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Pierre-Louis Rey (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070400362
221 pages
Gallimard (09/10/1998)
3.81/5   71 notes
Résumé :

Dans la moins connue de ses pièces, Camus raconte l'apparition de la peste dans une ville maritime, mais les protagonistes ne ressemblent guère à ceux du roman. " Notre XXe siècle est le siècle de la peur ", écrivait Camus en 1946. C'est le fil directeur de l'oeuvre. Qu'est-ce qui peut vaincre la peur, sinon l'amour ? C'est-à-dire, dans un contexte politique, la solidarité. Car la pièce est une allégorie d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
J'ai lu "L'Etat de siège" d'Albert Camus après avoir vu la pièce jouée par la troupe du théâtre de la ville à l'espace Pierre Cardin à Paris, dans une mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota.
C'est une pièce impressionnante, une satire sur les pouvoirs construits sur la peur.
A Cadix (mais cela pourrait se passer ailleurs) une comète s'abat sur la ville. le gouverneur décrète qu'il ne s'est rien passé et que tout contrevenant à sa décision sera puni par la loi.
Dans cet immobilisme imposé, le fléau va surgir sous les traits de la Peste et de sa secrétaire, la mort.
Camus et la peste ça fait déjà vu. Et bien, cette pièce est différente du roman "La peste" même s'il y a des similitudes de lieux, la ville au bord de la mer close en raison de la proclamation de l'état de siège (par l'épidémie, métaphore du totalitarisme dans la pièce de théâtre, et par les hommes pour éviter le développement de l'épidémie dans le roman) .

La ville va sombrer dans la dictature car la Peste va faire régner la terreur : suspension de toutes les libertés, réglementations oppressives et contradictoires, la Peste contamine les sujets au hasard. Jusqu'à ce que la révolte s'organise, menée par un jeune homme : Diego. En échange de sa vie, le héros verra sa bien-aimée lui survivre et la ville sera sauvée. Un appel au courage face aux pouvoirs de la peur. Car Diego a compris que le pouvoir en place puise sa force dans la peur qu'il inspire, annihilant toute sa force solitaire à la puissance déployée.

Malgré ses contours changeants, parfois fantastique, parfois allégorique, qui ne facilitent pas la lecture du texte, c'est une pièce qui a un écho encore aujourd'hui face à toutes les tyrannies.


