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Critiques de Alexandre Soljenitsyne (392)
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Une journée, c'est le temps qu'il m'a fallu pour lire ce roman qui révéla l'enfer du Goulag et les atrocités du régime soviétique. C'est comme si j'avais passé ma journée dans ce camp de travail en Sibérie en compagnie de Ivan Denissovitch Choukhov, comme si j'avais eu faim et froid avec lui, comme si j'avais subi les mêmes brimades, usé des mêmes combines pour survivre dans cet univers hostile. Ce récit nous amène à mieux comprendre un système concentrationnaire, son organisation mafieuse où règnent la délation ou les privilèges pour quelques uns. Ivan Denissovitch est résigné, victime d'une injustice flagrante, il accepte les règles absurdes du totalitarisme, mais peut-il faire autrement ? Une journée ordinaire, presque heureuse dans la mesure où ses petites combines n'ont pas été démasquées, où il a pu se procurer un peu de tabac et avoir une double maigre ration.

Pas de jugement, pas de considérations politiques, juste un témoignage glaçant, sans jeu de mot. C'est ce qui fait la force de ce texte.



Challenge multi-défis 2021.
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Avec la déstalinisation entreprise par Khrouchtchev, il était devenu possible de couvrir la réalité de la vie soviétique de manière plus critique. La publication du roman de Soljenitsyne Une journée d’Ivan Denissovitch, en 1962, a pourtant constitué une déflagration. Il faut se rappeler que d’autres livres critiques du régime, comme Le docteur Jivago de Pasternak ou Vie et destin de Grossman, ne sont parus en URSS que dans les années 1980.

Le livre de Soljenitsyne raconte l’histoire d’une journée au goulag d’un ancien soldat, Ivan Denissovitch Choukhov, condamné pour avoir été fait prisonnier par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour la première fois dans l’histoire soviétique, une œuvre littéraire témoignait de la vie dans les camps de travail. Ce livre exposait clairement ce qui avait été couvert pendant les années terribles du stalinisme.

L’histoire du matricule CH-854 touche par sa profondeur et sa véracité. On y découvre des choses terrifiantes sur les conditions de vie des détenus et leur indicible souffrance. Si pour certains, trouver un morceau de pain supplémentaire ou une paire de bottes percées constitue la seule préoccupation, pour Ivan seule compte la préservation de sa dignité d’homme.

Passez une journée avec Ivan Denissovitch, je vous promets qu’après vous regarderez vos petits problèmes quotidiens sous un angle très différent. Et, à la toute fin, vous découvrirez une dernière phrase en forme de coup de poing…

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Le pavillon des cancéreux

Ce roman retrace la vie quotidienne dans un hôpital soviétique spécialisé en cancérologie, au milieu des années 50, après le mort de Staline.

Il est nourri de l'expérience de l'auteur, à qui un cancer fut diagnostiqué lors de son exil dans le Kazakhstan, après huit années passés dans un camp de travail.

Soljénitsyne y dresse une galerie de portraits : ceux de membres du personnel, et ceux de patients.

Le cancer rassemble ici des malades très différents - âges, conditions sociales, origines géographiques, visions du monde et de la vie… Chacun affronte la maladie à sa manière : déni, résignation, volonté de profiter des derniers mois restants.



Roussanov, fonctionnaire de l'appareil répressif soviétique s'accommode mal du voisinage de Kostoglotov, qu'il trouve rustre et politiquement "douteux".

La poursuite de la déstalinisation réveille chez Roussanov la crainte du retour de personnes dénoncées par lui, et suscite des éclairs de mauvaise conscience qu'il étouffe rapidement dans l'idéologie à l'origine de sa réussite sociale.

Pour Kostoglotov, désormais relégué à perpétuité, l'idéal communiste est en revanche un concept bien fumeux.

Alors que Roussanov peine à voir la gravité de son état, Kostoglotov refuse de vivre au prix de sacrifices imposés par la maladie.

