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sur 653 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Caroline du Nord dans un petit vallon des Appalaches en 1918.

La falaise de granite qui surplombe la ferme des Shelton la recouvre tel un linceul de son ombre. Une terre d'ombre que le soleil ne parvient pas à pénétrer. Une terre maudite qui attire le malheur depuis la nuit des temps d'après la croyance populaire. Les villageois fuient ce lieu et ses résidents comme s'ils étaient atteints d'une maladie contagieuse. Laurel et son frère Hank en savent quelque chose, eux qui ont subi et subissent encore leurs calomnies et leur mépris. En particulier Laurel, que sa tache de naissance désigne « naturellement » comme une sorcière. Il n'y a guère que le vieux Slidell qui ose les approcher, un personnage charismatique, taiseux, austère, dur comme de la roche.

Pourtant Hank est revenu de la guerre, amputé d'une main certes, mais vivant. Cela sera-t-il suffisant pour conjurer le sort ? A moins que cela vienne de cet inconnu, ce vagabond muet qui joue de la flute comme un virtuose ?

Un roman sombre sur les superstitions, les préjugés, la xénophobie. La tragédie se met en place lentement comme les premières feuilles d'automne. On la devine dès le prologue avec la découverte de ce crane. La première feuille, tombée bien avant les autres, et pourtant déjà annonciatrice d'un cycle immuable. Les descriptions de la nature sont superbes, même si elles concourent à cette atmosphère pesante. Au milieu de toute cette noirceur, la jeune Laurel ressemblerait presqu'à un arc en ciel. Elle, si lucide, si courageuse, si touchante, semble vivre en suspension au milieu de cette nature, en attente de quelque chose, en attente que sa vie commence peut-être…

« Si vous ne pouviez pas croire que deux ou trois bonnes choses peuvent vous arriver dans la vie, alors comment continuer ? »

On a beau tenter de s'agripper aux étoiles qui passent, on est inévitablement aspiré dans un trou noir.
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Il ne faudrait pas vous y méprendre : si ce roman a bien reçu le Grand Prix de littérature policière étrangère en 2014 (comme l'indique le fin bandeau au bas de la couverture de l'édition de poche), il n'a que peu de points communs (pour ne pas dire aucun) avec les livres qu'on range généralement sous l'étiquette « roman policier » (thrillers à suspense, polars sanguinolents ou enquêtes criminelles sordides). Amateurs du genre, vous voilà prévenus.
En effet, même si le prologue laisse supposer qu'une mort violente a eu lieu dans ce vallon perdu au coeur des Appalaches, celle-ci n'est pas le déclencheur d'une enquête pour meurtre, mais plutôt le point final d'une tragédie qui s'est jouée bien des années plus tôt.
Une tragédie nouée dans un décor maudit, un recoin de la chaîne des Blue Ridge, non loin de la petite ville de Mars Hill en Caroline du Nord. Ce vallon isolé, si encaissé qu'il laisse à peine passer les rayons de soleil même au plus fort de l'été, semble causer le malheur de ses occupants. La famille Shelton n'a pas été épargnée par ce qui ressemble à une malédiction : quelques années après leur installation dans cet endroit sinistre et humide, inhospitalier, les parents meurent, laissant Laurel et Hank orphelins, abandonnés à un sort peu enviable. D'autant que Hank, appelé sous les drapeaux de 14-18, reviendra vivant, mais avec une seule main. Quant à Laurel, avec sa tache de naissance sur le cou, elle subit depuis longtemps les regards blessants et les commentaires superstitieux de ceux qui la croient sorcière. En dépit de la bienveillance de l'institutrice à l'égard de sa meilleure élève, Laurel a dû se résigner à abandonner l'école, sous la menace des autres parents qui craignaient obscurément un mauvais sort pour leurs rejetons. Courageuse mais lucide, accablée de solitude, Laurel désespère de voir sa vie vraiment commencer un jour. Et puis un miracle survient, qui met sur son chemin un homme mystérieux, égaré, ne sachant ni parler, ni lire, ni écrire, mais jouant de la flûte comme personne. Et ce qui devait arriver arrive, fatalement, dira-t-on, puisque le Destin ne laissera décidément pas en paix les habitants du vallon.
Sur fond de Première Guerre mondiale finissante, de patriotisme souvent mal placé et de haine viscérale et parfois irrationnelle envers tout ce qui est allemand ou s'en approche, voici une histoire magnifiquement écrite et construite, belle mais terriblement triste, désespérante et déchirante tant les personnages (Laurel, Hank, Walter, Slidell, Miss Calicut) sont attachants. Un roman sombre, mais pas tout à fait noir, parce qu'il livre le portrait lumineux d'une jeune femme brimée par les médisances, et l'histoire simple, évidente, d'un amour aussi inespéré qu'attendu mais qui, pour le malheur des protagonistes, a vu le jour dans un contexte hostile saturé de préjugés et de bêtise. Et on comprend que l'ombre, un temps dissipée par la douceur de la musique et les couleurs des perroquets de Caroline, s'en reviendra bien vite…


