Comment et pourquoi Janet Mandelbaum, professeur de littérature à Harvard, au demeurant une femme sérieuse qui garde son sang-froid en toutes circonstances, a-t-elle pu se retrouver ivre morte dans une baignoire? Teresa, son amie, demande à Kate de l'aider à faire la lumière sur cette affaire embrouillée. " Elle dit qu'elle ne voit pas comment elle s'est retrouvée là. Personne ne la croit, bien sûr. Tout le monde est d'avis qu'elle a du se prendre une méchante cuite et tomber dans les vapes. Evidemment, pour elle, c'est une sale histoire." (Page 17)
C'est alors que Sylvia, son amie, propose à Kate de prendre un congé sans solde et de venir enseigner un semestre à Cambridge afin d'enquêter en interne sur les circonstances de l'incident, et permettre ainsi de laver Janet de tous soupçons. Kate accepte et découvre rapidement qu'il s'agit en fait d'un coup monté. C'est alors que Janet est retrouvée morte.
Le contexte social du roman:
Sous couvert d'une intrigue policière qui, il faut bien l'avouer sert plutôt d'occasion à l'auteur de régler ses comptes, Mort à Harvard se situe dans un contexte social particulier: celui de l'émergence du féminisme dans un milieu très "machiste". " Ce qu'il y a, voyez, c'est qu'ils ne tiennent compte que de leurs propres intérêts. De loin en loin, les intérêts coïncident avec ceux des femmes, mais c'est rare et purement fortuit." (Page 16)
"En venant ici, avoue, tu devais bien te douter que le fait d'être une femme ne serait pas un détail anodin. Harvard, on sait ce que c'est. Pour s'y voir attribuer un poste, être qualifié ne suffit pas, pas pour une femme, en tout cas." (Page 44)... "Une féministe ici, une vraie, et titulaire d'une chaire, pourrait causer beaucoup de...bon, peut-être pas des dégâts, mais des vagues à coup sûr, beaucoup de vagues. Or, c'est justement ce que Harvard redoute le plus, les vagues (...) Ils sont prêts à tout pour les éviter." (Page 65)
"Que crois-tu que ces messieurs aiment à dire de bas-bleus comme nous, surtout celles qui vivent seules? Quand nous étions étudiantes, ils nous traitaient de viragos; à présent nous ne pouvons être que lesbiennes." (Page 48).
Laissons le mot de la fin à un membre éminent de la gent masculine: " Moi, reprit Bill, sentencieux, on ne m'ôtera pas de l'idée que si elle avait eu une vie normale, une vraie vie de femme, tout ça ne serait pas arrivé. Je n'ai rien contre les femmes qui travaillent, notez bien, mais je dis qu'elles doivent faire passer d'abord leur foyer et leurs enfants;" (Page 143).
Ne croyez-vous pas que le propos d'Amanda Cross est encore terriblement d'actualité? Laquelle d'entre nous n'a pas entendu ce discours au moins une fois dans sa vie??
Mort à Harvard est un roman policier atypique, dans le sens où l'intrigue n'est somme toute qu'accessoire, mais plein de charme, qui se lit d'une traite grâce au style fluide et léger de l'auteur. Malgré qu'il soit relativement court, les personnages sont bien campés, leur psychologie et leur personnalité suffisamment approfondies pour donner à l'intrigue une réelle épaisseur. Son aspect "critique sociale" est un réel atout, donnant l'occasion au lecteur de s'interroger sur l'évolution de la société moderne depuis les années 70, au moment de la libération des mœurs: les progrès accomplis sont-ils réels ou seulement de la poudre aux yeux.Car un roman policier peut aussi proposer une réelle réflexion sur le monde dans lequel nous vivons...
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