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Critiques de Agustin Gomez-Arcos (44)
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L'Agneau carnivore

Subversif. Révolté ...révoltant? 



L'Agneau Carnivore est une provocation de la première à la dernière ligne.



Imaginez une famille-tombeau: Carlos, le père, un zombie républicain atteint de "mort chronique",  réfugié dans son bureau d'avocat quasi déserté par les clients et  buvant jusqu'à la lie le calice de sa défaite aux accents triomphaux d'une radio franquiste qui lui serine les discours du général honni; Mathilde, la mère, "morte-née ",  théâtrale  et glaciale, jaune comme ses rosiers maudits, qui surjoue la convention, la dévotion, la protection, pour mieux en souligner la dérision, et enfin Clara,  Clara-à- tout- faire, , Clara-à-tout-être, Clara,  robot domestique et dévoué, mais aussi Clara anticléricale virulente et veuve "rouge"dévorée de ressentiment.



Et dans ce tombeau familial, les deux fils , Antonio le grand, le brun, le fort,  et Ignacio, le petit, le blond, le faible- également  Narrateur de ce huis-clos "carnivore".



Deux fils, comme une bombe de scandale contre la norme, un feu  de subversion contre la loi, une proclamation sensuelle contre la mort, un cri contre l'indifférence, une ruade contre la soumission.



Deux fils dynamitant  la règle, la loi, la foi, par la seule arme en leur pouvoir :  l'amour...



...L'inceste!  Une passion cumulant les outrages:  homosexualité et pédophilie-le petit est initié très jeune, par le grand,  au sexe  interdit .



Mais pourtant, dès que cet amour se frotte au monde extérieur,  le scandale est vite étouffé sous peine d'en éveiller d'autres: celui des moeurs d'un clergé tout-puissant dont cet inceste pédophile n' excite pas que  le zèle; celui  des moeurs machistes des couples "normaux" dont les pratiques sexuelles n'ont rien à  reprocher à celles des deux frères amoureux, celui des moeurs de tous les petits collégiens espagnols mis sous cloche  dans des institutions non-mixtes...



Finalement,  l'amour assumé,  éclatant,  provocant des deux frères a presque quelque chose de sain et, en tout cas, de vivant à côté de toute cette hypocrisie,  de cette cagoterie empoisonnée. ..





Ajoutons que ce terrorisme sexuel, un peu anar', un peu surréaliste,   n'a rien d'une métaphore : les scènes de profanation - le baptême, la communion, le mariage- "sentent le soufre", comme dit la mère, pas dupe, et même nettement complice, comme tous les adultes- référents de la maison,  la mère elle-même de plus en plus subversive...



Agustin Gomez-Arcos parle de lui, dans ce livre incendiaire.



De son enfance, de ses amours, de sa famille, de l'Espagne franquiste dont il a dû fuir la censure. L'agneau carnivore est son premier livre écrit directement en français. .même si par ses thèmes,  ses couleurs, ses mots et ses maux, il est si terriblement espagnol.



On pense à un Garcia Lorca enragé,  à un Luis Buñuel romancier.



La langue est beĺle, musicale avec son  leit-motiv- "Elle, maman.. " ou baroque, avec les mille variations des épithètes désignant Clara, l'âme du logis:  Clara-esclave, Clara-muette, Clara-sorcière, Clara-Numance..



Oui, décidément, après avoir été conquise par Ana non, je reste aficionada d'Agustin Gomez-Arcos, même s'il faut dire que ce n'est pas un livre consensuel ...et s'il est même plutôt clivant!



Un grand écrivain espagnol de langue française à découvrir !

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Ana non

Petite. Noire. Pauvre. Vieille. Seule.

Comme un Roi Mage , elle serre sur son cœur une offrande: un pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- on dirait un gâteau, dit-elle.