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Ne connaissant pas les livres de Ron Rash, mais attirée par les nombreuses critiques élogieuses, j'ai voulu me rendre compte de son univers introspectif et sombre, de son écriture poétique et évocatrice.
On dit souvent que le hasard fait bien les choses, je cherchais plutôt « Serena » ou « Un pied au paradis », mais seul, ce roman, lauréat du grand prix de littérature policière en 2014, était disponible dans les rayonnages de la médiathèque.

« Une terre d'ombre » est un texte magnifique qui offre toute une palette d'images, de couleurs, de sons, d'odeurs et d'émotions. Son flux ressemble à une rivière sinueuse, tantôt introspective et calme, tantôt violente et désespérée.

*
L'histoire se déroule durant la Première Guerre mondiale, dans un vallon encaissé à l'ombre des montagnes Appalaches de Caroline du Nord. C'est un lieu maudit à la beauté sauvage et brute qui a façonné des hommes durs, superstitieux, impulsifs, dangereux.

« le pire, c'était la maison. Quelles que soient l'heure du jour ou la saison, quel que soit le nombre de lampes allumées, c'était toujours un lieu sombre qui, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, avait toujours senti la souffrance. Mais ici, en haut, la large saillie de granit captait les rayons du soleil et les retenait, l'enveloppait de clarté. La lumière était comme du miel chaud. Des gouttes de rosée sur une toile d'araignée renfermaient des arcs-en-ciel entiers, et la queue d'un lézard des palissades brillait du même bleu que du verre indigo. L'eau étincelait de particules de mica. »

C'est au plus profond de ce vallon, dans une crique réputée hantée que vivent Laurel Shelton et son frère Hank, revenu blessé des tranchées. Née avec une tache de naissance sur le visage qui voile sa beauté et affiche son appartenance au diable, Laurel est une belle personne, condamnée à vivre dans la solitude, le mépris et le rejet.
Ainsi, lui estropié, elle sorcière, vivent dans l'isolement quasi-total, à l'abri de l'ignorance, de la médisance et de la calomnie des villageois. Seul un vieil homme, Slidell, leur rend visite et les aide dans les travaux de la ferme.

Jusqu'au jour où dans la montagne, Laurel vient en aide à un voyageur inconscient après avoir été attaqué par un essaim d'abeilles, un jeune homme qu'elle avait déjà entraperçu, jouant merveilleusement bien de la flûte. Au fil des jours, l'homme se glisse dans le quotidien de la ferme, laissant espérer qu'il ne reprendra pas la route pour se rendre à New York.

