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Critiques de Ahmadou Kourouma (217)
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Allah n'est pas obligé

Dans ce roman nous suivons les péripéties de Birahima, petit garçon prit dans la tourmente des années 90 dans certains pays d'Afrique (Côte d'Ivoire, Liberia, Sierra Leone etc.).



Ce roman est terrible et glaçant, il met en lumière les guerres tribales qui n'ont cessé de secouer cette région, avec toutes les horreurs qui les accompagnent : putsch, massacres, tortures et viols, enfants-soldats. Je suis encore choquée de certains détails, de.la façon dont ces jeunes sont arrachés à leur innoncence et à leur enfance.



Concernant la narration, elle était extrêmement originale. L'auteur a réussi avec brio à donner la parole à un enfant essayant de manier des mots français complexes parfois tout en nous en donnant la définition, et y mêle des mots de sa propre, principalement des insultes ou des gros mots. L'ensemble rend la narration très vivante.



Ce jeune garçon nous décrit ce qu'il a vécu sans détour, il nous offre les détails tels quels, sans essayer de nous ménager et garde malgré tout un regard d'enfant sur certaines scènes. Néanmoins nous sentons que ce dernier a grandi trop vite et a vu trop de choses violentes.



Ce roman est très dur mais cette lecture est nécessaire pour mettre en lumière les horreurs ayant eu lieu dans crtte région dans les années 90 et surtout le drame des enfants-soldats.
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Les Soleils des indépendances

C’est tout d’abord l’écriture qui est intéressante. Ahmadou Kourouma écrivait en français, un français rythmé, ou plutôt saccadé. Cela donne un rythme étrange, singulier, mais prenant. Les expressions, les mots nous surprennent parfois parce que nous les employons moins de ce côté de la Méditerranée.



Certains chapitres ont également un traitement intéressant entre action et souvenir. Le personnage ressasse, et vit, suit le fil de ses pensées tout au long de sa journée. C’est le cas pour un des premiers chapitres, centré sur Salimiata, la femme de Fama, le personnage principal. Elle est en pleine insomnie, puis elle se lève, prie, cuisine, va vendre ses produits au marché. Et ce quotidien empli de frustration est entrecoupé de ses traumatismes. Elle se souvient de ce qu’elle a subi, enfant, de la violence des hommes, de celles des femmes…



C’est un livre auquel il faut s’habituer, déjà par les termes et le rythme, mais aussi car il n’y a pas de mise en contexte : il faut s’en saisir. Saisir ce que sont les vieilles légendes, saisir l’Histoire d’un pays hanté par le souvenir de la colonisation, plutôt récente. Un pays délivré, un pays indépendant, mais un pays déraciné.

Des systèmes occidentaux intégrés par le pays se mêlent à la religion, elle même teintée de païen, c’est un melting-pot dans lequel il faut se couler, dans lequel certains personnages se perdent.



Par les chapitres dédiés à Salimata, on découvre l’horreur de la condition de la femme en Côte d’Ivoire. Elle est belle, elle est une épouse exemplaire, c’est une bonne travailleuse. Et pourtant, son bon cœur n’attire que les embûches, les thématiques du viol et de l’excisions sont très présentes. Toute l’horreur est montrée dans cette urgence du style de l’auteur qui sied bien à la gravité des propos.
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Allah n'est pas obligé

Pas besoin d’avoir une tripotée d’enfants à calmer de toute urgence pour connaitre l’univers tendre et poétique de Michel Ocelot. Sa série de dessins animés Kirikou (petit bambin pas plus haut que trois pommes), vaguement pédagogique, reflète si bien l’Afrique sub-saharienne.

Kourouma dépeint une réalité moins joyeuse.

Le héros est un enfant d’un village africain dont la mère, gravement affectée par une blessure aux jambes mal soignée et un père parti trop tôt, va connaitre les vicissitudes d’une vie aux antipodes de nos mondes confortables et hautement technologiques.

C’est Birahima qui raconte avec ses mots à lui en s’aidant de pas moins de 4 dictionnaires : deux pour bien expliquer les mots français (Larousse & Robert), un Harrap’s quand il s’agit d’anglais (on parle de Pidgim ici) et un lexique des particularités des dialectes et expressions typiquement africaines.

Avec son style, aussi. Haché, répétitif, maladroit, à la syntaxe malmenée. Et cela peut taper sur les nerfs, j’en conviens. En revanche, Birahima fait un effort sur le vocabulaire. Un vrai manuel.



