AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Anatole Le Braz (81)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le Sang de la Sirène

Une prose poétique en granit…



Une envie d'air iodé, d'odeur de goémon, d'iles bretonnes aux paysages sauvages et austères, de légendes celtes et de sortilèges ? Ce livre est pour vous. Paru en 1901, aux éditions Calmann-Levy et contenant trois nouvelles : « le sang de la sirène », « Fille de fraudeur » et « Les noces noires de Guernaham », l'écriture est surannée, poétique, enracinée, ancrée.



« Des troupeaux de nuées grises, aux pis lourds, se lèvent avec l'aube, des lointains de la mer. Et ce sont des journées tristes, humides, les jours sans lumière et sans vie des commencements d'hiver en Bretagne ».



La famille Morvac'h, sur l'île d'Ouessant, est une famille heureuse. Des champs au soleil, une barque solide sur la mer, des piles de linge dans les armoires et, entre les piles de linge, des piles d'écus accumulés par la sagesse des vieux parents. le couple dans la force de l'âge, c'est un homme, Jean, homardier, robuste et travailleur, et une femme économe et gaie, d'une beauté à couper le souffle, d'ailleurs tous les ouessantins adorent Marie-Ange, cette jeune femme lumineuse à la coiffe carrée, aussi gracieuse que son nom. le narrateur nouvellement arrivé sur l'île qui nous raconte cette histoire incroyable succombe lui aussi aussitôt à son charme si singulier.



« Elle sourit ; ses dents de nacre humide perlèrent comme des gouttes de rosée entre ses lèvres closes ».



Hélas une malédiction pèse sur cette famille issue de la douzième sirène qui a, en son temps, trahi le peuple de la mer. Ces douze vierges sont, dit-on, belles comme des anges mais perverses comme des démons ; leurs chants sont autant d'appels d'amour, propres à séduire le coeur des jeunes hommes. D'après la légende, un îlien en pêcha une dans ses filets. Cet homme était le plus fier et le plus beau des gars d'Ouessant.

Elle le fit roi de la mer, les vagues lui apportaient les poissons et les épaves, les vents et les courants lui obéissaient, mais la malédiction des sirènes fut implacable et se poursuit encore sur tous ses descendants.



L'écriture d'Anatole le Braz est magnifique ! C'est la voix surannée des contes et des légendes celtes, c'est le chant traditionnel s'élevant de la Bretagne profonde. C'est la voix poétique du fond des mers, celle des îles suspendues entre ciel et terre, celle des forêts ensorcelées ou des calvaires hantés...au-delà des paysages décrits, sublimes, j'ai particulièrement savouré les descriptions des personnages que fait l'auteur les rendant très attachants, profondément humains.



« Nous vîmes entrer un garçonnet joufflu, d'un rouge pourpre, à qui l'ample ciré d'homme dont il était enveloppé donnait l'aspect d'un Esquimau ou d'un Groenlandais, d'un nain difforme des régions polaires. Il se coula, se blottit contre le géant affalé. Dans son visage dru, aux teintes de chair saumurée, ses yeux bleus, étonnamment bleus, luisaient ainsi que deux flaques d'eau marine ».



Le récit d'Anatole le Braz est également un éloge fier et amoureux de sa région, qui lui permet par la même occasion de faire connaitre les us et coutumes bretonnes du début du 20ème siècle.



« Je vais quelque fois, l'après-midi, chez des conteuses qu'on m'a signalées. Des vieilles, pour la plupart, de manières accueillantes et fines. Elles m'offrent du lait fermenté, des galettes, me font asseoir en face de l'âtre, devant un feu de bouse desséchée qui brasille dans flamme et, tout en cardant de la laine, me débitent d'une voix douce, au bruit grinçant des peignes de fer, de lamentables récits, des histoires d'intersignes, de morts étranges, de naufrages, lugubres à faire frissonner ».



La malédiction s'abattra-t-elle sur Jean et Marie-Ange ? Je vous laisse le découvrir…surtout n'hésitez pas car c'est un beau livre. Les récits d'Anatole le Braz me font un peu penser à ces ciels bretons…Des ciels pommelés, étranges et saisissants, capitonnés de petits nuages blancs, très doux, et propices tout autant au silence et à la sérénité qu'à l'émerveillement…





Commenter  J’apprécie          8645
Le Gardien du feu

« Tu reconnaîtras la jeune fille digne d'être épousée à ce qu'elle ne t'inspirera que des pensées chastes »…Proverbe Léonard.



Quand Anatole le Braz, le spécialiste de la culture bretonne, de ses contes et de ses légendes, nous concocte un drame solidement ancré dans son territoire, cela donne un thriller breton stupéfiant, une histoire de passion qui se lit d'une traite en dégustant un kouign-amann accompagnée d'une bolée de cidre ! Et sec le cidre, à l'image de la morale de ce conte maritime…



Oui, un pur ravissement ce livre d'Anatole le Braz dont j'avais lu et beaucoup aimé, l'an dernier, le beau et mystérieux « le sang de la sirène ». Là encore l'intrigue ainsi que la plume merveilleuse de l'auteur breton entraine le lecteur et le pousse irrémédiablement à poursuivre sa lecture pour connaitre le dénouement de ce drame, drame qui nait, croit et culmine subtilement, en pleine côtes bretonnes, dans un cadre mythique. Frissons et dépaysement garantis !



Le 1er mai 1876, en plein raz de Sein, dans la dangereuse mer d'Iroise, le feu de Gorlébella, plus souvent appelé le phare de la Vieille, est resté allumé toute la journée pour mystérieusement s'éteindre la nuit suivante. Une équipe vient voir ce qui se passe. Elle trouve une liasse de vieux papiers sur le banc de quart, dans la chambre de la lanterne.

Le chef gardien Goulven Dénès, avant de disparaître, a pris soin d'y consigner tout le détail des événements, confessant son drame et s'adressant par moment directement à son supérieur. Et des cadavres se trouvent certainement dans une des pièces du phare dans laquelle personne n'a pu encore pénétrer mais l'odeur nauséabonde ne laisse pas place au doute quant à ce qu'il y a à l'intérieur. Il faudra sans doute en briser la porte à coups de hache....

Où est Goulven Dénès ? Qui est enfermé dans cette salle fermée à clef ? Que s'est-il passé ? Les hommes se mettent à lire et vont alors découvrir « le drame peut-être le plus atroce dont les tragiques annales du Raz aient conservé le souvenir ».



