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Critiques de Anne Hébert (121)
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Les fous de Bassan

Lecture quelque peu déroutante et étrange, surtout la première moitié, mais envoûtante... les pages se tournent toutes seules, rythmées par plusieurs voix. Hébert nous amène dans les non-dits, la folie et les secrets d'un village du Québec riverain où deux cousines sont mystérieusement disparues. Des policiers venus de Québec débarquent au village pour élucider le mystère qui plane autour de cette disparition. Ils se rendent compte, de même que le lecteur, combien une atmosphère mystérieuse plane dans les familles concernées. Hébert signe avec sa plume magnifique une grande oeuvre. On sent le vent du large, on entend les vagues qui déferlent, ça embaume l'air salin. Des images très fortes sont provoquées par la plume fluide et majestueuse d'Hébert. A lire, pour peu qu'on s'intéresse à la littérature québécoise.
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Kamouraska

Une descente hallucinée dans la conscience d’une femme torturée par l’amour et le ressentiment. Madame d’Aulnières, au chevet de son second époux agonisant, se remémore son passé. La vie dans son village, son premier mariage avec un homme antipathique, grossier et violent, sa rencontre avec l’homme qui deviendra son amant, la catastrophe, la chute, le cauchemar.

Malgré une trame qui peut sembler assez classique, Anne Hébert a su construire un récit dont la forme est surprenante. Le lecteur est appelé à reconstituer les lambeaux d’une narration fiévreuse, offerte par bribes, à travers la confusion profonde du personnage. Le son de la pluie ou d’un attelage de chevaux, la vue d’une silhouette dans l’ombre, la présence latente de la mort autour d’elle, tout et n’importe quoi sert de déclencheur pour ramener cette femme tourmentée dans le tumulte de son histoire avortée.

L’écriture est incisive, l’émotion passe de la tendresse à la colère, de la passion à la froideur la plus noire. Bien que l’histoire racontée se déroule en 1839, Kamouraska n’est pas un roman historique. Il s’agit plutôt d’un contexte servant le propos et lui donnant sa couleur particulière. Le drame qui s’y cache demeure, somme toute, intemporel.

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Aurélien, Clara, Mademoiselle et le lieutenan..

C'est Clara l'héroïne de ce conte. Clara est une petite fille d'une dizaine d'années qui voit constamment son monde vaciller. Sa mère décède quand elle naît. Son père, Aurélien, s'occupe de ses cultures, Clara depuis toute petite est là où il se trouve : au bout du champ, sous les arbres en compagnie des oiseaux.

Mademoiselle est l'institutrice qui, à force de persuasion, arrivera à convaincre Aurélien pour que Clara aille à l'école afin qu'elle sache lire et écrire. Mademoiselle lui apprendra tout, même à jouer de la flûte … avant de partir vers d'autres cieux.

Quant au lieutenant anglais, c'est une autre histoire … une histoire d'amour … mais chuuuuuuut.

Un livre vraiment très très court, quatre-vingts pages, qu'on lit d'une traite, à peine une petite heure de lecture. Mais bon sang que le récit est riche, c'est un véritable concentré de situations, d'émotions. Un langage très riche, très poétique. Des descriptions de personnages plus vrai que nature en fond un récit bouleversant.

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L'enfant chargé de songes

leonce 28 mai 2018

Anne Hébert termine l'écriture de ce roman L'Enfant chargé de songes à Paris, en mai 1991. le 6 septembre elle écrit à son ami Pierre: " Si je ne t'ai pas écrit plus tôt c'est simplement que j'ai beaucoup travaillé mon roman. La fin ne me satisfaisait pas du tout, ni mes éditeurs non plus, d'ailleurs . Il me fallait donc refaire cette fin . Après un bon mois de tâtonnement je crois que je suis enfin sur la bonne voie. Mais il faut tout revoir depuis le début. " ( Album Anne Hébert, p. 129 ) .

Cet extrait de sa lettre explique la structure de ce roman où l'on navigue entre l'imaginaire et la réalité, entre Paris et Duchesnay . 4 personnages principaux:

la mère Pauline, ses deux enfants, Julien et Hélène et cette étrangère, Lizzy.