« Walter écouta le premier couplet puis porta la flûte à ses lèvres. Il entra dans la chanson tellement en douceur que Laurel n'aurait pas cru qu'il jouait, sauf que ses doigts remuaient et ses lèvres s'arrondissaient. Ce n'était pas tant un son qui s'élevait que quelque chose à la surface de la mélodie, comme une araignée d'eau passant sur un ruisseau. »

La jeune femme, qui attendait un changement dans sa vie, voit en ce merveilleux joueur de flûte muet et analphabète le changement qu'elle attendait depuis si longtemps. La chance de trouver peut-être le bonheur, l'amour.

Ce livre m'a tout de suite séduite par son rythme lent, mélancolique, poétique. La voix de Laurel Shelton est empreinte de douceur, de mélancolie, d'une grande générosité. Elle se heurte à la bêtise, la haine et la malveillance humaines, aux décors ruraux désolés, à l'atmosphère de malheur, de fatalité, de peur et d'agressivité irréfléchie.

« … il y avait eu des moments au cours de la dernière année, surtout après la mort de son père, où Laurel avait eu comme l'impression d'être un fantôme. Un fantôme sait-il au moins qu'il est un fantôme ? Les jours passaient et elle ne voyait pas âme qui vive. Elle ne quittait le vallon que les samedis où Slidell l'emmenait en ville, …, les gens l'évitaient, traversaient la rue, ... N'était-ce pas cela un fantôme : un être isolé des vivants ? »

*
Ron Rash a écrit un roman émouvant campé par de beaux personnages confrontés à des situations difficiles qui nécessitent des choix moraux pas toujours justes.
Ainsi, l'auteur explore avec subtilité et sensibilité la nature humaine à travers les thèmes de la famille et du sacrifice, de l'amour et du mensonge, du rejet et de la solitude, de la violence et de leurs conséquences, de l'amitié et du dévouement, de l'espoir et de la rédemption.

*
Le nature-writing s'invite dans le roman de Ron Rash qui sublime cette terre par de magnifiques descriptions exaltant sa beauté brute faite d'ombre et d'incertitude, de reflets mystérieux frôlant le surnaturel et le malin.
Le monde décrit par Ron Rash restitue l'univers sombre, lugubre, isolé et sauvage de ces paysages montagneux où errent les esprits et les fantômes, mais transparaît aussi leur beauté simple et sobre. Sa poésie s'exprime dans des nuances minérales pour décrire ces terres inhospitalières nichées entre rivière et montagnes, ces vies de labeur, ces habitants frustres au coeur dur.

« Émerger des ombres immenses de la montagne, c'était, comme toujours, sortir de derrière un rideau. le soleil la fit grimacer, et ses pieds nus éprouvèrent l'étrangeté qu'il y avait à fouler une surface qui n'était pas en pente. le granit était sec et chaud, sauf tout à fait au bout, là où l'eau coulait, et pourtant le ruisseau ralentissait quand même et s'étrécissait, comme si lui aussi savourait la lumière et renâclait à pénétrer dans l'obscurité du vallon. »

Les montagnes, les forêts, les rivières, les volées de perroquets de Caroline, la vallée, la crique maudite se glissent dans la vie des hommes dans des jeux de couleurs et de sonorités, rendant la lecture immersive et évocatrice. Tendre avec les hommes, la nature peut également se révéler menaçante et impitoyable.

« Sur cette hauteur, les fleurs de rhododendrons n'étaient pas encore tout à fait fanées. Leur parfum capiteux et l'odeur de vanille de la clématite donnèrent le tournis à Laurel tandis que passaient les minutes et qu'un air se mêlait au suivant.
Le soleil s'inclina à l'ouest et le peu de lumière qui filtrait par la percée entre les arbres se dissipa. L'argent scintillant de la flûte s'atténua, vira au gris, mais la musique conserva sa brillance vaporeuse. »

L'écriture de Ron Rash épouse la dureté, l'hostilité et la lâcheté des hommes, le silence de Walter, la douceur et la tendresse de Laurel, l'honnêteté et le courage de Hank, la bonté de Slidell, le chant des oiseaux, la mélodie de la flûte, l'ombre des montagnes.

