leonce 28 mai 2018
Anne Hébert termine l'écriture de ce roman L'Enfant chargé de songes à Paris, en mai 1991. le 6 septembre elle écrit à son ami Pierre: " Si je ne t'ai pas écrit plus tôt c'est simplement que j'ai beaucoup travaillé mon roman. La fin ne me satisfaisait pas du tout, ni mes éditeurs non plus, d'ailleurs . Il me fallait donc refaire cette fin . Après un bon mois de tâtonnement je crois que je suis enfin sur la bonne voie. Mais il faut tout revoir depuis le début. " ( Album Anne Hébert, p. 129 ) .
Cet extrait de sa lettre explique la structure de ce roman où l'on navigue entre l'imaginaire et la réalité, entre Paris et Duchesnay . 4 personnages principaux:
la mère Pauline, ses deux enfants, Julien et Hélène et cette étrangère, Lizzy.
On y retrouve le style sobre et dépouillé de l'auteur, et plusieurs de ses thèmes préférés : l'adolescence, le cheval, la proximité de l'eau destructrice,
Certaines pages sont laissées presque blanches, avec un ou deux courts paragraphes, ce qui nous permet de respirer en suivant l'évolution de ces deux adolescents . C'est écrit avec simplicité et sobriété. On pense au Torrent et aux Fous de Bassan. J'ai relu deux fois pour ne pas me perdre. Mais j'ai bien aimé.
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J'ai adoré ce roman de la grande romancière Anne Hébert, méconnue en-dehors du Québec. Julien s'exile à Paris, mais traîne un lourd passé, l'amour d'un été de sa soeur Hélène et lui pour Lydie, le destin tragique d'Hélène, la relation avec sa mère Pauline jusqu'à la fin de la vie de celle-ci, tout cela est redoutablement bien écrit, dans le style sobre, épuré et poétique qui caractérise Anne Hébert, Julien se libérera-t-il de ses songes, à vous de le découvrir.
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Salut, mon petit Julien. Il ne faut pas avoir peur de moi, mon cher trésor bêta.Celle qui régente ta vie a tort de t'obliger au silence. Défense de me parler. Mais je suis là qui veille. Je saurai bien te confesser, mon ange, et ta petite soeur avec toi. Tu souffres violence, mon bel agneau frisé . Rends-toi. Je t'apprendrai les poètes maudits et tu verras comme tu leur ressembles au fond de ton petit coeur innocent.
LYDIE
Tu lis trop, mon petit Julien. Tu écris trop aussi, de trop longues lettres romantiques. J'aime les poètes dans les livres, pas dans la vie. Dans la vie je préfère les gars comme Alexis qui n'y vont pas par quatre chemins et n'attendent rien de moi que ce je peux leur donner, c'est-à-dire bien peu, étant avare de mes dons de nature et craignant l'amour comme la mort de moi et de ma liberté.
Lydie
Au matin, il est réveillé par la femme de chambre qui apporte le petit déjeuner, commandé la veille. Elle brandit la clef oubliée par Julien sur la porte, à l'extérieur de la chambre,
La fenêtre maintenant grande ouverte découpe l'image d'une ville dont Julien rêve depuis longtemps; le quai Voltaire, la Seine, Le Louvre, et, sur tout cela, une lumière tamisée, comme une douceur incertaine. L'hôtel avait été choisi, entre des dizaines d'autres, à cause de sa situation au coeur même
de Paris.
Des faux airs d'été et des coups de soleil fou sur la couleur brune des champs labourés. Ces courtes journées flamboyantes, ces feuillage rouge vif, il n'ya rien de plus beau au monde , et le soir ramène très tôt toute cette splendeur dans le noir profond qui est comme un pressentiment de l'hiver.
Pauline, ses deux enfants blottis dans ses jupes, déclarait volontiers à qui voulait l’entendre :
– Je les bourre d’affection, ils ne peuvent se défendre.
Elle dit « Julien » et elle dit « Hélène », avec une sorte d’arrogance puérile. Le plaisir qu’elle a à nommer ses deux enfants fait briller ses petits yeux gris, entre ses cils pâles. Mais le reste du monde demeure pour Pauline, elle-même comprise, une sorte de magma informe ne pouvant être désigné que par « on ». Elle dit :
– On est venu ce matin aboyer sous mes fenêtres… On est parti pour je ne sais où en oubliant son portefeuille sur la commode… On a perdu ses élections, comme d’habitude.
Qu’il s’agisse du chien du voisin, de son propre mari ou d’un homme politique bien connu, seul le « on » est de rigueur. Un jour, elle s’est coupé le doigt avec un tesson de bouteille et le sang coulait jusque sur sa robe. Elle a dit de sa voix sourde à peine perceptible :
– Il y a quelqu’un qui s’est coupé le doigt.
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ?
[…]
On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin.
[…]
Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus.
[…]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Jeanne Neis Nabert
0:53 - Jeanne Galzy
1:24 - Anie Perrey
2:06 - Katia Granoff
2:45 - Louise de Vilmorin
3:32 - Yanette Delétang-Tardif
4:31 - Anne Hébert
5:13 - Générique
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Références bibliographiques :
Alphonse Séché, Les muses françaises, anthologie des femmes-poètes (1200 à 1891), Paris, Louis-Michaud, 1908.
Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Paris, Cherche midi, 2016.
Jeanne Galzy, J'écris pour dire ce que je fus…, poèmes 1910-1921, Parthenay, Inclinaison, 2013.
Katia Granoff, La colonne et la rose, Paris, Seghers, 1966.
Images d'illustration :
Jeanne Galzy : https://pierresvives.herault.fr/1377-jeanne-galzy.htm
Anie Perrey : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d2/Btv1b8596953w-p060.jpg
Katia Granoff : https://www.antikeo.com/catalogue/peinture/peintures-portraits/katia-granoff-1895-1989-19219#gallery-1
Louise de Vilmorin : https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/louise-de-vilmorin-en-1962-supprimons-la-circulation-automobile-20191225
Yanette Delétang-Tardif : https://www.memoiresdeguerre.com/2019/03/deletang-tardif-yanette.html
Anne Hébert : https://artus.ca/anne-hebert/
Bande sonore originale : Arthur Vyncke - Uncertainty
Uncertainty by Arthur Vynck
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