On y retrouve le style sobre et dépouillé de l'auteur, et plusieurs de ses thèmes préférés : l'adolescence, le cheval, la proximité de l'eau destructrice,

Certaines pages sont laissées presque blanches, avec un ou deux courts paragraphes, ce qui nous permet de respirer en suivant l'évolution de ces deux adolescents . C'est écrit avec simplicité et sobriété. On pense au Torrent et aux Fous de Bassan. J'ai relu deux fois pour ne pas me perdre. Mais j'ai bien aimé.
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Les fous de Bassan

Quel étrange roman, à la fois original dans sa construction, déroutant mais tellement bien écrit.

Une histoire qui se tisse de par les différents personnages laissant des brides d'indice, bien que très vite, on se fait déjà son propre film.

D'un fait grave, l'auteur aurait pu faire un roman noir, classique, mais là, elle nous offre un roman choral, très surprenant, dans un climat de tempête, de vent, des forces de la mer, de la rage des éléments qui ont sans doute rendu fou le meurtrier.

C'est à la fois très beau dans le style et l'originalité, et à la fois très violent, noir et puissant dans les faits.

je dois dire que le début m'a semblé quelque peu étrange mais au fur et à mesure de ma lecture j'ai pu deviner le chemin que l'auteur nous dessine. Et là, j'ai hâte d'y courir au plus vite pour arriver au bout.

Un roman qui marque et qui restera une référence dans le genre.

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Les fous de Bassan

"Stevens debout, inondé de lumière, l'ombre noire de son chapeau sur ses yeux, vient de faire son apparition dans l'encadrement de la porte. À partir de là tout va aller très vite à Griffin Creek. Mon oncle Nicolas, ma tante Irène, Stevens, Perceval, Olivia et moi serons tous emportés par le mouvement de notre propre sang, lâchés dans la campagne, au grand galop de la vie et de la mort."



En 1982, le grand galop de la vie et de la mort a desséché les façades de bois des maisons de Griffin Creek, dont la plupart sont à l'abandon.

Griffin Creek, entre Cap Sec et Cap Sauvagine, où s'étaient installées quatre familles fuyant la révolution américaine, deux siècles plus tôt.

Leurs descendants sont tous cousins, recroquevillés sur leur vie réglée par les contraintes et la peur d'un Dieu tout-puissant dont le pasteur Nicolas Brown tonne les lois du haut de sa chaire.



Il est vieux et seul, hormis les deux jumelles qui s'occupent de sa maison depuis qu'elles ont douze ans. Leur présence légère ne suffit pas à empêcher les souvenirs de l'été 1936 de venir le hanter.



Après lui, quatre personnages prendront successivement la parole, pour raconter ces trois mois d'été précédant la disparition de Nora Atkins et Olivia Atkins, le 31 août 1936, et après aussi.



Anne Hébert sait distiller le malaise goutte à goutte, entre les hommes jeune et vieux qui perdent la tête devant les jeunes filles et celles-ci qui ne semblent pas vraiment comprendre qu'elles sont en danger, ou aimeraient peut-être en jouer, ou les deux.



Elles n'ont de toute façon que le droit d'obéir, et celui de rêver au prince charmant, de se marier et de faire des enfants avec la bénédiction de leurs familles.

En attendant, elles sont surveillées par leurs pères et leurs frères, et Anne Hébert fait bien sentir le poids de ces regards les épiant sans cesse.



C'est d'une belle plume que la romancière québecoise accompagne ses narrateurs, adaptant son style à chacun d'entre eux et nous permettant par là même de ressentir ce qui les agite.

Elle laisse parfois traîner quelque indice, mais la culpabilité de la disparition de Nora et d'Olivia pèse autant sur tout Griffin Creek que sur l'un ou l'autre de ses habitants, jusqu'aux dernières lignes.



J'ai eu un peu de mal à rentrer dans cet ouvrage, longtemps après une première lecture qui m'avait enthousiasmée, à l'époque de sa publication.

