AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Rachilde (171)


On dit que les femmes ont des antennes au cœur. Rachilde a des antennes au cerveau. Pour avoir deviné à vingt ans, en écrivant "La Scie", l'irrémédiable médiocrité de la vie et son inutilité, il faut une l'hyperesthésie intellectuelle que la seule sensibilité féminine n'explique pas. Avec ces délicats filaments qui prolongent son intelligence, elle flaire la mort à travers l'amour, l'obscène à travers la santé, la terreur à travers le calme et le silence. Comme une chatte aux écoutes, elle dresse l'oreille, et elle entend la petite souris de mort qui ronge, ronge les murailles, les idées, la chair. Et elle allonge voluptueusement la patte pour jouer avec la petite souris mortelle.

Marcel Schwob, Préface
Commenter  J’apprécie          20
L'HOMME. - Pourquoi ne cultiverais-je point les beaux-arts, l'état de bourgeois n'ayant rien d'attrayant, à ce qu'il me semble ?
L'ANGE. - Si tu as du génie, tu seras méconnu. Mais si tu n'en as pas, tu seras inconnu. Si tu es pianiste, tu seras la désolation de tes voisins, et ils attacheront du lard à ton cordon de sonnette. Peintre, tu mettras vingt-cinq ans à te choisir une école, et, sur tes vieux jours, te décidant pour la tienne, tu feras pouffer tes camarades, qui t'appelleront : vieux bonze ! Acteur, tu seras sifflé ; si tu n'es pas sifflé, tu auras toutes les grandes dames sur les bras, et tous leurs maris ou leurs amants sur le dos. Écrivain, tu chercheras des éditeurs ; si tu n'en trouves pas, tu crèveras de faim ; si tu en trouves, ils te demanderont de corser la situation ; si tu la corses, on t'accusera de pornographie ; si tu tiens à tes idées et que tu refuses ce léger sacrifice à ton éditeur, il te traitera de monsieur embêtant. Tu ne seras jamais édité si tu écris en vers ; si tu écris en prose, les journalistes influents auront soin de critiquer tes livres pour les empêcher de plaire au public, à qui, certainement, ils auraient plu sans leurs bienveillantes critiques... J'ajoute que si tu es immoral, tu iras en prison, et que si tu es moral, tu assommeras tout le monde !...

"Scie"
Commenter  J’apprécie          00
"Le revenant, monsieur Maurice, continua solennellement la bonne, c'est la dame qui est morte ici il y a une dizaine d'années. Elle vivait en compagnie d'un monsieur, sans le sacrement, et quand le monsieur l'a quittée, elle s'est pendue. Tout le pays connaît l'histoire, même que jamais encore on n'a osé relouer la maison avant votre mère."
Je restai abasourdi. La femme pendue revenant de l'autre monde pour me voler mes ficelles et dévorer des manches de pioche ! Certes, cela dépassait mon imagination ! Je savais ce que je voulais savoir, mais je n'étais guère avancé ! Dans mon lit, j'eus des cauchemars, et je me pelotonnais contre le mur, essayant de me rendormir en me bouchant les oreilles. Des grandes personnes comme ma mère et ma bonne ayant peur du revenant ! Que fallait-il conclure ? A l'aurore, mes idées prirent un autre cours, je ne voulais plus admettre qu'une ancienne pendue, très moisie, sortît de sa tombe pour taquiner une cuisinière en lui dérobant des torchons.

"Le piège à revenant"
Commenter  J’apprécie          00
ELLE : Des fois je joue sur mon piano ma valse la plus facile très rapidement, comme si je tournais et que le clavier fût en cercle autour de moi ; et un passage où il y a une note aiguë, je le répète durant des heures, j'arrive à ne frapper qu'un seul accord, que cette seule note aiguë, toujours, toujours, le poignet m'en cuit. Ça devient comme un bruit de cristal qu'on brise perpétuellement, c'est fin, fin, et cela me dit des choses extraordinaires. Ça entre dans mon oreille comme une plume frisée, une aigrette de diamant, un pinceau de velours. L'autre soir, si maman n'était pas venue au salon, j'allais tomber raide et je me serais cassée en deux morceaux...