Guerrière casquée de chagrin, mater dolorosa sans prière, coccinelle têtue sur la grand' route du destin, Ana Paücha marche. Le baiser furieux du soleil, la morsure sauvage des pierres, les cailloux qu’on lui jette au passage, les mains brutales qui l’immobilisent , parfois, ou qui la chassent, toujours, rien ne l’arrête : elle suit obstinément les traverses du chemin de fer.



Vers le Nord. Vers la Mort. Elles ont rendez-vous, toutes les deux.



Mais d'abord, elle doit voir le petit et lui donner son pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- un vrai gâteau, dit-elle. Elle marche vers la prison où est enfermé, depuis 30 ans, le petit, son dernier fils. Le petit… Il doit avoir cinquante ans. La guerre le lui a pris vivant celui-là, comme elle a pris, et tué, ses trois autres hommes, son mari et ses deux fils aînés.



Loin des libres routes de la mer, loin des vagues vineuses et des barques de pêche aux filets bariolés. Loin de la barque abandonnée qui porte son nom: Ana- la --joie -du - retour.



Elle n'est plus rien, Ana. Elle n'a plus rien, Ana Paücha. Même son nom s’évapore dans le soleil brûlant, se perd dans la poussière du ballast. Rien d’autre qu’Ana non.



Parfois une chienne galeuse, un aveugle qui chante l’égalité, un cirque pouilleux partagent sa route. Mais partager c’est éprouver encore plus durement la solitude quand, immanquablement, on la retrouve, très vite, très brutalement au détour du chemin.



Parfois elle croise aussi les fêtes barbares de ceux qui ont gagné la guerre- aye, cette terrible guerre civile espagnole . Fête ostentatoire de la charité, où les riches s’offrent le luxe d’honorer un jour, un jour seulement, les misérables qu’ils chassent tous les jours de leurs églises pavoisées. Valle de los Caidos où, sous la croix énorme, se dresse la crypte des Tombés et où pas un nom ne parle de sa souffrance à elle, de ses Tombés à elle. Et enfin, manifestation mercenaire d’un soutien populaire factice au Vieux Vainqueur, gâteux, mais tenant toujours sous sa griffe sa «Patrie » schizophrène..



Fêtes barbares de l’or, du sabre et du goupillon, où on tente de l’enrôler, elle, la fourmi noire, minuscule , misérable, irréductible et si forte. Ana la rouge. Ana non…



Ana non qui a toujours contre elle ce pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré- même s’il ressemble de moins en moins à un gâteau, trouve-t-elle.



Et nous, nous attachons nos pas à ses pas, pleurons quand on lui arrache ceux qui, très rares, lui apportent un peu de bien-être ou de joie.



Ah ! si seulement nous pouvions donner à ses pieds martyrisés les caresses de l’eau, à son cœur affamé la chaleur parfumée d’une grillade sur la braise , le réconfort du café chaud, à sa mémoire blessée l’ivresse oublieuse du vin, à ses vieilles épaules l’enveloppante douceur d’un châle de laine …



Ah ! la prendre dans nos bras, la bercer, la consoler, cette vieille Ana non, qui serre sur son ventre vide un pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, qui n’a plus rien d’un gâteau, maintenant, dit-elle.



Je n’ai pas pu faire une critique de ce livre bouleversant, unique et puissant, écrit directement en français par son auteur- et Prix Inter en son temps- Je n’ai pu que dire mon émotion, essayer de rendre un faible écho de la puissance de sa langue et de ses images.



Non, Ana non ne me sortira jamais du cœur, de la tête, de la mémoire.



Elle y marchera encore longtemps, toute droite, et fière, et seule, avec son pain aux amandes…



Huilé, anisé , fortement sucré - un gâteau de l’âme ou de larmes, je dirais…

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Ana non

CIEL ! Qu’est-ce que je vois ? Comment est-ce possible ? Je n’ai pas encore donné un avis sur Ana non, le livre le plus beau, le plus poignant, le plus émouvant, dramatique, inouï, le livre le plus humain, sublime, cruel, le livre que je garde toujours au cœur depuis plus de 35 ans, l’inoubliable Ana non, Ana Paücha !! Miséricorde !