Puis je me suis intéressée davantage à ces quelques maisons fouettées par les vents et à leurs habitants, fermés au monde extérieur, emmêlés dans leurs liens familiaux inextricables, bercés, encerclés, malmenés par les éléments.



Et après un bon tiers du livre, j'ai vraiment été emportée par la poésie étrange qui s'en dégage, comme par l'envie de savoir pourquoi-comment, et qui aussi, jusqu'au bout de cette histoire terrible.

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Kamouraska

La passion, voilà le mot de ce livre, celle que l'on dit destructrice, irraisonnée, indomptable.



Une femme veille son second mari dans ses derniers instants. La fatigue lui fait baisser les barrières qu'elle a édifiées face à son passé, et les souvenirs reviennent, affluent...

Un mariage très jeune, avec un homme peu sérieux , peu aimant, la vie de couple au bon vouloir de l'époux volage et brutal. La rencontre d'un autre homme, la découverte de sentiments plus doux mais également plus exaltants, impétueux. Et l'envie de ne vivre que pour cet homme, celui qui prend soin d'elle, le seul pour qui elle existe réellement. Un complot pour faire disparaître le mari violent et peu aimant...



Que reste-t-il de cette femme délaissée, adulée et écoutée pour ce que son projet a de réalisable. Et qui est réellement celui qui la quitte , en quittant la vie, alors qu'elle le veille, celui avec lequel elle a vécu le plus d'années ?



Anne Hébert a un style qui lui est propre : davantage que l'histoire elle-même, la façon de raconter les faits, la narration rapide, incisive, scandée vous serre le coeur et vous remplit d'effroi devant les conséquences des gestes des personnages et la détermination du jeune amant.



Anne Hébert me captive par son style, son écriture, la poésie et malgré tout la force qu'elle contient.
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Les fous de Bassan

D'une écriture poétique, Anne Hébert fait la chronique de la disparition de deux jeunes filles, Nora et Olivia, dans un petit village côtier du Québec dans les années 30. Plusieurs voix se succèdent, de l'oncle pasteur des deux filles à Stevens, vilain canard du village et de la famille qui peuple presque entièrement le village, de retour cinq ans après son départ précipité.

Anne Hébert étouffe le crime sans doute commis par l'un des membres de la famille dans une nature sauvage omniprésente, et les non-dits tacites partagés par les habitants.

Oui, un crime a été commis, mais le récit se déroule très lentement comme pour laisser à l'événement le temps de s'interroger, aux disparues de revivre une dernière fois.

La fin, à l'évocation puissante, est magnifiquement décrite et le récit dans son entièreté est une belle expérience de lecture.
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Est-ce que je te dérange ?

Un auteur qui m'était inconnu. Un livre étrange, une histoire de rencontres improbables entre une jeune canadienne paumée, enceinte, en mauvaise santé, filant le train à un homme marié qui l'a séduite et deux amis parisiens. On ne sait pas grand chose de leur vie. Il y a beaucoup de désolation dans ce livre, de solitude, de folie, de mort. Une histoire qui sort de l'ordinaire, un récit assez froid, mais cela donne un bon livre agréable à découvrir même si ce n'est pas un coup de coeur.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Le premier Jardin

Une histoire des femmes est-elle possible? Anne Hébert revisite l'histoire de son pays dans ce magnifique roman qu'est Le premier jardin, et nous fait oublier ceux que les livres d'histoire (depuis François-Xavier Garneau) et la tradition orale ont magnifiés, les hommes canadiens-français, infatigables coureurs des bois, missionnaires, officiers héroïques, bûcherons et défricheurs. Sur les terres de ce premier jardin, Flora, une actrice vieillissante, revient dans sa ville natale de Québec pour interpréter le rôle de Winnie dans Oh! Les beaux jours. La création théâtrale va se nourrir de la ville, des déambulations de Flora et des siècles passés. Se détacheront çà et là quelques silhouettes, modestes religieuses, petites bonnes, Filles du Roy dotées par le royaume pour peupler la colonie, bourgeoises déclassées...