*
J'ai tout de suite été happée par ce récit puissant où l'auteur porte une attention particulière à ses personnages, capturant leur émotions, leurs sentiments et nous les restituant de façon magistrale.
Des mots, des non-dits, des silences, j'ai ressenti la brutalité, l'animosité, la solitude, la peur, le désespoir, le besoin de reconnaissance, le désir d'être aimé, dans un kaléidoscope de teintes subtiles et contrastées.

Ron Rash a fait de Laurel un très beau personnage féminin, à la fois discret et passionné, doux et fort, mesuré et charmant pour ceux qui voient au-delà des apparences, et ne jugent pas cette tache comme une tare.
Walter, son pendant, apporte une touche de mystère et de danger : on sent derrière son mutisme et sa discrétion, un homme secret, doux et paisible qui cherche son chemin dans un monde incertain et hostile.
Le chant mélodieux de sa flûte apporte des moments de sérénité qui compense l'atmosphère chargée de tension.
Le frère, Hank, apporte une force morale et une stabilité. Courageux, travailleur, entreprenant, honnête, il est une force tranquille qui fait contrepoids aux ragots et à la méchanceté gratuite.

Bien sûr, Ron Rash n'a pas oublié de développer de manière très subtile d'autres personnages, ignorants, malveillants, sectaires et nuisibles, dont on ne comprend que tardivement le rôle qu'ils joueront dans le récit.

*
Pour conclure, exploitant de belle façon la noirceur de l'âme humaine comme celle des paysages emplis d'ombre et de solitude, Ron Rash parvient à écrire une oeuvre profonde émotionnellement, complexe et nuancée. Son univers dévoile de nombreuses facettes, où coexistent la beauté, la cruauté et l'ostracisme des personnages, la souffrance dissimulée de certaines vies et la rudesse des paysages montagneux.

