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J'aime Zweig parce qu'il m'apprend des choses sur notre histoire, notre monde et la nature humaine.

Magellan ne fait pas exception : j'y ai découvert la grande aventure de la chasse au détroit et du premier tour du monde, les péripéties des mutineries, des découragements ou des combats inutiles, la personnalité austère et fière du grand navigateur portugais qui dut renier le Portugal pour (presque) réaliser son rêve.

Comme souvent chez Zweig, le livre mêle la biographie et l'épopée, la psychologie et l'histoire, une documentation faramineuse et des détails qui ne peuvent être qu'inventés ou extrapolés. Et, comme souvent chez Zweig, j'aime ça !

Au point que je serai prête à repartir pour ce difficile tour du monde avec lui à nouveau un de ces jours...
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« Navigare necesse est »

Fabuleux récit d'une odyssée maritime extraordinaire menée par un navigateur hors du commun sous la plume d'un écrivain tout aussi hors norme. Je ne le dirai jamais assez Zweig est un biographe de génie et ce livre le confirme une nouvelle fois.

Il offre une reconstitution de l'ultime voyage de Magellan aussi captivante et instructive que réaliste et poignante.

« Au commencement étaient les épices »
Durant des mois le pugnace Magellan aura préparé la grande offensive contre le Mare incognitum afin d'atteindre les Moluques, îles aux épices, ces aromates rares dont raffolent les européens et qu'il a l'intention de ramener sur le continent.
Ce hardi « conquistador » d'origine portugaise voulait ouvrir une nouvelle route vers l'Ouest en trouvant un passage reliant océans Atlantique et Pacifique et contournant l'Amérique réalisant ainsi la première circumnavigation de l'histoire.

Après moult embûches et tractations, nommé commandant suprême de la flotte par Charles Quint, il quitte Séville en grande pompe avec 5 navires, un équipage de loqueteux cosmopolites et des denrées en quantité entassées dans les cales obscures. Commence alors l'un des plus extraordinaires voyage d'exploration.
Un périple intrigant où les conditions de vie difficiles sont parfaitement décrites.
On les suit au milieu des tempêtes, dans des déserts de glaces, longeant des terres inhospitalières battues par le bruit strident du vent tourbillonnant qui les désoriente, à la recherche du détroit. Terrassés par la faim, le froid et le scorbut. Entre mutinerie, désertion et naufrage l'espoir renaît.

Thalassa! Thalassa! On imagine la liesse des membres restants de l'équipage alors pris dans un canal labyrinthique, épuisés, désespérés et affamés lorsqu'ils virent enfin le reflet de l'océan Pacifique poindre au loin les rapprochants des îles convoitées. Sauf que tout ne va pas se passer comme espéré…

Avec son art de la reconstitution historique romancée et sa finesse d'analyse psychologique Zweig nous éclaire sur la destinée tragique de cet homme de fer qui finit par nous toucher, mais aussi sur les techniques et les conditions de navigation au XVI eme siècle.

Passionnant.

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Formidable biographie odysséenne d'un destin exceptionnel, celui de Magellan, l'homme qui entreprit, le 20 septembre 1519, à 39 ans, le premier voyage autour du monde !

« Au commencement étaient les épices. »

Après des siècles de plats insipides au Moyen-Age, la découverte des épices a été, j'imagine, totalement fabuleuse pour nos papilles pâlottes et endormies. Astringentes, piquantes, crépitantes, énergisantes, stimulantes, délicieuses, parfois surprenantes, les épices sont à la cuisine ce que la couleur est à la peinture. Cannelle, clous de girofle, noix de muscade, curcuma, sel, poivre, entre autres, mais aussi café et thé…Imaginez un instant pouvoir vivre sans. Prisées de façon frénétique, elles étaient hors de prix et devinrent les objets précieux et convoités d'un business particulièrement juteux. Les « espiceries », condiments dans la cuisine mais aussi dans les offices ou dans la parfumerie, ont donné le terme économique « d'espèces », démontrant leur rôle de réserve de valeur et de moyen d'échange.

