Citations de Anne Tyler (274)
- Est-ce qu’Elise s’amuse ? demanda Jeannie à sa sœur. Elle n’a pas l’air de se mêler beaucoup aux autres cette année.
- - Je n’en n’ai aucune idée. Je ne suis que sa mère.
- A l’enterrement, Marilee Hodges m'a dit : "je vous ai toujours enviés, toi et ta famille. Je vous voyais jouer au poker ensemble avec des cures-dents sous votre véranda, et tes deux frères si grands et si beaux, et le gros pick-up que ton père conduisait avec vous, les quatre enfants qui fanfaronniez à l'arrière."
-Marile Hodges était une gourde, dit Amanda.
- Connaissant maman, dit-elle, elle aurait refusé une intervention chirurgicale, de toute manière.
- C'est vrai. Sa première directive était, en gros, de l'abandonner sur une banquise au moindre ongle incarné.
Dire qu'elle pensait qu'Ira aurait toujours pour elle le regard qu'il a avait eu, cen cette première nuit! Elle se tenait devant lui dans son déshabillé de jeune mariée, à la lumière tamisée de sa lampe de chevet.Elle avait défait le premier bouton, puis le deuxième: l'étoffe avait glissé sur ses épaules, hésité un peu, pour tomber par terre autour de ses chevilles. Il l'avait regardée droit dans les yeux, retenant son souffle.Elle pensait que cela durerait toute la nuit.
A la maison de retraite, il y avait un vieil homme qui croyait qu'une fois au ciel tout ce qu'il avait perdu au cours de sa vie lui serait rendu. Maggie avait approuvé : 'Oh ! Oui, quelle bonne idée !'.
Dans son esprit, il s'agissait de choses abstraites - l'énergie de la jeunesse, par exemple, ou la capacité qu'ont les jeunes gens à s exalter, à se passionner. Mais ce n'était pas ce que le vieillard avait en tête. Aux portes du paradis, expliquait-il, Saint-Pierre lui remettrait le tout dans un sac en toile de jute : le petit chandail rouge que sa mère lui avait tricotė juste avant de mourir et qu'il avait oublié dans un bus à l'âge de dix ans - il l'avait porté dans son coeur jusqu'au jour d'aujourd'hui ! Le couteau suisse que son frère aîné avait balancé, de rage, dans un champ de maïs. La bague en diamant que son premier amour avait omis de lui rendre, lorsqu'elle avait rompu les fiançailles pour convoler avec le fils du pasteur.
Elle se disait, insensible et lassée, qu’on ne pouvait rien y changer. Qu’on pouvait changer de mari sur cette terre, mais pas de situation.
Les filles sont plus secrètes. On s’imagine qu’elles nous disent tout, mais on se trompe.
"Elle se rappelait avoir admiré à l'époque sa calvitie non dissimulée. Les hommes qui dédaignaient le subterfuge des mèches artistiquement disposées dégageaient une séduisante impression d'assurance virile, et avec ses traits réguliers, son teint mat et son ample costume gris, Mr Miller semblait parfaitement serein. Toutefois, sous la surface, elle sentait une certaine tension."
Il la voyait s'emparer de sa vie, l'essorer et lui redonner forme tel un pull qu'elle venait de retirer de la bassine à lessive.
De cela, il devait s'estimer heureux, supposait-il.
Peut-être était-ce simplement que les Whitshank manquaient cruellement de mythologie familiale. Qu'ils étaient une famille trop récente pour disposer d'un vaste choix d'anecdote à se transmettre et devaient par conséquent exploiter au maximum celles qu'ils avaient sous la main.
Duncan ouvrit les yeux et la regarda, tout ébouriffée et froufroutante, enfiler son peignoir en un tour de main. L’obscurité s'enroula autour d'elle. Mais comme une chenille seulement.
Ses joues s'étaient arrondies au fil du temps mais sa bouche avait conservé son petit air pincé comme si elle n'en finissait pas de délibérer en son for intérieur.
Qu'est-ce que tu comptes faire ? Enseigner ? Devenir professeur, transmettre tes connaissances à des étudiants et ainsi de suite ? Çà me rappelle ces insectes qui ne vivent que le temps de reproduire. A quoi ça sert franchement ?
Pendant un certain temps, elle se conduisit comme si elle pleine d'un liquide qu'il ne fallait surtout pas renverser, comme une tasse de thé remplie à ras bord.......Elle continuait cependant de se sentir fragile, à agir comme si elle avait au plus profond d'elle même ce liquide tremblotant qu'il ne fallait pas renverser.
Elle avait aussi toujours supposé qu'il y aurait dans sa vie un tournant décisif, une illumination qui lui ferait découvrir brusquement le secret de l'existence. Un jour, elle se réveillerait plus sage, plus heureuse, plus sereine.
Elle s'imagina côté passager avec Sam au volant. Comme deux figurines plantées dans des petites voitures.Tête de papa, tête de Maman, côte à côte. Face à la route, sans se regarder. Pourquoi se regarderaient-ils, en effet puisqu’ils avaient depuis longtemps déjà franchi les limites de la surface visible? Plus le moindre espoir de regard admiratif, plus la moindre chance de perpétuelle adoration. Plus rien à dévoiler que la simplicité, la vérité, la banalité de leur être profond, dont la richesse, quoi qu'il en soit, était incomparable...
Finalement les choses les plus absurdes prennent de la valeur. Nous ferions bien de ne plus rien jeter du tout.
La vraie vie c’est celle que tu as là, devant toi, peu importe laquelle. Le tout, c’est de faire du mieux que tu peux avec ce que tu as.
Elle sentait qu’elle était déjà passée par là, elle le savait : ce découragement, cette impression d’écrasement, d’étouffement.
Elle en avait par-dessus la tête de faire tous ces efforts sur elle-même pour se conduire aimablement.