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sur 1526 notes
Ce pavé de six cents pages dont la couverture ressemble à du carton d'emballage, avec cet homme sans tête qui se bat contre son double, dessin maladroit et rigide n'attire vraiment pas l'oeil. Mais le livre qu'il contient, je ne suis pas prête de l'oublier.

Saul Karoo, le héros ou plutôt l'antihéros du livre, réécrit des scénarios, transforme les oeuvres des autres, les digère et les restitue sous forme de futurs succès pour l'industrie cinématographique hollywoodienne.

L'auteur, Steve Tesich, s'est nettement inspiré de sa propre expérience de scénariste car il a adapté le Monde selon Garp et écrit les scénarios de Georgia d'Arthur Penn et de la Bande des quatre de Peter Yates. Autant dire qu'il connaît la musique, mais l'air qu'il nous joue dans ce roman est particulièrement grinçant : cynisme, manipulation, mensonge, humour noir et surtout vide intégral.

Karoo, la cinquantaine bedonnante, se trouve affligé d'une étrange maladie : il n'arrive plus à s'enivrer, ce qui gêne considérablement sa réputation d'alcoolique invétéré et le conduit à simuler l'ivresse qu'il n'arrive plus à ressentir. Il n'est pas inutile de rappeler que le Karoo est une sorte de désert d'Afrique du Sud et que c'est un mot qui veut dire… le pays de la soif!

Simuler, mentir, c'est ce que ce riche script doctor sait le mieux faire. Toujours en représentation, il se montre incapable d'éprouver des sentiments s'il n'a pas un public. Son fils adoptif Billy et sa femme Dianah dont il n'arrive pas à divorcer n'échappent pas à la règle. Karoo ne supporte pas l'intimité.

La première partie du roman est un véritable chef d'oeuvre de déréliction et d'humour : lors d'une soirée new-yorkaise branchée Karoo essaie d'échapper par tous les moyens à son fils qui aimerait dormir chez lui.

J'avais mes propres habitudes, et l'une d'elles consistait à me montrer excessivement sentimental avec Billy juste avant de lui faire du mal. La fête touchait à sa fin ; je devais le laisser tomber, m'en débarrasser d'une manière ou d'une autre. La question n'était pas si j'allais le faire, mais comment.

Karoo est une crapule menteuse, cynique mais terriblement sympathique, et sa façon d'être fait penser à cet autre grand roman américain, La conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole. Même vacuité, même innocence sans aucun frémissement de conscience devant les vilenies.

On rit. C'est peu flatteur mais on est piégé par les dialogues nerveux, éblouissants, les mouvements rapides qui ne nous font jamais oublier que nous nous trouvons dans le monde du cinéma car on voit les scènes se dérouler comme si nous nous trouvions dans une salle obscure, on déguste les rencontres entre les personnages toujours en représentation.

Les « dîners de divorce » entre Karoo et sa femme sont à cet égard des petits bijoux :

Dianah finit par arriver. (…) Au dos de sa robe bleue, il y a aussi des petits pachydermes condamnés. Sa chevelure blond platine étincelante brille au-dessus d'eux comme le soleil impitoyable sur les plaines dénudées et frappées par la sécheresse du Serengeti. (…) Tous les deux, nous sommes de bons soldats, des professionnels de la scène. Jouer devant un maigre public ne va pas nous décourager. Au contraire, c'est presque un défi à relever. La prestation vocale de Dianah s'améliore. Se fait plus nette. Son choix de postures gagne en précision. La brillance de sa chevelure platine augmente en watts. Ce n'est plus le Buisson ardent. C'est un feu de forêt. Elle est une diva. Une diva dans une robe fatale. Je m'efforce de tenir ma part de ce mariage que nous jouons tous les deux. (…)