La lucidité du jeune Vadim semble renforcer sa détermination.

Les conditions de vie et états d'âmes du personnel soignant ne sont pas oubliés.



Soljénitsyne analyse avec talent les relations entre ces personnages, et des réflexions de chacun sur soi-même.

Le manque de délicatesse de certains est souvent cruel - comme la vie.

Chaque chapitre ajoute des éléments d'analyse sur un personnage et sa vie, constituant en quelque sorte une nouvelle à lui seul.

Le tout constitue un roman grandiose, une brillante réflexion sur le sens et la valeur de la vie.
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Critique virulente du stalinisme , ce roman semi-autobiographique de Soljenitsyne a obtenu l'autorisation de publication du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, qui souhaitait mettre en avant le caractère libéral de sa politique. le récit décrit une journée d'un innocent enfermé dans un goulag, Ivan Denissovitch Choukhov. Tout en inventoriant les punitions, les épreuves et les cruautés subies, il évoque la solidarité, la loyauté et l'humanité qui unissent les prisonniers, sans lesquelles il leur serait impossible de survivre.

Histoire de la littérature



Il est bon d'ajouter que certes Khrouchtchev dans le cadre de la déstalinisation donna personnellement son accord à la publication de ce brûlot, mais que la censure passa par là, il ne l'évita pas. On peut néanmoins sans risque de se tromper dire que dans les années 60 soufflait un vent nouveau en Russie soviétique. Il faudra cela dit encore une génération pour que le communisme mette un genou à terre.



D'autre part, semi pas semi, cette oeuvre a bien été perçue comme un document à charge contre le régime soviétique, et en tout cas, fut le lancement éprouvé pour Soljenitsyne à toute une série de témoignages accablants. La noirceur de son analyse méthodique fut même dépassée au niveau de son ampleur car il parle si je ne m'abuse de 11 millions de victimes des purges staliniennes suivies de déportations, on peut en avancer probablement le double. Et ajouterai-je que la portée de ce brûlot fut mondiale puisque comme on sait les partis communistes internationaux inféodés à Moscou étaient présents dans la plupart des pays. Je ne dirai pas que Soljenitsyne a tapé dans le mille, mais a trouvé résonance à ses propos de manière formidable à travers les divers peuples du monde, qui signa leur désillusion et leur désenchantement. le parti communiste français fortement influent fut très long à la détente, puisque dans les années 70 bon nombre d'intellectuels communistes qui savaient ou devaient savoir n'en avaient cure ; c'est à ce titre qu'il fut qualifié de parti communiste stalinien.. L'invasion de la Tchécoslovaquie quelques années après la publication du livre de Soljenitsyne agita la conscience des peuples si ce n'est celle de ses mandants. Il y eut de véritables schismes dans les diverses cellules communistes de l'ouest ..
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Bien-sûr, nous sommes loin du roman d’aventures ou du thriller haletant où plein de rebondissements surprennent le lecteur. Nous sommes dans un livre au rythme lent et dans les descriptions d’un quotidien, Mais pas n’importe lequel : celui d’un homme, d’hommes, enfermés dans un goulag. Mais le rythme est là justement, dans ce temps qu’il prend à nous conter l’horreur de l’Homme. Ce livre est une œuvre monumentale. Une pépite de réflexions. Je sors bouleversée de ma lecture. Mais je crois que la lecture en est nécessaire. Pour se rappeler les conditions effroyables qu’on vécues ces hommes et pour se souvenir de ne jamais y revenir.
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La maison de Matriona

Trois nouvelles, résolument très différentes dans leur style, mais pour lesquelles les conclusions nous laissent un sentiment commun nous faisant nous exclamer – « quel dommage que l'être humain soit si aveugle, manque de tant de compréhension et préfère être mesquin, égoïste et injuste ! »



La nouvelle la plus émouvante reste celle qui donne son nom à ce recueil. Écrit avec une tendresse bouleversante, c'est un magnifique hommage à une femme jugée insignifiante, raillée et méprisée par son entourage.