Goulven est donc gardien de phare en cette fin du XIXème siècle. Originaire du Léon (nord Finistère) il est marié à une jeune fille de Tréguier (vers Saint Brieuc) prénommée Adèle. Un Léonard marié à une Trégorroise, sans doute cela ne vous choque pas, voire ne vous évoque rien mais il s'agit d'un mariage qui étonne, dès le départ soumis à un destin délicat, car ces deux races de bretons (si, si) sont tellement différents, presque antagonistes. Si les Léonards sont connus pour leur caractère besogneux, austère et très pieux, les Trégorrois sont réputés pour leur joie, leur insouciance et leur imagination. Les superstitions funèbres aux premiers, les légendes fabuleuses aux seconds. Et ce mariage, la mère de Goulven en avait prédit le pire…Mais le jeune homme est fou amoureux, mu par une passion dévorante pour cette belle Adèle qui semble l'ensorceler, cette belle femme aux yeux de nuances changeants, aux joues roses qu'encadre une mer de cheveux sombres d'un noir bleuâtre…Mais il faut toujours se méfier du vieux sang barbare des Léonard !



Véritable invitation à la découverte de la vie des gardiens de phare, nous découvrons avec ce livre la vie dans cette cage à hauteur de mouettes, les vues majestueuses, la simplicité et la solitude de cette vie routinière marquée par le travail de maintien en état du phare, de son feu surtout, de menues réparations et de compte rendu journaliers. Une équipe de trois gardiens assurent à tour de rôle le bon fonctionnement du phare, chaque gardien restant quinze jours en duo, enfermé, avant de pouvoir rejoindre la caserne. La vie à la pointe du Raz est particulièrement rude et les iliens, et surtout les iliennes, ces gens du Cap rustres et sauvages, voient d'un mauvais oeil ce jeune couple et cette femme plus raffinée qu'eux, qui se promène, qui brode, et, horreur, qui perd son temps à lire. Isolée, Adèle tombe dans une sombre nostalgie et pense à son Trégor natal.



« A ce moment, un de ces oiseaux de mer qu'on appelle des fous nous frôla presque de ses ailes, décrivit au-dessus de nos têtes deux ou trois cercles, puis plongea, comme une flèche, dans l'obscurité béante. Et j'eus le pressentiment très net que ce pays farouche, voué jadis à d'horribles holocaustes, nous serait fatal ».



Un poste vacant au phare et c'est un autre trégorrois, une connaissance à Adèle, qui vient s'installer dans le coin, dans la même caserne que le couple. Ce nouvel arrivant fascine et plait énormément à Goulven mais aussi aux iliens. Et Adèle semble retrouver des couleurs et son enthousiasme habituel avec l'arrivée de cet homme du même village qu'elle. Si Goulven le taciturne, quasi misanthrope, se surprend à apprécier la présence de cet homme avec lequel il devient ami, Hervé va pourtant peu à peu faire bousculer Goulven dans la folie, surtout lorsqu'il comprendra qu'il est le dindon de la farce des deux Trégorrois.

Goulven va alors préparer méthodiquement sa vengeance, tragédie fascinante renforcée par le paysage austère et semi-désertique du Raz de Sein qui semble répondre à l'état d'esprit du pauvre homme en perdition.



« C'était l'heure trouble d'entre jour et nuit. La nouvelle fenêtre ou – comme nous l'avions baptisée dans notre argot de mer – le hublot, ne versait qu'un reste de lumière lasse, et cette demi-obscurité, où planait un funèbre silence, drapait les formes rigides des objets comme d'un suaire couleur de cendre. Enfin, pour que rien ne manquât, il y avait le plafond de pierre, à cintre surbaissé, blanchi à la chaux – une véritable voûte de sépulcre, où ne faisaient plus défaut que les cadavres. Un frisson me parcourut, un de ces frissons involontaires qui font dire aux Léonards, toujours hantés par la préoccupation de l'Ankou :

- C'est le vent de sa faux qui passe ! »



Mais quelle écriture sublime, un tantinet gothique, sertie de descriptions magnifiques, mâtinée de touches fantastiques troublantes (la couleur verte quasi phosphorescente semble constamment prédire le mal à venir depuis le vieux sou vert-de-gris porte bonheur de Goulven qui, après avoir roulé sous le lit, lui d'un éclat étrange jusqu'au phare dont la couleur verte illumine les éléments et les gens d'une sombre aura…l’œil vert du diable…) me faisant penser par moment aux livres fantastiques d'un Edgar Allan Poe. Quel régal de lecture ! J'étais dans ce phare, je voyais l'horizon à 360 degrés et ressentais ce mélange de liberté et d'oppression, de grandeur et d'enfermement…Il faut dire que l'auteur, non content de raconter poétiquement sa région, a le don de développer une fine analyse des caractères de ses personnages et de maîtriser avec brio le suspense qui monte crescendo.



« L'air était tiède comme en juin. Une lumière généreuse avivait d'une splendeur presque estivale les lointains élargis. La courbe des eaux, à l'horizon, avait des teintes d'un bleu intense que rehaussait un mince linéament d'or. Autour du phare, les courants semblaient se jouer avec abandon, déroulant les mille reflets de leurs soies et de leurs satins, telles que des écharpes de fées, tissées de toutes les irisations de l'arc-en-ciel. Il n'était pas jusqu'à l'île de Sein, dans l'ouest, dont la longue échine plate et triste ne se fût comme soulevée sur la mer, pour saluer la résurrection du soleil ; ce n'était plus la terre-épave, à demi sombrée ; on eût dit que les façades blanches de ses maisons se déployaient, prêtes à prendre le vent, ainsi que des voiles. Quant au continent, il nous faisait l'effet de s'avancer vers Gorlébella comme la proue éclatante d'un navire surnaturel ».





Un récit d'ambiance qui mérite d'être lu davantage tant il me semble constituer un chef d'oeuvre de la littérature dite « régionale ». Il parait qu'un téléfilm a adapté cette histoire, moi je me fais mon cinéma, c'est un film sur grand écran que j'imagine bien, j'ai même des idées d'acteurs et d'actrices…Oui, cela pourrait être grandiose, comme l'est ce livre…



« Lorsqu'on la contemple en toute sécurité de la chambre d'un phare ou de la maisonnette blanche d'un sémaphore, comme cela, oui, je comprends la mer. Autrement, non ! Paradis des hommes, mais enfer des femmes !.... »







Commenter  J’apprécie          8339
Le Gardien du feu

Les mariages entre habitants du Léon et du Trégor, régions de Basse-Bretagne situées en bordure de la Manche, étaient naguère peu appréciés des anciens.