"Volupté"
Commenter  J’apprécie          00
L’ÉPOUVANTÉ (lui jetant un regard de commisération) : Ah ! Vous n'avez jamais vu là-dedans que vous-même ? Je vous plains ! (S'animant.) Et moi, il me semble que l'inventeur du premier miroir dut devenir fou d'épouvante en présence de son oeuvre ! Donc pour vous, femme intelligente, il n'y a dans un miroir que des choses simples ? Dans cette atmosphère d'inconnu, vous n'avez pas vu se lever soudainement l'armée des fantômes ? Sur le seuil de ces portes du rêve, vous n'avez pas démêlé le sortilège de l'infini qui vous guettait ? Mais c'est tellement effrayant, un miroir, que je suis ahuri, chaque matin, de vous savoir vivantes, vous, les femmes et les jeunes filles qui vous mirez sans cesse !...

"L'araignée de cristal"
Commenter  J’apprécie          00
"... Il y a aussi des cavernes pleines d'ossements fossiles, de silex taillé ; nous vous y mènerons ; ensuite, vous aurez tout vu."
"Comment, tout vu ? dis-je, me redressant sur un coude ; et les ruines, là-bas ?"
"Hein ? Quelles ruines ?" demanda madame Téard étonnée.
J'avais les yeux fixes. J'étendis le bras, et Albert Téard se mit à rire.
"Ça, des ruines ? Peut-être que si, et plus sûr que non ! De chez nous, par un jour de pluie, on dirait tout simplement une roche à pic, mais, par le soleil, avec des jeux de lumière tombant des nuages, on croit quelquefois qu'il s'agit d'un vieux château sans porte. Oh ! Ne vous y fiez pas !...
"Vous plaisantez ?"
Je regardais, fasciné, à m'en faire mal au cerveau.
"Nous, c'est la roche qui plaisante, reprit Albert Téard. Il n'y a aucune description de ces ruines dans les annales franc-comtoises, et nos paysans, qui n'ont pas le temps de s'amuser, prétendent ne les avoir jamais distinguées, ni au soleil, ni à la pluie. Pour moi, je ne les aperçois plus que vaguement... parce que je sais depuis longtemps à quoi m'en tenir."
"Moi, fit doucement madame Téard, une exquise vieille femme raisonnable, j'ai souvent essayé de me figurer le château, et je n'ai pas pu découvrir la moindre tourelle !..."
J'étais abasourdi. D'instant en instant le mirage s'accentuait, devenait formidable ; je voyais des croisillons, des ogives, des créneaux, et tous ces détails bleuâtres se fonçaient comme sous les coups d'un pinceau fantastique.

"Le château hermétique"
Commenter  J’apprécie          00
L'HOMME. - Eh ! mon Dieu ! je ne verrai personne, j'aurai un jardin clos de murs, un jardinier sourd, une cuisinière muette, et... je lirai les journaux pour me désennuyer.
L'ANGE. - Si tu ne vois personne, on pensera que tu as des raisons pour te cacher. Si ton jardin a des murailles, on y grimpera la nuit pour découvrir tes crimes... et prendre tes poires ; si ton jardinier est sourd, il n'entendra pas ; si ta cuisinière est muette, elle ne le dira pas. Si tu lis les journaux dans une pareille solitude, tu deviendras fou au bout de six semaines. Tu apprendras que les maisons fermées et les jardins clos sont suspects, qu'on y réunit généralement des boulangistes... ou des femmes. La fatalité voudra qu'un nouveau-né strangulé soit déposé dans le chemin creux longeant tes murailles : si on le trouve, on fera une descente de police chez toi. Le sourd et la muette t'accuseront, l'un par son incohérence, l'autre par des signes désespérés. Si tu te défends sérieusement, tu es très coupable. Si tu ne te défends pas, tu es abject. Ceux qui auront volé tes poires donneront des preuves certaines. […] Si tu t'es permis de suivre la Gazette des Tribunaux plus attentivement que la Revue des Deux-Mondes, on pensera que tu cherchais déjà ton système de défense. Il ne te restera plus qu'à te munir d'un bon avocat, qui te fera envoyer au bagne en plaidant les circonstances atténuantes ; et si tu vas au bagne, tu finiras par te croire criminel... tu y mourra en avouant des histoires fabuleuses.
"Scie"
Commenter  J’apprécie          20
Le caoutchouc humanisé est une composition où il entre mille et un ingrédients. Les déchets organiques, le cadavre, puisqu'il faut l'appeler par son nom, qu'on avait la bêtise de rendre à la terre, nous fournit la matière humaine dans laquelle on le trempe toute une année avant de lui donner une destination industrielle. Il est pétri de nos viandes, il est graissé de nos graisses ; au travail de la lumière ou de la chaleur il distille une partie de nos sueurs. Le caoutchouc humanisé a cette supériorité, par exemple, c'est qu'il ne fatigue pas et n'est jamais malade, mais il mange. Oui, nous l'enduisons tous les matins d'une huile essentielle et nous le frictionnons avec des gants électriques. Nous sommes obligés d'entretenir sa souplesse comme on entretient la peau des vieilles actrices. Eh bien, le gaillard se met à en avoir des pores... Il se forme un épiderme, il lui pousse une sensibilité. Le caoutchouc humanisé le sera complètement quand nous obtiendrons du gouvernement le droit à l'écorchement préalable. On nous livre des animaux morts sans cercueils : pourquoi ne nous livrerait-on pas les cadavres des humains tout nus ?