Avec cette merveilleuse écriture poétique, épurée à l'extrême mais ô combien puissante, Anne Hébert se réapproprie les symboles identitaires de l'épouse dévouée, de la mère admirable sans les ériger en exemple, ni les parer de mille vertus. Ce sont des femmes perdues dans un environnement hostile, en proie à des vies de misère, ou luttant pour faire entendre leurs désirs. Les hommes, quant à eux, sont bien loin des Montcalm ou des Jean Talon. Ils sont pères, maris, soldats.

Anne Hébert esquisse un portrait émouvant , simple et beau de ces femmes qui furent maintenues pendant des siècles dans une position de domination indispensable au fonctionnement et au maintien d'un ordre politique, moral et religieux, bien loin d'une imagerie d'Epinal: "C'est qu'on s'use et se lasse à la longue, sous le feu de l'été, sous le feu de l'hiver, et c'est la même brûlure intolérable, avec pour tout refuge une cabane de bois de quinze pieds carrés, couverte de paille. C'est dans l'unique lit qu'on se prend et qu'on se reprend, qu'on accouche et qu'on empile ses petits, qu'on agonise et qu'on meurt."

Un des plus beaux romans québécois sur l'identité et la mémoire et qui donne à la figure d'Eve aux mille frais visages une dimension universelle.

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Les fous de Bassan

Quelle écriture, mais en même temps que de noirceur dans ce roman de Anne Hébert ! Nous sommes plongés au cœur d’un petit village en bord de mer, dans une petite communauté chrétienne menée par un pasteur pétri du péché qu’il entend éradiquer, une communauté dont les membres semblent un peu mentalement limités, certains même idiots, sans doute dû au fait que dans cette petite communauté on ne regarde pas vers l’extérieur, on vit entre soi, à la merci des marées, des vents et des pluies. Ces vents et ces pluies qui rendent fous certains jours, eux aussi. Personne ne semble vraiment heureux dans ce village, et c’est pire encore quand deux jeunes filles, des cousines, disparaissent. Qui porte la responsabilité de cette disparition ? Un peu tout le monde sans doute… Anne Hébert, par l’intermédiaire de journaux, de lettres ou de pensées de différents protagonistes, nous guide au cœur de l’obscurité, avec un style d’écriture qui lui est propre, pas toujours facile, mais très prenant.
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Les fous de Bassan

J'ai peu lu de littérature canadienne et la découverte de ce livre me le fait regretter.

"Les fous de Bassan" a obtenu le prix Femina en 1982. On démarre assez étrangement avec une narration décousue sautant d'une idée à l'autre, d'événements qui n'ont pas de liens apparents entre eux suivant les souvenirs du narrateur, un vieil homme, pasteur de son état. J'étais donc perplexe et ne me voyait pas aller comme ça pendant 250 pages. Heureusement, la construction du livre est ainsi faite que plus de six personnes différentes déroulent l'histoire en autant de parties.

Les événements de cet été 1936 à Griffin Creek, petit village situé entre cap Sec et cap Sauvagine, nous sont donc relatés sous plusieurs voix, un patchwork de pensées et d'éléments qui deviennent un peu plus clairs au fur et à mesure que des détails sont apportés par chacun des protagonistes ou spectateurs de ce drame, une version propre à chacun, des sensibilités différentes.

La plume d'Anne Hébert nous envoûte, nous étonne, il y a des passages très poétiques, un peu irréels. On met beaucoup de temps à voir où l'auteure veut nous emmener, elle campe le quotidien de ces hommes et femmes dans cette région à l'aspect sauvage, rude comme les éléments.

Une communauté de quelques familles repliée sur elle même, un microcosme qui va se retrouver confronté au pire. Chaque personnage est bien décrit, attachant surtout Stevens et son frère Perceval.

Bref, ce roman fait partie des bonnes surprises d'un livre tiré au hasard d'une étagère sans savoir de quoi il retourne à part un titre énigmatique. Je reviendrai donc avec plaisir à cette littérature québécoise que je devine si riche.
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Les fous de Bassan

Curieux village que celui de Griffin Creek où la luminosité des deux adolescentes, Olivia et Nora, contraste avec la perversité du pasteur, l'autorité abusive des frères et père d'Olivia, la concupiscence de Stevens et la curieuse folie de Perceval. Personne ne collabore vraiment avec les policiers après la disparition des filles car “Celui qui nous trahira nous fera tous basculer dans le déshonneur”. Pourtant, dans un sens, beaucoup y sont déjà du fait de leurs comportements abjects.