Ainsi, en cette seconde moitié du 19ème siècle, lorsque le pieux léonard Goulven Dénès épousa la jolie trégoroise Adèle Lézurec, l’assentiment et la bénédiction des parents du marié firent défaut.



“Tu prends femme hors de ta race ; puisses-tu n’avoir pas à t’en repentir !...” lui avait alors écrit sa mère. Les mots de cette terrible lettre reviennent à l'esprit de Goulven alors qu'il vient d'enfermer sa jeune épouse et son amant dans la pièce la plus confortable du phare de Gorlébella dont il est le gardien-chef.

Personne ne viendra sur ce minuscule îlot du raz de Sein avant quinze jours et d’ici là Adèle et Hervé se seront éteints à petit feu. Son plan machiavélique à parfaitement fonctionné, les tourtereaux sont venus de leur plein gré jusqu’à leur dernière demeure.

Insensible aux cris qui lui parviennent par intermittence, Goulven couche sur le papier sa triste histoire. Il a quelques jours devant lui pour épancher sa bile. Dans deux semaines, lorsqu’il apercevra le bateau approcher avec à son bord la relève et le ravitaillement, il montera au sommet du phare et, tel un goéland, prendra son envol...



Écrit en 1900 par le Costarmoricain Anatole Le Braz, “Le Gardien du feu” est un roman aussi sombre que passionnant.

Enchanté tant par le style poétique de l’auteur que par cette tragédie en terre capiste, je vous recommande chaudement ce récit chargé d’embruns. Sa construction est originale et la psychologie des personnages savamment distillée au fil des chapitres.



Une mini croisière jusqu’à l’île de Sein, au départ du port d’Audierne, prolongerait idéalement ce petit bonheur littéraire !

Commenter  J’apprécie          7623
Le Sang de la Sirène

En ce début de juillet, la pluie a décidé de battre tristement les carreaux.

C'est l'occasion de sauter sur le pont de la Louise, le steamer qui, trois fois par semaine, entre le feux blanc de St Mathieu et le rouge des Pierres Noires, fait le service d'Ouessant.

Et d'ouvrir "Le sang de la sirène" d'Anatole le Braz.

C'est l'occasion de saisir l'infinie tristesse qui se dégage de ce beau livre.

Il est paru en 1901, aux éditions Calmann-Levy.

Il contient trois nouvelles : "le sang de la sirène", "fille de fraudeurs" et les noces noires de Guernaham".

L'écriture splendide d'Anatole le Braz vient d'un autre temps.

Elle en retrouve les subtils parfums perdus.

Marie-Ange est une jeune ouessantine à la coiffe carrée.

Elle a épousé Jean Morvac'h, breveté pilote au service, et homardier de son état.

Mais une malédiction pèse sur cette ancienne famille issue de la douzième sirène, et qui a trahi le peuple de la mer ...

Pour en savoir plus, il vous faudra trouver quelqu'un d'autre.

Moi, je ne peux pas.

En Bretagne, il faut vivre en bons termes avec tout le monde.

Car à l'heure des phares électriques, le vieux naturalisme celtique n'est pas tout à fait encore éteint.

Ici, dans le livre, il parle par la voix d'un jeune "pastoure" qui "paissait" la vache d'un des guetteurs du sémaphore.

Il raconte de vieilles superstitions naïves en les peignant d'un cruel et dur réalisme.

C'est un véritable plaisir que de lire un style aussi beau, des descriptions aussi travaillées et évocatrices.

La littérature d'Anatole le Braz est une porte, un passage, dissimulée derrière ses mots, vers un passé à la fois imaginaire et réel.

C'est le fantasme réécrit d'un "pays", d'un peuple.

C'est le monde ordinaire qui croise la légende.

C'est la vieille croyance celte qui s'invite au coin de l'âtre.

Nous voici revenus en Bretagne septentrionale, dans l'Armor trégorrois avec "fille de fraudeurs".

Nous voici revenus aux beaux temps de la fraude maritime.

L'amour pour la fille du roi des fraudeurs s'insinue dans le coeur d'un lieutenant des douanes.

Une terrible scène annonce la tragédie.

On ne se fait pas douanier pour mener une placide existence de commis aux écritures ou de bourgeois renté ...

Il y a du Eugène Sue, du Mérimée, du Dumas même, là-dedans.

Le troisième et dernier texte, "les noces noires de Guernaham", est une histoire presque banale, un amour comme seul l'attachement à la terre peut en engendrer.

Mais elle est contée par un maître conteur des longues soirées paisibles au coin du feu.

Emmanuel Prigent est, sous taillis et sous lande, le chef de labour d'un domaine de plus de 50 journaux de terre, sous la direction de Renée-Anne, la jeune veuve qui avait épousé la brute de Constant Dagorn ...

Gageons que la pluie ne s'arrêtera qu'une fois ce beau livre refermé ...
Commenter  J’apprécie          571
Le Gardien du feu

J'ai arrêté ma lecture, peut-être pour reprendre mon souffle, moins d'une vingtaine de pages avant la fin de cet ouvrage.

J'ai pensé mieux parler de cette histoire si je n'en connaissais le fin mot...

Le 1er mai 1876, en plein raz de Sein, le feu de Gorlébella, plus souvent appelé le phare de la Vieille, est resté allumé toute la journée pour mystérieusement s'éteindre la nuit suivante.

Une liasse de vieux papiers est trouvée sur le banc de quart, dans la chambre de la lanterne.

Le chef gardien Goulven Dénès, avant de disparaître, a pris soin d'y consigner tout le détail des événements.

Et deux cadavres se trouvent certainement dans une des pièces du phare dans laquelle personne n'a pu encore pénétrer. Il faudra sans doute en briser la porte à coups de hache....

On connaissait Anatole Le Braz pour "La légende de la mort", pour "La Bretagne à travers l'Histoire" et pour ses "Vieilles histoires du pays breton".

On croyait avoir pu installer Anatole Le Braz dans un genre, le cantonner à un style.