Histoire d’amour, viscéral, animal, amour de Mère. Ana est vieille, son mari et ses deux fils aînés sont morts à la guerre et son petit dernier est emprisonné à l’autre bout de l’Espagne depuis la fin de la guerre. Sentant sa mort prochaine elle décide d’aller l’embrasser une dernière fois. Elle prépare pour lui un « pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, un vrai gâteau » (cette appellation revient sans cesse tout au long du livre comme un leitmotiv…toutes les fois qu’elle le vérifie sur son ventre ..), ferme sa maison et s’en va, suivant la voie ferrée et commence un long voyage, une errance plutôt, car peu à peu, le voyage initiatique et libérateur se transforme en dépouillement, du dépouillement en dégénérescence, en indignité, de l’indignité à la survie, de la survie à la place vitale, jusqu’au rien…, au non. Ana Non.



Ce roman parle aussi que dis-je ,est aussi ,l’histoire de la guerre d’Espagne, en toile de fond mais j’avoue qu’à l’époque, il y a plus de 35 ans de cela, mon jeune âge et mon ignorance n’ont pu en comprendre l’importance …. Sans doute Ana en était-elle une sorte de symbole, de déchéance, de broyage…. Mais j’avoue qu’à l’époque bien qu’ayant pressentie cette dimension j’étais bien incapable de la mesurer. Mais quelle force tout de même qui m’a fait ne serait qu’en en percevoir la portée …



Enfin bref, pour tout dire, je me vois, et vous me voyez bien, embarrassée pour parler intelligemment de ce roman lu il y a fort longtemps, à une époque où je ne disposais pas peut être de toutes les clés pour en comprendre tout le sens et la portée, mais qui pour autant reste et restera celui qui, je ne dirais pas m’a le plus apporté, mais m’a le plus ébranlée au sens humain, et qui, en un mot m’a pris aux tripes quoi !



C’est pourquoi aussi je suis chagrine de voir qu’il y a à peine une centaine de babeliotes qui le comptent dans leur bibliothèque… et parmi eux une pincée d’avis, un tel chef d’œuvre, j’avoue ne pas comprendre…..

Aussi j’aimerais vous faire ce cadeau de Noël : vous faire lire ce livre et vous offrir ce « pain aux amandes, huilé, anisé, fortement sucré, un vrai gâteau » !

dont je sais que la saveur vous restera en bouche et ne vous quittera plus pour de longues années.

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Ana non

« Ana Non », l’Andalouse…



« Ana » non, c’est l’histoire d’une vieille femme. Une vieille femme, ana Paücha, qui s’est elle même surnommée Ana Non par négation de sa vie antérieure…Elle est veuve et la vie lui a déjà enlevé deux de ses fils à la guerre ; le troisième croupit en prison pour un bail, dans l’Espagne des années soixante, celle de Franco.

Ana décide de fermer sa porte derrière elle et d’entreprendre son dernier voyage : à plus de soixante dix ans, elle décide de traverser l’Espagne du sud au nord pour aller embrasser son fils incarcéré avant le passage de la faucheuse qu’elle sent imminent.



« Ana Non », un texte puissant, bouleversant, attachant… comme cette vieille femme qui entreprend comme un voyage initiatique alors que « le vent du soir vient de se lever »…Remarquable.



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Ana non

Il s'agit là d'une histoire très dure, d'un récit très déprimant. Tout est réuni, l'évocation de la guerre civile espagnole, avec son lot de fosses communes ou de prisons, la vieillesse, une indigence extrême, la solitude, un but aussi : traverser l'Espagne du Sud au Nord, afin de rendre visite à un fils incarcéré parce qu'il est communiste, lui porter un gâteau préparé avec soin à la maison, et en finir avec la vie... c'est ce qu'envisage Ana Non, andalouse de 75 ans, femme de la mer qui part, avec quelques sous en poche, à pieds en suivant une voie de chemin de fer... Voyage qui dure des mois et qui est source de rencontres voire d'amitiés.