Ignatitch ne peut que se souvenir de la raison pour laquelle, sur cette voie ferroviaire, le train ralentit au kilomètre cent-quatre-vingt-quatre.

Après sa longue captivité et selon son désir, il avait trouvé, en ce village coincé dans les tourbières et privé jadis de sa forêt, un coin tranquille de la Russie profonde. C'était chez Matriona, une femme seule approchant la soixantaine, qu'il avait élu pension dans cette isba sombre et vétuste. Outre Matriona, l'isba était habitée par des souris qui échappaient au chat bancal en se faufilant entre les murs et leur papier peint ondulé qui se décollait. le soir venu, les cafards s'octroyaient la cuisine. Mais Ignatitch s'y plaisait, appréciant la grande simplicité de sa logeuse, son sourire illuminant son visage tout rond, la bonne humeur qui irradiait de son allant à s'affairer dans ses tâches quotidiennes.

Alexandre Soljenitsyne livre ici un portrait extrêmement touchant de cette paysanne vivant de rien, toujours prête à rendre service mais jamais reconnue pour sa bonté et sa simplicité. L'absence de coeur, le mépris et l'instinct égoïste de propriété seront les uniques retours qu'elle aura en compensation de son aide.



La seconde nouvelle nous mène en temps de guerre, au beau milieu de la gare de passage de Krétchétovka où transitent des convois de soldats, de marchandises, de chevaux, de farine prise d'assaut par les hommes affamés.

Le jeune soldat Zotov, adjoint au commissaire de gare est honteux du poste qui lui a été assigné ici, loin du front. Très tatillon, il se démène avec la paperasse et les multiples constats à rédiger en plusieurs exemplaires. Lorsqu'un train de soldats privés de nourriture depuis des jours arrive, c'est l'occasion de constater l'aberration de la rigidité administrative des centres d'approvisionnement. Plutôt qu'enfreindre les horaires fixés par un règlement qui fait fi des aléas liés aux déplacements des soldats, on les laisse mourir de faim sans perturber sa propre petite vie.

L'auteur montre que la guerre, même sur un quai de gare, déploie son lot d'hommes qui, scrupuleusement et cachés derrière les règlements, mettent de côté toute humanité.



Enfin, dans un collège technique, Soljenitsyne fait un petit tour au coeur de l'injustice, lorsque la notoriété d'une ville passe bien avant toute considération pour le travail. de jeunes élèves, motivés et impliqués dans des travaux d'agrandissement de leurs lieux de vies, se heurteront de plein fouet à l'affrontement inégal de la justice et de l'injustice.



Dans une réalité qu'il réussit remarquablement à implanter avec des dialogues et des descriptifs très vivants, l'auteur n'hésite pas à combiner critique de l'humain et dénonciation de certaines rigidités gouvernementales.

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Une journée d'Ivan Denissovitch

Une journée d' Ivan Denissovitch est un roman d' Alexandre Soljetnytsine. Ce dernier qui a subi, les affres, les duretés, les privations et surtout la grande injus tice de l' arbitraire dans le goulag de Solovetskk, dans le Khazakstan.

Ce récit qui est court mais un récit fort, dense et puissant vu son contenu.

IL s' agit de la douloureuse expérience du maçon Denissovitch dans le camp Solovetsk et, l' auteur, nous fait une description rigoureuse du camp de travail et de la vie qu' on y mène .C' est la description de la journée d' un bagnard Ivan Denissovitch, condamné à dix ans de camp pour avoir été fait prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale.L' essentiel et le plus important pour Ivan est de

tenir , conserver un bon moral et être occuper durant toute la journée.Ivan a appris la " débrouille". IL doit vaincre la faim alors il se rationne. IL se rend utile

aux autres contre quelques avantages divers. Vu qu' il est maçon, il doit cacher sa truelle car elle représente son outil le plus important.A travers son parcours journalier, on remarque ce qu' est la vie au réfectoire et ce qui se

déroule durant une journée au bagne. Ivan a bon moral, pour lui, il lui suffit de passer la journée et ne pas penser à demain :" A chaque jour,suffit sa peine ", semble dire Ivan.Et lorsque le soir arrive, Ivan s' endormait,pleinement satisfait. Et, il dormait du sommeil du juste !