Le mauvais génie de Karoo s'appelle Cromwell, un des plus puissants producteurs de Hollywood. Il lui a déjà donné des scénarios à réécrire, dont celui d'un jeune homme qui s'est suicidé après avoir vu ce que l'on avait fait de son oeuvre. Cromwell apporte cette fois la dernière oeuvre du Vieil Homme, le grand Arthur Houseman, un des cinéastes les plus respectés de la profession. En visionnant le film Karoo se rend compte que celui-ci est un pur chef-d'oeuvre. Il découvre aussi, dans un petit rôle, la mère biologique de son fils Billy. le destin se met en marche. A force de réécrire les histoires des autres Karoo se prend pour Dieu : il veut réécrire l'histoire de Leila, jeune femme fragile, pathétique, à qui on a tout pris depuis qu'elle a quatorze ans. le roman bascule à ce moment-là. Karoo s'arrange pour faire connaissance de la jeune femme, tombe amoureux d'elle, rêve de reconstituer une famille idéale avec son fils Billy.

Il commet le sacrilège : il mutile le film du vieil homme pour rétablir toutes les scènes avec Leila qui avaient été coupées.

Ce n'était pas seulement que j'avais pris un chef-d'oeuvre et que, pour des motifs personnels, j'en avais fait une banalité. J'avais pris quelque chose et je l'avais transformé en néant. La seule description juste de ce que j'avais fait était que j'avais créé du néant, mais un néant au pouvoir de séduction si puissant et si large qu'il pouvait passer pour n'importe quoi.

La suite du roman devient aussi inéluctable qu'une tragédie antique. Nous nous trouvons désormais à la fois dans l'univers du cinéma et dans celui de la mythologie grecque. L'auteur parle à plusieurs reprises d'hubris, cette faute absolue dans la Grèce antique : l'homme qui commet l'hubris est coupable de vouloir forcer le destin et sa punition sera terrible. Il finira dépossédé de tout ce qui était important pour lui. Karoo, dépassé par sa profession mortifère, a pêché par orgueil. Il a voulu rendre à Leila une part de sa vie mais Hollywood prendra à la jeune femme jusqu'à sa mort.

Dans la dernière partie c'en est fini du « je » obsédant, on s'éloigne de Karoo, on le regarde de haut, l'auteur passe du « je » au « il » dans un éloignement de perspective mais le spectacle est toujours présent, même dans les moments où Karoo gagne en épaisseur. Par exemple lors de ce moment bouleversant où il rend visite à sa mère :

Lorsqu'il voit sa mère revenir vers lui, de loin, avec la lumière du jour venant de la fenêtre de sa chambre qui l'éclaire de dos, elle paraît ne plus avoir une seule ride. Elle paraît être une adolescente anorexique à la coiffure étrange. Puis, comme elle avance vers lui, le temps, jouant en accéléré, la transforme en vieille pomme ridée. Tiens, en voilà une histoire, se dit Saul en détournant le regard.

La fin du livre prend à la gorge par la puissance de sa poésie : Karoo reprend son scénario personnel toujours différé, avec un Ulysse vieillissant qui essaie d'annuler dans l'esprit de Pénélope et de Télémaque la grande absence qu'est l'Odyssée, comme si la famille n'avait jamais été séparée ; mais l'oubli souhaité se transforme en mort des êtres aimés et il ne reste que le néant.

On finit secoué par ce très grand livre sur l'industrie du spectacle et les faux-semblants qui finissent par avoir raison de toute authenticité, sur cette société dont nous sommes tous acteurs à travers les médias sociaux, sur ce vide qui absorbe nos vie.