« Au début du XIe siècle ce même poivre que l'on trouve aujourd'hui à profusion sur toutes les tables et qu'on gaspille ni plus ni moins que si c'était du sable se vendait au grain et valait son pesant d'argent. Il présentait une telle stabilité monétaire que beaucoup d'Etats et de villes comptaient avec lui comme avec un métal précieux ; il permettait d'acquérir des terres, de payer une dot, d'acheter un droit de bourgeoisie ; beaucoup de princes et de cités établissaient leurs tarifs douaniers par quantités de poivre, et lorsqu'au Moyen-Age on voulait dire d'un homme qu'il était immensément riche on le traitait de « sac à poivre ».

Zweig, en démarrant son livre sur l'importance des aromates, happe immédiatement le lecteur et ce dès l'incipit. Il nous permet de comprendre que ce sont elles, les épices, qui ont été le moteur, le piment, des découvertes territoriales. C'est pour elles que avons fait des mois et des mois de navigation vers les Indes, avons enduré des conditions de vie dantesques à bord des bateaux, avons contournée moult obstacles et dangers pour les acheminer depuis les archipels, malais et indiens notamment, jusqu'aux comptoirs européens, avons désiré non seulement avoir accès à la ressource mais aussi devenir propriétaires des terres d'où elles provenaient, à coup de conquêtes guerrières et de colonisation.


Au commencement était la barrière de l'Islam.

En Europe Venise faisait figure d'exception au XVe siècle. Ses palais ont presque tous été édifiés avec les bénéfices du commerce des aromates sur lequel elle a le monopole. Les autres pays européens jalousent la ville, ce d'autant plus que ce commerce n'est pas simple avec cette barrière infranchissable qu'est l'Islam entre les Indes et l'Europe. Aucun marchand chrétien ne peut la franchir, malgré de nombreuses tentatives de croisades, moins idéologiques que pragmatiques, pour briser cette barrière qui ferme l'accès à la mer Rouge.
Un nouveau chemin était à créer, un chemin libre et indépendant, affranchi de toute servitude et de l'hégémonie de l'Islam. Telle est la motivation de Christophe Colomb qui se tourne vers l'ouest, de Bartholomeu Diaz et Vasco de Gama vers le Sud, de Cabot vers le Nord (Labrador).

« Dans les grandes inventions et découvertes, l'élan spirituel, moral, fait toujours fonction de force accélératrice ; mais la plupart du temps, l'impulsion réalisatrice décisive n'est due qu'à des facteurs matériels ».


Au commencement était le Portugal.

Le Portugal, petit pays pauvre le plus à l'ouest d'Europe, qui s'appuie sur toutes ses frontières à l'Espagne, ne peut se développer que du côté de la mer. Commerce et colonisation seront les deux mamelles de son développement. Ce sera la volonté de l'Infant Henrique qui va substituer aux antiques « barcas » de robustes navires, qui va former un nouveau type de marins, plus spécialisés, sachant lire les portulans, calculer la déclinaison astrale et tracer les méridiens. le Portugal va multiplier les prouesses : dépasser le Cap « Non » réputé être infranchissable, atteindre l'Equateur, atteindre l'embouchure du Congo, le cap de Bonne-Espérance…

« le monde tourne maintenant des regards étonnés et envieux vers cet insignifiant petit peuple de marins, relégué à l'extrême pointe de l'Europe. Pendant que les grandes puissances, la France, l'Allemagne, l'Italie s'entre-déchirent dans des guerres stupides, leur frère cadet, le Portugal, décuple, centuple son champ d'action. Rien ne peut plus entraver son formidable essor ».



Au commencement était un marin portugais, autoritaire et taciturne, patient et persévérant, à la destinée incroyable.

