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sur 319 notes
Le Paradis, un peu plus loin. Un livre assez agréable à lire, bien construit, bien écrit, intéressant aussi. La vie de Flora Tristan et la vie de Paul Gauguin sont mouvementées et bien remplies. La description de la déchéance physique de Paul Gauguin est assez longue et très détaillée. J'ai offert ce livre à une amie qui m'a dit l'avoir lu en parallèle avec un album des peintures de Gauguin.
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C'est le titre et la charmante photo de la couverture, si rétro, de David Seymour, qui m'ont parlé : un groupe de fillettes qui dansent une ronde. Jouent-elles à chercher le Paradis, cet introuvable Paradis qui est toujours un peu plus loin. Un jeu français ? Péruvien ? Elles gambadent, si pimpantes, d'énormes flots dans les cheveux… Cette aspiration universelle que d'atteindre le Paradis a inspiré le roman tout entier de Vargas Llosa.
Avant cette lecture, je ne connaissais rien de Flora Tristan, née en 1803 à Paris et morte en 1844, femme de lettres française, penseuse éminente, militante socialiste , féministe et portant autodidacte. Mais j'ai appris que c'était aussi la grand-mère de Paul Gauguin, universellement célèbre ! Que de vilains tours joue la vie à Flora qui n'a jamais expérimenté la chaude routine qui ressemble à une existence normale ! Tout en provenant d'une famille patricienne, elle est condamnée à la pauvreté parce que le mariage de ses parents n'est pas reconnu. Et aussi elle se promène avec une balle près du coeur que les médecins n'ont pas su extraire. En dépit de cela elle salue son destin et le remercie de lui avoir ouvert les yeux !
Je ne suis nullement experte de Gauguin et ce peintre n'a jamais été mon préféré. Je m'extasie davantage devant la lumière vibrante de son collègue Vincent van Gogh. Contrairement à Flora Tristan, je me suis toujours protégée de la politique et ne me suis pas intéressée aux affaires sociales. Douée d'un esprit plutôt contemplatif et solitaire, je ne me suis jamais battue pour une grande cause, même pas pour le beau de la poésie et des arts. Je serais un monstre d'égoïsme, aussi délicieux que méprisable, pour Flora, surnommée Madame-la-Colère, et une Occidentale sclérosée au sexe fané dès avant ma naissance et bridée par la mièvrerie des religions monothéistes ambiantes, aux termes presque exacts de Paul Gauguin épris de la vie sauvage ! Me voilà, indirectement, brutalisée. Et pourtant, ce livre m'a énormément passionnée et enrichie tant il est grandiose par sa forme et sa quête de l'absolu.
Il est construit de façon symétrique comme une alternance équitable de chapitres, avec le jeu du Paradis évoqué dans le premier et le dernier. Pour être totalement honnête j'avoue que la partie « Gauguin » m'a fourni plus d'affinités spirituelles que « Florita l'Andalouse », cette inflexible habillée en homme. Certains épisodes euphoriques liés à l'artiste peintre ont eu droit aux relectures mais pas l'enfer subi par Flora Tristan. L'enfer subi quoiqu'aussi défié par son courage.
Mario Vargas Llosa relate des faits, recourt aux dialogues, use des descriptions, comme un narrateur procède d'habitude, puis, curieusement, il se met à tutoyer ses deux héros principaux : Paul Gauguin et Flora Tristan. C'est assez significatif mais déroutant au début.
Dans ce roman, je retrouve ce qui est devenu pour moi le signe d'un chef-d'oeuvre : la difficulté de faire une citation soit par crainte d'abîmer la pensée en la sortant de son contexte soit par une incapacité d'élire un passage du livre ; chaque parcelle y est magnifique et il aurait fallu recopier tout. J'ai quand même publié quelques citations pour illustrer mon propos. Que d'aphorismes dont la brillance est digne d'Oscar Wilde !
