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Critiques filtrées sur 4 étoiles  


Plus de quinze ans après le maître* - ouvrage accueilli avec succès et malheureusement épuisé, Colm Tóibín se réadonne à l'exercice périlleux du roman biographique, s'intéressant cette fois-ci à l'une des figures majeures de la littérature allemande  : Thomas Mann (1875-1955). 

Si je ne peux émettre d'avis sur le précédent, le magicien lui, m'apparaît comme une merveilleuse réussite. Par un jeu d'ombre et de lumière, en touches délicates, l'écrivain irlandais révèle les multiples facettes de son "personnage" tant dans la sphère privée que publique. S'appuyant sur un solide travail de recherche mais aussi de mise en perspective, il livre un écrit incroyablement riche, fouillé et sensible. 

Portrait introspectif d'un homme éminemment complexe, fenêtre ouverte sur le clan Mann et ses pierres d'achoppement, c'est également une plongée saisissante dans le fracas de l'Histoire de la première moitié du XXème Siècle.

*

Le récit débute en 1881, année de la disparition du sénateur Mann - Thomas a alors seize ans - et s'achève en 1950 lorsque ce dernier retourne à Lübeck, berceau de son enfance, après un exil aux États-Unis. Entre les deux périodes, six cents pages condensant l'essentiel d'une vie voire de plusieurs vies - du déterminant à l'anecdotique, de l'apparent au dissimulé.

Fils cadet d'un riche négociant céréalier, il semble prédestiné à prendre un jour la tête de l'entreprise familiale mais le testament paternel en prévoit  contre toute attente la dissolution. S'il feintait de s'intéresser jusqu'ici aux affaires, nourrissant davantage une passion pour la poésie, la nouvelle n'en demeure pas moins un "choc" face à la perte de ce qu'il pensait "lui revenir de droit". Un désaveu source de rancoeur et d'incompréhension.

"Thomas  éprouvait une tristesse lancinante à la pensée que tout le labeur des Mann (...) allait à présent être anéanti. L'ère de la famille était révolue."

Lycéen aux résultats médiocres, il suivra sa mère partie s'installer à Munich, où un poste dans le secteur des assurances lui est réservé. Poste qu'il occupera pendant une courte durée, car c'est là au coeur de la capitale bavaroise, haut lieu intellectuel et artistique, que s'affirmera son ambition littéraire. À l'instar de son frère aîné Heinrich,  il désire ardemment vouer son existence à l'écriture.

*

Au fil des pages, le lecteur assiste avec engouement à la naissance de l'écrivain et au processus de création - des premières publications à la rencontre du succès. À travers son oeuvre, Thomas M. dévoile de façon déguisée une partie de lui-même et de son histoire, s'inspire de ce qu'il observe et capte autour de lui, en témoignent les précieux éclairages apportés sur ses romans (genèse, contexte, accueil,...).

Ainsi concernant Les Buddenbrook (paru en 1901), pourra-t-on lire par exemple : " Il vit dans son entièreté le roman auquel il songeait depuis un certain temps. Il allait se réinventer (...) dans le rôle d'un enfant unique et il transformerait sa mère en une riche héritière allemande, délicate et musicienne. Il ferait de sa tante Élisabeth une héroïne fantasque. le héros ne serait pas une personne. Ce serait la firme familiale (...). L'atmosphère d'assurance mercantile de Lübeck en  formerait l'arrière-plan, mais la firme serait condamnée,  et le fils unique de la famille serait condamné lui aussi. (...) Il entrerait dans l'esprit de son père,  de sa mère, de sa grand-mère et de sa tante. Il les verrait tous et il tiendrait la chronique du déclin de leurs fortunes."

Partageant ses pensées les plus intimes et ses échappées imaginaires, le lecteur découvre également le rapport qu'il entretient avec son homosexualité, perceptible depuis l'adolescence. Éclatant en de rares et fugaces occasions, ce désir refoulé s'exprimera par l'écriture -  sans doute une forme d'exutoire.