Fernao de Magalhaes, Magellan, est un soldat tout d'abord assez invisible, simple « sobresalente », soldat inconnu. Sept ans de campagne militaire en Inde menée avec abnégation ne lui a rapporté d'ailleurs qu'indifférence dans sa patrie. le roi portugais n'aime pas trop cet homme taciturne qui ne lui fait pas de courbettes et qui ne sait ni sourire, ni plaire, ni se rendre agréable. « Peu loquace, renfermé, retranché dans son isolement ». Magellan décide d'aller en Espagne et convainc alors le roi d'Espagne, Charles-Quint, d'un projet fou : " Il existe un passage conduisant de l'océan Atlantique à l'océan Indien. Donnez-moi une flotte et je vous le montrerai et je ferai le tour de la terre en allant de l'est à l'ouest ".

« Quand elle est touchée par le génie et conduite par le hasard, une folle erreur peut donner naissance à la plus haute vérité ».

Même si Charles Quint est de tout coeur de son côté, cet exilé portugais va vivre un véritable cauchemar avant et pendant son aventure, entre les jalousies espagnoles et portugaises, l'organisation colossale pour avoir cinq bateaux ayant en leur bord l'équivalent de deux ans de vivres pour 265 personnes (Zweig nous donnes les livres de viande, de miel, de fruits séchés, de gâteaux, c'est à donner le tournis), les erreurs cartographiques, les mutineries et désertions de ses seconds pendant la traversée qui réagissent à son autoritarisme, le froid polaire en Patagonie, la famine et les maladies dont le terrible scorbut. Mais rien ne viendra à bout de la détermination de Magellan, qui trouvera à l'extrême sud du continent américain le détroit qui porte aujourd'hui son nom. La découverte du fameux passage, du « détroit », est décrite de façon magistrale par l'auteur.

« La somme des obstacles qu'un homme surmonte en pareil cas donne toujours la mesure véritable, exacte, de l'oeuvre et de celui qui l'a accomplie ».

Partie de Séville avec cinq navires et 265 hommes, l'expédition reviendra trois ans plus tard, réduite à 18 hommes sur un raffiot. Epuisée, glorieuse. Sans Magellan qui trouva une mort absurde lors d'une rixe avec des sauvages aux Philippines, son exploit accompli. Ce fut la seule fois où cet homme constant avait abandonné les qualités qui avaient participé à son succès, à savoir la méfiance et la patience. Cela lui fut fatal.

Magellan a donc réussi à faire avec un seul et même navire le tour du globe, « prouvant envers et contre tous les cosmographes et les théologiens du passé la sphéricité de la terre ».



Au commencement, surtout, était la honte.

Stefan Zweig nous l'explique dans son prologue, ce formidable récit a été écrit à l'aune de sa propre impatience lors d'une croisière à bord d'un paquebot trop confortable. En se souvenant des premiers voyages des conquérants de la mer, de leurs conditions épouvantables, des maladies innombrables, des dangers, de leur solitude, il eut honte de cette impatience, s'est mis à lire sur ces conquérants puis a désiré écrire sur le plus formidable d'entre eux : Magellan.

Grâce à différents documents d'archives et grâce aux écrits à bord de l'idéaliste Antonio de Pigafetta, Stefan Zweig retrace le parcours semé d'embûches de l'explorateur portugais en expliquant avec pédagogie et fluidité, avec une certaine beauté aussi, le contexte historique de l'époque.
C'est passionnant, épique, délicieux, très loin des biographies plus classiques. Nous avons l'impression de lire un véritable roman d'aventures et non une simple biographie historique, nous avons la sensation de traverser ces contrées inconnues et de faire le tour du monde. C'est le tour de force de Zweig de réussir à la fois de nous instruire avec précision et de nous divertir véritablement, d'entrelacer la pédagogie et la passion, les deux mamelles de la connaissance durable et passionnante.