Que la vie de Flora Tristan ainsi que celle de Gauguin, rongé par sa « maladie imprononçable », est tragique mais combien pleinement elle a été vécue ! Ce sont deux antipodes. Leurs excès en témoignent. Flora fuit le plaisir comme la peste tant que l'humanité n'est pas sauvée des exploitateurs. « Tu es une puritaine, Florita, une nonne laïque. » À part le sentiment que le plaisir ne peut que dilapider son énergie et sa force morale, le sexe lui inspire le dégoût après son mariage. Elle quitte son époux violent et pervers, repousse tous les valeureux prétendants qui tombent à ses genoux. Flora ne s'abandonne que, pendant une courte période, dans les bras d'Olympe qui lui fait découvrir qu'en fait l'amour existe ! L'idée que la mission, le combat bolchevique, est incompatible avec une passion amoureuse ainsi que le renoncement à toute vie sentimentale au nom du changement de la société apparaissent souvent dans la littérature, jusqu'à leur forme caricaturée, entre autres dans « Docteur Jivago », à travers le personnage du mari de Lara, Pavel Strelnikov (cet exemple m'est venu à l'esprit en premier).
Les parties réservées à la militante tournent autour des villes où elle était venue parler aux ouvriers. Celles de Gauguin se consacrent à la genèse d'un tableau en particulier : Eaux mystérieuses, Portrait d'Aline Gauguin, Nevermore, D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? etc. Par exemple, dans le chapitre 2, il s'agit de l'histoire du tableau « Manao Tupapau » dont le nom se traduit par « Elle pense au revenant » ou « le revenant pense à elle ». Quand Koké (surnom tahitien de Gauguin) entre dans sa chambre obscure et qu'il gratte une allumette, sa femme le prend pour un revenant ! Il tremble d'excitation à la vue de ce corps allongé, aux fesses froncées de peur, et réalise quelques semaines après « un véritable tableau de sauvage », longuement rêvé !
Dans chaque toile dort le désir, elle est peinte avec sa verge. Pas d'érection pas d'inspiration ! Une grande vérité, d'ailleurs. Cette idée domine dans le roman, sans pruderie, comme celle de créer et non imiter la nature ! Il fait de ses modèles ses vahinés et inversement. Elles ont presque toujours quatorze ans.
Qu'il est beau, qu'il est heureux, Gauguin, au début de l'oeuvre, lors de son séjour à Mataiea, dans ce paysage aux couleurs vives, parmi les hommes et les femmes orgueilleux de leur corps : « Il se levait tôt, au point du jour, et se baignait dans le fleuve voisin, prenait un petit déjeuner frugal — la sacro-sainte tasse de thé et une tranche de mangue ou d'ananas —, puis se mettait au travail, avec un enthousiasme jamais en défaut. »
Il admire la sagesse sexuelle des natifs qui admettent très naturellement l'existence du troisième sexe, les mahus, hommes-femmes. Pour les habitants de cet Éden qui est Tahiti, se mariant et se démariant comme ils veulent, le sexe est un divertissement, un passe-temps, mais il peut aussi prendre un caractère du rite sacré.
J'ai particulièrement apprécié le chapitre qui parle des débuts de Paul Gauguin : son « vice tardif », la peinture, a explosé sa carrière de nanti et sa vie pondérée et sécurisée avec son épouse légitime Mette Gad, surnommée la Viking pour ses origines danoises. Et aussi le chapitre où il remémore sa vie avec Van Gogh à Arles : « En réalité, Paul nettoyait et Vincent salopait » !
Ainsi, les parcours respectifs, tout entiers, de Flora et de son petit-fils se déroulent par des flash-backs dotés d'un réalisme inouï, des digressions philosophiques, des séjours dans différents lieux. Gauguin voyage : de la Bretagne traditionaliste aux îles Marquises. En ce qui concerne Flora Tristan, elle passe par Auxerre, Dijon, Lyon, Roanne, Saint-Étienne, Avignon, Marseille, Toulon, Nîmes, Montpellier, Béziers, Carcassonne, Bordeaux, avec une conviction sans pareille — et tout cela en 1844, son ultime année. Elle se souvient de Londres, « le comble de l'iniquité » :
« La dernière nuit dans la ville fortifiée [Carcassonne], elle rêva à la cuillère de fer et à son tintement d'outre-tombe. C'était un souvenir persistant qui, d'une certaine façon, symbolisait finalement son voyage en Angleterre : le tintement de cette cuillère métallique, reliée par une chaîne aux bouches d'incendie, dans maints carrefours londoniens, où les misérables venaient étancher leur soif. L'eau que ces pauvres buvaient était contaminée, car avant d'arriver au réservoir elle avait traversé les égouts de la ville. La musique de la pauvreté, Florita. Tu l'avais dans les oreilles depuis cinq ans. Parfois tu disais que ce tintement t'accompagnerait jusque dans l'autre monde. »
Et le Paradis nous semble plus loin que jamais.
