Schirach (Ferdinand von) – "Kaffee und Zigaretten" – btb-verlag, 2020 (ISBN 978-3-442-71974-7) – copyright 2019 – format 19x13cm, 190p.
De cet auteur, j'ai lu un certain nombre de publications littéraires, relevant de l'imagination : "
Crimes" (recueil de onze nouvelles – cf recension), "Der Fall Collini" (roman – cf recension), les deux recueils de nouvelles réunies sous les titres "Schuld" et "Carl Tohrberg" (cf recensions) et enfin "Tabu" (cf recension).
Ce volume intitulé "Kaffee und Zigaretten" réuni 48 textes qui sont plutôt des chroniques d'actualité, dans lesquelles l'auteur expose ses opinions sur divers sujets dits "de société". L'écriture reste claire et concise, le ton est souvent fort convenu, aligné sur la bien-pensance en cours dans l'Allemagne d'aujourd'hui.
Il en va ainsi par exemple de la chronique numéro quatre (pp. 20-27), dans laquelle l'auteur – lui-même avocat pénaliste – évoque la "carrière" de trois de ses confrères, issus de la même génération des années soixante-huitardes.
Tous trois ont ensuite connus des carrières fort différentes.
Otto Schily (né en 1932), proche de l'extrême-gauche dans sa jeunesse, membre fondateur des Grünen en 1980, fut l'avocat de Gudrun Ensslin (RAF), avant de devenir ministre de l'intérieur d'octobre 1998 à octobre 2005 dans le gouvernement SPD-Grünen de Gerhard Schröder.
Hans-Christian Ströbele (né en 1939), associé au cabinet d'avocat de Mahler, défenseur de Baader (RAF), devint député écologiste et fit une carrière d'élu "vert" restant sur des positions d'extrême-gauche, devenant l'un de ces personnages copieusement médiatisés.
Horst Mahler (né en 1936) fut l'un des fondateurs de la bande Baader-Meinhof (la sinistre RAF), ce qui lui valut quatorze années d'incarcération, à l'issue desquelles il adhéra à un groupuscule néonazi, ce qui lui valut de nouvelles incarcérations.
L'auteur distingue les destinées en fonction de la posture que chacun de ces personnages adoptait par rapport à l'idée de "droit" ; malheureusement, il ne fait qu'esquisser un sujet sur lequel le lecteur est en droit (!!) d'attendre beaucoup plus de la part d'un pénaliste aussi réputé.
La neuvième chronique prétend aborder tout à la fois la peine de mort et le devoir de tout juge d'appliquer les lois voulues par une majorité de citoyens, deux problèmes d'une grande complexité, réglés ici, en deux pages à peine, d'une rare indigence, et d'un conformisme navrant.
Deux éléments font que les publications de Ferdinand von Schirach continueront malgré tout à m'intéresser.
On le sait (il effleure d'ailleurs de nouveau le sujet dans la dix-huitième chronique – p. 74), il n'est autre que le petit-fils de Baldur von Schirach, l'un des hauts dignitaires nazis, responsable entre autre de la Hitler-Jugend (jeunesse hitlérienne), l'un des personnages directement en contact avec Hitler, l'un des promoteurs les plus ardents de la Shoah, de la guerre etc, qui mourut tranquillement dans son lit en 1974.
Comment fait-on pour vivre avec un tel aïeul, une telle lignée ? L'auteur ne fait que tourner autour de ce sujet depuis son roman "der Fall Collini", sans vraiment y consacrer une réflexion approfondie, en se réfugiant bien au contraire dans ces lieux communs caractérisant la bien-pensance allemande standardisée qu'il étale ici avec complaisance.
Deuxio : à travers ses romans, ses nouvelles ainsi que les chroniques publiées dans ce recueil, le lecteur comprend que cette famille – qui fut aux avant-postes du nazisme –, s'en est finalement fort bien sorti !
La fortune familiale ne fut qu'écornée. Les enfants (tel Richard von Schirach) et petits enfants ont bénéficié d'une bonne scolarité, d'un cadre de vie luxueux, de telle sorte que les petits-enfants font de toutes belles carrières :
Ferdinand von Schirach est donc devenu un avocat pénaliste réputé publiant des écrits à succès, Ariadne von Schirach publie des essais traitant de très haute et profonde philosophie de l'art contemporain,
Benedict Wells (pseudonyme) s'est également lancé dans la littérature. Tous trois représentent bien évidemment à la perfection les diverses tendances de la bien pensance excellemment formulée...
Voilà une famille qui sait s'adapter à l'air du temps... Ce serait-là un sujet fort intéressant à creuser...
Cas similaire : voir
Géraldine Schwarz, "
Les amnésiques" (cf recension du 20 septembre 2018)