Allah n’est pas obligé d’être juste dans ce qu’il fait. Autrement dit : ne pas chercher à mettre sur sa tête toutes les horreurs commises par l’avidité des hommes.

On a entre les mains quasiment un traité de géopolitique de l’Afrique de l’ouest dans les années 90. Ses réflexions (constatations?) sur la post-décolonisation entre le Nigeria, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Liberia valent leur pesant de cacahuètes. Tout y passe : la corruption, les mystifications et hypocrisies, la rapacité généralisée. C’en devient parfois comique comme une pièce de boulevard, forçant le trait, exagérant les répliques et soulignant l’effet répétitif : la valse des dictateurs, de coups d’état en putsch, est un délice.

Bon, on a tendance à rire parfois. Mais c’est oublier un peu trop vite la sanglante réalité qui s’étale à toutes les pages. Les armées d’enfants-soldats (small soldiers) qui n’ont pour joujou qu’une kalachnikov en bandoulière écument les villages dans le désordre le plus complet. Car il s’agit toujours de guerres civiles, entre ethnies.

Birahima sillonnera toute l’Afrique de l’ouest en compagnie d’un grigriman, entendez par là un féticheur, un marabout, un sorcier. Car, au milieu des rafales de mitrailleuse, des bombes et de la force d’interposition internationale qui ne prend jamais position pour l’un ou l’autre camp : elle pilonne sans distinction, c’est toute l’Afrique animiste qui transpire. Les superstitions, les totémismes sont au premier plan.

Alors si on parvient à s’affranchir du style heurté, rien ne s’oppose à passer un moment fort et troublant. Une Afrique à mille lieues des parcs nationaux (en effet la nature n’existe pas dans le roman), de cette nonchalance latente et d’une certaine philosophie de la vie qui rejoint le détachement de moines bouddhistes. Une Afrique dévastée et pillée. Le continent de nos origines laissé à l’abandon, comme la carcasse d’une vieille voiture qui ne sert plus guère comme pièces détachées.

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Allah n'est pas obligé

La guerre racontée par un enfant- soldat : orphelins, miséreux, ils sont enrôlés dans des « armées » pour ne pas mourir de faim. Peu leur importe pour qui ils tuent, ce qu'ils veulent, c'est manger. Ils sont affamés, ils sont drogués, on leur donne des kalashs, ils sont battus ou abandonnés en forêt.



Ils ont bien plus peur d'avoir faim que de la mort qu'ils côtoient au quotidien.

« et quand on n'a plus personne sur terre, ni père ni mère ni frère ni soeur et qu'on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare où tout le monde s'égorge, que fait-on ?

bien sûr on devient un enfant-soldat. »



Le Liberia , pays non colonisé par les Blancs, l'a été par les ex-esclaves Noirs Américains, qui ont pris le pouvoir en méprisant les « noirs africains nègres indigènes » et les ont colonisés.

Ils n'avaient connu que l'esclavage, alors, ils l'appliquent.

L'Indépendance en 1860 vis à vis de ces Noirs Américains riches n'a rien arrangé, car s'ensuit une tragique histoire du pays, entre Doe, Taylor, enfin le Prince Johnson, qui filme la séance de torture de Doe –fait rapporté par Ryszard Kapuscinski , dans Ebène, , et par le petit Birahima.

Tous des gangsters, dit-il.



Ahmadou Kourouma , pour donner à tous ces crimes, ces tortures, ces assassinats, un ton drolatique (fait rire par son pittoresque. )utilise, et trop me semble-t-il, un recours au dictionnaire Larousse, ainsi qu'à L'inventaire des particularités lexicales africaines, parfois trois fois par page, entre parenthèses comme je viens de le faire, comme si le petit Birahima avait un Larousse dans les mains alors qu'il est presque nu.

Bien entendu, c'est un recours stylistique pour noter l'ignorance totale de ce petit qui n'a aucune conscience qu'il tue.



Il fait comme tout le monde, point.



Le titre complet : « Allah n'est pas obligé d'être juste dans toutes les choses qu'il fait sur terre », ironise : la croyance non seulement en un dieu, mais aussi dans les féticheurs censés protéger ces petits avec des amulettes, dans les séances de désenvoutement de femmes un peu pornographiques, rien ne vaut.

Personne n'est obligé.