Et toi, cher Paul, a quoi rêvais-tu avant de disparaître ? Tu te rappelais sûrement un de ces tableaux où tu avais peint des chevaux en rose crépusculaire galopant dans la baie marquisienne ?
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Que dirai-je de ce livre que j'ai eu envie de relire après être passé, par hasard, devant la tombe de Flora Tristán ? Tout a été dit ou presque. Je ne reviendrai donc pas sur ce que grand-mère et petit-fils représentent et symbolisent. Vous en avez abondamment parlé, souvent avec une grande justesse.
Je m'attarderai davantage sur la façon dont Vargas Llosa nous les présente. Depuis Conversation à «La Cathédrale», l'écrivain péruvien n'a eu de cesse de se renouveler, de chercher la forme et l'écriture la plus appropriée au sujet traité.

«  Flora se rendit compte qu'elle avait les yeux humides. Elle fit un effort pour chasser de son esprit ces souvenirs désagréables, l'important, c'était que ces revers et ces désillusions, au lieu de te détruire, t'avaient rendue plus forte, Andalouse. » Ces deux phrases résument assez bien une des caractéristiques de son style dans ce roman : nous rendre proche des personnages, créer de l'empathie , nous faire partager leur vécu et leurs émotions. Il y parvient habilement en s'adressant directement à eux à l'intérieur de la narration, en les tutoyant et les appelant par leur prénom ou leur surnom : Florita/ Andalouse/ Paul/ Koke/ le Maori…Certains pourront trouver ce procédé un peu étrange et répétitif mais c'est la nouveauté stylistique de ce roman...et c'est une trouvaille.
Ainsi, il nous rend touchante cette Flora, pleine de force et de candeur, avec son charme, son charisme, ses emportements de belle Andalouse (qu'elle n'est aucunement), parcourant ces bas-quartiers dans lesquels s'entasse le peuple des ouvriers et où elle est témoin des pires injustices. Lorsque avec sa prose fluide, naturelle et précise, il nous décrit les taudis des victimes de la Révolution Industrielle, on ne peut que penser aux meilleures pages de Hugo, Dickens ou Zola sur le même thème.
Nous sommes aussi touchés par les tourments de Gauguin, sa folie, sa façon d'être, tantôt odieux et admirable, créateur et poivrot, égocentrique et généreux. Un paumé à la recherche du paradis primiif. Émus aussi par sa déplorable fin où il n'est plus qu'une loque humaine. Seul un grand écrivain peut traduire tous ces états d'âme..et peu importe s'il en prend parfois à son aise avec la vérité. Les encyclopédies sont là pour y pallier. Mais seul l'écrivain, ce grand illusionniste, est à même, à partir du réel, de le transformer, de le transcender, bref d'en faire un objet esthétique qui nous touche et nous émeut. Comme dans la plupart de ses romans ( le rêve du Celte, Temps sauvages...), il réunit une abondante documentation et à partir de là, il lui donne forme et la façonne avec tout son talent. Bref, le paradis...est roman qui nous instruit tout en nous distrayant, selon le principe cher à Cervantès.