"Ses rêveries sexuelles s'étaient glissées dans ses nouvelles et romans, mais à l'abri de la fiction on avait tout loisir de les interpréter comme des jeux littéraires."

*

De son union avec Katia Pringsheim - d'origine juive, verront le jour six enfants. le couple se montre complice, soudé. L'épouse n'ignore d'ailleurs rien des penchants de son mari; entre eux deux, existe un "accord tacite" visant à préserver l'harmonie du foyer. Ensemble,  ils traverseront  tragédies intimes et grands bouleversements mondiaux.

Les guerres de 14/18 et 39/45 mettront un frein temporaire à l'ascension de Thomas M. qui malgré tout continue d'écrire et remporte le prix Nobel en 1929. Sa famille se voit écartelée par des divergences d'opinions politiques. Lui qui se pose en soutien à la cause allemande lors du premier conflit, s'engagera dans la lutte contre l'idéologie nazie quelques années plus tard et sera contraint d'emprunter le chemin douloureux de l'exil - direction Suisse, France , États-Unis.

" le prix le marquait encore un peu plus aux yeux des nazis. La forme de culture qu'il représentait depuis la fin de la guerre - bourgeoise, cosmopolite, équilibrée,  dépassionnée - était précisément celle qu'ils cherchaient le plus farouchement à détruire. le ton qu'il privilégiait dans sa prose - pesant, cérémonieux, civilisé- était l'exact opposé du leur. "

"Ce que mes compatriotes infligent à ce l'humanité est si atroce, si inoubliable, que je ne peux concevoir comment ils pourront vivre à l'avenir parmi les peuples frères de la planète comme parmi des égaux."

*

600 pages captivantes, enrichissantes et éclairantes qui me laissent avec quelques interrogations : Où commence la pensée de Colm Tóibín et où s'arrête celle de son "sujet" ? Où se situe la frontière entre imagination et réalité? Aussi, trouverai-je pertinent de parcourir en parallèle Le Journal tenu par Thomas Mann jusqu'au soir de sa vie et dont Colm Tóibín du reste s'est inspiré.

Quoiqu'il en soit, elles sont invitation à découvrir (mon cas) ou redécouvrir la production littéraire de cet illustre et énigmatique écrivain - personnalité marquante du Siècle dernier - mais également celle de ses proches qui comme lui, prennent vie sous nos yeux  dans leurs travers et leurs éclats, loin de toute idolâtrie. Une lecture vers laquelle je retournerai c'est certain, et qui en appelle de nombreuses autres pour mon plus grand plaisir.