Un roman qui ne peut pas laisser le lecteur indifférent... Bien écrit, sujet intéressant, mais descriptions souvent difficiles à lire, j'ai d'ailleurs songé à renoncer.

Ce n'est pas un coup de coeur, car c'est un livre trop rude, mais c'est un roman que je n'oublierai pas.
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L'Agneau carnivore

Oui, on peut le dire : L'agneau carnivore est un roman provocant. La narrateur est le jeune frère qui attend le retour de son frère bien-aimé après des années d'absence. Les thèmes sont dévoilés par presque pudiquement au début. Retour aux débuts, la naissance du narrateur : celui-ci devient de plus en plus féroce : son absence d'amour envers sa mère, son excès envers son frère. Les réactions de la mère sont assez symboliques, chacun des personnages est assez froid dans l'ensemble, sauf peut-être la chaleur d'Antonio qui est ultra-protecteur envers son frère. Le père est assez absent des débats, le narrateur le découvre presque par hasard. Plus on avance dans le récit, plus celui devient provocant, comme un combat silencieux contre le régime actuel et la religion.

J'ai aimé la narration : la dénomination de chacun, les réactions étonnantes, les thèmes abordés... mais le malaise est resté tout le long, dû surtout au jeune âge des protagonistes.

J'avais aimé Maria Republica (lu il y a un certain temps) du même auteur, même si on retrouve un peu de cette provocation, mais L'agneau carnivore laisse un certain trouble après sa lecture...
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Ana non

Un livre bouleversant. Inoubliable et encore et à jamais présent dans ma mémoire de lectrice malgré les années (je l'ai lu il y a 20 ans environ !). Je ne saurais trop vous le recommander. Je ne le relirai pas car je veux garder intact, comme un écrin dans ma mémoire, le souvenir de ces émotions qu'a suscité chez moi la lecture de cette pépite !
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L'Enfant pain

C'est un ami, espagnol d'origine, qui me prêta ce beau et triste livre.

Ces lendemains si amers de la guerre d' Espagne, y sont racontés dans ce morne quotidien des vaincus qui doivent continuer à vivre sous la botte franquiste.

"vae victis"

Rarement un récit ne m'aura fait autant ressentir la célèbre parole de Brenus!







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Scène de chasse (furtive)

Dès les premières lignes lues , je me suis trouvé en résonnante avec les dires et le style d'écriture de cet auteur dont je ne connaissais que le nom et rien de plus . Le net m'informe instantanément de sa philosophie et tout devient alors évident sous cet éclairage .



La trame de ce roman a dès lors une importance secondaire , le contenu politique étant bien plus essentiel .

L'histoire pourrait être véridique , tant ce genre de situation a existé , tant en Espagne que sous d'autres latitudes .



Certes il n'est pas fréquent qu'une épouse conclue par le meurtre de son conjoint , même si ce dernier bien que compagnon possiblement aimant est un cruel pervers sans scrupules hors la sphère familiale . Sinon bien des nazis sanguinaires auraient été assassinés par leur compagne .



Ce livre peut aider à comprendre le meurtre d'un conjoint auteur de violences conjugales , et même l'assassinat politique qui tous mettent parfois un terme à l'horreur même si ils ne règlent définitivement rien .

La justice est souvent exagérément sévère avec cette catégorie d'assassins en vertu de la doxa qui interdit de se faire justice soi-même , pratique pourtant si courante de la part des états .
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Ana non

Je serai rapide : un livre jadis imposé par les enseignants en quatrième ou troisième, en tous cas dans mon collège ! Une histoire bien triste, dont on ne peut guère apprécier le style et le message à l'adolescence...
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Ana non

Une veuve, 75 ans, pendant le franquisme. Son mari et 2 de ses fils ont été « perdus à la guerre, » comme on dit perdus en mer. Car ce sont tous des pêcheurs andalous, leurs idées n’ont pas plu au pouvoir, c’est leur seul crime. Elle cherche son 3· fils, emprisonné dans le Nord du pays, pour les mêmes raisons.