Un très bon livre à lire....et pourquoi pas à relire .

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Une journée d'Ivan Denissovitch

« Une journée d'Ivan Denissovitch » est publié dans la revue littéraire « Novy Mir » pour la première fois en décembre 1962 sur décision du Politburo d'URSS, grâce à l'intervention personnelle de Nikita Khrouchtchev. Il sera republié, certains passages censurés, en 1963, avant d’être traduit et édité en français en 1973…



On trouve ici les grands thèmes qui feront le succès d’Alexandre Soljenitsyne plus tard : le Goulag et la Russie profonde avec ses valeurs ancestrales et ses bassesses.

Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail au début des années 1950 à travers les yeux du prisonnier Ivan Denissovitch Choukhov, que l'on suit au cours d'une des trois mille six cent cinquante-trois journées qu’il y passa. Une expérience vécue par l’auteur qui fut lui même détenu au camp d'Ekibastouz.



Un roman qui fit l’effet d’une bombe dans l’opinion publique russe dans la mesure où pour la première fois un écrivain décrivait l’univers concentrationnaire de l’URSS, fort de son expérience. Une bombe dans l’opinion russe mais aussi et surtout dans l’opinion publique mondiale… Pour la première fois, une œuvre littéraire présentait au lecteur non pas une fiction, mais un témoignage du Goulag.



Un roman qui outre le côté documentaire et témoignage n’est est pas moins rédigé dans un style alerte, parfois léger même, mais qui ne masque jamais la brutalité du thème : l’avilissement de l’homme par l’homme.



Nota : pour aller plus loin sur le même thème : « Le zéro et l’infini » d’Arthur Koestler…

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L'Archipel du Goulag

Une lecture intéressante et éprouvante à la fois.



On croit savoir mais dans le détail des exemples et des explications, on ignore tout et on reste stupéfait et horrifié. Je n'ai d'ailleurs pas pu lire ce livre d'une traite. J'avais besoin de pauses, de respirations, de me plonger dans d'autres lectures moins lourdes pour parvenir à continuer celle-ci.



L'écriture n'est pas en cause, uniquement le sujet développé sur plusieurs centaines de pages. Je reste fascinée par la masse d'informations recueillies. Certains passages furent émotionnent pénibles. J'ai dû m'accrocher.



Mais je ne regrette pas une seconde de m'être plongée dans ce texte dense qui fourmille de détails, un texte historique sur la Russie et l'exercice du pouvoir, de la politique, de la peur, de l'arbitraire et de l'esclavagisme au 20ème siècle. Et bien sûr, sur le fonctionnement du Goulag et l'organisation des camps. Les témoignages sont nombreux, tout comme les chiffres qui donnent le tournis. On a peine à y croire, et pourtant.



Oui, et pourtant on sait que tout cela a eu lieu, que tout cela est vrai et que d'une certaine façon, cela se poursuit. Cette lecture ne laisse pas indemne.
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L'Archipel du Goulag, tome 1

Me voilà parvenue à la moitié de ce voyage phénoménal à destination de l'Archipel du Goulag.