***

" Sa vie illustra son oeuvre." (François Mauriac)
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Le «magicien» du titre correspond au surnom donné au plus grand romancier allemand du XXe siècle par ses enfants, en souvenir des tours de passe-passe avec lesquels il les avait charmés durant leur enfance.
Le double sens de ce mot pourrait, par ailleurs, illustrer parfaitement les grandes difficultés auxquelles peuvent être confrontés ceux qui, entreprenant de brosser un portrait de Thomas Mann, seraient tentés d'apparier l'image de l'écrivain consacré, auteur d'une oeuvre littéraire à l'envergure monumentale dans la lignée du grand roman germanique inaugurée par Goethe, en principe pas tout à fait accessible à un large public mais engrangeant malgré cela et assez rapidement, une adhésion très importante et une reconnaissance mondiale, avec celle d'un homme au tempérament réservé, hésitant, énigmatique, fort ambigu, tant sur le plan privé et de sa personnalité secrète, que sur celui de ses prises de position publiques (dont la plus célèbre fut sans doute «l'ambiguïté politique» maintenue jusqu'en 1936/1937 envers le régime nazi). Équation donc délicate pour ses biographes, d'où appert régulièrement un portait où l'on décèle à tour de rôle, voire quelquefois superposés, les deux sens indiqués par le mot « magicien» : celui de «mage», thaumaturge aux pouvoirs extraordinaires de création et transformation, ou bien celui de «prestidigitateur», escamoteur et illusionniste se donnant en spectacle et cherchant à charmer son public par des ruses subtiles...
Parmi ces derniers, très nombreux (à commencer par l'entourage proche et la famille Mann elle-même, dont pratiquement tous les membres auront publié au moins un ouvrage de souvenirs personnels liés au romancier, père ou mari), l'écrivaine et journaliste allemande Inge Jens, qui avait participé à l'organisation de l'édition définitive du Journal de l'écrivain pour la période 1940-1955, aura réussi à résumer de manière assez saisissante l'épaisseur du «mystère Thomas Mann» et l'équilibre fragile que l'homme avait réussi à tenir entre pôles profondément antagonistes, lorsque, dans un passage inspiré de sa biographie de Thomas Mann, Jens écrit qu'«il connaissait l'homophilie et la bonne réputation bourgeoise, le besoin de représenter et la nostalgie d'un appui sentimental, l'égocentrisme et l'engagement politique, le narcissisme et le besoin de se justifier, l'amour-propre du marginal conscient de sa marginalité et la conscience du bourgeois protestant qui sait qu'en fin de compte il ne peut subsister que par la «grâce»».
Le défi et l'enjeu étaient donc de taille pour Colm Toibin lorsque l'écrivain irlandais, auteur d'un premier essai très réussi en la matière (quoique relativement moins ambitieux, car couvrant juste quelques années de la vie d'Henry James, à qui l'auteur avait consacré une première «biographie romancée»), décide de se lancer à son tour à l'assaut de la montagne Thomas Mann! Comment aborder le mystère d'une personnalité aussi complexe et contradictoire? Un homme à l'identité clivée, mari fidèle et père de famille, écrivain adulé d'un côté, exilé intérieur de l'autre, refugié dans une solitude inexpugnable, dans un espace mental préservé des turbulences de la réalité courante lui permettant de conforter sa vie psychique et son imaginaire personnels dans une vision du monde idéalisée, de les métamorphoser en une oeuvre littéraire sublime, intellectuellement très dense et à portée universelle, et en même temps de s'abandonner à des fantasmes personnels dictés par un narcissisme exigeant, ou à des fantaisies homophiles aussi exaltantes que, à première vue en tout cas, pathétiquement puériles… Un homme dont la vie familiale et publique vient toutefois menacer régulièrement d'ébranler cet équilibre fragile, marquée par divers scandales provoqués par ses enfants, par des conflits et des ruptures difficiles avec ses proches, par des deuils douloureux, par la tragédie du nazisme et la guerre, ou encore par de longues années d'exil, mais qui ne le conduiront néanmoins jamais à se laisser complètement assiéger par une forme quelconque d'instabilité émotionnelle ni de désespoir. À la fois inamovible tel un roc, fragile et malléable, amène mais non dépourvu d'une certaine froideur, conservateur et transgressif, timoré et rebelle… Comment, enfin, apporter du nouveau à l'immense édifice déjà en place, érigé par de dizaines de milliers de pages écrites à son propos, aucune ne pouvant d'ailleurs s'arroger à ce jour le privilège d'en avoir complètement percé le mystère?