Et puis on découvre "Le gardien du feu" et ce bon vieil Anatole, ciment de la culture bretonne, orfèvre du conte et de la veillée, devient soudainement l'inventeur du thriller breton !

Car ce récit est présenté par son auteur comme le drame le plus atroce dont les tragiques annales du raz de Sein aient conservé le souvenir.

En même temps que d'être une fine analyse de caractère, solidement ancré dans son terroir, c'est un récit d'ambiance, tendu, étonnant de modernité et de suspens maîtrisé.

C'est un ballet tragique dansé par trois personnages :

- Adèle Lezurec, la plus jolie fille deTréguier,

- Hervé Louarn, un diable d'homme qui a séduit jusqu'à la bande des marmots farouches de Plogoff,

- Goulven Dénès qui, en plus d'être le narrateur du récit, est le mari bafoué...

Commenter  J’apprécie          543
La Légende de la Mort

Encore un fabuleux cadeau que l'on m'a offert à Noël ! Qui mieux qu'un Breton peut parler de toutes ces légendes autour de la mort, l'Ankou, personnage emblématique peuplant toutes les histoires armoricaines ? Il est difficile de faire une critique sur un recueil contenant bien plus que de simples faits imaginaires. Car Anatole Le Braz comptait bien faire un travail presque exhaustif. De ce fait, on y trouve également des témoignages et des histoires vécues, fruit de quinze années de labeur. Et lorsqu'on sait que son beau-frère, qui avait été le premier à lui faire sa préface, mais aussi à avoir essayé de démonter le mécanisme de la mort, y a laissé sa vie peu de temps après, dans une longue agonie, cela fait froid dans le dos ! Malédiction ? Brrrrr !



Au-delà de ces récits, c'est toute une culture qui est mise en exergue avec brio. Et l'auteur, maître du folklore, exerce ici tout son talent. On finit par se dire que la mort devient presque une religion chez nos amis bretons.



En tous les cas, ce recueil est à lire, c'est certain ! Plongez dans l'atmosphère effrayante de ce conteur en tamisant la lumière et... fermez tout !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          512
La légende de la mort, tome 3 (BD)

Très beau récit graphique ou l’ambiance n’est pas laissée de côté. L’ensemble de l’album est dessiné en sépia, ce qui donne un effet vieilli et contribue à bien imaginer des légendes qui prennent leur source dans la nuit des temps.



Ces légendes me parlent d’autant plus que petite, originaire de Haute Bretagne, dans une région qui touchait le territoire de Basse-Bretagne, j’ai entendu des récits autour de la mort, histoires invraisemblables, de celles que l’on racontait autour du feu durant les veillées. Récits qui servaient certainement à signaler les interdits et à faire en sorte que l’on n’enfreigne pas les règles de conduite dictées tant par l’Eglise que par le savoir populaire.



Ce livre, tome 3 d’une série qui reprend les légendes de la mort d’Anatole Le Braz, comporte trois légendes narrées sous forme de cartouche et ne faisant que très peu parler les personnages.



La première histoire, parfois ambiguë, raconte le retour de la défunte Marie-Jeanne, morte en couches et qui vient perturber les nuit de Per, son époux Ce dernier demande l’aide du prêtre qui semble-t-il, par quelque pratique d’exorcisme, prend le dessus sur l’esprit malfaisant qu’est devenu cette âme errante.



La deuxième légende raconte les agissement d’âmes qui attendent leur départ pour l’au-delà.



La troisième prévient contre tout sacrilège puisqu’il y est question d’un marin venu mourir sur les côtes du Trégor, et que l’on enterre dans le sable en prenant soin de l’inhumer avec l’anneau d’or qu’il porte au doigt.



Fascinante Bretagne et son cortège de légendes, de magie et d’intersignes. Légendes que j’aime pour l’effet qu’elles produisent et l’ambiance qu’elle créent, et les sentiments qu’elles génèrent : surprise teintée de peur voire d’angoisse, on en redemande.



Bravo à l’illustrateur pour ces magnifiques planches.
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
Commenter  J’apprécie          480
Contes populaires et légendes fantastiques

Une âme, sous la forme d'un rat qui boite, tout comme son oncle mourant boitait, conduit son neveu jusqu'à la tombe cachée de sa tante qu'il a assassinée et jusqu'à l’appartement de sa maîtresse.

Le chariot de la mort tiré par deux chevaux blancs menés par l'Ankou.

Un farfadet qui se brule les fesses.

Une miche de pain qui se transforme en tête de mort.

un chien qui étincelle quand on le caresse.

Un naufragé mort dont la main sort de terre pour réclamer la bague qu'on lui a volée.



Tels sont les thèmes de quelques un de ces contes rassemblés dans un élégant volume des années 70 que je n’avais pas encore lu.

Imaginez donc les toiles d’araignée qui recouvrent ma Pile à lire



J’ai finalement trouvé l’objet livre et la langue de l’époque beaucoup plus intéressants que les histoires elles-mêmes, peut-être destinées à un publique plus adolescent.



La morale de cette lecture d’interlude est que quand on sort la nuit, il vaut mieux avoir sur soi une gourde remplie d'eau bénite.



Commenter  J’apprécie          462
La Légende de la Mort

La Bretagne, on le sait, est une terre de légendes.

Les korrigans, l'Ankou, Brocéliande, les pêcheurs et paysans plus filous que le Diable, etc....

C'est bien d'avoir un riche patrimoine culturel, c'est encore mieux d'avoir des auteurs/folkloristes à la hauteur, pour le valoriser.

Anatole le Braz (1859-1926) fut de ceux qui firent oeuvre de chercheur patient et opiniâtre, compilant les légendes de la tradition orale bretonne.

Dans "légendes de la mort", Le Braz, avait rassemblé, nombre de croyances autour du "grand-voyage".

Et de citer ses sources : le Bras, aubergiste, Quéméven, le sacristain de la Belle Eglise, Françoise Thomas, dite Ann hini Rouz (le rousse), etc...

Les auvergnats ont Henri Pourrat, les bretons peuvent être contents d'avoir Anatole le Braz.

Pour ce qu'il est de l'édition ici présentée, il s'agit de celle éditée par "Au bord des continents" (quel beau nom !), illustrée joliment par Xavier Husson.

Du tout beau donc !
Commenter  J’apprécie          411
Contes du soleil et de la brume

"Les contes du soleil et de la brume" ne sont pas de simples anecdotes, de courtes historiettes comme on en trouve, trop souvent, dans nombre de recueils de légendes.