Agustin Gomez-Arcos , andalou de naissance, poursuivi par le pouvoir de Franco, part à Londres puis à Paris, et écrit ce livre en français, en un français poétique et tendre. Il nous entraine dans un voyage initiatique, ainsi qu’il le dit lui même, voyage où Ana non, celle qui a décidé définitivement d’oublier Dieu, car il ne lui sert à rien, rencontre un chien galeux certes, mais amical. Elles feront route ensemble, elles marchent, les deux vieilles, elles traversent l ‘Espagne du Sud au Nord, l’une « agite prudemment la queue, incertaine quant à l’intensité à donner à ses élans d’amitié »l’autre lui parle, sachant qu’elle comprend. Les gardes civils lui ont demandé de la vacciner, car c’est une possible terroriste, cette vieille chienne qui se traine. Ana s’en fiche, de la menace terroriste, les gardes civils ne sont pas des anges de douceur. Commence alors une amitié pure entre elles deux et la splendeur de la nature leur confirme la beauté du monde.

Voilà, ce roman qui aurait pu être sans espoir, est en fait un hymne à la bonté de certains hommes (pas des franquistes, sûr), à la beauté du monde, à l’amitié entre une vieille femme et un guitariste aveugle qui lui apprend à lire et à écrire.

Avec retenue, sans lyrisme,opposant aux mots de haine de Franco « A mort l’intelligence ! Vive la mort ! »la réponse de Miguel de Unamuno « Vous vaincrez, vous ne convaincrez pas «, Agustin Gomez Arcos note comment la peur du communisme fait réagir le commun des espagnols.

A quoi s’opposent les souvenirs d’Ana, le bonheur vécu avec son mari au bord de la plage, son amour charnel pour lui, sa fierté d’élever ses fils, dont le dernier sait lire et écrire.

La dictature peut tuer, certes mais pas empêcher de penser et de vivre heureux. Ana non décide de s’appeler Ana oui.

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Ana non

Magnifique livre que ce voyage initiatique sans retour qu'entreprend Ana à travers l'Espagne franquiste qui lui a pris son mari et ses fils , sauf le benjamin emprisonné depuis de trop longues années. Alors, elle marche pour tenter de le voir une dernière fois et, au long de son parcours souvent douloureux, elle refait le voyage de sa pauvre vie et de l'amour qu'elle a connu avec "son homme". Emotion pour le lecteur au long de cette marche vaine, dégoût pour cette guerre civile et pour ceux qui ont adhéré au dictateur dont la fin de règne approche mais qu'Ana ne verra pas. En la suivant, on est pénétré par la saveur du pain aux amandes qu'elle transporte et c'est toute l'Espagne de la liberté qui marche à ses côtés.
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L'Agneau carnivore

La critique de Woland est intelligente , quoique orientée . Les " rouges " étaient plutôt " noirs " et certains comme , dans tous milieux masculins fermés avaient une sexualité non admise .

Nous renseigne sur ce fait , le livre de Philippe Simonnot " le rose et le brun " qu'illustre fort à propos , le personnage d'Ernst Röhm . Il me semble , par ailleurs , que Florian Phillippot aurait courageusement reconnu ses penchants .

Agustin Gomez Arcos , donc , ne cache rien , mais si cela explique certaines choses , la sexualité des autres leur appartient et l'on s'en fout , seule leur éthique importe qui se contrefout de la morale chrétienne ou autre . L'église ne fait elle pas d'ailleurs , profil bas , concernant la pédophilie ?