Ce roman choral est envoûtant par les différentes perspectives présentées, par les non-dits, les allusions aguichantes, l'atmosphère trouble qui baigne ce coin perdu. À l'opposé, il y a cette nature, cette mer, magnifiquement évoquées, facteurs de force tranquille et de sérénité qui n'ont rien à cirer des déboires de l'homme. Anne Hébert pratique déjà le “nature writing” de la mode actuelle. Ce livre m'a fait songer à “Bondrée” de Andrée A. Michaud, pourtant écrit trente deux ans plus tard: même drame de fond, environnements semblables, excellence de l'écriture. Les deux valent amplement le détour. Pour en revenir au “Fous”, j'ai adoré ma visite dans ce village hermétique, découvert une autrice majeure et apprécié grandement cette chute qui nous rappelle trop les temps modernes.
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Les fous de Bassan

Un roman très fort sur un double meurtre raconté par cinq narrateurs différents.

Une histoire bouleversante , racontant les profondeurs de l'âme humaine.

l'histoire construite comme un puzzle, dans le style inégalable d'Anne Hébert.
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La mercière assassinée

Adaptation BD de la pièce de théâtre Le temps sauvage de la grande Anne Hébert.

Un journaliste qui prends ses vacances en France et qui tombe en panne sur la route vers Reims. Un p'tit village de province française. Une communauté tissée serrée... bien tranquille... mais survient un drame : la mercière est assassinée !

Une BD qui se lit comme un roman policier, avec le même rythme soutenu et le désir de se rendre à la fin pour voir qui est le coupable. Mais attention, il y a énormément de texte, pour de bien petites cases. Heureusement que l'histoire est prenante, parce qu'on pourrait rapidement se décourager. Les dessins représentent bien l'image qu'on se fait d'un p'tit village. Ils ne regorgent pas de détails et sont plutôt simplistes, mais c'est un excellent choix de la part de l'illustratrice étant donné l'importance que prend le texte sur les planches. Bref, une bonne BD a vous mettre sous la main.
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Le premier Jardin

Je me suis mis dans l'idée d'essayer de dénicher des livres où le "jardin" aurait un rôle à part entière dans la vie d'un ou de plusieurs personnages, mieux : qu'il serait lui même un personnage du livre.

Le titre de ce roman m'a, bien sûr, attirée pour cette raison. De jardin , il en est question dans une maison en Touraine, jardin dispensateur de sérénité et de repos.



Mais le roman n'est pas celui d'un lieu , c'est le roman d'une femme, de nombreuses femmes évoquées au fil des pages, au fil des années, au fil de l'Histoire.



Pécosa a fait une si belle critique de ce livre que je ne saurais dire davantage sur la trame du récit simplement que la poésie de l'écriture m'a emportée et qu'il m'a fallu plusieurs jours pour me décider à venir en parler, ici, pour juste vous dire de ne pas passer à coté d'un si beau texte, tout en sachant que mes mots ne sauront restituer le plaisir procuré par ce roman.





Lisez-le !

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Kamouraska

Je replonge dans mes notes de lectures et d’études de ce roman québécois publié en 1971, Kamouraska d’Anne Hébert. Je l’ai découvert il y a quelques années et relu récemment.



C’est l’histoire d’une passion amoureuse dans tous ses excès. Madame Rolland se tient au chevet de son époux, en train de mourir. Pendant cette veille, elle repense à sa jeunesse tumultueuse, à son premier mariage avec Antoine de Tassy et à ses amours adultères avec le docteur Nelson… Cela se passe quelque part à l’est du Québec, sur la rive sud du Saint-Laurent.

La base de l’intrigue romanesque est issue d’un fait divers réel : en 1839, Achille Taché, le seigneur de Kamouraska, est assassiné par le Docteur George Holmes. On suspecta l’épouse, Éléonore d’Estimauville, de complicité ; si l’auteure a changé les noms, elle a gardé l’époque, les initiales des prénoms et le lieu emblématique à l’étrange sonorité.



