien Gaspar García Laviana, une balle de Galil lui avait brisé les os du genou. On l’avait évacué d’urgence vers le camp sanitaire installé au hameau de La Cruz, de l’autre côté de la frontière avec le Costa Rica, et de là on l’avait transporté en avion à l’hôpital Calderón Guardia de San José, où on avait dû l’amputer, car la gangrène menaçait. C’est à Cuba qu’on lui avait mis la prothèse et, même si elle était bien moulée, la couleur rosâtre du vinyle jurait avec sa peau très brune.
Il se mêla au groupe d’officiers, au milieu des applaudissements nourris, au moment où la Vierge de Fatima était hissée sur l’autel érigé à l’ombre des acacias, au pied des baies vitrées. L’inspecteur Padilla, directrice des ressources humaines, les fesses et les seins plantureux sculptés dans son uniforme, reçut des mains de l’imposant aumônier un feuillet, s’approcha du micro, salua l’assemblée et récita d’une voix qui manquait de souffle et d’assurance :

“Notre Dame est apparue pour la troisième fois à Coba de Iria le 13 juin 1917 afin de révéler le deuxième secret aux petits frères bergers Lucía, Francisco et Jacinta qui ont vu soudain un éclair et Elle est apparue vêtue de blanc entourée d’une lumière resplendissante et a dit des guerres viendront qui entraîneront la faim et les persécutions contre l’Église causées par la Russie et le Saint Père sera en danger mais si ma prière est exaucée la Russie se convertira et il y aura la paix sinon la Russie propagera le communisme et les bons seront martyrisés…”

La lecture à peine terminée, la sous-inspectrice Salamanca, chef des archives générales et de la documentation, libéra un couple de colombes enfermées dans un carton d’emballage de bouteilles d’huile de cuisine, percé de trous au couteau. Les colombes survolèrent quelques instants la couronne de la vierge avant d’aller se poser plus loin, sur la pyramide de la terrasse, au-dessus de laquelle passait le lent cortège des nuages.
L’inspecteur Morales avait suivi les colombes du regard, mais ce qui continuait à occuper ses pensées, c’était l’appel qu’il avait manqué. Le sous-inspecteur Bert Dixon, du commissariat de police de Bluefields, l’avait appelé le matin même, peu après sept heures, pour l’informer de la découverte d’un yacht abandonné à Pearl Lagoon. Il avait hâte de l’avoir au bout du fil.
La Laguna de Perlas s’étend sur un territoire sauvage de basses terres situées au nord de Bluefields, le chef-lieu de la région autonome de l’Atlantique sud, là où les rivières qui suivent leur cours arbitraire s’entrelacent avec les biefs, canaux, lagunes et lagons, et constituent ainsi les seules voies de communication entre les villages. La plus importante, entre le Rio Escondido et le Rio Grande, se trouve séparée de la mer des Caraïbes par une étroite bande qui se termine à la Barra de Perlas, un passage praticable en fonction de la marée. Mais la manière la plus commune d’y entrer et d’atteindre les villages situés aux alentours, c’est par le Canal Moncada, qui la relie au Rio Kukra, dont le cours sinueux continue jusqu’à Big Lagoon, où un autre tronçon navigable, le canal Fruta de Pan, se jette dans le flot nourri du Rio Escondido. De là, on arrive à la baie de Bluefields, et, en sens contraire, vers l’ouest, au port fluvial de Rama, où commence la route qui conduit jusqu’à Managua, à l’autre bout du pays.
Une grande baleine, très élégante, abandonnée près de la communauté de Raitipura, à l’embouchure du petit canal Awas Tingni, lui avait dit Lord Dixon avec cet accent de la côte qui l’amusait toujours, comme s’il parlait avec un caramel dans la bouche. Il l’appelait Lord Dixon en raison de ses manières impeccables : il n’élevait jamais la voix, même lorsqu’il se fâchait, et quand il disait des gros mots, il les laissait tomber avec douceur, comme s’il les méditait.
Cette circons
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Le soir tombait sur Managua quand l’inspecteur Morales regagna son bureau de la plaza del Sol. Il mit sous clé, dans un tiroir, le reçu que lui avait remis le commissaire Selva à l’hôtel Lulu une fois l’argent recompté, et alluma l’ordinateur.