L'on ne peut en tout cas qu'être admiratif face à l'entreprise audacieuse et au résultat final obtenu par Toibin : plus de 600 pages, densément documentées, écrites d'une plume assurée, sans fioritures, documentaire et incisive autant qu'évocatrice et expressive, couvrant l'ensemble de la vie de l'écrivain - depuis son l'enfance et adolescence dans l'austère Lübeck, et la découverte entre autres de son attirance équivoque pour les garçons, suivie de sa jeunesse et années de formation à Munich, la rencontre de la fidèle Katia, compagne d'une vie, mère de ses six enfants et figure tutélaire indispensable à l'accomplissement de son destin exceptionnel d'écrivain, la genèse de sa vocation littéraire ainsi que les liens existants entre certains épisodes de sa vie et l'élaboration de ses plus grands romans, la montée du nazisme, le départ d'Allemagne, les années d'exil, la parenthèse américaine, le retour, enfin, en Europe, puis l'installation définitive des Mann en Suisse, à partir des années 50.
Le Magicien se situe à mi-chemin entre le roman et la biographie. Si dans cette recherche d'hybridation, la résultante, sans l'ombre d'un doute, s'avère calibrée et convaincante dans l'ensemble, j'ai eu néanmoins le sentiment que le style biographique, chronologique et linéaire, appuyé sur une narration à la troisième personne, le souci d'être informatif et factuel primeraient le plus souvent, au détriment de cette épaisseur et de cette tessiture propres au «fictif», au «romancé», capables elles de susciter, au-delà de la curiosité de lecteur, une empathie spontanée et l'impression de toucher, par-delà des mots qui racontent une histoire, à quelque chose d'essentiel et en même temps immatériel, ce que l'écrivaine Olga Tokarczuk identifie par ailleurs comme étant la capacité de la littérature à créer «la perfection des formes imprécises». Il m'aura ainsi personnellement manqué dans cette lecture une approche un peu plus spéculative, davantage «osée», moins raisonnable et moins objective, quitte à être moins limpide et moins respectueuse des sources documentaires, et grâce à laquelle il serait éventuellement possible de faire mieux ressortir toutes les tractations intimes qu'on suppose indispensables à maintenir en parfait équilibre des composantes aussi contradictoires et paradoxales que celles réunies dans la personnalité de Thomas Mann et ayant souvent fait s'arracher les cheveux ses biographes. Pour dire les choses autrement, même si la démarche consistant à «romancer» la vie de Thomas Mann était souvent ébauchée ici, et dans certains cas aboutie (lors notamment de quelques passages saisissants -pas assez nombreux, donc, par rapport à mes attentes... - où Toibin se sert plus librement de dispositifs tels le flash-back ou la voix intérieure sans philtre interprétatif de la part du narrateur, faisant naitre alors cette fameuse « perfection imprécise »...), celle-ci me semble beaucoup moins présente que l'autre démarche, «biographique». J'aurais préféré dans l'idéal, s'agissant particulièrement du «mystère Thomas Mann», un vrai « roman biographique », pourquoi pas essentiellement à la première personne de narration, plutôt qu'une «biographie romancée» où, pour ma part et pour ce qui est du «mystère Thomas Mann», je suis resté sur ma faim...
