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Yves di Manno (Autre)
EAN : 9782714308924
264 pages
José Corti (18/03/2005)
4.31/5   27 notes
Résumé :
Paru en cinq livraisons, de 1946 à 1958, Paterson est sans conteste le " grand œuvre " de William Carlos Williams, et l'une des bornes majeures de la poésie nord-américaine du XXe siècle. Construit autour de la ville ouvrière du New Jersey qui lui donne son titre, et suivant le cours métaphorique de la rivière Passaic, ce long poème offre le portrait éclaté d'une ville américaine à travers son paysage immédiat, ses scènes contemporaines, mais aussi les multiples str... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Imaginer la sérénité d'une feuille d'arbre qui se balance sur une mer calme. Imaginer la puissance des trombes d'eau qui se déversent d'une chute. Il faut surtout imaginer le montage entre ces deux images, dans un va-et-vient qui s'impriment avec force et douceur à la fois. C'est ce genre d'impressions que j'ai ressenties pendant ma lecture de Paterson, montage d'images poétiques, d'une poétique assez particulière, il faut le dire, construite à partir de faits ordinaires, qui s'accumulent, comme de la poussière dans un imaginaire.

Une femme tombe dans le gouffre de la chute, un homme y saute, volontairement, des corps qui réapparaissent, à la fin de l'hiver, incrustés dans un bloc de glace. Il y a très longtemps. Puis des chiens courent, s'abreuvent, une ex-petite amie vous écrit, elle ne comprends pas, ou encore, notre poète s'interroge sur sa place dans ce monde où le temps se matérialise dans cet eau qui tombe inlassablement de cette chute. Comme si tous ces inconnus s'étaient assis, à un moment ou un autre de leur existence, devant cette chute. Ou n'avait fait qu'y passer, un instant infime.

Cette atmosphère place le lecteur dans un état contemplatif, devant des images qui défilent plus ou moins lentement, dont certaines réapparaissent de manière suffisamment différentes pour qu'on se dise qu'il s'agit presque des mêmes. Sous la forme de courts paragraphes, William Carlos Williams crée un univers immense qui se limite néanmoins à la ville de Paterson, à sa chute, à la rivière Passaic. Par petites strates, il creuse, très profondément, pour faire ressurgir des pépites de vie, parfois enfuies depuis longtemps.
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Le New-Jersey serait-il l'un des foyers importants de la littérature américaine. Est-ce parce que cet état jouxte la ville de New-York ? Toujours est-il que William Carlos Williams a vécu à Rutherford, ville voisine de Paterson, objet de ce poème éponyme, Philippe Roth est né à Newark, où se déroule notamment Pastorale américaine, de même par exemple qu'Allen Ginsberg.
Mais, quoi qu'il en soit, quid de Paterson (le poème de Willam Carlos Williams), paru en 1958 ? Difficile, voire très difficile d'accès au moins pour l'esprit peut être limité d'un lecteur moyen quoique assidu comme le mien. Cette poésie moderniste déroute, indiscutablement, et ce d'autant plus qu'elle vise à obtenir des effets visuels dans la disposition de ses mots, phrases et strophes, et qu'elle intercale des fragments de textes d'autres origines (journalistiques, poétiques et autres). La traduction d'Yves di Manno est fort agréable, mais aucune traduction ne peut éclaircir un tel texte. Errance historique, géographique, anecdotique, onirique dans la ville de Paterson, le poème suit en principe le cours de la rivière Passaic, qui traverse la ville avant de rejoindre la mer à Newark, près de New-York. Au passage William Carlos Williams démontre que la poésie peut faire son miel de tout, y compris une ville sans charme comme ici.
De toutes façons il reste à mes yeux légitime et nécessaire de rechercher des formes poétiques et littéraires nouvelles, ce qui était l'ambition de William Carlos Williams, même si les résultats peuvent apparaître difficiles, voire hermétiques, à certains lecteurs.
Peut-être aussi faut-il s'y habituer, à cette poésie : les débuts de l'ouvrage ont presque réussi à me décourager, puis, vers le milieu (livre III), l'incendie de Paterson à commencé à me parler et même à m'éblouir, puis, vers la fin (livres IV et V), de plus en plus, des "récompenses" m'apparaissaient, certaines même géniales (mais brèves). Mais, dirais-je, en dehors d'Homère dans l'Odyssée il y a deux mille huit cents ans, connaît-on depuis le moindre poète génial à jet continu ?
En refermant ce livre, qui m'a permis de découvrir William Carlos Williams, je ne regrette pas le voyage et comprends pourquoi il a eu une telle influence sur la littérature américaine. Cela donne aussi envie de découvrir son ami Ezra Pound, dont l'oeuvre est sans doute aussi difficile.
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Autant l'avouer tout de suite : sans avoir lu Armen de Jean-Pierre Abraham et sans Dépressions de Herta Müller, j'aurais baissé les bras face à Paterson.
On m'opposera qu'en matière de chronologie, c'est plutôt… foutraque.
Certes.
Mais dans cet ordre de lectures/découvertes, on apprivoise l'abstraction ! Et entre autres l'abstraction de l'idée que l'on se fait de la poésie.
Phrases courtes, vers, dialogues interrompus, ponctuation aléatoire au service de la musicalité, des répétitions tout sauf innocentes et des insertions d'articles, lettres, calligrammes (dont un en particulier renvoie à une certaine page de la Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski).
Vous l'aurez compris, Paterson n'est pas d'un abord facile mais vous récompense au centuple d'une poésie furieusement éloignée de celle que nous avons tous connue à l'école, et particulièrement parlante, visuelle, auditive. La récompense est au bout de la patience, de l'ouverture d'esprit.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Le feu brûle ; c'est la première loi.
quand le vent l'attise, ses flammes