Un voyage historique, argumenté, détaillé, décortiqué de façon moléculaire, un voyage douloureux, au cours duquel s'amoncellent les faits, témoignages véridiques sur les conditions des arrestations, vies stoppées d'un coup en plein élan, des procès où règne ... l'injustice, où l'on jure de ne dire que ... la non-vérité qu'on nous a (a) sommés d'avouer, les condamnations, déportations, humiliations, déshumanisations, désespérations ... et non, car, malgré tout ces "...tions" qui visent l'annihilation de l'individu, Alexandre Soljénitsyne nous montre que l'espoir, bien qu'interdit, restait vivant, soutenu par un instinct de (sur)vie extraordinaire ; son souffle littéraire, plein d'ironie, d'humour noir parfois, sa colère que l'on sent au-travers de ses centaines de pages compilées, ces faits, qu'il entasse, l'un après l'autre, rendant hommage à chacun, chacune, à tous ceux qu'il a pu croisés dans ses pérégrinations goulaguiennes, d'un camp, d'une prison à l'autre, à tous ceux dont il a entendu parler seulement, à tous ceux qui ont osé lui confier leur témoignage, et à tous les autres, les dizaines, centaines de milliers d'autres, restés indéfiniment anonymes, disparus, c'est une accumulation de vie, la victoire des survivants réclamant justice et reconnaissance, au moins dans l'esprit des générations suivantes, à défaut d'un remboursement symbolique pour vie détruite indûment.

Soljénitsyne réussit l'exploit de n'être jamais ennuyeux, de secouer les consciences, de nous montrer la réalité crue sans misérabilisme ni voyeurisme. La définition même d'un ouvrage littéraire et historique.

Vite, je composte mon billet pour la deuxième partie de ce voyage, le coeur déjà lourd des faits à venir (bien que passés), les yeux ouverts sur l'Histoire qui va défiler, macabre dans sa robe rouge et noire, le corps secoué par les soubresauts et autres cahots vécus par ces courageux soviétiques sacrifiés au nom de quoi au juste, on se le demande encore ...

Un ouvrage à lire, encore plus à l'heure actuelle, où les machines politiques semblent dérailler dans certains pays...
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La maison de Matriona

Après dix ans de bagne, Ignatitch, le narrateur revient de ce côté-ci de l'Oural, au début des années 50, désireux de se perdre dans les forêts de la Russie profonde. Et le voilà nommé professeur dans un bled au nom improbable : Torfprodoukt. Quant au logement, il le trouvera plus loin, dans un village nommé Talnovo, un nom beaucoup plus chrétien, prometteur de Russie profonde.

Là, il logera dans la maison de Matriona, une isba décrépite, dans laquelle les souris galopent entre les murs et les couches de papiers peints, pour éviter le chat de la maison, où les cancrelats s'en donnent à coeur joie dans la cuisine désertée après le repas, pauvrement composé de gruau et de pommes de terre, dénommée podterre par Matriona.

Là, on vit chichement et misérablement.

Mais l'humble et discrète Matriona est toute contente de recevoir la bénédiction d'une compagnie, elle qui vit seule depuis tant d'années.

Elle qui a tout perdu, son mari, disparu, ses six enfants morts quasiment à la naissance.

Elle, qui a de la bonté à revendre, toujours prête à aider son prochain sans rien demander en retour, et qui ne se plaint de rien, alors qu'elle se trouve exploitée par le kolkhoze voisin.

Elle qui est obligée d'accomplir sans une plainte des déplacements harassants au bureau de la sécurité sociale et au soviet local, distants l'un de l'autre d'une trentaine de kilomètres, tout cela pour obtenir une maigre pension.

Elle qui acceptera que sa maison soit démantelée de son vivant au profit de sa fille adoptive.



Et voilà la vie rêvée au paradis du monde soviétique, un paradis où le magnat local n'hésite pas à léser ses concitoyens, où les moujiks se réchauffent à grandes lampées de vodka, où les pauvres femmes s'épient les unes les autres, à l'affût de ce qu'elles peuvent récupérer de leur voisine.

Un monde de profonde misère ...

et en général, la misère n'a que faire de la bonté !

La bonté, profonde et réelle de Matriona, ne reçoit de ses concitoyens qu'une méprisante compassion.



Et là réside le drame de cette courte et violente nouvelle qui bouleverse le lecteur.

"Ils ont toujours un beau visage, ceux qui sont en paix avec leur conscience."