Je crois que grâce à Zweig, et à la fascination que j'ai éprouvée en lisant cette biographie, Magellan est devenu un de mes héros préférés.
Je ressors de cette lecture impressionnée par l'exploit accompli, totalement homérique, proche du miracle, de cet exilé portugais. Je ressors émerveillée par la façon qu'emploie Zweig de nous la raconter avec beauté, passion, finesse et pédagogie. Cette biographie est sans conteste la rencontre rare entre un grand aventurier et un formidable auteur. La honte de Zweig a permis de créer un récit précieux.


« Il n'y a rien de supérieur à une vérité invraisemblable. Dans les grands faits de l'histoire, il y a toujours, parce qu'ils s'élèvent tellement au-dessus de la commune mesure, quelque chose d'incompréhensible ; mais ce n'est que grâce aux exploits incroyables qu'elle accomplit que l'humanité retrouve sa foi en soi ».

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Au moment d'écrire cette ode et hommage à un des plus courageux navigateurs de tous les temps, l'auteur lui-même était au sommet de sa carrière comme auteur le plus lu et vendu du monde. Nous notons 1938 : 5 ans après la prise de pouvoir d'Hitler et 4 ans avant le suicide ďe l'auteur qui avait ainsi perdu tout espoir dans l'espèce humaine.
Huit décennies plus tard, les livres de Stefan Zweig continuent à être vendus comme des petits pains et Magellan continue à fasciner par ses exploits la énième génération de jeunes.

Je ne sais plus le nom de l'écrivain (local) de qui j'ai lu, comme môme, la première biographie de Fernnāo de Magalhāes (1480-1521), mais ce récit m'a tellement fasciné que Magellan est devenu un de mes grands héros et l'est resté, car à chacune de mes visites à Lisbonne, que ce soit lors des vacances ou pour le boulot, je me suis rendu invariablement au superbe Monument aux Découvertes près du Tage dans le quartier de Belém, avec dans la tête des épisodes des pérégrinations du téméraire navigateur avant sa triste mort aux Philippines.

Il faut, quoi qu'il en soit, une sacrée réserve de courage pour aller demander à son souverain l'autorisation d'entreprendre une expédition à l'autre bout du monde vers un endroit dont on n'est même pas certain qu'il existe et cela avec toute une équipe de marins dont on a la charge et la responsabilité.

Comme ce livre a été lu par 1157 Babelionautes et que 92 d'entre eux en ont présenté une critique, il n'y a pas grand-chose de neuf que je puisse vous raconter, à part naturellement vous recommander vivement cette superbe biographie.