Ce serait réduire l'oeuvre d'Anatole Le Braz de la considérer comme "folkloriste".

L'auteur de ce livre fait oeuvre de la littérature la plus fine, la plus élégante qui soit.

Et le costume d'écrivain régionaliste lui semble bien étriqué.

Fils d'une race superstitieuse, peut-être superstitieux lui-même, c'est le Parnasse de la Bretagne.

Il parcourt le "Pays" et, la transcrivant de sa magnifique plume, recueille la voix de ses enfants.

Ce recueil est articulé autour de trois grandes parties dont les titres sont évocateurs : "Paysages de légende", "Nuits d'apparitions" et "Equipées de printemps".

C'est, à Kernitron de Lanmeur, un soir d'août, par la voix de la vieille Jacquette Craz, filandière de son métier qu'Anatole Le Braz nous fait découvrir l'histoire de la reine Tryphine ...

Le deuxième interlocuteur est un marin paysan, Job Kervégan.

Il vient prendre l'écrivain, à la gare d'Audierne, avec sa carriole, par un petit matin gris de la Toussaint et lui conte l'histoire de ces marins de Laoual, étant une nuit à pêcher le congre, qui remontèrent dans leurs filets la croix de pierre du calvaire de Penn-an-Néac'h.

N'avez-vous jamais entendu dire que la baie des trépassés fut, aux temps anciens, la grande rue de Ker-Is ? ...

Les "Contes du soleil et de la brume" est un ouvrage passionnant, foisonnant de rencontres dont la plus étonnante est sûrement celle avec le propre fils de Yann-he-Grok qui, ayant eu enfant le poignet droit coupé par le sabre d'un gabelou, devint l'esprit même de la contrebande bretonne ...

Anatole Le Braz nous offre des descriptions belles à couper le souffle.

Le récit vient parfois de la nuit des temps, souvent de la vie quotidienne.

Empreint, comme l'âme bretonne de merveiIleux, de religieux et de fantastique, il est toujours rehaussé par l'accent du conteur et par la plume de l'écrivain.

Ce vénérable volume, paru en 1922 aux éditions de la librairie Delagrave à Paris, enserre, dans chacune de ses pages, au détour de chacune de ses lignes, tout l'imaginaire du peuple breton.

Anatole Le Braz, de son propre aveu, est le dernier songeur que hante encore le spectre mélancolique du passé ...

Ce livre est magnifique, précieux et indispensable.













Commenter  J’apprécie          400
Récits de passants

Si, en Provence, Noël revêt une grâce heureuse et comme ensoleillée, en Bretagne, où même la joie a souvent quelque chose de grave, la nuit de Noêl est, depuis toujours, empreinte d'une mysticité délicieuse.

Il suffit, pour s'en convaincre, de découvrir ces quelques "Récits de passants".

Ils ont été rédigés, en 1933, par Anatole le Braz.

Ils ont été composés, à l'usage du peuple armoricain, par des poètes incultes mais pieux.

Ils ont été, au fil du temps, colportés, de bourg en bourg, tout au long des veillées, par les chanteurs de "Nédélec".

"Nédélec", c'est la fête de Noël.

C'est la fête de Noël, pour les âmes défuntes, comme pour les vivants.

Faisons alors bon accueil au barde qui a pour fonction de perpétuer les vieux chants, les belles histoires, les "Récits de passants".

Anatole le Braz reprend ici l'ancien chemin taillé dans la vieille Bretagne à travers ses croyances, ses mystères et ses superstitions.

Il fait revivre les temps oubliés ...

- Nédélec

- Noël de chouans

- La Noël de Jean Rumengol

- A bord de la "Jeanne-Augustine"

- La chouette

- le puits de saint-Kadô

- le forgeron de Plouzélambre

- En Alger d'Afrique

- Les deux amis

Ces neufs textes sont tissés de religion, de superstition, de merveilleux et de fantastique.

Le premier se fait le témoin privilégié de la Nativité et raconte la naissance du Dieu fait Homme, du chant qui l'a accompagnée et du premier miracle de l'enfant Jésus.

Nédélec !

On dit que certains bretons, autrefois, n'étaient pas éloignés de croire que le Christ n'était venu spécialement que pour eux.

Aussi, les poèmes de la Nativité, en passant leurs lèvres, se sont-ils recouverts d'une forte teinte celtique.

Anatole le Braz, de sa plume élégante, les a recueillis, en autant de "Récits de passants" qui vont à tout jamais se nicher d'eux-mêmes dans les mémoires ...
Commenter  J’apprécie          380
La Légende de la Mort

Rien n’aurai pu différencier cette fin de journée d’une autre. Les nuages assombrissaient un peu plus vite cette soirée qui débutait. De ces instants propices à la rêverie. c’est probablement la conjonction de ces conditions extérieures et mon introspection qui ne m’ont pas fait remarquer celui qui attendait - supposément - le même bus que moi... Je n’avais pas non plus remarqué que les néons de l’arrêt de bus avaient baissé. Comme si cela pouvait tout expliquer.

Sa grande main a fouillé dans son long manteau. Il a posé un livre près de lui sur le banc. Un livre épais, aussi noir que le reste de sa mise.

" Ce livre devrait vous plaire " m’a-t-il dit. Mon corps et mon esprit n’étant pas totalement en adéquation à cet instant, je n’avais pas vraiment saisi son propos.

" Vous devriez le lire. ". Il le désignait de son menton. J’avais l’étrange sensation qu’il allait quoi qu’il advienne le laisser là. Posé sur sa couverture, je n’en voyait pas le titre. Je me suis approché et je l’ai saisi. Il était froid comme si on l’avait longtemps remisé dans un endroit glacé. Je l’ai retourné, pour lire le titre : " La Légende de la Mort ". Je le feuilletais, les pages raides craquaient comme les feuilles d’automne : " Celui qui porta la peste sur ses épaules ", " les cinq trépassés de la baie ", " Les marchand de Ker-Ys "… Histoires bretonnes... Je levais la tête pour remercier mon bienfaiteur...

… Il n’était plus là... J’ai resserré le col de ma veste... Et dire que je ne suis pas frileux...