La vie dérisoire des petites gens, exploités et ignorés des dirigeants, magnifiée par Soljenitsyne, qui voit en Matriona "ce juste dont parle le proverbe et sans lequel il n'est village qui tienne. Ni ville. Ni notre terre entière."

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Une journée d'Ivan Denissovitch

J’ai lu ce roman dans sa première traduction en français par Léon et Andrée Robel ainsi que Maurice Decaillot, qui comporte des passages censurés mais dont j’ignore la teneur. (La préface de Pierre Daix, lue après le roman, ne m’a rien apporté: j’ai eu l’impression bizarre qu’il essayait de ménager la chèvre et le chou…)

Le roman nous fait entrer de plain-pied dans l’univers carcéral d’un goulag après la deuxième guerre mondiale. C’est bien sûr un témoignage de première main qui, à ce titre mérite une attention particulière. Il m’a rappelé immédiatement Souvenirs de la maison des morts de Dostoievski (qui se passe toutefois un siècle avant). Il m’a semblé toutefois moins dur, probablement grâce à la personnalité du protagoniste, un détenu d’origine modeste (un paysan) mais doté d’une intelligence, d’un sens de l’observation, d’une habileté manuelle ainsi que d’une aptitude innée à gérer les relations humaines. On comprend que ses qualités lui permettent de survivre à l’enfer concentrationnaire avec dignité en dépit du travail forcé, des brimades et autres tortures qui visent à le déshumaniser, lui et ses compagnons d’infortune. Ivan Denissovitch nous est tout à fait sympathique.

D’une façon générale, j’ai donc aimé ce roman qui a marqué l’époque de la déstalinisation mais qui reste, selon moi, une œuvre littéraire intemporelle.

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Une journée d'Ivan Denissovitch

Le plus saisissant dans ce petit livre rapidement lu (même pas 200 pages), c'est l'énorme décalage entre la lecture et l'écriture. Le fossé entre le lecteur et le narrateur. Ce lecteur innocent (ou presque, en 1962 on est encore en pleine guerre froide) qui n'a rien vu de ces horreurs et cette inhumanité et qui s'y retrouve plongé malgré lui. Ce narrateur qui semble raconter sa journée en camp de vacances, ni brisé ni désespéré, plutôt adapté à ses conditions de vie et faisant presque contre mauvaise fortune bon cœur. Choukhov est pourtant dans ce camp depuis huit ans, mais il dépeint sa journée comme il raconterait sa journée de travailleur de petit village, à quelques détails près. Le ton est tellement pragmatique, pas vraiment résigné, plutôt les paroles de celui qui a accepté son sort et attend que ça passe sans oublier d'aménager un peu son confort et sa survie. C'est un livre à la fois simple et puissant, qui nous plonge au cœur d'un camp qui a du mal à se faire une place dans notre imagination tellement ça nous paraît impensable aujourd'hui, mais comme s'il ne racontait que des banalités. Et c'est exactement ce décalage là qui est important, il est là pour démontrer que le système concentrationnaire soviétique n'a pas broyé Ivan Denissovitch. Il a simplement continué à vivre autrement, en gardant son esprit, son libre arbitre. C'est là toute la résistance de l'humanité.
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Le froid, le goulag, voilà le décor pour cette journée d'un prisonnier. Le régime totalitaire vous a condamné à perdre toute existence et tout espoir. Éviter le pire est déjà une bonne nouvelle. Témoignage exceptionnel à replacer à l'époque et dans le contexte de sa parution.
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Le pavillon des cancéreux

Les métastases de l'utopie socialiste.



Union soviétique,1955. Staline est mort depuis deux ans. L'effroyable étau mental, mis en place par ce dernier et enserrant la population, est en train de se déliter...

Soumis par une implacable censure, Soljenitsyne nous montre, en utilisant un procédé métaphorique fort, le peuple soviétique comparé à des patients cancéreux en attente du verdict fatal.

