Richard III n'aura pas lieu ou Scènes de la vie de Meyerhold

Nous voilà encore une fois (pour ceux et celles qui lisent régulièrement mes critiques) plongés dans le théâtre de l'absurde avec ce second ouvrage de Matéi Visniec que je viens de découvrir...mais aussi dans une critique satirique du régime totalitaire qui sévit dans l'ex état d'U.R.S.S au début des années '30.
C'est pour cela que je trouve que cet ouvrage nous transmet, à nous, lecteurs, un message des plus capitaux qui soit et surtout en ce moment, à savoir que chaque individu peut posséder sa propre liberté de penser et ne doit surtout pas se faire dicter sa manière d'agir par le régime en place, ou par quelque individu que ce soit, d'ailleurs.

Ici, le camarade Vsevolod Meyerhold, célèbre metteur en scène, a reçu l'autorisation de monter la pièce Richard III du non moins renommé William Shakespeare. Cependant, cette adaptation ne va pas se dérouler sans heurts avec les autorités qui lui feront sans cesse des reproches, des détails à modifier absolument sous peine que la Commission refuse que la pièce puisse voir le jour.

Une pièce parfois drôle, qui nous donne de sacrés leçons de morale et qui nous montre également une page de l'Histoire ! Lecteurs avertis, vous ne ressortirez pas indemnes de cette lecture que je ne peux que vous recommander ! A découvrir et à faire découvrir !

Nous sommes à Moscou, à la fin des années 30, époque souvent désignée comme celle de la grande terreur. Vsévolod Meyerhold, directeur du Théâtre national, qui participa grandement à renouveler la vision de la mise en scène (en s'appuyant notamment sur les formes du théâtre japonais) souhaite monter le Richard III de William Shakespeare. L'universalité de l'auteur lui donnant l'espoir d'éviter les foudres de la censure qui en cette époque n'avaient rien de virtuelles.
Mais très vite, il s'avère que même la mise en scène de ce grand classique est devenue tout à fait impossible, car tout désormais est objet de suspicion ; les costumes (trop contemporains), les supposées allusions du texte (menaçantes), les silences mêmes (qui en diraient trop long) et surtout la personne même de Richard III , puisque ses logiques pourrait suggérer une ressemblance fâcheuse avec Staline.
Les avis défavorables des différentes commissions de censure s'accumulent, d'autant plus inquiétantes que ces commissions ne peuvent jamais elles-mêmes formuler l'objet de leur désaccord.
Une fort intéressante pièce de Mateï Visniec sur les formes du totalitarisme et surtout sur la manière insidieuse dont il envahit les esprits par la peur, provoquant l'autocensure et finalement l'impossibilité de dire quoique ce soit de signifiant.