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Le paradis, un peu plus loin" met en parallèle les destins de
Flora Tristan, révolutionnaire anarchiste du du 19 ème siècle, et de son petit fils le peintre
Paul Gauguin. En 1844,
Flora Tristan parcourt la France pour rencontrer les ouvriers et leur présenter son projet d'Union Ouvrière. C'est une époque intéressante qui voit naître le mouvement ouvrier, les concurrences et affrontements entre les différentes tendances et approches.
Flora Tristan se frotte aux "Fourièristes", qu'elle n'apprécie pas trop car misogynes, et aux "Saint-Simonistes" à qui elle reproche leur amour fanatique de la science et leur idée qu'il suffirait de remettre le gouvernement entre les mains des industriels et d'administrer la société comme une entreprise pour atteindre le progrès. Elle les considère comme des petits bourgeois qui se défient des ouvriers. Ce cheminement solitaire de ville en ville où elle est parfois bien reçue, d'autres fois conspuée et pourchassée par la justice et la police, est également pour elle l'occasion de revenir sur son passé. Un passé pas très enthousiasmant avec un mari autoritaire, violent qui estime avoir droit de vie, de mort et davantage sur elle et sa fille. Quel tempérament, quelle force de caractère, quelle pugnacité, compte tenu de la souffrance physique qui accompagne ce long voyage.
Je connaissais un peu la vie de Gauguin, mais pas dans tous ces détails qui donnent de la consistance au personnage, aide à mieux comprendre ce qui torture l'artiste au point d'abandonner un métier confortable, une vie bourgeoise, une femme, des enfants pour se consacrer tout entier à la peinture, au prix d'une vie matériellement de misère. Quel orgueil, quel courage, quelle détermination, quelle endurance pour surmonter comme sa grand-mère la souffrance physique qui l'assaille presque quotidiennement, et continuer à faire vivre sa passion. Quel plaisir de voir peindre Gauguin. Au fil des descriptions , j'ai recherché sur internet les tableaux peints, que pour certains je ne connaissais pas, ce qui m'a permis de mieux les comprendre et de mieux les apprécier.
On sent que
Mario Vargas Llosa s'est largement et longuement documenté sur ces deux destins afin de pouvoir les habiter pleinement au point de s'identifier à eux et de ressentir les choses à leur place. Beau travail de recherche et de psychologie. Merci et bravo M. Llosa!