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Il faut lire la « Préface à l'édition américaine de Caligula and three others plays ». Avec lucidité et honnêteté, l'auteur explique ce qu'il a voulu faire, et pourquoi, malgré le magnifique travail accompli, (écriture, mise en scène, interprétation, décors et musique), ni le public, ni la critique n'ont suivi :
« L'Etat de siège, lors de sa création à Paris [27 octobre 1948] a obtenu sans effort l'unanimité de la critique » Camus sous-entend, bien sûr « contre lui ». « Ce résultat est d'autant plus regrettable que je n'ai jamais cessé de considérer que l'Etat de siège, avec tous ses défauts, est peut-être celui de mes écrits qui me ressemble le plus ».
Pourtant, les planètes étaient alignées : Camus à l'écriture, Jean-Louis Barrault à la mise en scène, la Compagnie Renaud-Barrault à l'interprétation (avec Jean-Louis Barrault, Madeleine Renaud, Pierre Brasseur, Maria Casarès, Pierre Bertin…), Balthus aux décors et aux costumes, Arthur Honegger à la musique…
Le sujet est ardu et profond : il s'agit de la dénonciation des régimes autoritaires et de leur mise en place par la manipulation, la propagande et l'usage de la force, face à la soumission, la passivité et la faiblesse des populations opprimées. En parallèle, c'est aussi la justification de la révolte au nom de la liberté.
Le problème de cet insuccès dans les salles parisiennes vient peut-être à la fois de la forme et du fond : Roger Quillot résume assez bien le propos : « Barrault attendait du Camus lyrique, celui de « Caligula » et de « Noces », qu'il répondît à sa conception dionysiaque du spectacle. … C'est plutôt l'auteur ironique de « La Peste », l'éditorialiste de « Combat » qui rédigea la pièce… Sur le canevas élaboré par Barrault, les deux hommes, respectant l'un et l'autre le partenaire, montèrent un spectacle tantôt lyrique et surchauffé, comme le désirait Barrault, tantôt aristophanesque, proche de la revue ou de la bouffonnerie absurde, comme le voulait Camus. Cette hésitation fut cause sans doute que la pièce manque d'unité et fut accueillie froidement ».
Bien que l'un des personnages soit appelé « La Peste » (il personnifie la dictature), la pièce n'a rien à voir avec le roman. Même si l'action se déroule dans une ville au bord de la mer, confinée (terme à la mode) par des mesures arbitraires dictées par la maladie (dans le roman) ou l'autorité politique (dans la pièce), le sujet est tout autre : ici la dictature imposée par la peur trouve ses limites dans la révolte de ceux qui font taire cette peur au nom de la liberté.
On notera également que « L'Etat de siège » n'est pas une pièce de théâtre traditionnelle : elle porte en sous-titre « Spectacle en trois parties ». Camus, dans la même « Préface à l'édition américaine de Caligula and three others plays », apporte quelques précisions : « On pourrait la rapprocher de ce qu'on appelait dans notre Moyen-Age, les « moralités » et en Espagne les « autos sacramentales »…. J'ai centré mon spectacle autour de ce qui me paraît être la seule religion vivante, au siècle des tyrans et des esclaves, je veux dire la liberté… »
Ce parti-pris humaniste, et même libertaire, a été applaudi dans quelques pays (notamment en Allemagne où elle a été jouée sans interruption) mais curieusement boudé dans d'autres : en Espagne, ou derrière le Rideau de fer, la pièce, allez savoir pourquoi, n'a pas reçu l'assentiment des autorités. Etonnant, non ?
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La pièce, préfacée par Pierre-Louis Rey (universitaire qui a rédigé plusieurs ouvrages sur Camus), est liée au roman "La Peste" par le thème, mais n'en est pas une adaptation.

A Cadix, dans une temporalité non définie, survient une mystérieuse maladie, après le passage d'une comète. La pièce se divise en trois parties, et les personnages sont plus allégoriques qu'ils ne sont individuels : on peut distinguer le couple d'amoureux, Victoria et Diego (Victoria est la fille du Juge), la Peste, un obscur fonctionnaire dictatorial qui vient instaurer l'état de siège dans la ville, et se fait remettre la direction de la ville par les alcades (dirigeants municipaux), la secrétaire, une figure de la Mort, et Nada, l'ivrogne nihiliste qui devient parfait fonctionnaire.

La maladie survient en plein été, alors que sur le marché les fruits de la saison abondent... mais peu à peu, suite à des coups frappés, les cadavres s'entassent et la charrette des morts fait son triste office. Les hommes tentent de survivre, ayant perdu l'occasion de s'enfuir vers la mer, une fois que les portes de la Ville se sont refermées. L'air devient irrespirable, le peuple est bâillonné, au sens propre, puisqu'il lui faut porter un bâillon devant la bouche pour ne pas être contaminé. Un maigre espoir survit de voir se lever de la mer un vent qui nettoie l'atmosphère, tandis que dans les souffrances du peuple pour qui il veut se sacrifier, Diego résiste et défie la Secrétaire (qui raye les noms sur son calepin), puis la Peste. C'est en faisant fi de sa vie qu'il défendra la liberté individuelle la plus apte à contrer la dictature, celle de l'amour...

La pièce est un peu difficile à lire, car assez abstraite, et dans un langage lyrique qui n'est pas sans rappeler celui de Federico Garcia Lorca. L'individualité des personnages n'est pas très définie, ils forment plutôt des types, faisant se dresser peuple contre bourgeois dirigeants, libertaires contre fonctionnaires, force de vie contre pulsion de mort. La Peste et sa précieuse auxiliaire, la Secrétaire, font le compte des morts et allèguent la toute-puissance de l'organisation, et de l'ordre. Je ne me risquerai pas à faire un parallèle avec la situation actuelle, mais il est vrai que pour l'époque (1948), cette description d'une pandémie outil de la domination d'une caste, et de l'écrasement du peuple sous une routine de travail exténuante pour empêcher toute velléité de liberté individuelle et collective, est pour le moins troublante, voire dérangeante.