Je veux cependant profiter de l'occasion pour rendre également un hommage à "la voix française (bien qu'en partie wallonne) de Stefan Zweig", Alzir Hella (1881-1953) qui a grandement contribué - par l'extraordinaire qualité de ses traductions - au succès immense de l'oeuvre du grand maître autrichien auprès du public francophone. Les 2 se sont rencontrés chez Émile Verhaeren, lorsque Zweig était encore relativement jeune et qu'il avait admiré la qualité de la traduction par Hella du best-seller d'Erich Maria Remarque "À l'ouest rien de nouveau". Ceci explique le grand nombre de livres traduits de Zweig par Hella et la grande amitié qui les liait. La Gestapo lui a par exemple "confisqué" plus de 700 lettres de Zweig,
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Dans ce court, mais intense récit, Stefan Zweig rend un hommage appuyé à Magellan et à sa découverte du passage qui porte son nom au sud de la Patagonie. Il met en avant l'ambition, la patience de cet homme qui a mûri son projet pendant de nombreuses années. Écueil après catastrophe, trahison après refus, Magellan a fait preuve d'un sang-froid infini, d'une grande maîtrise et à souvent su choisir parmi les différentes options celle qui s'avèrerait la plus judicieuse, la plus efficace. La personnalité de Magellan force le respect il est à la fois un chef d'entreprise, un employeur, un tâcheron et un metteur en scène, infatigable.
Je me suis délectée à préparer la traversée puis à affronter l'océan atlantique jusqu'au terres inhospitalières de la Patagonie dans le sillage des cinq caravelles battant pavillon espagnol. J'ai appris des pans entiers d'histoire et conforté des notions de géographie trop floues.
le travail de recherche de l'auteur est fascinant et s'appuie, entre autres, sur le récit d'un des 18 survivants. Nous apprenons beaucoup sur l'avidité des européens qui n'avaient pas de scrupules à piller, voler les richesses, décimer et anéantir les populations autochtones.
Un récit épique, une aventure homérique portée par le détail et la précision de l'écriture de Zweig qui m'a remis le nez dans les atlas et m'a éclairé sur le colonialisme et l'omnipotence occidentale.
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Magellan, c'est un extraordinaire récit de voyage écrit par Stephan Zweig, qu'il publia en 1938. Mais c'est bien plus qu'un récit de voyage, c'est une admiration, une fascination, un hommage à celui que l'écrivain autrichien considère comme le plus grand explorateur de son temps et peut-être des générations futures.
Nous connaissons tous Magellan, peut-être davantage par le détroit qui porte son nom, au sud du Chili, en Patagonie.
En 1517, Fernand de Magellan, navigateur portugais, connu sous le nom de Fernão de Magalhães, est déjà depuis quelques années un marin aguerri.
Magellan porte un projet, mais ce marin indispose la cour et à commencer, le roi du Portugal, par sa silencieuse fierté. Qu'à cela ne tienne ! Il ira proposer son projet chez le voisin, le rival, l'ennemi : l'Espagne. À cette époque, depuis la découverte de Christophe Colomb, les deux royaumes ibériques à eux seuls, se partagent les océans et les nouvelles terres découvertes par la voie maritime, sur la base d'un arbitrage imposé par le Pape. Le nouveau roi d'Espagne, Carlos 1er, connu plus tard sous le nom de Charles-Quint, est séduit par le projet. Mais quel projet ? Le projet de Magellan est d'atteindre les Îles des Épices, non pas par la route traditionnelle, c'est-à-dire par la route de l'est qui contourne l'Afrique, mais par l'ouest en contournant l'Amérique.
À la lecture de cette très belle biographie de Magellan, je découvre une autre facette de ce grand écrivain qu'est Stefan Zweig.
Aux premières pages de ce livre, je m'attendais à une lecture plus âpre, plus ardue. Mais peu à peu, j'ai été conquis par ce récit, emporté par cette odyssée captivante qui m'a fait faire le tour du monde par les voies maritimes. J'ai été littéralement transporté à bord de cette flotte de cinq navires qui quitte le port de Séville ce mardi 20 septembre 1519, vers des terres inconnues, aux côtés de ces deux cent soixante-cinq marins, dont seulement dix-huit survivants reviendront au même endroit deux ans plus tard. J'ai appris beaucoup sur le contexte historique de l'époque, les événements petits ou grands qui ont accompagné cet exploit.
Mais quelle est cette force inouïe qui pousse ce marin taciturne, impassible, impénétrable à imaginer le secret d'un passage, d'un détroit ? Un rêve capable d'agrandir brusquement l'espace de la mer et de la terre.
J'ai été séduit par le talent de l'auteur, son écriture ciselée, son art de nous entraîner autant dans un récit homérique qu'au plus près de l'âme humaine.
Magellan fait de son destin une oeuvre accomplie. Il façonne son exploit à venir, le construit, tel une oeuvre d'art.
Il n'est pas étonnant que Stefan Zweig fût séduit par ce personnage opiniâtre, hors du commun, faisant autant preuve d'imagination que de maîtrise pour entreprendre la réalisation de son rêve.
Ce voyage à venir est une idée animée par un génie, portée par la passion, transfigurée par le rêve ; tous les ingrédients sont réunis pour faire de Magellan un personnage homérique. Stefan Zweig s'est penché sur ce destin fabuleux pour lui prêter sa plume, mettre son écriture à son service, nous restituer avec beauté le récit de son aventure.
Mais le destin de Magellan n'est pas un long fleuve tranquille. À chaque bonheur vient un malheur, à chaque rai de lumière, une ombre lui fait face.
C'est à croire que les dieux des mers et des terres nouvelles ont voulu soumettre le destin de Magellan à toutes les épreuves possibles et inimaginables.