Parce qu'en fait, le nerf de la guerre, ce sont l'or et les diamants, tout s'éclaire enfin dans cette sombre suite de violence lorsque notre meurtrier inconscient de l'être arrive en Sierra Leone.



Déjà, au Liberia, trouver une pépite est un des plus grands malheurs qui puisse vous arriver : le propriétaire vous décompte les prêts, prend la pépite et vous limoge.



La faim vous attend.



La guerre tribale fait rage, l'or n'arrange rien.

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Allah n'est pas obligé

« Et quand on n'a plus personne sur terre, ni père ni mère ni frère ni soeur, et qu'on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare où tout le monde s'égorge, que fait-on ? »



Je découvre avec plaisir cet auteur ivoirien avec ce titre qui se veut le journal d'un jeune vivant dans les rues flanqué d'un féticheur musulman. Tous les deux se retrouvent successivement embarqués dans des groupements d'enfants-soldats dans les années 90. On suit alors leurs pérégrinations entre la Cote d'Ivoire, la Sierra Leone et le Liberia où se mêlent ethnies, religions et cruauté.



Ici aucune apologie de la violence, juste la description froide de la barbarie qui est le quotidien d'un orphelin qui se retrouve avec un AK-47 dans les mains pour piller, manger, survivre. Mais le jeune s'arme aussi de dictionnaire pour rédiger son récit et le truffe de définitions tout en le ponctuant d'injures malinké. Il raconte l'histoire des enfants qu'il a connu, apprécié pour certains, qui ont été tués, sacrifiées dans des combats tribaux.



L'auteur en profite pour ironiser sur la situation instable des pays de l'Afrique de l'ouest, dont les dirigeants, motivés par la cupidité, créent un contexte économique défavorable à la jeunesse et opte pour la cruauté pour se maintenir au pouvoir dans un semblant de démocratie.

Un témoignage de fiction intense à la hauteur du jeune enfant-conteur Birahima qui vit son adolescence dans un environnement brutal, entre tradition, superstition et qui malgré tout cherche à poursuivre l'instruction dont il a été privé.
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Allah n'est pas obligé

Ce livre est très poignant de par son histoire et son écriture ; c'est un fait bien réel malheureusement.

L'histoire relate la triste vie d'un enfant orphelin dans certains pays africains. Seul face à lui-même il fait de très mauvaises rencontres et fini enfant soldat.

L'écriture est très particulière car c'est l'auteur lui-même qui raconte et son français est très approximatif. Néanmoins, cela est très bien conté et certains mots sont expliqués entre parenthèses.

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Allah n'est pas obligé

Bien qu'instructif, je n'ai pas tellement apprécié ce roman. J'ai eu beaucoup de mal avec le style et le manque de cohérence. Nous sommes dans la tête d'un enfant qui écrit mal, répète beaucoup les mêmes tournures de phrase et utilise de nombreuses grossièretés. Et pourtant il y a des passages plus neutres pour raconter la situation politique qui, bien qu'intéressants, nous sortent complètement du point de vue adopté. L'insertion constante de définitions entre parenthèses alourdissent également la lecture. Par ailleurs, j'ai trouvé que le roman s'effaçait parfois un peu trop pour devenir une liste factuelle d'événements. On passe d'horreur en horreur sans trop se préoccuper des répercussions sur les personnages, on ne sait que trop peu ce qu'ils pensent et ressentent. Tout semble être en accéléré.

Si ce livre est important pour faire connaître ces atrocités, j'aurais toutefois aimé y retrouver ne serait-ce qu'une once d'humanité.
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Les Soleils des indépendances

Considéré comme un classique de la littérature africaine, ce roman est un grand livre de la littérature francophone. Dans une très belle écriture vivante, bruissante, haletante, il nous emmène sur les pas de personnages tellement vivants qu’on croit entendre le sang couler dans leurs veines.
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Allah n'est pas obligé

Superbe ouvrage qui a marqué ma jeunesse. je l'ai relu récemment et j'ai encore mieux saisi l'essence de se livre qui pour moi pose la question de l'africanité et de ses racines. A lire, si l'on veut toucher du doigt les déterminants de cette africanité si souvent mal définie, qu'on soit africain ou non.
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Allah n'est pas obligé

Birahima est comme beaucoup d'enfants de ce coin d'Afrique , délaissé par son père et orphelin de mère .Alors comme d 'autres , ils tombent entre les mains de marabouts , grigri man ou multiplicateur de billets à deux balles et c'est la fin , symbolisée par une kalach et des gris gris fétiches.