s'étendent alentour. La parole
attise les flammes. Tout a été combiné

pour qu'écrire vous
consume, et pas seulement de l'intérieur.

En soi écrire n'est rien ; se mettre
en condition d'écrire (c'est là

qu'on est possédé) équivaut à résoudre 90%
du problème : par la séduction

ou à la force des bras. L'écriture
devrait nous délivrer, nous

délivrer de ce qui, tandis
que nous progressons, devient — un feu,

un feu destructeur. Car l'écriture
vous agresse aussi, et il faut

trouver le moyen de la neutraliser — si possible
à la racine. C'est pourquoi,

pour écrire, faut-il avant tout (à 90%)
vivre. Les gens y

veillent, non pas en réfléchissant mais
par une sous-réflexion (ils cherchent

à s'aveugler pour mieux pouvoir
dire : Nous sommes fiers de vous !

Quel don extraordinaire ! Comment trouvez-
vous le temps nécessaire, vous

qui êtes si occupé ? Ça doit être
merveilleux d'avoir un tel passe-temps.

Mais vous avez toujours été un drôle
de bonhomme. Comment va votre mère ?)

— La violence du cyclone, le feu
le déluge de plomb et enfin
le prix —

Votre père était si gentil.
Je me souviens très bien de lui.
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La descente nous attire
comme nous attira la montée
La mémoire est une manière
d’accomplissement
une manière de renaissance
et même
une initiation, puisque les espaces qu’elle révèle sont
de nouveaux territoires
peuplés de hordes
jadis inaperçues,
d’une autre espèce –
puisque leurs déplacements
ont pour buts d’autres buts
(même s’ils furent, en d’autres temps, abandonnés)

Nulle défaite n’est seulement faite de défaite – puisque
le monde qu’elle révèle est un territoire
dont on n’avait jamais
soupçonné l’existence. Un monde
perdu,
un monde impensable
nous attire vers d’autres territoires
et nulle pureté (perdue) n’est plus pure que le
souvenir de la pureté .

Avec le soir, l’amour s’éveille
bien que ses ombres
qui n’existent qu’en vertu
de la lumière solaire –
soient gagnées par le sommeil, lâchées par
le désir

L’amour sans ombres s’étend à présent
qui ne s’éveille
qu’avec la montée de
la nuit.

La descente
faite de désespoirs
sans s’achever
entraîne un autre éveil :
qui est l’inverse
du désespoir.

À ce que nous n’achevons pas, à ce
qui est refusé à l’amour,
à nos espoirs perdus –
succède une descente
infinie, ineluctable .
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Le monde est le lieu d'élection du poème.
Quand le soleil se lève, il se lève dans le poème
et quand il se couche l'obscurité descend
et le poème s'assombrit,

on allume les lampes, les chats rôdent et les hommes
lisent, lisent - ou marmonnent, contemplent
ce que révèlent les lumières minuscules ou ce
ce qu'elles cachent ou ce que leurs mains cherchent

dans le noir.

in LIVRE III - Bibliothèque, p. 110
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Il est risqué de garder tel quel ce qui est mal écrit. Un mot jeté au hasard sur le papier peut détruire l'univers. Fais attention et corrige ton texte tant qu'il t'appartient encore, me dis-je souvent, car tour ce que tu as écrit, une fois que tu l'auras livré, creusera son chemin dans des milliers d'esprits, le bon grain noircira, au risque de ronger, d'embraser, de raser toutes les bibliothèques.

Une seule solution : écris sans t'en soucier - seul ce qui nouveau survivra.
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Nous voulons atteindre à la rigueur de la beauté. Mais comment retrouver la beauté quand c’est l’esprit qui l’emprisonne, sans qu’elle puisse lui échapper ?
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Videos de William Carlos Williams (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de William Carlos Williams
William Carlos WILLIAMS – Le génie derrière Paterson (DOCUMENTAIRE, 1988) Un documentaire de Richard P. Rogers réalisé en 1988 pour le numéro 13 de la série "Voices and Visions". Présences : Allen Ginsberg, Marjorie Perloff, Hugh Kenner, James Laughlin, William Eric Williams, Dickran Tashjian et The glandu's club. Support de traduction : Jacqueline Saunier-Ollier, Yves di Manno, Alain Pailler et André Léssine. Sous-titrage : Lucie Gaidier.
Dans la catégorie : Poésie américaineVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature américaine en anglais>Poésie américaine (87)
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