Ainsi, il n'y a pas que les océans qui regorgent d'écueils et de requins... Naviguer, c'est aussi dévoiler les intrigues, déjouer les complots, se relever des trahisons, affronter les ambitions. Cela commence déjà à quai dans la préparation de l'expédition, cela a déjà commencé à l'ombre du palais royal de Lisbonne, cela se poursuit sur les quais du port de Séville, cela se poursuivra plus tard en mer...
Magellan, marin rusé et soldat aguerri, sait tout cela.
Celui qui maîtrise la science des cartes et de la navigation comme personne, maîtrise aussi la connaissance des siens. En ces temps d'exploration qui suscitent les convoitises et les rivalités, savoir lire les eaux saumâtres de l'âme humaine est aussi important que savoir lire une carte maritime.
C'est peut-être cette stature qui produit l'admiration de l'auteur, plus que l'exploit qui sera réalisé. Mais l'oeuvre n'est jamais si éloignée de la figure de celui qui l'a façonnée...
On le devine alors, c'est la force de l'âme de Magellan qui fascine Stefan Zweig, pour notre plus grande joie de lecteur.
L'exploit n'est pas d'avoir réussi à découvrir ce fameux passage...
L'exploit de Magellan est d'être un jour parti du port de Séville en filant tout droit par la route de l'ouest et d'être parvenu à son point de départ en revenant par l'est, démontrant ainsi que la terre est bien ronde, agrandissant brusquement l'image du monde.
Malheureusement, comme je vous l'ai dit quelques lignes plus haut, le destin de Magellan est fait de lumières et d'ombres qui se côtoient sans cesse... Magellan ne vivra pas lui-même le bonheur, l'ivresse d'achever ce premier tour du monde par les mers aux côtés des siens, aux côtés des quelques rescapés de ce voyage, il n'aura pas la joie d'étreindre dans ses bras sa femme Béatrice et ses deux fils sur le quai du port de Séville. Comment ne pas avoir un pincement au coeur en songeant que lors de l'embarquement du 20 septembre 1519, il serrait pour la dernière fois dans ses bras sa femme enceinte de son second fils? Comment imaginer l'attente de cette femme, son espoir lorsqu'elle apprend l'arrivée d'un seul navire, presque une épave flottante, dans la rade de Séville deux ans plus tard ? Comment imaginer son chagrin devant la joie des familles des quelques survivants ? Tous les chagrins des femmes de marins disparus se ressemblent peut-être, qu'ils soient de célèbres navigateurs ou de simples pêcheurs... Les mots de Stefan Zweig laissent aussi entrevoir cette émotion.
Aux côtés de Magellan, j'ai découvert d'autres destins qui se sont révélés dans cette fabuleuse histoire : je pense notamment à l'esclave Henrique ramené des Îles des Épices une première fois par Magellan et qui lui sera un fidèle compagnon dans cette épopée, au chroniqueur Antonio Pigafetta dont les écrits ont pu aider Stefan Zweig à écrire cette biographie...
Mais alors, qu'advient-il de ce fameux passage...?
Ce détroit s'avère être un véritable labyrinthe peuplé de fjords sinistres où les navires se perdent. Si vous avez la curiosité comme moi de regarder de près une carte du lieu, vous vous demanderez sans doute comment les navires de cette première flottille, et les autres d'ailleurs par la suite, sont parvenus à se frayer un chemin dans ce dédale de falaises et de roches.
Et cette nouvelle route dont le monde entier avait salué avec enthousiasme la découverte, fut peu à peu oubliée... Devint même quelques temps un repaire de pirates, faisant de cette géographie austère une alliée pour se cacher.
Pour autant, l'épopée de Magellan, elle, restera inoubliable. Sans doute le talent d'un biographe comme Stefan Zweig y contribue-t-il encore largement.
Je me suis demandé si Stefan Zweig, écrivain juif devant fuir, dans un exil forcé, qui l'amena jusqu'au Brésil où il écrivit cette biographie de Magellan, avait lui aussi été subjugué par cette symbolique du passage...?
Laissons une fois encore les mots de cet écrivain nous parler : « Un exploit n'entre pas dans l'histoire du seul fait qu'il a été accompli, mais seulement parce qu'il a été transmis à la postérité. Ce que nous appelons l'histoire n'est nullement la somme des événements qui se sont déroulés dans le temps et l'espace, mais seulement la petite partie d'entre eux qui est passée dans l'oeuvre des poètes ou des savants. Que serait Achille sans Homère ? Sans l'historien qui les raconte ou l'artiste qui les recrée sur le plan de l'art les plus grandes figures resteraient à tout jamais ensevelies dans l'ombre et les prouesses les plus héroïques tomberaient irrévocablement dans la mer insondable de l'oubli. »
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Stefan Zweig, j'adore…Je suis bien loin d'avoir lu toute son oeuvre, mais je continue à déguster régulièrement ses productions…Cette fois-ci je me suis lancée dans la biographie d'un navigateur dont L Histoire a retenu son exploit qui maintenant encore laisse admiratif(ve)…Comment avec les moyens qui existaient au seizième siècle cet homme a réussi à trouver le fameux passage permettant aux navires de rejoindre l'Océan pacifique en navigant vers l'Ouest ? C'est grâce à sa ténacité et bien d'autres qualités encore que ce navigateur portugais va (sous pavillon du roi d'Espagne, le non moins célèbre Charles-Quint) se lancer dans une aventure maritime absolument incroyable… Car, à l'époque, avec des cartes maritimes qui étaient loin d'être des modèles d'exactitude, des informations fort vagues ou erronées sur un passage au sud du Brésil, comment ce diable d'homme at-il réussi à trouver le fameux passage qui porte désormais pour la postérité son nom ?