Un mot sur l'auteur, Steve Tesich, immigré de Yougoslavie, cas d'école de réussite du rêve américain : université Columbia, cascade de récompenses pour son travail de scénariste, écriture de pièces de théâtre. Mais aussi Steve Tesich homme déçu par cette même Amérique comme si le mirage atteint il n'avait étreint que le vide. Il a publié un roman, Price, puis écrit Karoo. Steve Tesich est mort en 1996 d'une crise cardiaque à peine son livre terminé. Karoo a été publié deux ans plus tard. Merci à cette maison d'édition au nom mystérieux, Monsieur Toussaint Louverture, de nous offrir la superbe traduction de ce chef-d'oeuvre.
Lien : http://nicole-giroud.fr
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Décidément, cette édition me fait de l'oeil, et tout ce qu'elle édite semble me correspondre et surtout, me plaire. C'est un libraire qui l'a conseillé, et puis il y'avait le mot scénariste, alors pour ma cinéphilie, c'était une aubaine. Karoo, c'est ce livre enivrant, ce tourbillon incessant, ce long chemin vers la fin, vers la mort. Parce que Karoo, le personnage donc, cet homme aigris, imbu de lui-même, peut-être parfois irritant, est entrainé dans ce flux incessant, ce temps qu'il ne maîtrise pas, ces évènements donc il n'est pas le maître. Karoo, c'est ce personnage qui aurait été parfait dans une pièce de Shakespeare tellement il semble impuissant face au monde, et en même temps, ce cynisme, cette conscience du monde absurde le rapproche davantage d'un Meursault.
Ce livre, c'est un petit bonheur, il se déguste, il est long, on ne le finit pas en 2h, mais quand on le referme, on continue d'y penser. D'autant que le dernier chapitre est un régal... Alors, allez jusqu'au bout, laissez-vous entraîner, soumettez-vous au rythme du roman, laissez votre doigt tourner inlassablement les pages de Karoo, vous ne le regretterez pas !
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Waouh, ça faisait longtemps que je n'avais pas eu un tel coup de coeur pour un livre ! Steve Tesich nous offre un véritable petit bijou. Ecrit à la 1er personne, ce qui nous donne une vision subjective de l'histoire, voici la vie de Saul Karoo racontée par lui-même sans aucun point de vue extérieur.

Dès le départ, on est prévenu, attention tout ce que vous allez lire est la vérité de Saul Karoo, méfiez-vous… J'ai une maladie, je bois mais je ne parviens plus à être ivre (sic)… Et j'ai également, la maladie de la vérité, « Dire la vérité était une chose, être en phase avec cette vérité après l'avoir énoncée était quelque chose qui ne semblait plus dépendre de moi. »
Voilà, le décor est posé, pendant tout le livre, on va dépiauter, le vrai du faux, la vision négative de Saul sur lui-même : homme égoïste, incapable d'empathie, sourd aux besoins des autres, incapable d'aimer. Puis petit à petit par petites touches, on voit ce portrait se fissurer, Saul tente de changer… Il se dessine alors, un autre Saul. le Saul du dedans en distorsion avec le Saul du dehors… le tout remarquablement écrit avec des descriptions courtes, incisives remplies de métaphores truculentes ! On y est, on voit, on sent, on entend ! le tout avec une bonne dose d'humour !
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La lecture du premier chapitre de Karoo, oeuvre encensée par tous les critiques via tous les média, de droite comme de gauche, a été très décevante. J'ai trouvé le cynisme du protagoniste prévisible, ses traits d'esprit attendus.

J'ai décidé de laisser à Tesich une seconde chance. le premier chapitre était bien court, et je refusais de croire que tout le monde s'était laissé séduire par ce qui brillait, pour moi, comme les paillettes d'un mauvais Woody Allen.

L'histoire de Karoo, que d'autres ont résumée, tient en peu de phrases, mais c'est pour son héros, dépressif céleste, connard attendrissant, grand bourgeois blasé, qu'il faut lire Tesich. le héros, la cinquantaine « pétée de thunes », calibre les scénarios pour l'industrie hollywoodienne, atténuant ici un éclat de génie, supprimant là les clichés trop criants. Traînant un divorce apaisé, il fuit l'amour de son fils, jeune étudiant brillant et recherche désespérément l'ivresse à laquelle il n'a plus accès. Pour le reste, lisez-le.

Derrière ce que j'avais pris pour un révolté sans consistance se cachait une sensibilité rare, un auteur capable de faire naître une ironie subtile au détour de sarcasmes presque faciles. le style de Karoo est d'une apparente limpidité mais ce qui en fait son intérêt est l'ironie systématisée qui camoufle avec peine une douloureuse lucidité.