Ainsi, par exemple, le traitement, à mon avis relativement superficiel, en tout cas sans surprise, accordé à la composante homophile de la personnalité de l'écrivain, alors même que cette dernière semblerait avoir été importante dans les motivations initiales à écrire son roman. Toibin, qui affirmait pourtant dans une interview que toute oeuvre de biographie comporte une « dimension auto-fictionnelle» et qui, en principe, aurait été bien placé, du fait y compris de son identité propre homosexuelle, pour pouvoir explorer de l'intérieur et finement cet aspect particulier, m'aura, j'avoue, largement déçu. Toujours d'après lui, l'homosexualité de Thomas Mann correspondrait à «un véritable continent englouti» ; tout ceci paraît, hélas, ne pas avoir été à même de le conduire à s'y plonger plus en profondeur, l'auteur s'étant visiblement astreint à l'épisodique, à l'anecdotique, aux simples atermoiements ou à la peur de Thomas Mann d'être démasqué publiquement. Et d'ailleurs, me suis-demandé, s'agirait-il véritablement «d'un continent englouti»? Ne pourrait-on y voir aussi une sorte «d'ilot émergé», sacré et bien délimité, tel ce rocher qu'aurait fait surgir de l'océan Poséidon afin que Léto puisse accoucher d'Apollon en toute sécurité, dans un lieu inconnu de tous, y compris des autres dieux eux-mêmes ? Et puis, les «penchants» de Thomas Mann n'étaient-ils, après tout, ni totalement étrangers à son entourage proche (sa femme était au courant, ainsi que ses enfants, dont trois étaient d'ailleurs ouvertement homosexuels ou bisexuels – Klaus, Erika et Golo Mann), ni absents, bien au contraire, des pages de son Journal, dont Thomas Mann devait bien se douter, n'est-ce pas, qu'elles seraient tôt au tard publiées… Toibin avait eu au départ tous les éléments requis pour laisser libre cours à son imagination et à son talent de romancier, et pour essayer de bâtir à partir des nombreuses pistes semées par Mann lui-même une version plus littéraire, «parfaite dans ses formes imprécises», de la composante homophile de la personnalité de l'écrivain. CT appuie en fin de compte trop, comme l'on déjà fait par le passé nombre de ses biographes, sur l'aspect irrésolu et infantile de l'homosexualité de Mann. Ainsi, lorsqu'il s'attarde un peu plus, sur un ton plutôt dérisoire et risible, sur la dernière amourette platonique de l'écrivain vieillissant, le garçon d'hôtel Franz, on ne retrouve aucune trace particulière de ces passages pourtant très surprenants, potentiellement riches de sens divers, qu'on peut lire dans le Journal de Thomas Mann, le 7 et le 8 juillet 1950, à propos de cette attirance crépusculaire ( «le plaisir que me procure la vue d'un beau caniche n'est guère différent» ; «ai réfléchi à mes sentiments pour le petit, qui tiennent vraiment de l'amour pour la Créature (?)», « ils ne vont pas loin dans le désir » ; «son charme est fait en partie de l'idée que des milliers de gens jouiraient d'une brève conversation avec lui comme d'un bonheur et d'une distinction», «qui a pensé les choses plus profondes aime ce qu'il y a de plus vivant»...)
Malgré quelques réserves donc, 4 étoiles (tout de même) pour le grand talent immersif de conteur de Toibin. "Le Magicien" reste une lecture stimulante, à la fois intelligemment agencée et condensée, très agréable et fort instructive.
Quant au «mystère Thomas Mann», il parait loin d'avoir fini de faire couler de l'encre. La Montagne, «magique» ou pas, insiste visiblement à se dérober aux intrépides qui s'élancent à la poursuite de ses sommets ultimes ou de ses anfractuosités encore inexplorées!
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C'est à une croisière au long cours dans la biographie de Thomas Mann que nous convie Colm Toibin dans ce nouveau livre. C'est bien un roman : l'auteur se permet de laisser un peu de place à des scènes plausibles mais peut-être tirées de son imagination, notamment pour ce qui concerne la vie intime de l'écrivain, qui était bisexuel. Mais il reste le plus souvent au plus près de ce que l'on sait de cette existence, marquée par de grands romans, un prix Nobel de littérature et surtout l'exil.