A travers ces deux portraits attachants, il écrit le roman de l'utopie, l'un des thèmes récurrents de toute son oeuvre. Deux vies, à l'opposé l'une de l'autre, mais deux destins identiques. Libertaires, passionnés, profondément humains, mais hantés par une quête d'absolu qui leur donne un caractère tragique. Il y a quelque chose de quichottesque dans ce refus de faire leur deuil de leur idéal. Ils vont jusqu'au bout de leurs rêves pour atteindre « l'inaccessible étoile », mais ils «  rêvent debout » - n'est-ce pas L. Salvayre ! - ; leur quête va se solder par un échec et et ils vont y laisser la vie. Ce roman nous dit que le paradis qu'ils cherchaient – recherche éperdue d'un monde pur, primitif, impollué pour l'un, d'un monde où régneraient enfin, égalité, justice et fraternité pour l'autre – ce paradis qu'ils croyaient atteindre, se trouve toujours un peu plus loin, toujours au coin d'une autre rue, pour reprendre le titre original.
Mais, après tout, semble nous dire Vargas Llosa, même si l'utopie ne mène nulle part, l'essentiel pour l'homme n'est-il pas, de croire aux « lendemains qui chantent ».
PS. le monument sur la tombe de Flora Tristán à Bordeaux symbolise bien ce qu'elle représente aujourd'hui. « Sa tombe se compose d'une colonne brisée sur laquelle s'enroule une guirlande de chêne et de lierre. Sur sa partie supérieure est posée l'Union ouvrière, son ouvrage majeur. »








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"Le paradis n'est pas de ce monde, et probablement pas non plus d'un autre" dit Vargas Llosa. C'est ce qu'évoque le titre de ce livre, le paradis, un peu plus loin : la vanité des utopies et la belle fécondité des combats perdus d'avance.
Mario Vargas Llosa entrecroise la communauté de destin de Flora Tristan militante socialiste et féministe de la première moitié du 19ème siècle et celle de son petit-fils Paul Gauguin, peintre post-impressionniste de la seconde moitié du même siècle, dans une biographie fictive et psychologisante, tous deux rattachés à l'auteur par l'origine péruvienne du père de Flora Tristan. L'auteur met en scène Tristan et Gauguin sous un signe binaire : deux spectaculaires et excentriques transgresseurs de l'ordre, deux passionnés utopistes chercheurs de paradis, deux tragiques figurants de l'Histoire pour deux échecs, deux visionnaires millénaristes, deux mystiques inconsolables. Un double visage, une même origine : deux personnages à la recherche d'un seul auteur.

Le propos de Vargas Llosa n'est surtout pas de retracer leurs parcours biographiques puisqu'il fictionnalise leurs vies, réinterprète les documents et imagine leurs désirs depuis sa position d'auteur et son expérience. En effet, ce livre appartient à la deuxième phase romanesque de son oeuvre ou l'auteur se détache de la vision sartrienne de la littérature pour dénoncer la vanité des idéologies tout en gardant une conviction intime du pouvoir de l'écriture comme mode de connaissance qui défie le réel.
Derrière ce livre, le romancier cache l'essayiste et les nombreuses références à ses essais publiés pendant la rédaction de le Paradis, un peu plus loin sont récurrentes, livrant l'objectif poursuivi par Vargas Llosa, notamment les essais "Littérature et politique, deux visions du monde", "Le paradis invivable" et enfin "L'odyssée de Flora Tristan", tous parus en 2002.
Vargas Llosa reprend en hommage à Octavio Paz sa théorie de "la tradition de rupture" politique et artistique qui culmine au 19ème siècle et dont les agitations modernes du 20ème sont les héritières, pour dresser un portrait de Tristan et de Gauguin en rupture avec l'ordre social et esthétique. L'auteur évoque également la rupture autour du thème de la sexualité, tant féminine que masculine des deux portraits. Il les place également à contretemps de leur époque, dépourvus de géographie et en tension entre eux deux : l'une cherche le salut dans un progrès social, l'autre dans un retour au primitif, chacun porteur d'une utopie qui mènera au totalitarisme et l'autre au nihilisme. L'une use d'un prosélytisme tourné vers les masses quand Gauguin est un prosélyte solitaire tourné vers l'intérieur. Intégrant largement dans ce récit les essais cités ci-avant, il tente de montrer combien l'utopie comme monde parfait est fermée et périlleuse et, à l'opposé, combien l'imperfection du monde reste ouverte.