Un très beau roman, une jolie découverte, qui laisse voir de belles réflexions sur la condition humaine et les choix qui se présentent à nous, qui vont influer sur le reste de notre vie.
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J'avoue ne pas avoir été complètement conquise par la lecture de mon premier Ron Rash : Une Terre d'ombre.
Premier étonnement, le prix qu'il a obtenu en 2014 : le Grand Prix de littérature policière alors que pour moi il n'y a rien de vraiment tendu ou surprenant dans le fil de l'intrigue en dépit de certaines scènes qui s'avèrent plus captivantes par le suspense qui s'en dégage. Ce manque de tempo m'a d'ailleurs un peu déroutée au début du roman...
Désir de Ron Rash de planter avec précision le cadre de l'histoire : un vallon sinistre des Appalaches, oublié du soleil et soumis à une sorte de malédiction inscrite dans le paysage désolé et dans le coeur des femmes et des hommes qui y vivent ? Peut-être... Une nature donc omniprésente et oppressante, à commencer par la falaise qui surplombe le vallon . Il est vrai aussi que Ron Rash sait évoquer grâce à son écriture minutieuse et sensorielle toute la beauté insoupçonnée de la faune et la flore de ces lieux. Et certains passages dégagent une vraie poésie. On sent que l'auteur a vécu dans ces lieux qu'il a pris le temps d'observer et de mettre en mots toutes ses perceptions auditives, tactiles ou visuelles. Mais j'ai regretté parfois que son écriture soit plus minutieuse que suggestive.
Tout comme j'ai eu du mal à m'attacher vraiment aux pas des trois héros de l'histoire : Hank et Laurel Selton, une soeur et un frère , qui vivent de l'exploitation d'une ferme dans ce vallon maudit. Un duo qui va devenir trio avec l'arrivée d'un mystérieux joueur de flûte, à la fois messager de bonheur et d'espoir mais aussi porteur d'une tragédie imminente. Je n'ai pas réussi à partager vraiment les émotions de ces trois personnages sans doute en raison de l'écriture de l'auteur que j'ai sentie ou trop distanciée ou trop explicative.
En revanche certaines thèmes sont fort bien traités, qu'il s'agisse des superstitions villageoises dont va être victime Laurel et qui font d'elle une sorcière au regard des habitants de ce village perdu de Caroline du Nord ou bien de la xénophobie meurtrière dont Walter va être la cible car il a la malchance d'être allemand au moment où les Etats-Unis vont déclarer la guerre à l'Allemagne en 1917. L'auteur peint par petites touches assassines la stigmatisation et l'exclusion dont Laurel est la cible tout comme il rend sensible à travers le sergent recruteur, Chauncey Feith, le patriotisme borné dont fait preuve ce personnage et qui va lui faire commettre le pire.
Bilan mitigé donc, mais je m'interdis d'en rester là et vais essayer, en laissant passer un peu de temps, de me lancer dans la lecture d'un autre Ron Rash. Peut-être aurai-je la main plus heureuse...
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Caroline du Nord, dans la chaîne des Blue Ridge, année 1918.
Au pied d'une gigantesque falaise, que pourrait-il arriver de bon dans cette terre d'ombre, ce vallon que le soleil n'éclaire que si peu ?
Ici, dans cette ferme isolée, les parents sont morts.
Le fils, Hank, est revenu de la guerre avec une main en moins.
Sa soeur Laurel, à cause d'une tache de naissance, passe pour une sorcière auprès de la population du village.
Elle est belle, pourtant, et puis quand elle a dû quitter l'école à la mort des parents, l'institutrice lui a donné des livres, avec une dédicace : "À l'une de mes élèves préférées, sur qui je fonde de grandes espérances."
Mais dans l'ombre de la falaise, accablée par le travail de la ferme, elle n'y croit plus, Laurel.
Jusqu'au jour où, montant à son petit coin ensoleillé, elle entend la divine musique d'une flûte…
Je ne m'attendais pas une aussi bonne surprise en lisant Ron Rash pour le Challenge solidaire. J'ai aimé son écriture sensible (traduite par la talentueuse Isabelle Reinharez), tant dans la description de la Nature que dans les sentiments de ses personnages.
Ce qu'il nous dit dans ce beau roman, ce sont les ravages que la guerre essaime dans les villages les plus reculés : les fils qui reviennent invalides ; les fils qui ne reviennent pas.
Et puis la haine des Boches.
Et puis l'attitude ambiguë des planqués.
Ce que Ron Rash nous dit, c'est que la terre d'ombre peut être avant tout dans l'âme des hommes.

Challenge Solidaire 2024
Challenge USA : un livre, un État (Caroline du Nord)
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Une falaise projette une terre d'ombre sur une maisonnette au fond d'un vallon désolé.

Terre de superstitions et de malheurs pour les gens du canton, terre de travail harassant, de défaites et de pertes pour la famille Shelton.
Une frère et une soeur vivent là, isolés. Lui, vétéran-manchot têtu et travailleur, elle, stigmatisée en sorcellerie pour une tache de vin.
Une petit air de flute...Et un vagabond muet leur tombe du ciel, à moitié mort de piqures de frelons...

Un monde taiseux, une Nature omniprésente, une société humaine frustre et ignorante.
1918: Ce sont les Etats Unis de la prohibition et des trafics, des sergents recruteurs frustrés, au figure de planqués dans les petites bourgades rurales. Ce sont aussi les années sombres en Europe qui renvoient au pays des individus décorés mais cabossés, rendant une population suspicieuse et haineuse envers tout ce qui est allemand.

Moi qui aime les livres sombres, âpres, aux hommes rugueux, j'ai été servie!