Terres de Bretagne, terres de légendes, de sortilèges et de damnation. A Tréguier, saviez-vous que vous pouvez en appeler à la mort de quelqu’un en allant le " vouer "à Saint Yves-de-la-Vérité ? A vos risques et périls car si le motif n’est pas juste, c’est vous qui trépasserez dans l’année... Saviez-vous qu’on ne balaye, ni n’époussette la maison d’un mort tant que son corps ne repose en terre ? Vous pourriez en chasser son âme... Écoutez l’extraordinaire histoire de Jean Carré qui épousât une Princesse anglaise capturée par des pirates,esclavagistes, repris la mer, fut considéré comme mort et revint chez lui sur le dos d’un homme dont il avait enterré chrétiennement le cadavre...

Recueil de contes et légendes bretonnes sur l’Ankou, l’Anaon, les intersignes, on peut reprocher à ce livre d’être un peu énumératif sans réelle tenue d’ensemble. Bien mieux qu’un CD de Nolwenn Leroy, l’homme du Midi que je suis s’incline bas devant les conteurs du Massif Armoricain.



Samain m’a mis ce livre entre les mains. En des temps propices à entendre des histoires de la Camarde. Quoi ? Vous ne croyiez pas que je sois entré en possession de ce livre comme je vous le raconte ? Et bien, si j’ai menti que je meure à l’instant... Que j’aille aux Enfer ou au Paradis, il y a 99 auberges sur le bord du chemin qui y mène...
Commenter  J’apprécie          340
La Bretagne

La péninsule bretonne, sur une carte, se présente un peu comme un énorme mufle de bête qui, tendu vers de lointains atlantiques, prétend affronter deux mers.

Au sud et à l'ouest, se rompent les courtes houles du vaste l'océan.

Au nord, derrière la Manche, qui fut longtemps appelée "mare britannicum", se profile la rude Normandie ...

C'est Anatole le Braz, la voix éternelle bretonne, qui a réalisé, en 1928, cette superbe anthologie illustrée.

Il signe l'étude qui ouvre l'ouvrage et précède les textes choisis.

A notre époque où la culture bretonne a trop tendance à se perdre et à se diluer dans son tourisme, la lecture de ce bel album est un véritable plaisir retrouvé.

Car l'ouvrage dédaigne tout folklore et artifice du même acabit.

D'abord, il paraît gris comme peut l'être l'hiver à Quintin et à Brest.

Mais Anatole le Braz entend y creuser un sillon assez profond pour y retrouver la plus authentique des cultures.

Car la leçon du professeur est faite d'Histoire, de géographie, de littérature, de poésie, d'art, de légendes et de chansons.

Comme Henri Prentout, avait, dans la même collection, réalisé, quelques années auparavant, un bel hommage à la Normandie, Anatole le Braz s'attache ici à dégager la variété et l'originalité du paysage breton.

L'anthologie est riche et passionnante.

De nombreux auteurs y ont été invités.

Certains sont illustres - Chateaubriand, José-Maria de Hérédia, Michelet, Pierre Loti, Flaubert, Jules César, Anatole le Braz lui-même et quelques autres ...

D'autres sont moins connus mais tout aussi remarquables.

L'ouvrage est illustré de 147 photos, gravures, dessins et reproductions plus grisonnantes que faites de noir et blanc.

On y entrevoit l'âme du "vieux pays".

Et Si le grand âge de ce livre a réussi à rendre ses coutures douloureuses, il n'est pas parvenu à flêtrir son contenu.

Le livre est précieux.

Il est un beau cadeau fait à sa région ...



Commenter  J’apprécie          331
Le Gardien du feu

La Bretagne, la mer et les traditions à la fin du XIXème. Les costumes, la religion, l'humilité et les embruns.

Goulven, le personnage principal, est gardien de phare sur un îlot entre Sein et la Pointe du Raz, il concentre tout ce qui faisait la Bretagne de l'armor il n'y a pas si longtemps.



Mais nous sommes loin de la Bretagne de carte postale car c'est une histoire tragique qui nous est servie par une plume des plus sensibles.



L'environnement culturel ne se traduit pas toujours par des fêtes. Les traditions, qui orientent toute la vie des habitants de ce bout du monde, deviennent parfois oppressantes.

Ce ne sont pourtant pas la mer, les vents, les tempêtes et les âmes des défunts de la baie des Trépassés qui vont perturber outre mesure le solide Goulven, gardien de phare par défaut, après avoir failli dans ses études au séminaire.

Non, ce qui le tracasse c'est la belle Adèle qu'il a rencontré dans le Trégor (du côté de Tréguier où l'on prie Saint Yves). Lui, du pays du Léon, a "enfreint la règle" qui veut que l'on n'aille pas chercher une fille dans le clocher d'à côté. Sa mère le boude pour cela.



Bien que la coiffe du Trégor sied à merveille à son visage angélique, la belle Adèle lui cause bien du souci car elle s'ennuie loin de chez ses parents (à trois journées de charrette) à broder et à subir les regards hostiles de sa voisine pas commode originaire de l'Ile de Sein.



Depuis qu'elle a suivi son mari sur la pointe du raz- chez les Capistes!- leur couple se fissure peu à peu pour les multiples raisons que vous découvrirez .



Ecrit sous la forme d'un compte-rendu, d'un gardien de phare à son supérieur, le récit se transforme en journal passionnel.



Les illustrations de Mathurin Méheut sont peut-être un plus pour un récit qui n'en avait pas besoin.



Car Anatole Le Braz se montre à la pointe (du Raz).

Commenter  J’apprécie          327
Le Sang de la Sirène

Besoin impérieux de vacances ?

Plongez-vous sans résistance dans ce petit roman aux relents salés d'océan, aux paysages sauvages à couper le souffle, aux îliens si attachants et terriblement ancrés sur leur morceau de terre d'Ouessant-du-bout-du-monde.



Anatole Le Braz, avec son langage d'un autre temps, m'a séduite instantanément. Il m'a invitée à fermer les yeux (Euh... pas tout à fait : j'étais au volant de ma voiture à longer le Lac Léman à l'écoute de ce roman lu et relié à moi par la voix enchanteresse d'une Gaëlle dont je ne sais rien de plus).

Les mots chantant du début du 20ème siècle, les tournures de phrases, l'amour d'Anatole Le Braz pour la poésie et son appartenance à cette Bretagne que j'aime tant m'ont transportée et enchantée tout au long du voyage.