Ce n'est pas la première biographie de Zweig que je lis, ayant dévoré « fouché » l'année dernière et « Marie Stuart « il y a bien plus longtemps…Cependant, même si j'ai bien aimé cette histoire, je me suis bien moins laissée transportée par cette histoire, je ne sais pas trop pourquoi…la thématique avait tout pour me plaire cependant…Ceci dit, je ne regrette absolument pas cette lecture évidemment….

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Quel magnifique biographe que Stefan Zweig !
Ce qui pourrait être ardu devient limpide sous sa plume, abstraction faite des expressions latines non traduites et que je n'ai évidemment pas comprises.
Il a fallu à Magellan un an et cinq mois pour voir se réaliser son rêve.
Et ce laps de temps lui a réservé bien des embûches. Mais il a triomphé de tous les obstacles et lui, le portugais, ignoré par son roi, se voit accorder le commandement d'une flotte espagnole et obtient le soutien inconditionnel de Charles Quint ( qui n'est pas encore Charles Quint ) sans lequel rien n'aurait été possible.
Traître à sa patrie, certes, mais fidèle à son rêve.
Le 10 août 1519, le San Antonio, le Trinidad, le Conception, le Victoria et le Santiago " descendent vers San Lucar de Barrameda où le Guadalquivir débouche en pleine mer ".
Le rêve fou de Magellan devient enfin réalité.
Mais ce n'est que le 20 septembre de la même année qu'ils partiront tous à la recherche du passage espéré par Magellan.
Sur deux cent soixante-cinq hommes, dix-huit seulement reviendront sur le Victoria, sans Magellan, mort bêtement au cours d'une échauffourée avec des indigènes.
Une vie incroyable, une fin inepte, un livre merveilleux.
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En 1517, naviguer autour du monde était, à juste titre, un exploit. de nos jours, habitués aux voyages faciles et pratiquement sans danger, on peut se demander quel genre d'homme était capable de braver l'inconnu, pour gloire et argent, évidemment, mais qui se faisant, faisait progresser le savoir. Stefan Zweig, dans sa biographie de Magellan, répond parfaitement à la question.