C'est une histoire tristement romantique, qui offre de beaux moments de sérénité dans le travail de la terre, la douceur simple d'un foyer, la fraternité, la magie d'un air de musique, la beauté des Appalaches.
C'est aussi un retour historique vers les dommages collatéraux de la guerre et l'ostracisme envers des populations civiles étrangères

Mais le destin s'accroche, contrarie les désirs des hommes justes.
La tension va monter inexorablement jusqu'aux dernières pages où le drame s'accélère...jusqu'à la dernière phrase où la boucle se boucle.
Car pour pouvoir renaitre, il faut avoir beaucoup souffert?

Bravo, monsieur Ron Rash!
J'ai arpenté votre terre d'ombre, sans repos et le souffle suspendu, en faisant très attention où je mettais les pieds, car il convient de toujours se méfier des puits!


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Fuir!
Fuir ce vallon encaissé de Caroline du Nord, si encaissé que le soleil y pénètre à peine, fuir la médisance crasse des villageois qui la prenne pour une sorcière au seul motif qu'elle a une tâche de naissance, fuir parce que la guerre lointaine en Europe va bien finir par s'achever et laisser s'ouvrir un monde de nouvelles possibilités, fuir puisque son frère rentré mutilé de cette guerre va se marier et l'abandonner à sa solitude...
Quand Laurel rencontre au bord du ruisseau l'inconnu à la flûte d'argent, ce sont tous ces espoirs qu'elle projette sur lui. le lien se tisse, mais le destin veille...

Voilà un âpre roman d'atmosphère dont on tourne les pages pour chercher l'air et la lumière, tant ils y manquent. Un thriller oppressant également, qui s'ouvre sur la découverte d'un crâne au fonds d'un puits; comprendre comment il est arrivé là vous coûtera quelques pénibles sensations d'étouffement, mais offre aussi un moment d'immersion intense dans l'univers bruissant de nature et de rigueur d'un Ron Rash au mieux de sa forme.
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La ferme de Hank Shelton et de sa soeur Laurel est tapie au creux d'un vallon sombre et encaissé des Appalaches, en Caroline du nord.
Pour les habitants de la ville voisine, cette terre est maudite et Laurel soupçonnée de sorcellerie à cause de la tache de naissance qui la marque.
Nous sommes dans les dernières années de la guerre 14-18 et la haine des allemands s'installe aussi dans cette contrée d'Amérique où les hommes se jaugent et se jugent d'après leurs faits d'armes.
C'est dans cette atmosphère lourde et morose qu'apparaît Walter, un vagabond muet, joueur de flûte.
Il va apporter une parenthèse de bonheur et de lumière dans la vie des Shelton grâce à sa présence, son aide et la beauté de sa musique.
Mais les préjugés ont la vie dure et la haine est tenace dans ces rudes contrées...la tragédie menace.

Cette nature, à la fois sombre et majestueuse, magnifiquement décrite par Ron Rash, m'a envoûtée.
J'aurais aimé émerger des ombres immenses de la montagne en compagnie de Laurel et m'allonger sur la saillie rocheuse qui surplombe la rivière, cherchant à capter enfin les rayons d'un soleil pudique ou m'ennivrant du chant criard des perroquets.
Une écriture très efficace dans le déroulement de l'intrigue mais qui fait la part belle à l'émotion et à la nature dans ce qu'elle a de plus brute.

Merci Cécile..même s'il me semble que tu fus un peu mitigée..le côté ténébreux de l'ambiance m'a séduite. Peut-être avais-je besoin d'introspection ?
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Une terre d'ombre prouve une nouvelle fois que l'association du roman noir et de nature writing fonctionne à merveille !

Cette terre, c'est celle des alentours de Mars Hill, petite ville des Appalaches, et du vallon où vivent Laurel et son frère Hank, tous deux marqués par la vie. Lui par une main perdue lors de la première guerre en Europe, qui sévit toujours. Elle par une tâche de naissance qui dans ces contrées perdues l'a définitivement cataloguée comme sorcière. Et condamnée à une solitude définitive qui va s'accentuer dès que Hank sera marié dans quelques semaines.