J'ai apprécié cette pièce qui, comme toutes les oeuvres de Camus, doit, devra très certainement être relue pour en extraire tout le sens... La langue est belle, pure et évocatrice de lumière, de chaleur, de relief. Camus dans son texte donne toute sa place à la fraternité et à l'amour, à tout ce qui rend la vie belle et fiévreuse, comme une résistance qui sera toujours triomphale et porteuse d'espoir. L'absurde est bien présent, mais teinté d'humanisme - un absurde qui aide d'autant mieux à vivre, malgré sa part sombre... et peut-être aussi grâce à sa part sombre.
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Ce livre d'Albert Camus n'est pas l'adaptation de son roman "la peste".
C'est un spectacle monté avec Jean Louis Barrault autour du mythe de la peste. Son ambition avouée est de mêler toutes les formes d'expression dramatique depuis le monologue lyrique jusqu'au théâtre collectif en passant par le jeu muet, le simple dialogue, la farce et le choeur.
C'est le résultat brillant et intelligent de l'association théâtrale de deux talents formidables.
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Fabuleuse pièce de théâtre, et la moins connue de Camus, elle est descendue par les critiques de l'époque.
Elle s'inscrit logiquement dans le cycle "Révolte" de l'auteur puisqu'elle est, en quelques sortes, une adaptation de la Peste au théâtre. Nuance toutefois, il ne s'agit en rien pour Camus d'une adaptation spécifique de son roman pour ce contexte. L'intrigue se déroule d'ailleurs sous le soleil de l'Espagne, et le style diffère particulièrement entre ces deux oeuvres.

"Je n'ai jamais cessé de considérer que l'Etat de Siège, avec tous ses défauts, est peut-être celui de mes écrits qui me ressemble le plus."

Je suis tout à fait d'accord avec cette affirmation qu'il fait en 1957. Il s'agit de son oeuvre la plus populaire, dans le noble sens du terme. Ici l'on traite de la Peste, image de tous les totalitarismes, de toutes les administrations corrompues et des peuples à genou, symboles de la peur et de l'inévitable, visage du mal sous toutes ses formes. J'irais même jusqu'à dire que cette pièce se construit autour d'un "Lyrisme populaire", grâce à des tirades poétiques, imagées, absolument magnifiques qui contrastent avec le style sec, fin et administratif des agents de la Peste. Deux discours se mêlent donc et dansent dans ce décor pittoresque.

La raison pour laquelle cette oeuvre est la plus proche de l'âme de l'auteur est qu'elle traite de ses trois grands thèmes : l'absurde, la révolte et l'amour.
De l'absurde nous voyons l'existence, bien sûr dépourvue de sens, mais maintenant dépouillée de passion par la peste et ses sbires.
De l'amour, nous suivons l'histoire de Diego et Victoria qui s'aimeront par delà la douleur et la mort.
De la révolte, surtout, nous retrouvons les mêmes thèmes que dans La Peste : la force populaire, la victoire de la raison, la nécessité du courage et de l'intelligence, la nécessité de résister, d'aimer, de mener des révoltes collectives pour la liberté. Une magnifique satire des régimes totalitaires en général est dépeinte et la pièce n'est pas sans humour.

C'est une courte pièce émouvante, qui surprendra les lecteurs de la Peste. Elle est à mon sens, l'une des oeuvres les plus belles, sincères et abouties que Camus ait écrite. Quel dommage que quelques critiques gominés de l'époque aient eu raison de ses représentations et qu'elle soit tombée si vite dans l'oubli.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
La Peste parle