En dernière analyse, ce n'est pas la description du milieu dans lequel évolue Karoo qui importe mais la dimension universelle de son questionnement sur ce qu'est une vie humaine.

Ecrit dans le cadre de l'opération MASSE-CRITIQUE sur Babélio. Merci vivement à la collection Points du Seuil pour ce livre inoubliable.

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"L'ouvrage ne mesure que 140mm de largeur sur 195mm de hauteur. Pourtant, la chute qu'il raconte est vertigineuse." nous confie l'éditeur.

Saul KAROO est malade. Une maladie grave pour lui, mais qui peut nous prêter à sourire un jour où on est bien luné. Il a une maladie qu'on voudrait, pourquoi pas, essayer d'avoir un jour ? Et pourtant, cette maladie lui bouffe la vie. Saul KAROO n'arrive plus à être ivre. Et pourtant, il est alcoolique.

C'est gin tonic sur gin tonic que le roman se construit, ainsi que la personnalité de notre personnage.

Le roman prend alors un rythme tout artificiel, entre la réalité et la fiction. Entre le cinéma et la vie, entre la vérité et la mythomanie.
Comment dire plus la vérité que lorsqu'on fait tout pour montrer que l'on est en train de mentir ?

Saul KAROO, appelé plus familièrement le Doc est médecin en scénarios loupés ou simplement à retravailler. Il a une exe femme et il prend beaucoup de poids en plus de rapetisser. Il se fait vieux. Il a un fils qu'il n'appelle pas beaucoup et qu'il essaie même plutôt d'éviter. Il a eu ce fils avec son ex femme, mais pas de manière naturelle. Billy est adopté, et il le sait.

Karoo ne trouve plus beaucoup d'inspiration et de travail. Sa maladie lui tape sur le système et il vit alors par rapport à elle. Il joue à l'homme ivre pour rassurer tous les habitués, pour les rendre heureux de voir que rien n'a changé.
Un jour pourtant, Cromwell, un ancien collègue aimé de personne et à l'image du Doc, va lui donner un nouveau travail qui va le bouleverser et changer sa vie à jamais. Changer leurs vies à tous. le film a changé est pourtant LE chef d'oeuvre d'un grand réalisateur.
Jusqu'où ira le Doc ? Qui cela impliquera t'il ?

Il es très difficile de parler de ce roman dans lequel, malgré notre impression fréquente de flottement de l'action, il se passe une multitude de choses. Une multitude de choses qu'on ne peut surtout pas dévoiler.
Ce que je peux cependant vous dire, c'est que si vous le lisez, vous ne le regretterez pas.

Karoo est donc effectivement l'histoire d'une chute vertigineuse, c'est l'histoire d'une conscience humaine qui se transforme en animal, ou l'inverse, et c'est l'histoire de l'amour qui fait fleurir les arbres en plein mois de Décembre.
Karoo est une histoire magnifique à ne louper sous aucun cas.
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Un uppercut. Ce livre est un uppercut que j'ai reçu en pleine face!

A peine commencé, j'ai eu bien du mal à le lâcher. Tout fait de lui une grande oeuvre littéraire américaine contemporaine.

L'histoire d'un poivrot script doctor désabusé dans un roman de descente aux enfers, de rédemption, de magnifique tragédie à l'américaine sur fond d'humour noir et de cynisme absolu.

J'adore!



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Voilà un roman dont on doit se souvenir ! D'abord par l'objet : gros livre de plus de 600 pages, à la couverture cartonnée beige, ornée en première de couverture d'un énigmatique dessin représentant deux hommes absolument identiques qui luttent, la cravate nouée autour d'un cou absent, les deux têtes absentes, un vide angoissant. Et en quatrième, une enfilade de mots en capitales, difficiles à lire, à déchiffrer, à comprendre, c'est voulu et c'est excellent !