A travers l'histoire de cet enfant soldat, l'auteur revient sur l'histoire mouvementée du Liberia et de la Sierra Leone . C'est culturellement très intéressant et humainement effroyable !

Un exemple : pour que des élections ne se tiennent pas un groupe rebelle s'évertua à couper mains et bras à tous ceux qui pouvaient mettre un bulletin dans une urne. Oui, dans ce livre aussi les limites sont repoussées.



Ce qui fait le sel de ce roman est la prose de l'auteur qui s'appuie sur le narrateur , le jeune Birahima , qui s'exprime comme un enfant de 10 ans , avec des expressions puisées autant en Afrique qu'en Occident. Si cela n'atteint pas le niveau de la vie devant soi de Romain Gary, c'est quand même réussi. Et parfois drôle , puisque le jeune Birahima nous explique beaucoup de ses tournures , Faforo ! (bangala de mon père, c'est le sexe !).



Une lecture instructive , qui fait froid dans le dos et relativise certains problèmes occidentaux
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En attendant le vote des bêtes sauvages

Conte fantastique? Chronique historique et politique de l’Afrique du temps d’une décolonisation progressive (et encore là malheureusement).



Oeuvre racontée comme si nous étions du côté des dictateurs… Ces dictateurs déshumanisés et qui sont, en fait, des bêtes sauvages sanguinaires qui se croient eux-mêmes investie de cette mission.



« Dans l’ethnie du chef traître prévaut le matriarcat; un fils n’appartient pas à son père, le père est un vulgaire géniteur; l’enfant appartient à sa mère, à la famille de sa mère » (…) « Le marabout est considéré comme l’inspirateur de la maman » (…) « les devins et les marabouts avaient fait croire qu’ils étaient prédestinés à devenir président à vie ».



J’ai préféré, et de beaucoup, son roman « Allah n'est pas obligé ».
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Allah n'est pas obligé

Un chef d'oeuvre !



Voici, sans complaisance ni jugement, l'Afrique et ses enfants soldats, vus par un africain.

C'est l'enfant soldat Birahima, 12 ans, qui raconte son quotidien. Il a été embrigadé dès l'enfance. Ce roman est très fort et ressemble plus à un témoignage qu'à une fiction. Attention âmes sensibles s'abstenir !



À lire pour comprendre l'horreur de la guerre en Afrique.
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Allah n'est pas obligé

Dans la tête d'un enfant soldat : un livre dont on ne sort pas indemne. J'ai tout aimé, seulement été dérangé parfois par la narration un peu trop vulgaire - mais justifiée du narrateur- . Ce roman à l'immense mérite de dénoncer l'horreur de la guerre et des actes barbares raconté par un enfant soldat, qui ne mesure pas tout ce qu'il fait. Certains passages sont durs.

Hélas toujours autant d'actualité qu'à sa sortie...
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Allah n'est pas obligé

Récit, écrit à la première personne et empreint d'une ironie amère, de l'enfance d'un enfant-soldat ivoirien de la tribu malinké, enrôlé dans les guerres du Libéria et de la Sierra-Leone à la fin du XXe siècle. Armé de quatre dictionnaires, l'auteur retrace dans un style grinçant les exactions abominables commises au cours de ces conflits sanglants où les enfants, armés, eux, de "kalash", sont utilisés comme chair à canons par les différentes factions qui s'affrontent devant une ONU impuissante. Allah, Jésus ou les fétiches sont eux aussi bien impuissants à conjurer le terrible sort de ces populations. Mais, nous dit Ahmadou Kourouma, "ils n'y sont pas obligés".
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Allah n'est pas obligé

Allah n'est pas obligé attendait depuis plus de 10 ans dans ma bibliothèque, il était temps que je le lise! Le narrateur, Birahima, 10 ou 12 ans, nous raconte son parcours d'enfant soldat dans le chaos des guerres tribales dans l'Afrique de l'Ouest des années 1990. Les forces de ce roman, qui a reçu plusieurs prix, font aussi ce qui m'a déplu. L'auteur se met à la place d'un enfant soldat, qui a quitté jeune l'école, ponctue ses paragraphes d'injures, et explique beaucoup des termes employés à l'aide du dictionnaire. Ce style est très bien adapté au roman et à son propos, mais je n'ai pas accroché. Autre point positif pour l'auteur mais négatif pour moi : malgré les atrocités racontées, je n'ai ressenti quasiment aucune émotion, moi qui suis d'habitude très sensible. Mais finalement ça colle bien avec ce personnage d'enfant soldat qui a été drogué, déshumanisé et habitué à subir/provoquer la violence dans une anesthésie des sentiments. Enfin, les passages décrivant le contexte ont un côté documentaire qui m'a fait un peu décrocher. Je suis peu familière de cette région du monde et de cette histoire, j'avais envie d'en savoir plus mais j'étais un peu perdue.
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Les Soleils des indépendances

