Lorsque j'étais adolescent, ma petite amie d'alors ne jurait que par ce livre. Merveilleux, incroyable, onirique, inventif. Je m'étais promis de le lire rapidement et puis les années ont passé. Plus de trente après, la promesse est enfin tenue, mais je ne serai pas autant dithyrambique qu'elle. J'ai aimé, mais pas tant. Et pourtant, ce livre a de nombreux atouts : on y parle d'amour, il est plein de fantaisie, les références musicales sont nombreuses, le récit combine la réalité avec le fantastique. En ce qui concerne l'amour, le lecteur est gâté puisque "
L'écume des jours" raconte l'histoire de trois couples, Colin-Chloé, Chick-Alise et Nicolas-Isis. Pour les deux premiers, l'attirance mutuelle qu'éprouvent les personnages se convertit très vite en transport amoureux. le désir physique que ressent par exemple Colin pour Chloé laisse rapidement la place à des sentiments puissants. Malheureusement, leur relation amoureuse pleine de fantaisie sera détruite par la maladie. Celle du deuxième couple sera rongée par l'obsession et une forme de fétichisme. Seule la relation plus directe, moins fantasque et sentimentale du troisième couple durera laissant croire à une supériorité de la logique sur la fantaisie. Cette fantaisie est l'autre thème central du récit, elle lui offre un aspect décalé et non conventionnel qui m'a plu au départ. le roman s'ouvre sur un univers étrange, presqu'irréel et en même temps banal et familier. Un univers réaliste avec des éléments fantastiques. Les objets prennent vie ou sont personnifiés comme le tapis qui se met à baver. Les animaux naturellement ennemis (chat et souris) cultivent ici de bonnes relations et sont les amis les plus intimes de l'homme. Des frontières habituelles entre les règnes sont déplacées et cet aspect insolite procure une douce impression de surréalisme. Certaines valeurs sociales sont habilement inversées : le travail est une dégradation morale, le jugement doit précéder la connaissance, un ingénieur gagne moins qu'un ouvrier, l'eau est symbole de tristesse et de mort… Quelques bonnes trouvailles m'ont enchanté parmi lesquelles figurent le fameux pianocktail, le four électrique à palpeur sensitif ou la voiture à pieds vibratiles. Mais passé la surprise et l'émerveillement de la découverte, l'indifférence m'a gagné malgré l'omniprésence du jazz (que j'adore) et les nombreuses références à des compositions ou à des musiciens. J'ai été aussi étourdi par les nombreuses critiques sur les travers de la société moderne : dénonciation du monde du travail qui transforme les employés en machines, critique de la religion qui a perdu le sens du sacré et de la solennité, opposition au culte de la personnalité (Jean-Sol Partre), critique de l'hédonisme et de la superficialité de la société, dégout de la discrimination entre riches et pauvres (mariage somptueux, enterrement pathétique). C'est pertinent et plein de bonnes intentions mais finalement c'est trop et j'ai trouvé que le récit regorgeant de symboles, de messages ou de sentimentalisme manquait simplement de corps et d'animalité.