Car le livre aussi, va nous plonger dans des abimes d'incompréhension. Jugez-en plutôt :
Qui est cet homme ventripotent, qui s'enfile des litres d'alcool sans jamais être ivre mais joue à le paraître, qui ne peut vivre aucun moment de relation vraie avec personne, même pas son fils ? A ce point que, terrifié à l'idée de devoir passer un moment avec lui, ...il invite une escorte ! Qui est ce Saul Karoo, écrivain à la petite semaine qui, quoique haïssant son odieux employeur de producteur, ne parvient jamais à lui dire son fait et continue à le pourvoir en scenarii retouchés, réécrits par lui pour que tombe la manne dollar, fût-ce au prix de ne sortir que des navets commerciaux ?
Il a épousé une femme dont il ne parcvient pas à divorcer depuis des années, ils ont ensemble adopté un petit Billy, enfant d'une gamine de quatorze ans dont il a un jour entendu le rire, reconnaissable entre tous.
Et, paradoxalement, au milieu de toute cette médiocrité, c'est précisément le rire qui va déclencher un enchaînement d'événements ahurissants.

L'auteur se joue de nous : à chaque fois qu'on croit que l'action va s'orienter vers telle ou telle direction, qu'on croit savoir ce qui se passe, il nous trouve un événement qui chamboulera tout, une excursion en Espagne, un accident, une amnésie. Et non ! On repart dans une autre direction, jusqu'au dernier chapitre, qui nous embarque dans un voyage fantasmagorique, entre Homère et l'Ancien Testament, dans une vision totalement imprévisible.

Ce qui sous-tend l'ensemble de l'histoire, comment un médiocre peut se croire un moment une sorte de deus ex machina et changer la vie des autres, n'a rien de réjouissant. m ais le ton, le style ciselé à la perfection et, probablement la qualité de la traduction, font de ce roman un petit bijou de cynisme, d'ironie et une critique acerbe du milieu du cinéma, entre vrais escrocs et faux talents.

Un régal !
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Saul Karoo est l'anti-héros dans toute sa splendeur ! On adore le détester, mais en même temps on aime suivre ses frasques !

Karoo est scénariste pour Hollywood, son surnom dans le métier : Doc. En effet c'est lui qui "répare" les scenarii, n'ayant pas reçu l'aval des grands producteurs. Bref c'est à lui qu'on doit tous ces films qui semblent être produit à la chaîne. Steve Tesich de son vivant était lui aussi scénariste pour le cinéma américain donc il est légitime de penser que ce qu'il décrit ici est malheureusement vrai : les auteurs, réalisateurs privés de leurs oeuvres, les acteurs que l'on fait espérer ... Un milieu plein de strass au premier abord mais qui s'avère plus glauque lorsqu'on regarde de près (rien qu'à penser au personnage du producteur Cromwell on a pas envie d'approcher ce monde).
Je ne veux pas trop développer l'intrigue ayant moi-même été spoilée lors d'une lecture d'un article (merci aux journalistes de révéler un point clé de l'intrigue !).

Karoo est un personnage qu'on a littéralement envie de secouer par moment ! Il est détestable dans ses rapports avec ses proches. Mais au fur et à mesure on est parfois attendri surtout dans la dernière partie du roman. Et c'est là qu'on voit le génie de Steve Tesich qui n'a malheureusement écrit que 2 romans, celui-ci étant publié à titre posthume. On est plein de sentiments contradictoires durant la lecture.

Merci aux éditions "Monsieur Toussaint Louverture" de faire traduire (brillamment qui plus est) des petites pépites comme cela, qui ont été un peu oubliées.
C'est une lecture que je recommande vivement à tous ceux qui (comme moi) aime la littérature américaine !

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Voilà un roman américain dont l'auteur ne connaîtra pas le succès retentissant malheureusement, mais il ne tient qu'à nous de le faire durer à travers les années. A l'image de la Conjuration des imbéciles, Karoo dépeint le portrait d'une personne peu recommandable, pas forcément attachante mais dont l'histoire, le style de l'auteur donnent une toute autre envergure pour laisser libre cours à un grand classique !