Il s’agit ici de l’éternel triangle amoureux et de toutes une série de triptyques associés…

En parallèle du triangle typique du couple et de l’amant (Antoine/ Elisabeth/ George), il y a un triangle diabolique d’empoisonneurs (Elisabeth/ George/ Aurélie) ; cette dernière est un personnage trouble, qui rêve de prendre la place d’Élisabeth et de lui ressembler.

Les trois tantes sont des personnages secondaires très intéressantes, telles trois vieilles fées… Elisabeth et Antoine ont trois enfants… Il y a trois servantes…

On peut également relever trois couleurs dominantes dans le récit : le blanc de la neige et du givre, le noir porté par le docteur Nelson, toujours décrit comme un être sombre et diabolique, la couleur de ses yeux ou encore la robe de son cheval, le noir du deuil et le rouge très féminin des travaux d’aiguilles ou des vêtements.

J’ai été frappée par la naissance de l’amour entre Elisabeth et Georges sur fonds de rivalité masculine : le mari et l’amant se connaissaient depuis l’école et étaient déjà rivaux, adversaires aux échecs. Pour George, posséder Elisabeth n’est pas très diffèrent de battre Antoine sur un échiquier.



J’avoue avoir un peu buté sur le schéma narratif de ce livre, particulièrement complexe, car les points de vue intérieurs et omniscients se mêlent dans une alternance de première et de troisième personnes dont il faut s’approprier le rythme et le sens. Il n’y a pas de mise en page particulière ou de guillemets pour signaler qui s’exprime et à quel titre.

Puis, cela devient plus fluide quand Elisabeth assume de plus en plus la narration, à mesure qu’elle se replonge dans les souvenirs et qu’elle se laisse emporter par eux. Les deux facettes de son personnage sont même bien différenciées : Mme Rolland désigne l’épouse respectable tandis que le prénom seul indique les souvenirs passionnés. Il ne faut jamais perdre de vue que tout est raconté de son point de vue, à travers sa focalisation, son imaginaire, ses ressentis. Elisabeth vit par la pensée ce que vit son amant : le voyage dans la neige vers l’anse de Kamouraska, le meurtre…

Le présent et le passé se mélangent également dans une temporalité alternée avec souvent des effets d’annonces.

Il m’a fallu plusieurs lectures pour tout comprendre.



Naturellement, j’ai apprécié le dépaysement, la langue et les accents québécois de certains dialogues, trop peu à mon goût d’ailleurs car Anne Hébert a écrit pour un lectorat francophone et a choisi un langage assez neutre, dans un souci de compromis linguistique peut-être. Par contre, la présence de l’anglais est importante dans ce roman, tant dans le langage amoureux que dans le jargon juridique…

Et puis il y a toute une intertextualité en filigrane autour de La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, de Macbeth de Shakespeare, d’Anna Karénine de Tolstoï ou encore de La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette… Le thème de l’adultère, le côté théâtral de certains passages et les références aux tâches de sang, la succession de scènes du bal qui résument la jeunesse d’Elisabeth sont autant de références à des grandes œuvres littéraires.



Kamouraska n’est pas un roman facile, loin de là.

Il faut s’accrocher pour en venir à bout, ne jamais perdre de vue qu’il donne à lire une parole féminine complexe et déconcertante, qu’il nous plonge dans la conscience d’une femme en proie à la passion au sens tragique du terme.



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Les fous de Bassan

Livre préféré d'une de mes collègues. Pourquoi pas, s'agissant d' une auteure québécoise cela ne peut qu'ouvrir mon horizon de lecture.

L'histoire de la disparition de deux cousines, Nora 15 ans et Olivia 17 ans, plus ou moins inséparables à la fin de l'été 1936. Plusieurs voix racontent cet été 1936 et aujourd'hui : Nicolas, le révérend et l'oncle des disparues, Nora et quelques cousins de Nora.