"Le tout-au-ciel"
Commenter  J’apprécie          10
Il est juste d'avouer que les dernières préoccupations sont d'une singulière espèce. Il ne s'agit guère du salut de son âme ni de la crainte d'une puissance inconnue capable de vous juger sévèrement. On est inquiet d'une ligne d'étoffe au-dessus de soi, d'une apparence de porte qui s'ouvre ou se ferme, d'un mouvement que l'on essaye et qui se répercute à l'infini dans le prolongement de votre volonté, qui dure en dehors du geste physique. Je n'ai plus de mains et je les tords encore au-dessus de mon front, cherchant un point d'appui avec l'entêtement imbécile du noyé qui coule à pic.
J'ai donc battu des paupières ainsi que battrait des ailes un oiseau effaré pendant une heure. (Une heure ou une nuit ?) Puis je suis revenue. Je n'avais plus ni paupières ni ailes. J'étais légère et je glissais vers toi en goutte d'eau. Je filais sur ta joue, ton épaule, ton bras, ton index. Tu m'as essuyée comme une de tes larmes ; sortie de ton regard désespéré, je suis rentrée en toi bue par tes lèvres.

"L'imitation de la mort"
Commenter  J’apprécie          00
...je porte en moi le secret de toutes les sciences en ne sachant qu'aimer. J'ai le dégoût de l'Union, qui détruit ma force, je n'y decouvre aucune plénitude voluptueuse. Pour que ma chair s'emeuve, et conçoive l'infini du plaisir, je n'ai pas besoin de chercher un sexe à l'objet de mon amour!
Commenter  J’apprécie          50
Ils demeurèrent une seconde enlacés ; Laure se fondait tout entière sur sa bouche, comme un fruit s'écrasant. Des odeurs de roses Sans les cheveux, et au bout des doigts, elle l'entourait d'un vertige extraordinaire, le poussait à un abime qu'il devinait frais et sombre, tout pareil aux frondaisons luxueuses d'un grand parc. Des sentiers sablés d'or se roulaient en spirales devant lui; des bras nus, une forêt de bras nus, se jouaient à son cou; il était caressé par une tresse de cheveux noirs flottants qui prenaient la dimension d'une fumée d'incendie.
Commenter  J’apprécie          50
Tous ces cadavres tourbillonnaient autour de moi, maintenant à m'en donner le vertige. Ils n'en passaient plus, et je les voyais encore, les uns la bouche ouverte pour leur dernier appel, les autres les yeux fixés à jamais sur leur dernière étoile. Ils allaient, allaient par troupe, par file, deux à deux, six ensemble, un tout seul, tout petit comme un enfant, et ils ressemblaient à une grande noce qui s'éparpille le long du dernier branle du bal.
Commenter  J’apprécie          80
La mer délirante bavait, crachait, se roulait devant le phare, en se montrant toute nue jusqu'aux entrailles. La gueuse s'enflait d'abord comme un ventre, puis se creusait, s'aplatissait, s'ouvrait, écartant ses cuisses vertes; et à la lueur de la lanterne, on apercevait des choses qui donnaient l'envie de détourner les yeux. Mais elle recommençait, s'échevelant, toute une convulsion d'amour ou de folie. Elle savait bien que ceux qui la regardaient lui appartenaient.
Commenter  J’apprécie          10
L'Aurore, ce matin-là, avait défilé tout son collier de perles : au bord de chaque feuille, au sein de chaque fleur brillait un bijou. La mousse du sentier, long écrin de velours, se couvrait d'étincelles ; j'hésitais par moments à les fouler aux pieds.
Commenter  J’apprécie          30
Dans une lueur de phosphore, elle aperçut une face sauvage et souriante où éclataient deux prunelles diaboliques. Elle crut que deux étoiles venaient de lui cheoir des nues, décrochées par Satan.
Commenter  J’apprécie          20
François Lévincé est né avant terme et cela se voit encore, bien qu'il ait atteint ses trente-cinq ans.