Si l'auteur a un attachement réel et une admiration pour Tristan et Gauguin, c'est bien son propre parcours politique et utopiste qu'il juge entre les lignes, depuis sa période de jeunesse où il fut un inconditionnel castriste puis un dénonciateur de dictatures et enfin un libéral. Comme le commente avec humour Mario Vargas Llosa à propos de ce livre, "l'essayiste ne doit pas renoncer à son interprétation des devoirs du romancier : l'autocritique".
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LE PARADIS, UN PEU PLUS LOIN de MARIO VARGAS LLOSA
En 1803, naît à Paris, Flora Tristan. En 1903, meurt aux Marquises Paul Gauguin. le rapport entre les deux? Flora est la grand-mère de Paul, militante féministe. Pourquoi Llosa a t il choisi cette féministe, pas la plus connue, pas la plus emblématique du mouvement ? le lien avec Llosa c'est Arequipa, sa ville natale et également les racines familiales de Flora et donc de Paul.
Llosa va renommer Flora, Florita l' Andalouse et Paul, Koké le Maori et va égrener leur histoire en alternant les chapitres. Deux êtres qui cherchent le Paradis mais qui trouveront une vie bien laborieuse. Deux biographies passionnantes qui nous font découvrir bien des aspects inconnus ( pour moi en tout cas) de la vie de Gauguin, de ses amitiés et bien sûr la totale découverte de cette femme courageuse féministe du début du 19 ème siècle qui sillonnera la France pour porter sa parole novatrice pour l'époque. Encore une réussite de Llosa.
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Ce n'est pas une, mais deux biographies que nous offre Vargas Llosa dans cette promesse de Paradis qui se dérobe toujours, un peu plus loin, devant les surhumaines ambitions de ses deux protagonistes : d'un côté Paul Gauguin qui au tournant du siècle a jeté sa vie bourgeoise par dessus bord pour une traversée difficile vers sa véritable nature d'artiste et la recherche d'un art primal; de l'autre, Flora Tristan sa grand-mère, qui cinquante ans plutôt a elle aussi rejeté l'esclavage conjugal avec un courage qui force le respect pour l'époque, et jeté toutes ses forces dans un combat politique pour un socialisme utopique rassemblant dans une même cause les femmes et les ouvriers.
Ces deux-là ne se croiseront jamais mais beaucoup de ponts les relient: leur idéalisme, leur anticonformisme, la force de leur foi dans leur vocation.
Le roman alterne les chapitres dédiés à l'un et à l'autre, et pour l'un comme pour l'autre j'ai eu grand plaisir à vivre cette expérience de lecture augmentée, soit par l'image pour découvrir un à un les tableaux tahitien de Gauguin, soit par le texte pour apprendre le fourriérisme, les saint-simonniens et tous ces courants sociaux idéalistes qui ont marqué l'époque De Balzac alors qu'un capitalisme sans foi ni loi dominait les sociétés bourgeoises européennes, maintenant les peuples dans une misère noire.
Beaucoup appris, beaucoup vibré avec ces deux êtres incandescents que l'auteur anime d'un formidable souffle romanesque dans ce livre éclatant de couleurs et chaud comme la braise.
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"Le paradis, un peu plus loin" met en parallèle les destins de Flora Tristan, révolutionnaire anarchiste du du 19 ème siècle,  et de son petit fils le peintre Paul Gauguin. En 1844, Flora Tristan parcourt la France pour rencontrer les ouvriers et leur présenter son projet d'Union Ouvrière. C'est une époque intéressante qui voit naître le mouvement ouvrier, les concurrences et affrontements entre les différentes tendances et approches. Flora Tristan se frotte aux "Fourièristes", qu'elle n'apprécie pas trop car misogynes, et aux "Saint-Simonistes" à qui elle reproche leur amour fanatique de la science et leur idée qu'il suffirait de remettre le gouvernement entre les mains des industriels et d'administrer la société comme une entreprise pour atteindre le progrès. Elle les considère comme des petits bourgeois qui se défient des ouvriers. Ce cheminement solitaire de ville en ville où elle est parfois bien reçue, d'autres fois conspuée et pourchassée par la justice et la police, est également pour elle l'occasion de revenir sur son passé. Un passé pas très enthousiasmant avec un mari autoritaire, violent qui estime avoir droit de vie, de mort et davantage sur elle et sa fille. Quel tempérament, quelle force de caractère, quelle pugnacité, compte tenu de la souffrance physique qui accompagne ce long voyage.