Je vais pas mentir, la lecture des Soleils des indépendances a été une petite épreuve. Avec son écriture riche et très imagée, l'auteur convoque un imaginaire très dense et un peu pesant. Plus proche du conte ou de la fable que du roman, les personnages sont donc des symboles plus que des hommes et femmes de papiers auxquels s'accrocher. Il se cache sûrement ici une grande oeuvre mais la première lecture m'en laisse un goût légèrement amer.
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Les Soleils des indépendances

Vous cherchez un grand roman africain? En voici un.

Fama, de la lignée Malinké des Doumbouya, seigneurs du Horodougou, n'est plus ce qu'il était. Il vivote à la capitale, est obligé de courir les fêtes, mariages, naissances et enterrements, pour subsister. Sa dignité en prend un coup, sa vitalité sexuelle aussi. Sa femme Salimata n'arrive pas à avoir d'enfant et qui dit que c'est elle qui en est la cause?

C'est que le pays a subi successivement la colonisation et le régime du parti unique. Tout est déstructuré, il n'est plus possible de se fier à aucun repère, la vie est difficile. L'indépendance n'a pas tenu ses promesses, elle a été l'occasion de s'enrichir pour quelques profiteurs. Mais il n'est plus possible non plus de vivre selon la tradition. Les rites subsistent, souvent dévoyés, mais la société qui leur donnait un sens n'existe plus, ou en tout cas est en mutation. Il reste qu'ils révèlent ce mélange si caractéristique de foi musulmane et de religion traditionnelle.

Quand meurt son cousin qui dirigeait la chefferie en désuétude, Fama est dans le désarroi. Doit-il redevenir un chef au rabais? ou laisser son pays natal à son destin? Le roman raconte son chemin dans cette situation inextricable.

Et quelle narration! quelle prose! Ahmadou Kourouma a eu l'idée géniale d'écrire le français comme on parle Malinké. Le procédé a le double résultat positif de nous faire mieux percevoir la tournure d'esprit de cette partie de l'Afrique (en Côte d'Ivoire) et d'enrichir la prose française. Peu d'écrivains peuvent se vanter d'un tel résultat pour leur premier roman. Près de cinquante ans après sa parution, on peut qualifier ce livre de classique de la littérature africaine.

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Les Soleils des indépendances

Je me rends compte en observant mes lectures que je lis très peu d'auteurs africains. Quelques auteurs du Maghreb, mais quasiment aucun d'Afrique noire. J'ai souvenir de certaines lectures que j'avais trouvé trop "verbeuses" cherchant à atteindre un français encore plus précieux que celui des grands auteurs classiques, comme une sur-correction pour prouver à l'ancien colon que l'auteur africain sait manier la langue. Je comprends la démarche qui amène à ces choix, mais j'avais du mal à entrer dans ces lectures.



Pas de ça ici. Pour mon premier auteur ivoirien , la pioche est particulièrement bonne. Ahmadou Kourouma est un concentré d'Afrique à lui tout seul. Né en Côte d'Ivoire de parents guinéens, ayant fait une partie de ses études supérieures au Mali, envoyé comme tirailleur sénégalais en Indochine... Bref, un auteur tout indiqué pour écrire sur ses Indépendances qui bouleversèrent l'Afrique où il a grandi. Son premier livre, publié en 1968, avait donc son sujet tout trouvé.



Ou plutôt ces sujets car à travers le personnage principal de Fama, prince malinké déchu de son pouvoir par les colons comme par le nouveau pouvoir, Kourouma aborde de nombreux sujets qui traversent encore aujourd'hui l'Afrique. Apports et méfaits de la colonisation comme des indépendances, rapports à la fois complémentaires et conflictuels des religions traditionnelles des marabouts et de l'islam nouvellement implanté, place des femmes dans la société africaine, notamment via la question de l'excision... Ce livre aurait très bien pu avoir été écrit de nos jours, les questions qu'ils posent ne semblent pas réellement avoir trouvé de réponse.



