Comme l'indique la 4è de couverture, on est plus proche de
Billy Wilder que de
Conan Doyle... mais encore faut-il savoir qui est
Billy Wilder... Heureusement, j'ai un certain âge (sinon un âge certain), et j'aime les univers décalés, réappropriés, usurpés...
Appelé à la rescousse par l'empereur du Brésil, sur une suggestion de
Sarah Bernhardt,
Sherlock Holmes arrive au Brésil. Il est suffisant, imbu de lui-même, déconnecté du réel...
Jo Soares grossit le trait de ce qui est assez perceptible dans l'oeuvre de
Sir Arthur Conan Doyle. de cocaïnomane, il passe à fumeur de cannabis. Essaie de se faire déflorer, mais n'y arrive pas... quand la poisse s'en mêle, même
Sherlock Holmes s'emmêle.
On assiste à la création de la caipirinha par le docteur Watson. Au port de costumes en lin... et à plein d'autres clins d'oeil.
Jo Soares entend faire une critique d'un certain milieu "artistique" en dépeignant cette bande de fainéants, d'oisifs, riches à s'ennuyer. C'est finalement très actuel, intemporel.
Vient se greffer là-dessus une enquête bien réelle, dans laquelle
Jo Soares ne rechigne pas à mettre du gore et du glauque. Et on part dans de larges réflexions (pseudo-)scientifiques. C'est très bien vu, car tout à fait dans le ton de ce qui est livré par
Conan Doyle en général. Par exemple, les empreintes digitales, la morpho-psychologie, etc.
Jo Soares connaît bien son sujet. Il ne commet en fait aucune faute sur
Sherlock Holmes. Il se révèle un brin iconoclaste en montrant un
Sherlock Holmes tombant à côté de la plaque avec ses déductions, ou obligé de cesser la traque du coupable pour se soulager dans les cabinets, ou encore participant à une cérémonie de candomblé. Cela dit, il respecte toutes les facettes du héros, dont la virginité du détective, et introduit Jack l'Eventreur (un grand coup, à mon avis) qui sera un grand moment dans la carrière de Holmes... Bref,
Jo Soares alterne le drôle, le décalé, et le sérieux, le récit en phase avec l'historique de Holmes. C'est cela qui m'a un gêné. le grand écart se révèle parfois un peu problématique. Je reconnais toutefois avoir été surpris (et agréablement) par le fait que Soares ne nous livre pas une happy end.
Un lexique permet de savoir qui est qui dans cet aréopage brésilien qui gravite autour de l'empereur comme des mouches autour d'un étron. le lecteur sait qu'aucun des personnages historiques ne peut être le coupable. le choix est donc des plus réduits, et j'avoue ne pas avoir deviné qui était le coupable... Honte sur moi.
Jo Soares se fait clairement plaisir. L'écriture est assez jouissive. Lumineuse. Un moment agréable.