Les patients, échantillon de la société de l'époque, regroupent tant des fonctionnaires zélés, que des récalcitrants ou des sujets passifs: tous, touchés par la maladie, sont en introspection et ressassent leur vie passée. Le sens de cette vie est vu alors par le prisme de leur implication dans cette société socialiste profondément dévoyée.

Une nouvelle ère du socialisme s'entr'aperçoit, mais les névroses sont bien là...se métastasant en tumeurs malignes.....
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Le pavillon des cancéreux

Dans cette salle commune de la clinique, tous sont atteints de cancer. Ils supputent les jours qui leur restent à vivre et refont inlassablement le bilan de leur vie passée, imaginent ce que leur avenir aurait pu être, ce qu’il sera. Ils sont de tous horizons et dans cette Russie communiste sortant du stalinisme, les bilans et convictions sont variés, du relégué au membre influant du parti. Ce sont tous les débats importants de la vie qui ressortent: le sens de la vie, de l’amour, du devoir, du socialisme idéal et du communisme stalinien, de la peur de la mort, du travail des médecins et du sens de l’acharnement des soins, de leur réinsertion, ect…. Les personnages sont tous intéressants, et leurs points de vue variés invitent à la réflexion. Un livre dur mais passionnant.
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Ivan Denissovitch a été condamné aux camps après avoir échappé aux Allemands qui l'avaient fait prisonnier. On a jugé qu'il était espion et le voilà à trimer dans le froid glacial depuis une dizaine d'années. Les jours passent, la fin de son temps approche, mais il doute de pouvoir jamais rentrer chez lui. Pourtant, c'est tout ce dont il rêve, pour quand il sera libre, rentrer chez lui. Sauf que "On ne laisse pas rentrer chez eux les gens de son espèce, on les envoie en résidence forcée".

En attendant, aux côtés des hommes de sa brigade, il travaille sans relâche sur des chantiers battus par les vents et la neige, avec quelques heures de sommeil chaque nuit, de la soupe qui ressemble régulièrement à de l'eau et sa ration de pain. La vie n'est pas drôle mais Ivan Denissovitch a appris à se contenter de peu : "Il a eu bien de la chance aujourd'hui : on ne l'a pas flanqué au cachot ; on n'a pas collé la brigade à la Cité socialiste, il s'est organisé une portion de kacha supplémentaire au déjeuner, le chef de brigade s'est bien débrouillé pour le décompte du travail..."

Ce roman raconte donc, comme son nom l'indique, une journée de travail typique au camp et nous plonge, avec le héros, dans cet enfer enneigé.



J'avais pris ce livre dans la bibliothèque de ma grand-mère, me rappelant vaguement avoir entendu plusieurs fois parler de son auteur. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en l'ouvrant mais je ne suis pas déçue.

Certes, cette lecture n'a rien de joyeux mais je ne dirais pas non plus qu'elle est déplaisante, bien que son sujet, lui, le soit ! Nous nous glissons dans la peau d'Ivan Choukhov et c'est à travers ses yeux que nous explorons l'un de ces camps dont nous avons tous entendu parler à l'école, en cours d'histoire. Le ton du narrateur nous fait partiellement oublier l'horreur et l'inhumanité qui régnaient là et rend supportable le récit des odieux traitements infligés aux prisonniers. Ce roman est au final extrêmement intéressant, très bien écrit, et je ne m'étonne pas de ce qu'il soit considéré comme un classique.



Challenge ABC 2019/2020

Challenge XXème siècle 2019
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Une journée, une simple journée.

Celle, qui l'une après l'autre, constitue la vie de tout un chacun.

Par un geste, une parole, cette journée se transforme dans la nuit noire la plus profonde.

Une simple journée, pendue à la simple volonté d'une administration.

Vertiges d'absurdité administrative et policière par lesquels s'anéantissent toutes dignités humaines.