Et pour revenir au style, qui servait de base à mon introduction, Kourouma choisit de créer son propre langage, s'affranchissant de la comparaison obligatoire avec l'auteur français. Se nourrisant du vocabulaire malinké, construisant ses phrases d'une manière très originale, multipliant les propos parfois outranciers l'auteur fait transparaître efficacement la colère, la frustration de ses personnages. Utilisant de façon métaphorique les animaux comme le paysage qui répondent en miroir aux indignations de ceux qui demandent à être respectés, il trouve une voix très personnelle et une musique particulière dans laquelle on prend un peu de temps pour se couler mais qui finit par rythmer notre lecture de manière très agréable.



L'auteur connaitra la consécration par un prix De l'Académie Française et se consacrera ensuite au théâtre. Il ne reviendra au roman que 20 ans plus tard et attendra 2000 et son Allah n'est pas obligé pour atteindre la reconnaissance plus générale en obtenant le Renaudot et le Goncourt des lycéens. Un auteur que je suis heureux qu'un certain challenge (qui se reconnaitra forcément) m'ait permis de découvrir !

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Les Soleils des indépendances

Dans ce roman nous suivons les mésaventures d'un homme volubile, un griot coléreux et pas toujours réfléchi, stérile mais ne l'admettant pas, si ce n'est tardivement.

Dans ce conte africain, religion musulmane et croyances animistes sont mêlées, la magie et la duplicité aussi. De nombreux proverbes émaillent ce récit, écrit dans une langue on ne peut plus imagée ; les éléments naturels, en particulier à la campagne, jouent un rôle prédictif et souvent néfaste.

Les têtes de chapitres, qui ne dévoilent pas beaucoup la suite, sont énigmatiques.

La condition féminine est mise en relief, dans toute sa cruauté et avec ses multiples souffrances (cf. la description de l'excision, une lecture difficile pour moi).

Je précise que ce roman date de 1970 mais il reste d'actualité et surtout voici un nouveau livre indispensable pour connaître ce continent, détruit par la colonisation et qui a eut du mal à s'en extraire. C'est d'ailleurs l'époque de ces nouveaux gouvernements indépendants qui tâtonnent et se cherchent qui est évoquée, comme l'indique le titre.
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Les Soleils des indépendances

J’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire au début et ai ensuite été entraînée par le rythme et les voix empruntées par le narrateur : celle de Fama et de Salimata. En effet, c’est un procédé que j’aime particulièrement chez Ahmadou Kourouma : il mêle l’oral à l’écrit et on a vraiment l’impression d’entendre ses protagonistes parler. Ce procédé que j’avais beaucoup apprécié dans « le vote des bêtes sauvages » (où on écoute un griot au cours de veillées successives) et dans « Allah n’est pas obligé » (où on entend un enfant soldat), m’a un peu rebuté au début car j’étais moins sensible à la voix de Fama : dernier descendant d’une lignée de grands chefs tribaux Malinké, ruiné, mis à l’écart et aigri par la colonisation et l’indépendance de la « Côte d’Ebène ». Il est très amer vis-à-vis de la période qu’il nomme « les soleils des Indépendances » et analphabète, son discours est au départ violent et déstructuré, ce qui le rend difficile à comprendre.



On entend ensuite sa femme : Salimata, femme courageuse, loyale, généreuse qui m’a permis de vraiment enlever le recul de la lecture (objectif de ce procédé selon moi : ressentir les péripéties et émotions des protagonistes de première main) et plonger dans l’histoire.

Grâce à ses deux héros, Ahmadou Kourouma nous fait naviguer entre traditions et modernité, entre islam et magie fétichiste, entre villes et villages de brousse. Dans une Afrique qui vient d’accéder à l’Indépendance et essaye de se débarrasser de l’héritage de la colonisation et de son héritage de chefferies traditionnelles, on y découvre une société pleine de violence et de misère, écrasée par les politiques, et sans beaucoup d’espérance pour les protagonistes qui n’ont d’autre choix que de « s’adapter, d’accepter le nouvel ordre du monde » ou d’être englouti.

En définitive un roman intrigant, qui ne laisse pas indifférent et qui me conforte dans l’idée que Ahmadou Kourouma est décidément un grand conteur.

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