Moi, je règne, c'est un fait, c'est donc un droit. Mais c'est un droit qu'on ne discute pas : vous devez vous adapter.
Du reste, ne vous y trompez pas, si je règne c'est à ma manière et il serait plus juste de dire que je fonctionne. Vous autres, Espagnols, êtes un peu romanesques et vous me verriez volontiers sous l'aspect d'un roi noir ou d'un somptueux insecte. Il vous faut du pathétique, c'est connu ! Eh bien ! non. Je n'ai pas de sceptre, moi, et j'ai pris l'air d'un sous-officier. C'est la façon que j'ai de vous vexer, car il est bon que vous soyez vexés : vous avez tout à apprendre. Votre roi a les ongles noirs et l'uniforme strict. Il ne trône pas, il siège. Son palais est une caserne, son pavillon de chasse, un tribunal. L'état de siège est proclamé.
Page 86
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La femme
Je n'ai jamais rien entendu à ce langage. Le diable parle ainsi et personne ne le comprend !
Nada
C'est pas un hasard, femme. Il s'agit ici de faire en sorte que personne ne se comprenne, tout en parlant la même langue. Et je puis bien te dire que nous approchons de l'instant parfait où tout le monde parlera sans jamais trouver d'écho, et où les deux langages qui s'affrontent dans cette ville se détruiront l'un l'autre avec une telle obstination qu'il faudra bien que tout s'achemine vers l'accomplissement dernier qui est le silence et la mort.
Page 112
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"L'état de siège" - spectacle en trois parties (1948)
L'épidémie s'abat sur Cadix sous les traits d'un gros homme, Peste, accompagné de sa secrétaire, Mort.
Par un accord mutuel et librement conclu, le gouverneur de la ville cède la place à Peste, qui ferme les portes de Cadix et y instaure un régime d'arbitraire et de terreur.
La panique s'empare des habitants. Mais le jeune étudiant Diego, surmontant sa peur, lance un défi au tyran.
Les stigmates de la peste s'effacent alors sur lui. Il organise la résistance et, déjà, le fléau perd de son pouvoir quand on apporte sur une civière Victoria, la fiancée de Diego.
Peste propose au jeune homme de la sauver : ils pourront fuir tous deux à condition qu'ils le laissent régner sur la ville.
Contre le bonheur individuel, Diego choisit la solidarité. Sa mort ressuscitera Victoria et délivrera Cadix.
(extrait de "Récits, pièces et essais" issu de "Albert Camus" de la collection "Génies et réalités" publiée aux éditions "Hachette" en 1964)
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En 1941, Barrault eut l'idée de monter un spectacle autour du mythe de la peste, qui avait tenté aussi Anthonin Artaud. Dans les années qui suivirent, il lui parut plus simple d'adapter à cet effet le grand livre de Daniel Defoe, "le journal de l'année de la peste". Il fit alors le canevas d'une mise en scène.
Lorsqu'il apprit que, de mon côté, j'allais publier un roman sur le même thème, il m'offrit d'écrire des dialogues autour de ce canevas.
J'avais d'autres idées et, en particulier, il me paraissait préférable d'oublier Daniel Defoe et de revenir à la première conception de Barrault.
Il s'agissait, en somme, d'imaginer un mythe qui puisse être intelligible pour tous les spectateurs de 1948.
"L'état de siège" est l'illustration de cette tentative, dont j'ai la faiblesse de croire qu'elle mérite qu'on s'y intéresse...
(extrait de l'avertissement signé Albert Camus placé en ouverture de l'édition parue à la NRF en 1948)
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Les bons principes disent que le vote est libre. C’est-à-dire que les votes favorables au gouvernement seront considérés comme ayant été librement exprimés. Quant aux autres, et afin d’éliminer les entraves secrètes qui auraient ou être apportées à la liberté du choix, ils seront décomptés suivant la méthode préférentielle, en alignant le panachage divisionnaire au quotient des suffrages non exprimés par rapport au tiers des votes éliminés. Cela est-il clair ?
Nous partons seulement du principe qu’un vote négatif n’est pas un vote libre. C’est un vote sentimental et qui se trouve par conséquent enchaîné par les passions.
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Vidéo de Albert Camus
Rencontre avec Denis Salas autour de le déni du viol. Essai de justice narrative paru aux éditions Michalon.
-- avec l'Université Toulouse Capitole


Denis Salas, ancien juge, enseigne à l'École nationale de la magistrature et dirige la revue Les Cahiers de la Justice. Il préside l'Association française pour l'histoire de la justice. Il a publié aux éditions Michalon Albert Camus. La justice révolte, Kafka. le combat avec la loi et, avec Antoine Garapon, Imaginer la loi. le droit dans la littérature.


--
02/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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