De ces existences en vérité. Car tout l'entourage de l'auteur est aussi présent que lui, de ses années d'enfance à la fin de sa vie. Ce roman étincelant et profond demande beaucoup d'empathie avec son sujet. Il avance à son rythme toujours modéré, de deuils (celui du père Sénateur en premier) en naissances (Thomas et Katia Mann ont mis au monde six enfants, qui n'auront pas une vie facile en dépit du soutien quasiment sans faille de leurs parents). Cette famille a eu certainement ses moments de bonheur ; je ne la qualifierai pourtant pas d'heureuse. Une famille, en apparence aussi libre et chaotique, cachait beaucoup de non-dits et de souffrances personnelles.

En déroulant le fil de la vie Thomas Mann, l'auteur prend aussi tout son temps pour relever la part biographique de ses plus grands romans, ce qui est très éclairant. Il m'a donné envie de découvrir « Les Buddenbrook » et ses nouvelles. Et de relire « La Montagne Magique » et « le Docteur Faustus ». Sans oublier « le Tournant » de Klaus Mann...

Cette biographie romancée me semble exemplaire, tout comme celle, également signée Colm Toibin, sur Henry James, « le maître ». du bon et bel ouvrage en tout cas, qui m'a passionné au point de le lire très vite.

#LeMagicien #NetGalleyFrance
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Thomas Mann... Je n'ai pas encore osé attaquer a sa Montagne magique car elle a la réputation d'être difficile a aborder telle son auteur qui était pour moi un mystère. Grâce à Colm Toibin je le suis passionnée pour sa vie, son oeuvre et l'histoire de son pays les trois étant finalement étroitement mêlées. En effet cet homme se révèle un être ambigu dans sa sexualité cachée, sa vie de famille dont il se tiendra d'une certaine manière à distance celle-ci étant gérée par sa femme Katia et sa fille Erika lui se consacrant à son travail d'écriture. Colm Toibin réussit parfaitement à peindre un portrait subtil de cet écrivain face à son pays en guerre, aux choix qu'il dû faire, à ce que ses prises de position, lui le Prix Nobel de de littérature, pouvaient entraîner pour lui et ses proches. C'est une biographie sans jugement sur un homme effacé, ayant caché ou tenté de cacher ses penchants, avec des enfants aux personnalités fortes et parfois torturées. Ce que j'ai particulièrement aimé c'est la genèse de ses romans, ses sources d'inspiration.
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Associant une solide documentation et un travail de fiction attachant, Colm Toibin redonne vie à Thomas Mann, figure majeure de la littérature allemande, prix Nobel de littérature pour son remarquable roman Les Buddenbrook.

Cette grosse fiction/biographie aurait pu être un pavé érudit et pesant.
Il est au contraire une histoire de vie mêlant avec talent la littérature, la musique, la vie de famille, et les grands chamboulements européens du XXe siècle. le contexte des deux guerres mondiales contraignant à l'exil vers les Etats Unis apporte un réalisme oppressant en dépit de l'aisance financière et de la notoriété.
Plus intime, la mise en scène du quotidien s'intéresse aux engagements politiques et sociaux, à la création artistique, à l'homosexualité, au solide équilibre d'un couple face aux conflits et tensions avec six enfants aux personnalités affirmées.

Une belle réussite pour un vrai plaisir de lecture, donnant l'envie de lire ou relire les romans phares de Thomas Mann.