L'agneau ne donne pas de lui l'image d'un prédateur , le prêtre pédophile non plus . La prédation n'obéit à aucune idéologie plus qu'à une autre , elle existe sous toutes les étiquettes , mais sert souvent à stigmatiser l'ennemi idéologique voire à motiver son élimination ( Federico Garcia Lorca ) ce que souligne fort justement la critique de Woland qu'on ne peut commenter , vu qu'il n'accepte ni les commentaires , ni les échanges .

Lisez Agustin Gomez Arcos , auteur usant d'une écriture puissante , illustrant des thèmes profondément fouillés jusqu'à l'os .
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L'aveuglon



On découvre le Maroc de la pauvreté à travers la personnalité attachante du héros, d'abord aveugle puis adolescent gagnant contre la cécité.



Ce qui est marquant dans ce livre, ce sont les notations réalistes, très crues quelquefois, surtout en ce qui concerne les odeurs et le sexe.C'est le monde fourmillant de la rue, la réalité quotidienne des pauvres d'une ville marocaine qui nous sont présentés.Sa violence, son âpreté, ses luttes pour la survie.



Un livre poignant et lucide.
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L'Agneau carnivore

Ce livre se lit sur plusieurs plans et est remarquable à plusieurs titres.La narration, qui se déroule dans l'Espagne franquiste, est tout d'abord un éloge du non-conformisme : la mère que l'origine bourgeoise aurait dû pousser dans les bras du franquisme devient amoureuse d'un communiste et se ruine pour le sauver, les deux frères sont follement amoureux l'un de l'autre. On voit les personnages prendre de l'épaisseur au fil des pages, au fur et à mesure que le narrateur prend de de l'âge : au début du livre, lorsque le narrateur est enfant, la mère est ridicule de conformisme, le père est lâche, la bonne est un robot domestique ; en fin d'ouvrage, le narrateur est arrivé à l'âge adulte, la mère est un exemple de subversivité et de don de soi, le père est un héros à qui l'histoire du pays a joué un sale tour, la bonne est l'âme de la maison ; les personnages gardent néanmoins leurs parts d'ombre et de faiblesse. Beaucoup de passage sont plein d'humour, à l'image de la description de la belle soeur qui a un diplôme de blondeur et d'intelligence, ou des descriptions du confesseur et du professeur particulier. Le style d'écriture enfin, élaboré et frappant, me fait penser au style d'un écrivain portugais que j'aime beaucoup, Antonio Lobo Antunes. Il faut cependant savoir que la lecture n'est pas facile, les 2 premiers chapitres notamment doivent être surmontés. Prochaine étape pour moi qui vient de découvrir cet auteur : lire "Ana Non".
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L'Enfant pain

Superbe!

Dans un petit village d'Andalousie, un petit garçon est le témoin impuissant de la "nouvelle paix" qui suit la victoire franquiste. Alternant avec les souvenirs d'une autre vie, où il était "l'enfant du maire" rouge, c'est le présent, où il n'est plus que "l'enfant pain", affamé, obsédé par l'odeur des miches que sa mère doit faire cuire pour les autres. Lui, fils de républicain vaincu, n'a même pas droit, comme les autres enfants,à la distribution quotidienne du "pain de l'indigence".

Il vit, sans toujours comprendre, les rapports à jamais altérés dans le village, les réglements de compte entre voisins, les délations, l'humiliation des siens, la haine, l'absence de ses frères,incarcérés dans les prisons franquistes, leur retour et la nécessité de les cacher.

On assiste à des scènes durement réalistes: le suicide par noyade d'un "rouge",aprés une accusation infamante, la cueillette de l'alfa qui entaille les mains, la chiffonnière tondue pour avoir injurié les autorités.

Pourtant, de lumineuses images de naguère trouent ce sombre présent: la fête du village, la réfection du toit de la cuisine et le gueuleton qui suit.