C'est que j'aime les contes et leurs êtres fantastiques. Parlez-moi des Morganes, des Sirènes et du Roi de la mer... Parlez-moi de rumeurs, de sorts et de secrets... Parlez-moi du fond des mers, de forêts sacrées ou de calvaires hantés... Et je plonge, je gravis, je sonde sans réticence et sans peur ces mondes merveilleux pour retrouver, l'espace d'une lecture, mon petit coin d'enfance ravi de s'émerveiller devant des possibles sans limites.



La Bretagne me verra à nouveau boire à sa source et sillonner ses terres l'été prochain. Eusa m'appellera certainement pour une nouvelle rencontre.

J'ouvrirai grand mes oreilles pour entendre le chant des sirènes dans le Fromveur. Je suis si impatiente !



Commenter  J’apprécie          315
Le Gardien du feu

Pour moi qui suis une amoureuse de la Bretagne, les récits d'Anatole le Braz sont toujours comme une immersion en terre celtique depuis mon fauteuil.



C'est une histoire entre mer et terre.

Une histoire bretonne, de cette région où la terre prend fin à la pointe du Raz, où les roches se font coupantes et l'herbe rare. Ce décor âpre et dur est à l'image des âmes qui errent sur cette lande désertique… Au loin d'un petit hameau qui accueille les familles des gardiens se dresse la haute silhouette d'un phare, celui de Gorlebella, « dans une solitude éternelle, au milieu d'une mer farouche agitée d'incessants remous et dont les sourires même, les jours de calme, ont quelque chose d'énigmatique et d'inquiétant. » Dans ce tableau isolé et venteux va se jouer l'histoire la plus vielle du monde entre une femme trop jolie et deux hommes que tout oppose.



On retrouve dans ce récit d'Anatole le Braz les thèmes chers à l'auteur breton : les passions de l'âme et, bien sûr, la Bretagne et ses multiples facettes. L'histoire tragique du gardien chef Goulven Dénès et de sa femme Adèle illustre toute la folie des hommes lorsque la passion l'emporte sur la raison, avec des personnages bien campés psychologiquement. A travers eux, on découvre également le portrait d'une Bretagne bigarrée où chaque « pays » s'oppose à son voisin. Basse et Haute Bretagne ne sont pas les mêmes, ses gens n'ont pas les mêmes us et coutumes et encore moins les mêmes caractères. Quant aux îles comme celle de Sein, on aborde pour les continentaux une terre sauvage et inhospitalière… La Bretagne n'est pas une mais multiple. Enfin, qui dit Bretagne dit légende. Avec tout son talent de conteur attaché au folklore et aux mythes, Anatole le Braz nous offre un récit aux allures parfois de fantastique où la superstition côtoie la religion et où l'Ankou n'est jamais bien loin, quitte à l'imaginer sous les traits de la funeste îlienne enveloppée dans sa cape noire et aux révélations fatales.



« Le gardien du feu » annonce dès le début la tragédie et c'est avec quelques frissons et une tension croissante que le lecteur plonge avec délice dans ce récit typique des contes bretons où la Bretagne d'autrefois, malgré ses airs menaçants, n'a jamais parue aussi belle et mystérieuse.



En plus de cette atmosphère "régionale", « Le gardien du feu » est un formidable témoignage sur le quotidien des gardiens de phare. Auprès du personnage de Goulven, nous suivons le quotidien de ces hommes qui vivaient entre terre et mer, isolés longtemps de leur famille et aux journées parfois éprouvantes. Pour les amateurs de Bretagne, sachez que le phare de Gorlebella d'Anatole le Braz est le phare de la Vieille, situé dans le raz de Sein, entre l'île du même nom et la pointe du Raz. Si vous vous y rendez après la lecture de ce récit, vous ne verrez plus le phare et la pointe de la même façon...
Commenter  J’apprécie          315
Les Noces noires de Guernaham

Les Noces Noires de Guernaham m'a beaucoup plu autant pour la belle écriture d’Anatole Le Braz que pour la belle histoire de Renée-Anne et Emmanuel.

En effet, contrairement à ce que pourraient laisser croire la couverture et le titre, il ne s'agit pas du tout d'un drame ou d'un récit où intervient le surnaturel : Les Noces Noires de Guernaham, c’est avant tout une belle histoire d'amour, très romantique, tout en retenue et en pudeur.

De sa plume d’une élégante simplicité, Anatole Le Braz nous offre une belle image de la Bretagne rurale de la fin du 19ème siècle, toute en contrastes, avec ses us et coutumes et aussi ses réalités parfois abruptes.

Commenter  J’apprécie          290
La Légende de la Mort

"N'ouzer nag an eur, nag an amzer", on ne connaît ni l'heure ni le moment.

Mais, grâce à l'immense travail de collectage des histoires sur la mort en Basse Bretagne d'Anatole le Braz à la fin du XIX ème siècle, celle qui effraie devient chouette à lire.



Cet ouvrage a été composé à partir de textes extraits du livre d'Anatole le Braz. Cela fait quand même 336 pages avec les illustrations de Xavier Hussön.

L'aspect comique de certains dessins ne collent pas du tout avec l'ambiance des textes. Cela les parasite même un peu.



La place de la langue bretonne est indissociable des légendes présentées. Les textes sont bien en français mais, avec quelques mots en breton. Un apport indéniable.



La personnalisation de la mort: l'Ankou. En réalité l'ouvrier de la mort qui, avec sa faux, dont le tranchant est à l'inverse de l'usage habituel qu'en ont fait des moissonneurs, fait le mouvement de lancer pour cueillir les mourants.



Et les bondieuseries. Impossible d'y échapper: deux hosties dans le ciboire, une messe pour chaque défunt et l'affaire est entendue. Cependant, des paysans malicieux relatent aussi que des membres du clergé sont pris en faute. L'intention de beaucoup de ces contes collectés à la fin du XIX ème siècle est tout de même assez claire: faire du prosélytisme.



Mais les pépites sont nombreuses. On aura notamment des frissons avec l'Agrippa: le livre aux pages rouges dont les caractères noirs ont été tracés par l'ange déchu. Ou avec l'Anaon, le peuple immense des âmes en peine. de quoi inspirer la création d'oeuvres d'épouvante.



L'épouvante. Oui, il faut croire que l'on aimait bien se faire peur à l'époque, au coin du feu. Le diable, le personnage idéal, est parfois tourné en ridicule pour exorciser cette peur.



