Thatcher, qui n’a jamais saisi le concept de « tenue décontractée », son éventail allant de la raideur fixée à l’éther méthylique comprimé (avec un avertissement sur la bombe aérosol déconseillant l’abus de solvants) à la rigidité taillée à même le basalte funéraire, s’était laissée convaincre par des stylistes consultants qu’elle devait traiter cet engagement comme une émission télé en extérieur, comme une conversation au paddock de Cheltenham, sans tout le tralala d’Ascot. Un costume, guindé (comme la cathédrale de Westminster), un genre d’imperméable beige.
Automne. Pas de chapeau. Sur le pied de guerre : aussi mal embouchée qu’un mufti. Véhémente, acharnée sur l’adversaire. Cromwell dopé aux hormones, féroce, elle manie sa petite faux, envoie paître l’ennemi invisible, rôdeurs embusqués, éco-bandits, ornithologues amateurs, grippe-sous, vils traîtres de la cinquième colonne libérale, incontinents, défaitistes congénitaux. « Je ne supporte pas ceux qui pleurent et qui critiquent alors qu’ils devraient féliciter la Grande-Bretagne pour cette réalisation formidable et battre le tambour à travers le monde. » Réjouissez-vous. Le pas de deux militaro-industriel. Vieille rengaine. Mme Thatcher poursuit par une évocation dithyrambique de « l’effet Sainsbury », qui introduit le virus américain des centres commerciaux, de l’aménagement consumériste, de la déchetterie marchande.
Il y a toujours quelque chose de réconfortant lorsqu'on n'appartient pas à un endroit, lorsqu'on est le seul à ne pas boire au festival de musique celtique de Ballycastle, ou le seul non-Ibère courant devant les taureaux de Pampelune qui n'a pas lu Hemingway : vous êtes dégagé de toute responsabilité. Vous n'êtes pas obligés de vous amuser. Ne faire qu'un avec l'esprit des lieux ne fait pas partie du contrat. Vous n'avez pas à vomir, à vous battre, à chanter, à danser, démolir votre voiture ou vous divertir de quelque façon que ce soit. Et c'est très libérateur.
Je dois l'admettre : je développais une obsession malsaine pour la M25, l'autoroute orbitale de Londres. Le triste opercule qui agit comme un prophylactique entre chauffeurs et paysage. Cette sinistre ceinture, inaugurée par Margaret Thatcher le 29 octobre 1986, était-elle la véritable clôture gardant le périmètre ? Ce saut-de-loup conceptuel délimitait-il la frontière de ce qu'on appelle Londres ? Où était-ce un garrot financé par le ministère des Transports et l'Agence des autoroutes afin d'étrangler le souffle vital de la métropole ?
Automne. Pas de chapeau. Sur le pied de guerre : aussi mal embouchée qu'un mufti. Véhémente, acharnée sur l'adversaire. Cromwell dopé aux hormones, féroce, elle manie sa petite faux, envoie paître l'ennemi invisible, rôdeurs embusqués, éco-bandits, ornithologues amateurs, grippe-sous, vils traîtres de la cinquième colonne libérale, incontinents, défaitistes congénitaux. « Je ne supporte pas ceux qui pleurent et qui critiquent alors qu'ils devraient féliciter la Grande-Bretagne pour cette réalisation formidable et battre le tambour à travers le monde ». Réjouissez-vous. Le pas de deux militaro-industriel. Vieille rengaine. Mme Thatcher poursuit par une évocation dithyrambique de « l’effet Sainsbury », qui introduit le virus américain des centres commerciaux, de l’aménagement consumériste, de la déchetterie marchande.
Personne n'arrive à décider quelle distance fait la route, quelque chose entre 188 et 196 kilomètres. Quand vous en avez fini avec elle, vous ne vous en souciez plus. Vous êtes déjà loin, dans un autre écosystème, une autre culture : Newport (Pays de Galles), ou Nottingham, ou Yeovil. Il faut que le voyage ait un sens. Ça ne peut pas se conclure par un retour harassé, clopin-clopant, au point d'origine.
En conséquence, il était évident que le meilleur moyen d'affronter cette bête était de la parcourir à la marche. De partir de Waltham Abbey, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, et de boucler le circuit avant l'aube (officielle) du Nouveau Millénaire.
Le vendredi 5 octobre 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Iain Sinclair à l'occasion de la publication de son "Quitter Londres" chez Inculte Dernière Marge, dans une traduction de Maxime Berrée. La traduction simultanée le soir même était assurée par Jérôme Schmidt.