Simplement à découvrir et retenir (chaque journée se représente, un jour ou l'autre).
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Le pavillon des cancéreux

Un monstre sacré de la littérature russe!

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Je rêvais de (re)lire mes classiques, à commencer par la littérature russe dont j’avais oublié jusqu’à la mélodie et l’univers angoissant. Lire Soljenistyne, c’est s’assurer un délicieux moment de lecture, une plongée inquiétante dans le communisme des années 1950 et surtout, une fascinante exploration de l’âme humaine.

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.Le style de Soljenitsyne est une merveille pour les puristes : dénué de fioritures, habillé de phrases courtes, illustré de mots choisis avec soin, le tout enrobé dans une ponctuation qui rythme parfaitement la lecture… Derrière une écriture au paroxysme d’une apparente simplicité se cache une maîtrise sans faille des codes littéraires classiques qui font la grande littérature. Vous l’aurez compris : dans mon panthéon des écrivains, Alexandre Soljenitsyne trône à la droite de Simone de Beauvoir.

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Quant à l’histoire, c’est un régal : on erre, effaré, dans les méandres du communisme d’après-guerre. Dans ce pavillon des cancéreux, on cherche l’étincelle d’humanité qui égayera les journées des patients; est-ce la peur engendrée par le régime? Les Russes sont-ils moins enclins à laisser parler leurs sentiments? Toujours est-il que les rapports humains, chez Soljenitsyne, ont cette particularité d’osciller entre dureté, froideur et indifférence. A quelques exceptions près cependant : des personnages attachants qui semblent posséder ce petit supplément d’âme, ou qui savent auprès de qui aller le chercher, entraînent le lecteur dans des échanges d’une grande humanité.

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Soljenitsyne n’en finit pas de sonder les méandres de la nature humaine, de traquer la force vitale chez ces hommes qui se meurent, terrorisés, agrippés à l’espoir que les rayons, les piqûres ou l’amputation les sauveront du mal terrifiant qui les ronge. Dans le dortoir du pavillon 13, il n’existe plus ni soldat, ni cadre du parti, ni étudiant : il n’y a que des hommes réduits à leur plus simple expression, dénués des artifices que confèrent la richesse et le pouvoir, contraints d’admettre que face à une issue fatale, la mort réussit où le communisme échoue : les inégalités s’effacent.
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Une journée d'Ivan Denissovitch

Le titre du roman est parfaitement représentatif du sujet : une journée passée au goulag, une journée prise au hasard parmi tant d’autres, une journée parmi toutes celles que comptent les dix ans de peines d’Ivan Denissovitch, une journée pour nous montrer qu’elles sont finalement à peu de choses près toutes identiques les journées passées là-bas.



L’impression qui ressort au cours de la lecture est plutôt ambigüe. On a l’impression qu’Ivan s’est accommodé à cette vie (après tout de même plus de huit ans de peine). Il a pris ses marques. Il sait se débrouiller pour survivre sans pour autant avoir l’espoir de pouvoir un jour sortir de prison. Il confie lui-même à plusieurs reprises qu’au bout de ses dix ans de peine, on va lui en rajouter dix supplémentaires pour quelque motif obscur. Et il ne sait même pas s’il a vraiment envie de sortir. A première vue, c’est presque un bagne facile à vivre que nous dépeint l’auteur. Mais finalement, on s’aperçoit qu’il n’y a que très peu de moyen de s’en sortir, de rester un homme dans de telles conditions.



En peu de pages, et avec un espace-temps restreint, Alexandre Soljenitsyne réussit à dépeindre exactement le quotidien de ces hommes enfermés. Il ne représente pas l’horreur ni les situations exceptionnelles mais juste la vie courante à laquelle chacun doit faire face : le froid, la faim, la fatigue, le travail absurde.



Je pense que ce court roman est une bonne introduction à l'œuvre de l’auteur nobelisé et notamment à son monumental L’archipel du goulag, qu’il faut maintenant que je lise et qui décrit plus en détails cet univers.
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