Mais un matin, il suffit d'un filet de musique entendue au fond du vallon pour que la vie de Laurel bascule. Cette musique, c'est celle de Walter, flutiste émérite surgi de nulle part, muet, les vêtements en lambeaux, le passé inconnu. Walter va s'installer chez Laurel et Hank et vite s'y révéler indispensable. À tous points de vue.

L'horizon s'éclaircit soudain pour Laurel, un avenir se dessine et encore davantage lorsqu'elle découvre le passé de Walter. Et la fin de la guerre qui s'annonce laisse entrevoir un futur plein d'espoirs. Sauf que...

L'habileté littéraire de Ron Rash est incroyable pour arriver à installer son lecteur dans la splendeur de la nature sauvage de ce vallon et dans cette vie si paisible que Laurel y mène, tout en faisant parallèlement monter en tension son histoire jusqu'à une issue d'une dureté sans concession. Au milieu de ces décors, l'homme apparaît dans toute sa bêtise, sa lâcheté, son idéalisme mal placé, exacerbé par la guerre, vécue par procuration.

Un très beau livre dans lequel on met un peu de temps à entrer, pour ne plus pouvoir le lâcher ensuite.
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Mars Hill, Etat de Caroline du Nord. Une vallée encaissée va être prochainement inondée pour permettre la construction en aval d'un barrage hydroélectrique. Un technicien traverse ces lieux promis à la disparition. Il s'arrête devant une ferme abandonnée, tire le seau d'un puits. Quand il observe le fond du seau, il discerne un crâne dans l'eau trouble. Il vient de faire remonter à la surface une histoire tragique qui s'est déroulée quarante ans plus tôt.

Un lieu maudit. Ce vallon a toujours été considéré comme tel ; les Cherokee déjà tâchaient de l'éviter. Des chasseurs y auraient disparus, des fantômes auraient été aperçus. Les légendes sont nombreuses. Une falaise se dresse menaçante au-dessus du vallon et le couvre d'une ombre étouffante, ce qui fait des lieux « une terre d'ombre et rien d'autre ». Les parents de Hank et Laurel ont acquis ces arpents d'une terre maudite et lugubre à bas prix. La mauvaise fortune s'est rapidement abattue sur la famille. Laurel, qui est née avec une tâche de naissance sur le corps, est une sorcière aux yeux des habitants de Mars Hill. Revenu des tranchées de la Première guerre mondiale amputé d'une main, Hank échappe à l'ostracisme qui frappe la famille. Après la mort de ses parents, il envisage même de se marier avec une fille du comté. Laurel est donc promise à une vie de recluse dans cette ferme maudite. Mais un matin, après avoir fait sa lessive dans la rivière, elle entend une musique douce qu'elle confond au départ avec le chant d'un oiseau. Elle s'approche et aperçoit un vagabond qui joue de la flûte derrière des fourrés. C'est peut-être enfin le rayon de soleil tant attendu après des années de solitude et de souffrance. Peu après, elle retrouve l'homme blessé et décide de le recueillir. Sa vie bascule.

Ron Rash mêle la petite histoire à la grande. Deux êtres aux existences malheureuses vont se rencontrer dans des circonstances inespérées et vivre des instants de bonheur. Mais la malédiction n'est jamais loin. le vallon par sa géographie et les superstitions qui l'entourent va marquer ces existences simples d'une contrée rurale. Ils vont devoir aussi faire face à la violence de l'Histoire et subir les conséquences d'un conflit qui se déroule à plusieurs milliers de kilomètres de leur village. Des histoires tout à la fois exceptionnelles et ordinaires vont être balayées par les années et par la technologie pour sombrer dans l'oubli : « Alors il contempla les montagnes et songea combien une vie humaine est petite et fugace. Quarante ou cinquante ans, un instant pour ces montagnes, et il ne resterait aucun souvenir de ce qui était arrivé ici. »
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