Le roman débute par la voix de Nicolas , le révérend, marié à Irène, un mariage stérile qui finira par le suicide de celle-ci. Nicolas a des pensées peu chrétiennes vis à vis de Nora et porte énormément de culpabilité.

Ma première pensée a été un roman sur un pervers assassin campé par un représentant de Dieu un peu glauque.

Erreur de ma part, il est pas très net quand même mais le roman s'articule dans sa deuxième partie sur un des cousins des jeunes filles, Steven 20 ans, qui revient au pays après une fuite et une absence de 5 ans. Il y retrouve ses deux cousines devenues des jeunes filles qui ressentent leurs premiers émois. Un jeu de séduction sous la forme du jeu du chat et de la souris se déroule au cours de cet été 1936.

Le village est formé de 4 familles qui se marient les unes avec les autres, la cosanguinité n'est pas étrangère à l'existence de certains personnages peu intelligents mais attachants (les jumelles, Perceval).

Le vent et la mer sont omniprésents tout au long du roman.

J'ai bien aimé les tourments des personnages, leur déchirement, leurs secrets, leur façon de s'exprimer et de gérer les événements sur le moment et plus tard.

Le style de l'auteure et les phrases s'adaptent à chaque personnage, un roman avec une histoire bien triste mais bien écrite. Un livre intéressant car différent de ceux que j'ai l'habitude de lire.
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Les fous de Bassan

Pas vraiment captivée par les premières pages, j'avais posé ce roman emprunté à une amie sur un coin de table.

Comme on se doit de faire honneur à un plat, je suis revenue vers ces pages un peu plus tard, lors d'une promenade. Est-ce lié au lieu de ma promenade, à ma disposition d'âme ? Toujours est-il que je n'ai plus lâché le livre, séduite par la poésie propre au milieu naturel décrit, à la personnalité de certains personnages, mais aussi et surtout par l'écriture d'Anne Hébert. Ce qui m'a frappée c'est à quel point cette poésie entre en contradiction avec l'histoire racontée. Violence d'un esprit torturé, violence implicite d'un acte qui ne sera jamais vraiment dit complètement... A nous, lecteurs, de reconstruire ce qui a eu lieu, d'éprouver quels terribles faits le vent vient souffler. Silence des uns, souffrance des autres, l'auteure, comme cet inspecteur de police persévérant, relève la déposition de la conscience de chacun. Et c'est à petits traits subtils, comme on avance à petits pas, qu'elle donne à les voir progressivement.

Il est bon d'avoir des amis gourmets qui nous invitent à une table où l'on prend le temps de goûter!
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Le premier Jardin

Je garde un si grand souvenir de ce beau roman Les fous de Bassan, prix Femina 1982, que je visite rarement une bibliothèque ou une librairie sans explorer l'initiale He dans l'espoir d'y trouver un autre livre de cette québécoise. Très primée, surtout dans son pays, je comprends mal qu'Anne Hébert soit restée si discrète en Europe; elle a quand même vécu vingt ans en France. Mais la qualité littéraire n'est pas toujours synonyme de notoriété (et inversement). J'ai fini par dénicher ce titre-ci en librairie, avec la preuve que la qualité reste disponible pour une bouchée de pain (1) (en cherchant un peu).



Car il s'agit encore d'un livre dense, moins par les événements qui constituent sa narration que par le texte d'une poésie riche et le réseau thématique complexe mis en place, dont je vais essayer de tirer quelques grandes lignes. Comme dans Les fous de Bassan, l'auteur sème graduellement des fragments, presque parcimonieusement, au gré de paragraphes courts qui placent d'abord le lecteur dans un flou dégradé et enveloppant. Puis le puzzle se constitue savamment pour former le tableau dense d'une vie et d'une réconciliation avec soi. Point de départ: une actrice de théâtre vieillissante revient dans son pays natal à cause de deux lettres: l'une de sa fille fugueuse, l'autre qui l'invite à Québec pour y jouer Winnie dans "Oh les beaux jours" de Beckett, pièce ô combien significative pour une personne de son âge.