Je connaissais un peu la vie de Gauguin, mais pas dans tous ces détails qui donnent de la consistance au personnage, aide à mieux comprendre ce qui torture l'artiste au point d'abandonner un métier confortable, une vie bourgeoise, une femme, des enfants pour se consacrer tout entier à la peinture, au prix d'une vie matériellement de misère. Quel orgueil, quel courage, quelle détermination, quelle endurance pour surmonter comme sa grand-mère la souffrance physique qui l'assaille presque quotidiennement, et continuer à faire vivre sa passion. Quel plaisir de voir peindre Gauguin. Au fil des descriptions , j'ai recherché sur internet les tableaux peints, que pour certains je ne connaissais pas, ce qui m'a permis de mieux les comprendre et de mieux les apprécier.
On sent que Mario Vargas Llosa s'est largement et longuement documenté sur ces deux destins afin de pouvoir les habiter pleinement au point de s'identifier à eux et de ressentir les choses à leur place. Beau travail de recherche et de psychologie. Merci et bravo M. Llosa!
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Mon premier roman de Llosa qui a piqué ma curiosité dès le début et que j'ai lu très rapidement.

J'ai trouvé le travail de construction remarquable, cette double narration permet de relancer l'histoire à chaque chapitre, puis de nous donner envie de finir le chapitre pour retrouver Florita, ou Paul Gauguin. Aucun de ces deux personnages ne m'était vraiment familier, aussi j'ai découvert avec passion leurs vies respectives.
Le parallèle que fait l'auteur entre les deux est intéressant, malgré leurs différences notoires - l'une abhorre entre autres la prostitution et est féministe des premières heures, l'autre affectionne particulièrement les fillettes de 14 ans - ils sont tous deux inlassablement en quête de leur idéal. Ce qui est surtout frappant c'est qu'ils ont chacun ont connu un virage dans leurs vies, auparavant sages et bien rangées, puis soudainement tournées vers leur but ultime.

Pour Flora, construire un monde plus juste, où les pauvres ne seraient plus pauvres.
Pour Paul, réussir à déconstruire l'art pour toucher du doigt ce qu'il a de plus primitif, son essence-même.

Ces deux personnages en cela se ressemblent, ils se dédient corps et âme à leur quête, et n'en démordent jamais, malgré tous les obstacles rencontrés. Ils forcent l'admiration de par leur abnégation et leur engagement total.

Le livre nous permet donc de découvrir ces deux univers, d'une part de plonger dans ces sociétés européennes (majoritairement) du 19ème siècle, pas si loin que ça mais pourtant... Comme c'est dur ! Et d'autre part de découvrir par les mots les tableaux de Paul Gauguin, et le contexte dans lequel il les a écrit.
J'ai pris plaisir à m'imaginer ces tableaux avant d'aller voir ce qu'il en était réellement.

Enfin, j'ai trouvé le titre de l'oeuvre particulièrement bien choisi, les deux protagonistes vont à chaque chapitre "un peu plus loin" dans leur quête, même si leur Paradis leur reste - ils le savent au fond d'eux - innaccessible.
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L'auteur nous fait revivre la vie de la révoltée Flora Tristan, vie très chahutée, militante et in fine malheureuse. Et aussi, celle de son petit-fils, Gauguin, lui aussi révolté. Depuis son enfance, sa vie agitée, son mariage, ses enfants et pour finir sa fin de vie aux Marquises. le tout ponctué de sa création artistique et la quasi-incompréhension de ses contemporains. Un drôle d'oiseau… des îles. le style de l'auteur tient beaucoup de la chronique journalistique, avec parfois, souvent, des longueurs, des redites, très roboratif et pas toujours digeste. Cela n'empêche pas la sympathie du lecteur pour ses personnages.
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