Saul Karoo est l'un des premiers héros que j'ai vraiment détesté (tout du moins au début) : méprisable, égoïste, un minable toute catégorie tant sur le point personnel que professionnel. Karoo est capable de remanier les scénarios de grands classiques pour en faire des immondices hollywoodiens, en somme tout faire pour que cela se vende et que cela sonne juste. Mais tel n'est pas le cas dans sa vie personnelle. Menteur, tricheur, ridicule et cynique : tous les qualificatifs négatifs y passent pour forger le personnage le plus pathétique de la littérature américaine. Et pourtant...

En effet ce livre n'est pas là pour nous décrire l'être le plus ignoble de la planète, c'est un roman sur la rédemption ou comment peut-on tenter de remettre en ordre sa vie : comme une sorte de jeu de miroir s'il y arrive dans son métier, peut-il y arriver dans son intimité ? Si son ex-femme le méprise, s'il est incapable d'éprouver ou de démontrer une once d'amour envers son enfant, si sa santé est au bord du gouffre : va t-il relever le défi et le gagner ? Telle est la question que l'on se pose tout le long du roman, car en effet, si Karoo y arrive, n'est-ce pas une manière de nous dire que nous aussi nous pourrions y arriver ?

Steve Tesich dépeint une satire sociale, une tragédie grecque avec force de panache et d'humour. Tout cela avec une plume originale, unique, qui manquera à tous !

En définitive, qu'attendez-vous pour découvrir le classique de demain ?
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Saul Karoo alias « Doc Karoo », le narrateur principal de ce roman, est spécialiste dans l'art de retoucher les scénarios qu'on lui soumet afin que ceux-ci correspondent au moule hollywoodien. Grâce à cela, il s'est enrichi dans le monde du cinéma mais il s'avère incapable d'être un véritable écrivain. Et ce n'est pas là son plus gros problème. Car en plus de ses nombreux défauts (il est imbu de sa personne, cynique, égoïste, lâche), notre homme est atteint de névroses et de maladies étranges telles que l'impossibilité d'être ivre malgré des quantités énormes d'alcool ingurgitées ou encore son incapacité à être seul dans une pièce avec son fils, sa femme, sa mère ou encore son unique ami. Il a tout pour être un anti héros américain, détestable à souhait. Et pourtant, le lecteur passera par bien des sentiments à son égard tout au long du roman. Car ce personnage devient émouvant lorsqu'il se trouve enfermé dans un rôle social (celui d'un alcoolique alors qu'il reste désespérément sobre) ou bien lorsqu'il entreprend finalement de racheter ses mauvaises actions. de plus, Karoo est doté d'une lucidité incroyable sur les autres et sur lui-même qui lui permet souvent de prévoir les événements à venir. Cela ne l'empêche pas de laisser faire quand bien même il sait qu'il devrait agir. Par son côté autodestructeur, Karoo se révèle profondément humain et attachant.
A travers le récit de la vie de Karoo, un cynique en quête de rédemption, l'auteur nous offre une farce féroce bourrée de scènes d'une incroyable drôlerie telles les joutes de Karoo avec son ex-femme dans lesquelles ceux-ci rejouent régulièrement leur divorce dans le même restaurant, la fuite de sa visite médicale dont les résultats ne lui donnaient pas satisfaction (il ne pouvait admettre qu'il avait rapetissé et grossi). Grâce au style de Steve Tesich, des moments banals (une conversation téléphonique par exemple) deviennent réjouissants.
Progressivement, le ton se durcit et le roman prend finalement le chemin de la tragédie. Car l'auteur entend critiquer le monde du show business, incapable de défendre des vrais chefs d'oeuvre pour leur préférer des projets formatés aux prétendus goûts du consommateur. Plus largement, son livre est une critique sans concession de l'Amérique consumériste des années qui suivirent l'effondrement de l'URSS dans laquelle notre personnage est tellement riche qu'il peut se payer le luxe de ne pas avoir d'assurance médicale.
Ce roman, d'une grande noirceur, est un pur bijou ! Merci à l'opération Masse Critique et aux éditions Monsieur Toussaint Louverture de m'avoir permis de le découvrir.
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