C'est finalement un ensemble de superstitions de Bretagne mais, à portée universelle.

On saura lire les signes pour prévoir le décès de quelqu'un ou l'on saura se prémunir de la mort dans l'année en achetant les cendres du feu de la Saint Jean sur le marché. Un indispensable donc.
Commenter  J’apprécie          291
La Légende de la Mort

Né en 1859, enseignant, puis universitaire à l’université de Rennes, Anatole Le Braz s’est livré là, à la fin du XIXème siècle, à une magnifique collecte. Qu’on en juge : prés de 125 légendes, contes, anecdotes ou coutumes sur le thème de la mort. Joliment écrits, sans fioritures, mais dans une belle langue légèrement archaïsante, ce livre est passionnant. « Intersignes » (ceux qui vous avertissent que vous allez mourir, rencontres surnaturelles, comme la charrette de l’Ankou (personnification de la mort), anges gardiens, enfants baptisés en urgence et fantômes à gogo (noter qu’il n’y a pas de vampires). Tous reviennent, en cette terre bretonne, puisqu’on assigne au mort de faire sa pénitence sur les lieux où il a vécu. Ils reviennent surtout à l’heure dangereuse, entre minuit et l’aube, et s’y entendent pour envoyer des lueurs que se font passer pour l’aube à l’usage de ceux qu’ils veulent perdre, à moins qu’ils ne fassent chanter, pour les égarer, le coq noir, le coq blanc et le coq rouge. L’étonnant est que prés de la moitié de ces historiettes sont données pour authentiques, contées par leur narrateur comme leur étant personnellement arrivées.

Le recueil se divise en nombreuses partie, « Avant la mort », « Après la mort », « Le départ de l’âme », « L’enterrement », « Les noyés », etc. Mon préféré est « L’Agrippa » (sans doute déformation de « nécromancie » !), un livre à usage ecclésiastique qui permet aux prêtres de convoquer les démons et les morts, redoutable quand il vient se loger chez des particulier, et alors capable de toutes les horreurs.

On retrouve les peurs ancestrales de cette rude Bretagne des calvaires, où la mort est plus présente qu’ailleurs à cause de l’appel de la mer, on découvre ce qu’on a aujourd’hui oublié, ces hommes vigoureux et travailleurs, ces belles filles rieuses qui s’alitent un jour et meurent dans le mois, cette misère des pauvres gens et leur confiance dans le recteur, le prêtre, qui lui, sait et parvient parfois à lever le sortilège.

Par son travail, Anatole Le Braz a préservé tout un folklore celte, un univers de peurs superstitieuses et de résignation où l’imaginaire populaire finit par être porteur de poésie.

Commenter  J’apprécie          265
Vieilles Histoires du Pays Breton

Paru en 1931, ce vénérable recueil contient cinq "vieilles histoires du pays breton".

Elles sont tout simplement passionnantes. Aucune ne fait honte à l'ensemble.

Anatole Le Braz s'y révèle comme un fabuleux conteur.



"La Charlézenn" s'appelait de son vrai nom Marguerite Charlès. C'était une singulière fille, d'une beauté étrange.

On dit que c'est pour ne pas avoir pu la marier que Cloarec Rozmar, un jeune clerc de Plouzélambre, s'est, un matin, pendu à la branche d'un pommier.

Chassée de sa vieille hutte de sabotiers par la vieille Nann qui l'avait élevée, Marguerite fût recueillie par les frères Rannou, trois mauvais sujets vivant, sans métier déterminé, en dehors de la loi commune.

Par amour pour eux, elle va se précipiter elle-même dans l’abime de son destin tragique....



Charles-Louis François Duparc, seigneur de Locmaria, marquis de Guerrande, était l'un des plus grands seigneurs que la cour du grand Roi ait connu en ses temps de gloire.

La marquise était belle comme une fée mais il courait sur elle des bruits étranges. Un domestique du château, entre deux vins, avait laissé entendre, un soir, qu'elle était de race vagabonde, une égyptienne peut-être, une fille de réprouvés errants.

Le seigneur de Guerrande l'avait vue et l'avait aussitôt aimée follement.

Un soir de novembre, la marquise, seule, trouva refuge au château de Plégat où le marquis ne faisait que de brefs et rares séjours.....



En 1793, Dom Karis, ci-devant recteur du pays de Ploubezre, est devenu un réprouvé car il a refusé de prêter serment à la nouvelle république.

Du souvenir de son destin tragique, il reste ce récit et une croix de pierre sur le bord de la grande route qui mène de Lannion à Plouaret....



"La légende de Margéot" est l'histoire du fameux bandit et contrebandier qui de la gentilhommière de Kercabin lançait ses bandes à l'assaut des richesses, des filles à séduire et des gabelous.

Chacun vous le dira, certains soirs, résonne encore, dans la contrée, le bruit du fameux cheval de Margéot.....



Matic Corniguellou, de la paroisse des Penhars, est si vieille qu'elle ne sait plus son âge. Son rouet a filé plus de linceuls que de draps nuptiaux.

Mais elle se souvient de ce 15 décembre où son pauvre mari rendit à Dieu son âme de brave homme et de cette hache qui fit son malheur.....



Délaissant le merveilleux le temps de quelques bonnes, "vieilles histoires du pays breton", Anatole Le Braz fait le récit, à la manière d'un Jean de la Varende, de cinq destins tragiques.

L'art du conteur nous emporte et fait merveille. Ce sont là histoires de l'ancien temps et du vieux pays. C'est là véritable littérature et oeuvre d'écrivain.

Ce recueil est aussi contenu dans l'anthologie ventrue "Magie de la Bretagne" publiée dans la collection "Bouquins" aux éditions Robert Laffont, mais il y est étouffé par la richesse même du contenu de l'ouvrage.

Ces "vieilles histoires du pays breton", isolées dans cet ancien recueil, prennent une toute autre résonance.

Elles sonnent comme de beaux et forts souvenirs.
Commenter  J’apprécie          243




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Anatole Le Braz (835)Voir plus

Quiz Voir plus

En attendant Bojangles

Qui a écrit la chanson Mr Bojangles ?

Whitney Houston
Nina Simone
Amy Winehouse
Edith Piaf

12 questions
582 lecteurs ont répondu
Thème : En attendant Bojangles de Olivier BourdeautCréer un quiz sur cet auteur

{* *}