[...]
Notez que François, ni trop laid, ni trop beau, ni trop bête, ni trop intelligent, pourrait devenir facilement quelqu'un comme... tout le monde, sans ces deux mois d'avance !...
Mais l'étoffe lui est mesurée, cette étoffe dans laquelle on taille des personnalités qui se touchent le front en disant : j'ai quelque chose là...
Elle lui est si mesurée, si mesurée, que lorsqu'il respire il semble avoir peur de se déchirer, en se gonflant d'un long souffle.
[...]
Son tempérament est plein de palpitations, de craquements, d'éblouissements, d'épeurements, de vertiges qu'il n'avoue pas et qui le rendent malade.
Il tremble en tenant un verre à bras tendu, ne pose jamais le pied quelque part sans avoir le tâtonnement de celui qui cherche un trou.
Commenter  J’apprécie          20
... Et la lune, perle tombée, tête coupée, fière de l'absence de son corps, s'en allait, s'en allait pudiquement, chaste et lointaine, inaccessible, emportant le mystère d'une bouche muette qui, peut-être, n'existe pas...
Commenter  J’apprécie          50
À l’hôtel de Vénérande, dans le pavillon gauche, dont les volets sont toujours clos, il y a une chambre murée. Cette chambre est toute bleue comme un ciel sans nuage. Sur la couche en forme de conque, gardée par un Éros de marbre, repose un mannequin de cire revêtu d’un épiderme en caoutchouc transparent. Les cheveux roux, les cils blonds, le duvet d’or de la poitrine sont naturels ; les dents qui ornent la bouche, les ongles des mains et des pieds ont été arrachés à un cadavre. Les yeux en émail ont un adorable regard. La chambre murée possède une porte dissimulée dans la tenture du cabinet de toilette.
La nuit, une femme vêtue de deuil, quelquefois un jeune homme en habit noir, ouvrent cette porte. Ils viennent s’agenouiller près du lit, et, lorsqu’ils ont contemplé les formes merveilleuses de la statue de cire, ils l’enlacent, la baisent aux lèvres. Un ressort, disposé à l’intérieur des flancs, correspond à la bouche et l’anime.
Commenter  J’apprécie          20
Chaque matin, en vous levant, prenez, Madame, quelques poésies vagues teintées d'aurore. Par ces temps gris, vous sentirez vos veines s'emplir de soleil. Réservez les proses scientifiques et philosophiques pour l'après déjeuner, heure de force à laquelle des réactions sont nécessaires. Pour le soir, à la lueur d'une lampe voilée d'un globe dépoli, abordez franchement les romans anciens et nouveaux ; répétez-vous souvent, au milieu de vos lectures, que rien n'est réel, que tout peut le devenir, et que l'imagination de l'auteur vient à bout de tout en la compagnie d'une jolie femme.
Commenter  J’apprécie          90
Il est deux heures de l'après-midi. Violent coup de sonnette, je vois entrer chez moi un employé de M. Monnier, qui a l'air pressé :
"Mademoiselle !... manque trente pages pour finir volume. Passez vite chez éditeur... couverture prête... bonnes feuilles aussi, mais pas pouvoir tirer le reste sans les trente pages... se dépêcher de nous les apporter !..."
Stupeur de ma part. Voilà bien M. Monnier, mon excellent éditeur ! Trente pages et probablement les faire en vingt-cinq minutes ! Oh ! le monstre !
La dernière fois il s'agissait de soixante et onze lignes à retirer au moment de paraître... sans toucher à l'intrigue...

Préface de l'auteur
Commenter  J’apprécie          50



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Rachilde (202)Voir plus

Quiz Voir plus

Arnaldur Indridason ou Camilia Läckberg

L’enfant allemand ?

Arnaldur Indridason
Camilia Läckberg

10 questions
110 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}