De l'humour, aussi: le village, ses superstitions, ses pittoresques habitants: Josefita la Blonde,accueillante aux mâles, et son père, le "Couché", Felisa" la Pleureuse " et ses enfants "les tous pareils", Carmen Moriane, "la Sainte Pisseuse d'eau bénite", l'oncle Visionnaire.

Mais ce qui l'emporte, c'est la poèsie, l'émotion pudique, la tendresse retenue de Gomez Arcos qui a su enfin faire parler l'enfant sans nom et sans voix qu'il a été.
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Ana non

Une guerre, c'est toujours une fin du monde pour quelqu'un. Souvent même c'est une fin du monde qui se prolonge longtemps après, surtout pour une mère.

"Ana Non" est un portrait de femme inoubliable. La littérature n'en manque pas, pourtant de ces femmes dont la personnalité attire l'attention (en bien ou en mal, d'ailleurs) : de la Maheude ("Germinal" d'Emile Zola) à Pilar ("Pour qui sonne le glas" d'Ernest Hemingway), de Madame Lepic ("Poil de carotte" de Jules Renard) à Folcoche ("Vipère au poing" d'Hervé Bazin), de Pélaguée Nilovna Vlassova ("La Mère" de Maxime Gorki) à Augustine Pagnol ("Le château de ma mère" de Marcel Pagnol), en passant par Mina Kacew ("La Promesse de l'aube" de Romain Gary) ou Louise Judith Cohen ("Le Livre de ma mère" d'Albert Cohen)...

Ana Paucha, essentiellement est une mère. Dans une autre vie elle a été à la fois femme, épouse et mère. Mais la guerre d'Espagne est passée par là. Elle lui a pris son mari et deux de ses fils. La guerre est finie, mais les bourreaux sont toujours là. Le troisième fils, le dernier, le petit, est en prison quelque part dans le Nord. Il est tout ce qui lui reste. Maintenant elle n'est plus qu'une vieille mère de soixante-quinze ans. Alors quoi ? On laisse tomber ? Non. Non, et encore non, elle ne va pas leur faire ce plaisir, à eux les bourreaux , les assassins, ni à lui, ce Dieu qui tourne le dos aux pauvres gens. Elle dit non, elle s'appelle Non, Ana Non. Et avant de mourir, elle décide d'aller embrasser son petit, là-haut, dans le Nord, et de lui apporter son gâteau préféré, un pain aux amandes. La route est longue, dure, douloureuse, dangereuse... Elle se trouve une compagne de route, une chienne qui est comme elle vieille et rejetée de partout, et des rencontres de chemin qui la laissent à chaque fois un peu plus seule, un peu plus vieille, un peu plus désemparée, mais pas moins motivée ...

"Ana Non" est l'histoire d'une obstination. Comme Antigone, si on veut, mais encore plus viscéral : Antigone n'était pas mère. Ana Paücha l'a été trois fois. Sa volonté naît dans sa tête, mais aussi de ses tripes. Est-ce de l'amour ? Est-ce de la haine ? A ce stade l'un et l'autre se mêlent, son petit incarne tout l'amour de sa vie, présent et passé, celui de sa famille, de son mari, de ses fils perdus... la prison qui le retient prisonnier est l'image de l'abomination représentée par ce petit homme replet et abject qui se fait appeler Caudillo...

Et nous que pouvons-nous faire ? Nous marchons avec elle, nous souffrons avec elle, nous pleurons avec elle, parce que sa douleur nous la comprenons avec beaucoup de compassion, mais nous ne pouvons pas la partager, si grande est sa solitude. "Ana non" est un roman bouleversant, par l'émotion profonde qu'il déclenche chez le lecteur, et aussi par ce sentiment de terrible impuissance qu'on a parfois devant le malheur.

Ana Non, son visage ridé, ses yeux fixés obstinément au-delà de l'horizon, ses mains crispées sur son maigre bagage et son gâteau qui s'effrite un peu plus à chaque kilomètre, Ana Non vous poursuivra encore longtemps, bien après que vous ayez refermé le livre.