Quelques chroniques sommaires consacrées à ce livre se contentent d'évoquer un hommage aux fondatrices de Québec. Il s'agit de beaucoup plus que cela: c'est la quête d'une femme qui se réconcilie avec une double identité. Celle-ci est restituée à partir de faits de son passé auquel elle est confrontée en parcourant les rues de sa ville natale(2) mais aussi à partir de figures féminines qui ont marqué l'histoire des origines de cette cité. La double poursuite identitaire trouve écho dans la duplicité du personnage principal, d'une part Pierrette Paul la jeune-fille qui a quitté le Québec comme femme de chambre pour devenir actrice de théâtre en France et d'autre part Flora Fontanges, nom de scène, l'idéaliste qui transcende l'autre en donnant vie sur scène à des figures féminines historiques ou théâtrales.



Un hommage aux fondateurs français de Québec: le premier jardin fut établi par Louis Hébert et sa femme Marie Rollet, véritable incarnation d'Ève, mère de l'humanité, selon la métaphore filée annoncée par le titre du roman. "Des branches vertes lui sortent d'entre les cuisses, c'est un arbre entier, plein de chants d'oiseaux et de feuilles légères, qui vient jusqu'à nous et fait de l'ombre, du fleuve à la montagne et de la montagne au fleuve, et nous sommes au monde comme des enfants étonnés." On retrouve dans son identification aux filles de la Nouvelle-France la thématique de la solidarité féministe chez Hébert: ainsi la figure de Guillemette Thibault contrainte de choisir le couvent pour éviter le mariage qu'on veut lui imposer.



Les contraintes sociales imposées aux femmes légendaires du pays se retrouvent dans les limites aliénantes qui ont déterminé le passé de Pierrette: orpheline, soumise d'abord à une stricte obéissance religieuse dans un hospice, puis adoptée par une famille bourgeoise qui veut faire d'elle l'objet de son prestige social, destinée à un parti qui ne lui correspond pas, "Vous n'en ferez jamais une lady", elle quitte le pays pour la France avec une basse situation sociale. La famille adoptive est entre-temps entrée en décadence: le récit met en avant le lien entre la déchéance de la haute bourgeoisie et l'exploitation des classes inférieures.

La jeune génération à laquelle Flora/Pierrette est alors confrontée, les amis fréquentés par sa fille, Raphaël le petit ami qui fait figure d'archange salvateur, est aux antipodes de la société rigide qu'elle a quittée autrefois. L'emprise de la grande bourgeoisie sur la ville est rompu, le nouveau monde appartient à une nouvelle génération souple, égalitaire. Sa fille Maud qui a fugué de France pour rejoindre le Québec représente la filiation active du modèle de cette nouvelle société préfigurée par l'héroïne du récit.



La pièce que doit interpréter Flora, Oh les beaux jours, a une portée allégorique: il s'agit d'une œuvre qui traite habilement du dépérissement de l'être humain. On y voit l'attirance pour la mort, de laquelle la protagoniste du roman doit s'extraire pour continuer à mener une vie agissante. L'immobilité de Winnie opposée à la mobilité libératrice, la fuite, l'émancipation.



L'étude "La fugue, la fuite et l'espace franchi dans Le Premier Jardin"(3) m'a particulièrement interpellé parmi les très nombreuses publications savantes sur ce roman; elle porte sur les limites spatiales imposées aux femmes de l'époque de la protagoniste. On y explore la convergence entre les exils affectifs et socio-spatial. Ce document fouillé m'a été spécialement utile pour élaborer cette chronique.



La prose douce et mélancolique qu'Anne Hébert manie avec une maîtrise discrète, juste et érudite, autorise un solide mise une valeur artistique de différents champs impliquant la condition de la femme. L'œuvre hébertienne contribue aussi à combler un fossé, plus historique que géographique, entre France et Québec, deux pays autrefois unis.





(1) Occasion à 1,50 €

(2) Le titre du roman était au départ "La cité interdite", c'est-à-dire ces endroits de la ville auxquels l'héroïne évite de se confronter, car témoins de son enfance perturbée.

(3) Kathleen Kellett-Beslos, Ryerson University (Toronto).


Lien : http://www.christianwery.be/..
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