Il eut une fois de plus une sensation de douleur lancinante dans la jambe qui avait été amputée bien des années auparavant.
Comme l’ordinateur, un modèle datant de l’Antiquité classique, était très long à charger, il alla jusqu’à sa fenêtre. Le crépuscule ressemblait à un nuage de poussière au-dessus de la péninsule de Chiltepe, et les contreforts lointains de la cordillère de Dipilto, aux confins du lac Xolotlán, commençaient à s’estomper tandis que le ciel prenait une lugubre teinte bleutée.
Autour du rond-point Rubén Darío, les panneaux publicitaires qui dominaient les palmiers étaient déjà illuminés, mais la fontaine centrale, une des attractions de la ville avec ses jets d’eau multicolores, ne coulait pas, laissant à nu le bassin de mosaïques qui avait l’air d’une grande baignoire.
D’en bas montait le chœur strident des klaxons.
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L’inspecteur Morales s’apprêtait à arracher le ruban adhésif pour ouvrir la boîte, mais doña Sofía, occupée à astiquer consciencieusement le sol avec le balai-serpillière, lui vint en aide. Elle sortit un couteau de son jupon, choisit une lame moyenne et découpa délicatement l’adhésif le long de l’ouverture du couvercle.
L’inspecteur Morales retira d’abord de la boîte un tee-shirt. Doña Sofía avança la tête pour l’examiner de près. C’était un tee-shirt bleu ciel, sans manches, avec de nombreuses taches marron.
– Le propriétaire de ce tee-shirt a reçu une balle dans la tête, dit Lord Dixon, l’étoffe est pas trouée ni déchirée.
– Et pourquoi le mort serait obligatoirement le propriétaire du tee-shirt ? dit doña Sofía. En supposant qu’il y ait un mort.
L’inspecteur Morales regarda doña Sofía comme s’il était sur le point de lui reprocher d’avoir donné son avis, mais finalement il préféra la prier de s’expliquer.
– Les assassins ne vont pas se soucier d’enlever un tee-shirt, même plein de sang, à quelqu’un qu’ils viennent de tuer d’une balle dans la tête, dit doña Sofía.
– Sauf s’ils veulent le garder en souvenir, dit Lord Dixon, qui se mit à rire, admettant ainsi son erreur.
– C’est peut-être le sang d’un mort, je suis d’accord avec vous, dit doña Sofía, mais c’est pas forcément son propre tee-shirt.
– Bon, on a compris, dit l’inspecteur Morales, avec un brin d’agacement.
– Et maintenant, regardez bien ceci, dit Lord Dixon.
Il retourna le col du tee-shirt et montra la marque.
— Confections Triana, Made in Colombia, lut l’inspecteur Morales.
— Made in Colombia : ça sent le fric, dit Lord Dixon.
– Non, ça veut rien dire. Maintenant, on fabrique les choses à un endroit et on les vend à un autre, dit l’inspecteur Morales.
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– Tiens-moi informé sur cette affaire, et ne fais pas n’importe quoi, parce que après c’est moi qui paie les pots cassés, le prévint le commissaire Selva, et l’inspecteur Morales comprit que l’entretien était terminé.
Lord Dixon l’attendait déjà quand il rejoignit son bureau. Il arborait un tee-shirt couleur café, avec l’emblème des Marlins de Miami, et des tennis fluo. Il avait déposé sur la table une boîte de savon Marfil, fermée par un ruban adhésif. Doña Sofía entra, portant une tasse en plastique pleine à ras bord d’eau bouillante, et deux sachets de café soluble.
– La camarade est d’avis que la présence d’une image religieuse dans un lieu public est inconstitutionnelle, déclara Lord Dixon en prenant sa tasse.
– L’État est laïque, affirma doña Sofía en soutenant fermement le regard de l’inspecteur Morales, derrière des lunettes trop grandes, qui lui tombaient du nez et qu’elle ajustait sans cesse avec le doigt.
– Écoutez, doña Sofía, mettons les choses au point une fois pour toutes, dit l’inspecteur Morales. Est-ce que c’est moi qui ai fait venir ici la Vierge de Fatima ? Moi, on m’ordonne de descendre l’accueillir, et j’obéis. Et vous, vous avez eu tort de vous rebeller et de ne pas y aller.
– Moi, je ne suis pas militaire, je suis une simple femme de ménage, répondit doña Sofía.
– Et toi, dit l’inspecteur Morales à Lord Dixon, tu continues à apporter de l’eau à son moulin !
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L’inspecteur Morales sortit les photos, mit de côté les factures, une pour les quatre bidons d’essence correspondant au voyage aller et retour du bateau à moteur, et une autre pour l’achat de recharges de Polaroïd.
– Elles sont bien pâles, ces photos ! dit l’inspecteur Morales. On va demander à Chuck Norris de t’offrir un appareil numérique.
– Ou même un de ces modestes téléphones qui prennent des photos, dit Lord Dixon, faites qu’il ait pitié de nous.
L’inspecteur Morales se mit à rire. Mais, loin de la sérénité qui émanait du rire de Lord Dixon, le sien sonnait plutôt comme le croassement d’un perroquet insolent.
Le surnom dont Lord Dixon avait affublé Matt Revilla, l’agent de liaison de la DEA à Managua, n’était pas gratuit. C’était une copie conforme du Chuck Norris des films, avant que Chuck Norris ne devienne vieux, avec le même corps de gorille nain, la tignasse rousse et une barbe également rousse, fournie et broussailleuse. C’était un Portoricain né dans le Bronx et élevé au milieu des Portoricains, qui, en quête d’une bourse d’études universitaires, s’était enrôlé à Fort Stewart dans la 24e brigade d’Infanterie mécanisée et avait ainsi participé à l’opération Tempête du Désert en Irak, en 1991.
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