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Thomas Mann (1875-1955) trouve ici une voix, est-ce bien la sienne ou celle imaginée par l'auteur Colb Tóibín, peu importe au fond puisqu'on se laisse entraîner facilement dans une vie d'homme et de famille vécue dans la première moitié tourmentée du XXe siècle.
Né à Lübeck en Allemagne, l'écrivain a connu tôt la renommée avec son premier roman Les Buddenbrook (1901). Pour moi, ce fut La Montagne magique qui m'a fait connaître Thomas Mann. Mais connaître n'est pas le bon terme car ce que j'ai appris avec le Magicien est d'une toute autre portée. Tóibín donne une dimension à l'homme-écrivain à travers sa famille paternelle et ensuite la sienne, celle qu'il a formée avec Katia Pringsheim en 1905. Six enfants sont nés de cette union (Erika, Klaus, Golo, Monica, Elisabeth et Michael), éduqués dans une aisance matérielle et un accès privilégié à la culture, dans la distinction des classes sociales présente à l'époque. Leur jeunesse s'est épanouie durant les années folles, avec tous les débordements inhérents au passage à l'âge adulte. Mais de façon étonnante, Thomas et Katia, ne paraissaient ni choqués ni atterrés par leur comportement, seulement observateurs intrigués d'une fratrie qu'ils avaient mis au monde. Thomas Mann, lui-même, vivait avec une ambivalence sexuelle latente, ainsi que sa femme qui sortait d'une relation symbiotique avec son jumeau Klaus.
Et par-dessus cette fabuleuse histoire familiale, il y a la Grande Histoire tragique de la Seconde Guerre Mondiale, du nazisme, de l'holocauste et des immigrations forcées.
Le Magicien, c'est une performance littéraire nourrie par des dialogues forgés dans l'imaginaire de Colm Tóibín, qui donnent souffle à des êtres de leur temps, disparus depuis longtemps mais redevenus vivants à nouveau.
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Complexe, intéressant et dense...voilà les mots qui me viennent en fermant ce livre.
COMPLEXE parce que je ne connaissais rien de la vie de Tomas Mann, prix Nobel de Littérature en 1929, et que l'univers de tous ces intellectuels est particulier.
INTERESSANT puisque nous suivons cet écrivain qui a fui l'Allemagne et le Nazisme pour se réfugier aux Etats-Unis et nous suivons ses ressentis en fonction de l'arrivée de la guerre.
DENSE car ce livre fait 600 pages mais c'est surtout l'histoire d'une saga incroyable!. Les membres de cette famille sont célèbres, vaniteux, égoïstes, et incestueux pour certains. Une famille complètement délirante et complètement atypique qui quelquefois m'a agacée.
J'ai appris beaucoup de choses en lisant cet ouvrage mais les personnages m'ont tellement irrité que j'en garde un souvenir mitigé !
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Avant de déplier toute critique, il faut tout d'abord dire que ce roman est indéniablement un très bon livre. La narration est enlevée, on suit le parcours de chaque personnage avec intérêt et la curiosité ne fléchit guère tout au long de la lecture. La dimension biographique sur Thomas Mann, du point de vue évènementiel, intime et historique, a un intérêt documentaire évident. Je recommande donc le livre, aussi bien pour le plaisir de lecture que pour l'éclairage qu'il donne sur la trajectoire historique et personnelle de Thomas Mann.
Ceci étant dit, plusieurs réserves font que ce livre n'est cependant pas un « grand » roman. Tout d'abord, même si l'on a un aperçu assez détaillé de ce que Colm Toibin imagine être la vie intérieure de Thomas Mann, cela se concentre sur des champs limités : la vie familiale, la vie sensuelle, les projets littéraires, le regard sur L Histoire et comment se positionner vis à vis d'elle. En revanche, ce qui m'a beaucoup manqué, c'est que Toibin ne nous montre jamais comment Thomas Mann pense, pense l'existence, pense le coeur de ses livres, j'entends, du point de vue intellectuel ou philosophique. Toibin expose comment l'idée de tel ou tel livre lui vient, sur quelle partie de son existence réelle il prélève telle ou telle séquence ou tel contexte, mais jamais vraiment pour quelle raison profonde et intime il écrit précisément sur ce thème, et avec cet angle de vue, et par sur autre chose.
Autre souci, ce qui fait l'intérêt du roman est souvent un peu anecdotique. Il y a un coté "bottin mondain", avec ces grands personnages historiques, comme par exemple l'insupportable Alma Mahler, qui donne l'impression que Toibin a parfois un peu trop plaisir à, (pardonnez le terme) « bitcher » sur des célébrités du monde littéraire, musical, culturel, politique. Il n'y a aucune raison de regarder des figures comme Roosevelt ou Schoenberg ou Mahler comme intouchables, mais est-il vraiment intéressant de connaître leurs banals petits travers de personnalité et ceux de leur entourage ? Cela pimente la narration, mais un peu trop comme un magazine people, et pas vraiment comme un ouvrage qui porte une vraie réflexion sur son sujet.
