La guerre des légumes fut un rendez-vous presque raté avec
Peter Sheridan. Il faut dire qu'au lu de la quatrième de couverture, j'espérais une version dublinoise de Sister Act, genre à la
Roddy Doyle, entre
The Commitments et
La femme qui se cognait dans les portes… J'avais posé la barre très en altitude. Et donc je suis tombée de haut, car le début du roman est atroce. Mal écrit et maladroit, que ce soit pour poser les personnages ou leurs interactions. A peine sortis du chapeau, ils se mélangent tous, rien n'est crédible et en plus ils surréagissent. le pompon a été page 27, le livre m'est tombé des mains dans un glapissement consterné :
« – J'aimerais beaucoup que ma fille devienne comme vous.
Soeur Rosaleen fut touchée, puis surprise.
– Vous avez une fille ? demanda-t-elle, rompant son silence.
Philo, qui avait oublié que la soeur pouvait parler, s'affola.
– Non, je n'en ai pas une – Philo ne mentait pas, elle n'avait pas une, mais trois filles – mais si j'en avais une, j'aimerais qu'elle vous ressemble plus tard.
Soeur Rosaleen ne se souvenait pas de la dernière fois où on lui avait dit quelque chose d'aussi gentil. La plupart des gens évitaient d'aborder le sujet des enfants en sa présence. Et pour cause : elle avait fait voeu de chasteté et n'en aurait jamais. Certes, soeur Rosaleen y pensait et se demandait souvent à quoi ils auraient pu ressembler. Elle restait une femme malgré tout ; Philo le lui avait rappelé avec une infinie délicatesse. Elle éprouva un regain de fierté à l'idée que son utérus, toujours intact, n'avait pas disparu. Grâce à Philo, elle était fière d'être une femme et une religieuse. »
Franchement, ce n'aurait pas été un auteur irlandais, je pense que ce roman serait reparti direct à la bibli. Mais là quand même, flûte,
Peter Sheridan quoi (célèbre dramaturge irlandais et frère du réalisateur Jim Sheridan), j'ai lu son autobiographie il y a longtemps,
L'enfant de Dublin, et j'avais bien aimé le récit de cette enfance au sein d'une famille nombreuse et haute en couleurs dans les quartiers pauvres de Dublin. Après quelques jours de bouderie, j'ai donc décidé de donner une seconde chance à
La guerre des légumes : si à la page 100 le courant ne passait toujours pas je jetterais l'éponge, pas avant. Ce fut un brin laborieux, j'avoue, mais vers la page 80 une éclaircie s'est annoncée, et les choses s'améliorant à mesure, je l'ai finalement terminé tranquillement. L'éclaircie fut le début du récit de cette « guerre des légumes » dont le titre français s'inspire. Plus jeunes, Cap Coyle et Dina sont passés à côté du grand amour pour devenir ennemis jurés, chacun dans leur boutique voisine et concurrente de primeurs. Aujourd'hui septuagénaires, ils se retrouvent embringués dans une sorte de Tournez manège organisé par Philo pour le club du troisième âge au couvent… et tout s'enchaine. Philo n'a pas la langue dans sa poche, c'est le moins que l'on puisse dire. 1m60, 120 kgs, cinq enfants et un mari qui la bat, famille qu'elle décide un jour de quitter en venant se réfugier dans ce couvent de Dublin. Avec son franc-parler et sa débrouillardise, son coeur aussi grand que son appétit et ses problèmes, Philo en vient à changer la vie de nombre d'habitants de North Wall, ancien village devenu un quartier moribond de Dublin, après la débâcle économique des docks sur la Liffey.
J'ai hélas trouvé que tout au long du roman le ton manquait de justesse pour parler d'obésité et de féminisme, mais si on arrive à faire abstraction du style un peu étrange et bordélique du roman, on sourit pas mal pendant cette lecture très dublinoise, bourrée d'anecdotes et de clins d'oeil, et qui enchaine rebondissements, situations cocasses et scènes plus dramatiques avec gouaille et énergie.
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