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L'homme à genoux

Une histoire somme toute hélas d’une banalité confondante mais terrible : un pauvre diable quitte femme et enfant pour échapper à la menace de la mine qui vient de dévorer son ami de cœur, et plus. Direction le sud de l’Espagne. Hélas l’eldorado n’est pas au rendez-vous et, de petits boulots misérables en rencontres glauques, il se retrouve contraint à la mendicité.

Echo avec la situation de Ana Non qui elle aussi traverse l’Espagne (elle, pour revoir son fils), mais tandis qu’elle, malgré les terribles difficultés qu’elle rencontre, garde son amour-propre et son but, ce « jeune homme » subit son environnement, s’accrochant à ses souvenirs pour planche de salut, et sombre…

Néanmoins l’auteur ne fait pas dans le misérabilisme ou le sentimentalisme, en revanche, toute sa compassion pour les pauvres et sa tolérance envers les faiblesses humaines, les échecs, explosent.



Décidément Agustin Gomez-Arcos ne me déçoit jamais. J’aime sa liberté de ton, son écriture d’une beauté brute, cette façon qu’il a de heurter l’intolérable et la beauté.

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Un oiseau brûlé vif

Des personnages particuliers, entre autres :

Paula Pinzon Martin, l’héroïne

La divine Celestina, sa mère

Le brigadier Abel Pinzon, son père (Papa–cadavre)

Pilar de Piopinte, dite Luciole, la maîtresse du brigadier

Araceli Pinzon, sa demi-sœur (Bébé-putain)

Les Rozal, notaires, dont le fils deviendra l’amant de Paula

La Rouge, ancienne prostituée, chauve, muette, baveuse, sa domestique

Des situations dramatiques et cocasses dans une Espagne en proie à une politique tournante.

Une plume pleine d’humour et de férocité pour raconter la vie de Paula, sa lente descente vers la démence.

Voilà un roman original, cru, vivant qui finit dans un véritable délire.

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Maria Republica

Espagne, années 60, une bourgeoisie décrépie et corrompue, un couvent contenant un microcosme de la société franquiste… et Maria Republica, prostituée dont le nom est déjà une provocation en soi.

Livre ayant été écrit (en français) 40 ans après la guerre civile, Gomez-Arcos ne traite pas le conflit dans son instantanéité mais critique les phases qui l’ont suivi avec une violence qui vous gifle dès la première page et jusqu’à la dernière. Pas besoin d’être un expert de cette période de l’histoire espagnole pour pouvoir être embarqué par ce roman relativement court (une petite 250aine de pages) et qu’on lâche difficilement.

Le livre est très orienté sur la notion de mémoire et ses enjeux dans une dictature. Si tout le monde tente de lui faire perdre son identité, lui faire oublier ce qu’elle est et d’où elle vient pour en faire un modèle de rédemption, Maria Republica, elle, compte bien utiliser sa mémoire, comme instrument de vengeance acharnée.

Aucun temps mort, à peine de quoi respirer entre des moments tantôt crus, tantôt rocambolesques, toujours destructeurs. On est confronté à des phrases à la longueur assez variable, à une narration qui passe de la deuxième personne à la troisième selon qu’on évoque respectivement le passé ou le présent, ou encore à un personnage principal qui vous noie sous sa personnalité. Bref, tout est là pour vous faire perdre pied et vous donner l’impression d’être dans la tête de Maria Republica, presque comme sa conscience. Pour autant, on ne s’y attache pas complètement à ce personnage : elle n’est pas là pour qu’on la plaigne ou qu’on éprouve de la compassion mais nous prend à témoin et nous entraîne dans son combat.

Et si vous n’avez pas envie de refermer le livre après l’avoir fini, quatre autres romans sur le même thème ont été écrits par Gomez-Arcos et ne demandent qu’à être ouverts.
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On ne sait pas

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Thème : La rencontre de Allan W. EckertCréer un quiz sur cet auteur

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