Toibin raconte en outre par le menu toutes les attirances homosexuelles de Thomas Mann. Elles restent du côté de la sensualité, et il nous épargne fort heureusement les scènes explicites -il semble d'ailleurs que cette attirance ait bien souvent été sublimée, plutôt qu'agie. Cependant il y a un petit excès de complaisance de Toibin, à mon avis, pour ces récits de rencontres, qui n'ont pas toujours un intérêt évident pour l'ensemble du livre et semblent avoir été un peu (trop) écrits « pour le plaisir »…
Enfin, dernier point. A travers ce roman, il faut bien dire que le Thomas Mann qui nous apparaît est un homme conservateur, loin voire opposé à tout esprit révolutionnaire. Il tient certes un discours anti-nazi, mais tarde à l'exprimer publiquement par souci de sécurité et pour préserver son lectorat en Allemagne - concrètement, pour éviter que ses livres soient interdits. Il y a chez lui un souci permanent de préserver ses propres intérêts et son confort personnel. Il apparait comme un homme avec une logique fondamentalement bourgeoise et, encore une fois, conservatrice. Et au fond, même si Toibin met en scène les petits travers de l'homme, il perce une certaine affection de Toibin pour l'homme dont il parle, et l'opposition très tranchée qui est mise en scène entre Thomas et son fils Klaus est franchement en faveur du premier. Klaus apparait comme un homme instable, psychiquement malade, impulsif, et en définitive délétère pour l'équilibre de la famille. Cette dichotomie père-fils, où Toibin semble prendre le parti du père, donne une idée du positionnement de l'auteur, du côté de la stabilité bourgeoise et d'un certain conservatisme plutôt que du côté d'une dimension révolutionnaire, marginale et atypique. Même si Klaus semble avoir été un homme difficile, je ne suis pas pour ma part, prêt à me ranger du côté de l'idéologie du père contre celle du fils. Je m'en vais donc de ce pas lire le Tournant, histoire d'une vie, l'autobiographie de Klaus Mann, pour confronter celle-ci à cette biographie réussie.
Lien : http://www.williamjoshbeck.c..
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Roman biographique, « le magicien » explore le parcours de, Thomas Mann, prix Nobel de littérature, dans un siècle chaotique, le XX ème siècle. Colm Toibin tisse la toile d'une société allemande, protestante, conservatrice, où évolue la famille Mann, famille d'industriels, aisée et dominée par un patriarche sénateur. A la mort de son père, Thomas Mann réussit à imposer son choix : écrire. Ses romans "Les Buddenbrook", « Mort à Venise », « La Montagne Magique »... lui assurent le succès, il reçoit le prix Nobel de Littérature en 1929. Son attachement à la République de Weimar et son mariage avec Katia Pringsheim, d'origine juive, l'obligent à fuir l'Allemagne nazie en 1933. Colm Toibin explore et expose les sources de la création littéraire, le long exil vers la Suisse, les Etats Unis et les relations familiales tumultueuses avec son frère Heinrich et ses six enfants. Thomas Mann est un personnage complexe. L'écrivain cache son homosexualité, mais il confie à son journal ses fantasmes. Il côtoie les grands noms de la musique, des sciences et des lettres du XXème siècle. le succès lui a apporté l'aisance financière, et il mène un train de vie « grand bourgeois » qu'il ne remet pas en cause. le roman, fort de six cents pages, est enlevé et dévoile avec intérêt les tumultes d'une famille dans la tourmente des guerres et de l'exil. Les multiples querelles et conflits avec ses enfants aux personnalités « fortes » apportent cependant quelques longueurs au roman. « le magicien » est un livre au long cours, intéressant par son approche de la vie d'un grand écrivain. Il reste au lecteur à poursuivre l'enquête et départir les facettes du roman biographique avec la vie et l'oeuvre de Thomas Mann.
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Biographie romancée de l'écrivain allemand Thomas Mann, le magicien est également un roman historique qui retrace un pan de l'histoire allemande. L'histoire débute à Lubeck, à la fin du 19e siècle, quand Thomas est encore un jeune homme. Elle se poursuit ensuite avec le 20e siècle (évidemment) et ses tristes deux guerres mondiales.

J'ai aimé plonger dans l'ambiance bourgeoise et privilégiée des sphères munichoises du début du 20e siècle.
J'ai été tenue en haleine par la vie de cet auteur pour le moins intéressante. Malgré le peu d'actions, on est davantage dans un roman de réflexion, qui dépeint une société passée, j'avais envie de voir les réactions des uns et des autres aux événements.
Le point de vue allemand sur la période de la guerre et la triste situation économique du peuple qui ouvre la voie au national socialisme est très bien décrit. Je n'avais jamais lu cet auteur irlandais mais je vais me pencher sur d'autres de ses titres.
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