Les Fables traduit du russe et illustré de
Jean-Pierre Pisetta chez Allia, avril 2024
Je ne connais pas
Jean-Pierre Pisetta, mais ce monsieur a d'entrée le mérite de mettre ici à la portée du plus grand nombre des fables, contes, histoires vraies..choisis écrits par le célèbre
Léon Tolstoi à l'issue de Guerre et Paix. L'écrivain russe avait alors des projets plein la tête, notamment celui de créer une école pour les enfants des paysans de son domaine. À cet effet, il mit en forme comme manuel scolaire les Quatre livres de lecture dont il existe plusieurs versions évolutives. La version finale sauf erreur date de 1872, quand il entreprend
Anna Karénine . Les sources de ces histoires appartiennent en partie à la tradition remaniées, ramenées au russe de la main de Tolstoi ou créées de toutes pièces par lui-même à partir d'éléments vrais.
Quand on l'interrogeait sur l'oeuvre dont il était le plus fier, les Quatre livres de lecture lui venaient spontanément à l'esprit ! Jusqu'à sans doute la mise en forme de
Résurrection qui intervint 20 ans plus tard et qu'il considérait comme étant le reflet exact de son âme, son oeuvre la plus aboutie.
Sous la direction de
Charles Salomon aux Éditions Gallimard, l'oeuvre a paru en français a l'issue de la Grande Guerre que je sache, version rééditée par les
Belles Lettres en 2014. En 1979, les Éditions Classiques proposèrent des textes choisis à partir des Éditions Gallimard ayant pour titre
Contes et histoires vraies de Russie, illustrés par
Michel Gay.
Merci en tout cas à la volonté de ces gens qui s'inscrivent dans une sorte d'intemporalité .pour que demeure l'oeuvre du maître russe. Les Fables de la Fontaine furent bien empreintes de culture hellénique.
Tolstoi avait écrit en épigraphe des Quatre livres de lecture ceci : « Mon ambition, la voici : que pendant deux générations tous les enfants russes, depuis ceux de la famille impériale jusqu'à ceux des paysans, soient formés par ce livre et en tirent leurs premières impressions poétiques et que je puisse mourir tranquille, l'ayant écrit. ( Lettre à sa cousine bien-aimée Alexandra Tolstoi. 12 janvier 1872)
Un mot sur Pisetta, concours de circonstances, je disais hier ma colère de voir passer la littérature italienne à dos de mulet transalpin vers la France. Ce passeur qui travaille sur 3 axes : France, Russie, Italie dont il est originaire fait écho à ce que je disais : sa traduction de l'oeuvre présente avec postface, illustrations en clin d'oeil pour les enfants était prête depuis 1986.
Le festin de ce recueil dans sa forme originale fut tellement copieux que l'on y trouvait des nouvelles comme la Chasse à l'ours, le Prisonnier du Caucase qui fit l'objet d'un film. Je ne vous dis pas la fraîcheur primesautière de ces écrits, nous avons le sentiment d'être mis en situation grandeur nature ici dans la forêt de la campagne russe, là dans les montagnes du sud où règnent des forces tribales et insoumises où l'on sent le souffle profond de Leon Tolstoi dans la force de l'âge et au faîte de son art.
Ces contes, fables, histoires vraies, nouvelles, après 1 siècle et demi d'existence se sont déjà patinés avec le temps sans prendre une ride. Je les vois dans leur caractère singulier et atypique pour les civilisés que nous sommes encore se bonifier dans 50, 100 ans .. ainsi l'ambition de Tolstoi a travers ces écrits sera supplantée par quelque chose de plus grand encore et sa mémoire aura atteint là son paroxysme eu égard au monde de la démesure qui était le sien.
Ce sont de ces sommets littéraires prenant l'aspect de manuel scolaire que l'on voit l'existentialisme de l'auteur qui se donnait pour but de préserver la nature et la culture slave empreintes aux influences d'où qu'elles viennent et séculaires. Ce n'est donc pas sans rapport qu'il abandonna plus tard la chasse et qu'il se mit à réprouver les guerres. Les ennemis n'étaient pas forcément ceux que l'on croit.