Magellan est le premier explorateur à avoir fait le tour du monde en bateau grâce à une découverte cruciale, celle du détroit qui sépare le continent sud-américain de la grande île Terre de Feu, passage entre l'Atlantique et le Pacifique.

Ce n'était pas l'idée de départ ; d'ailleurs, qui aurait financé une telle folie ? En revanche, ouvrir la route des épices en empruntant le premier un chemin que Magellan croyait connaître, c'était gloire et fortune assurées.
En réalité, Magellan est parti avec des cartes inexactes et les techniques de l'époque, sans oublier des capitaines de navire qui le méprisaient. Les déceptions, aventures et révoltes n'ont donc pas manqué tout au long de la navigation

Magellan était obstiné (forcément), autoritaire et dur, se faisant une telle idée de sa mission qu'il n'a pas hésité à laisser femme et enfants pour partir braver des dangers inconnus pour une période tout aussi inconnue, plusieurs mois sans aucun doute, voire plusieurs années.
En mer, les autres marins faisaient bien d'éviter d'émettre le moindre doute sur la façon dont était menée l'expédition. Ceux qui sont passés outre…

Lien : https://dequoilire.com/magel..
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Aujourd'hui, j' ai fait le tour du monde.

Avec pour compagnie, Magellan et deux-cent-soixante-cinq hommes répartis sur cinq beaux navires, partis des côtes espagnoles le 20 septembre 1519.
Nous en sommes revenus, trois ans après, le 6 septembre 1522. de l'immense flotte ne restait plus que le plus petit des cinq bateaux, le Victoria et seulement dix-huit hommes, harassés, affamés et titubant mais heureux de l'avoir fait.
Oui, d'avoir réussi cette prouesse extraordinaire ! D'avoir réalisé pour la première fois le tour du monde, prouvant à la terre entière que cette dernière était bien ronde. L'exploit de celui que Zweig nommera plus tard dans une de ses excellentes biographies le plus grand navigateur de tous les temps.

Notre amiral, Fernand de Magellan, est un homme juste mais inflexible. Souvent silencieux à en paraître glacial, ne perdant rarement son sang froid, cet homme, natif du Portugal, menait d'une main de fer cette flotte espagnole. Par sa détermination sans faille et sûrement aussi sa folle témérité, il nous mena aux portes de l'enfer...
Certains d'entre nous essayèrent bien de se révolter, d'autres de fuir mais ce grand navigateur n'aurait pour rien au monde lâcher le commandement de la flotte et son obstination nous emmenait toujours plus loin, vers des terres inconnues et inhospitalières, vers des tempêtes ravageuses, vers des passages jamais empruntés...

Pour ma part, je me faisais toute petite. Magellan me terrifiait autant qu'il me fascinait. le plus souvent, je restais avec Pigafetta, un écrivaillon qui s'était enrôlé volontairement auprès de Magellan pour coucher sur papier cette incroyable épopée. Je me suis émerveillée avec lui des paysages du Nouveau Monde, attachée aux Indigènes. J'ai eu froid aux abords de la Patagonie, j'ai eu faim. J'ai frémi des atrocités commises par certains hommes d'équipage. Et cette question qui revient toujours et encore : La fin justifie-t-elle les moyens ?
Comme Pigafetta, de toute façon, je fus déçue par la fin...

Encore heureux qu'il y ait eu de sublimes écrivains à la plume délicate et à l'analyse fine pour raconter et imaginer ce que fut le destin de ces hommes et femmes qui ont indéniablement marqué L Histoire et laissé une trace de leur passage à l'humanité.
L'Histoire est redoutable mais qu'elle est passionnante !

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