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Critiques de Arthur Rimbaud (268)
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Poésies

Mon premier billet dans Babelio sur un recueil de poésies. Il faut avouer que ce n’est pas mon thème de prédilection.



En abordant Rimbaud, je pensais trouver la beauté des mots pour décrire les sentiments ou les ressentis du poète. Je ne connaissais de lui que le Dormeur du val et le Bateau ivre, mais que de nom pour ce dernier.



J’ai découvert un jeune homme révolté, dépravé et provocateur. J’ai ressenti un sentiment de saleté personnel qui ressurgit dans son travail. Nombre de poèmes font référence au fécal, à une sexualité grossière et, finalement, il y a le plaisir de choquer, je dirai de cracher.



Il est vrai que certains poètes ne sont pas des plus gais, comme Baudelaire, mais pour Rimbaud, je n’ai pas eu d’empathie.



Je vais encore me trouver à l'opposé de la majorité des lecteurs mais ce premier billet sur la poésie traduit une déception.
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Poésies

Résumé :

"Voici ses poésies complètes, accompagnées de ses premières proses, dans une présentation qui serre au plus près de ce que furent ses poèmes à leur source.



Recueil de poèmes écrits par Arthur Rimbaud entre 1870 et 1873.



Ce recueil contient :

- Poésies

- Derniers vers

- Une saison en enfer

- Illuminations

- Appendices (Lettres dites du voyant; Les déserts de l'amour; Proses "évangéliques"; Album zutique; Les Stupra)"



Pas trop aimé
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Illuminations

Les illuminations



Les Illuminations sont devenues au fil du temps mon œuvre préférée de Rimbaud et sans nul doute, de toute la poésie.



Et pourtant, quand j’étais adolescent ce sont, comme pour beaucoup, je crois, les premiers poèmes pleins de cette extraordinaire fraicheur juvénile : Sensation, Première soirée, Roman, Ma bohème, Au Cabaret Vert, ...et les saisissants Ophélie, Le Dormeur du Val, qui m’ont d’abord attiré. Puis ce fut la révélation de ce texte halluciné et plein de feu qu'est Une Saison en Enfer.



Le recueil Les illuminations me paraissait alors plus difficile, plus obscur, sauf quelques poèmes comme le merveilleux texte Aube.

Mais, avec le temps, j’ai apprivoisé ce monde magique et ses énigmes. Maintenant, il m’accompagne quasi quotidiennement. Et donc, chère lectrice ou lecteur de ma petite critique, si tu n’as pas lu ce recueil, ou si tu as été rebuté par une première lecture, mon but est de te dire: il faut que tu t’accroches, une merveille t’attend, mais elle se mérite.



Dans ce cheminement vers la beauté, la lecture des ouvrages de références, ceux de Bruno Claisse, Pierre Brunel, Antoine Fongaro, Michel Murat, celle du site internet remarquable d’Alain Bardel, m'ont beaucoup aidé et accompagné.

Mais c’est surtout la mémorisation de la quasi totalité de ces poèmes, appris par cœur un par un, et leur déclamation à haute voix, qui m'a fait saisir le miracle de leur construction, pour certains, leur puissance évocatrice, et pour d'autres leur profondeur philosophique.



Apprendre un poème des Illuminations et le déclamer, c'est gravir progressivement une montagne. Au début du chemin, vous n’êtes qu’enfermé entre quelques arbres, et puis bientôt voilà que des petites rivières, des prairies semées d'animaux, des villages s’offrent à votre vue, Et puis, chemin faisant, de plus en plus de beaux points de vue apparaissent. Et enfin, arrivé au sommet, c'est un immense paysage avec son infinité de beautés que vous contemplez, et vous ne vous lassez pas de toutes ces vues.

Et chaque fois que vous récitez ce poème, ces vues changeront selon votre humeur et le temps qui aura passé. Et vous pourrez dire comme ce cher Arthur : « Je sais aujourd’hui saluer la beauté. »



Quelle étrange histoire que celle de ce recueil. En 1875, Rimbaud remet à Verlaine un ensemble de feuilles numérotées de 1 à 24, et quelques unes non paginées. Puis, bien plus tard, en 1895, on retrouvera 5 autres poèmes. En 1886, c'est à l'initiative de Verlaine que sont publiés, avec les dernières œuvres en vers du poète, 41 des 48 poèmes, avec un titre donné par Verlaine, et un sous-titre « Painted Plates »(Gravures Colorées). On ne sait pas si c'était l'idée du titre était de Rimbaud, celui-ci s’étant volontairement retiré de l’activité poétique depuis 1875. D'ailleurs, les poèmes furent publiés sans lui avoir demandé son avis!



Une des grandes originalités de l’écriture poétique des Illuminations, si elle est comparée aux Poèmes en Prose du Maître Baudelaire, c’est la grande diversité des formes employées, et la construction résolument « moderne », fondatrice de ce que sera la poésie du 20ème siècle. Alors que chez Baudelaire, c’est le récit poétique qui prédomine largement, Rimbaud va déployer de multiples formes : le récit en prose de Vagabonds, Ouvriers, tous ceux des Villes, par exemple, la description poétique de Ponts, Fleurs, Mystique, Ornières, mais surtout les poèmes alinéaires, avec des reprises et des parallélismes, comme Métropolitain, Barbare, Conte, Génie, Soir historique, Nocturne, Aube etc.., ceux utilisant systématiquement l’anaphore comme Dévotion, Enfance III et IV, Solde,…aussi des ruptures du discours, utilisant l’asyndète, dont Angoisse est le plus bel exemple.

Et enfin, le vers libre dont Rimbaud est le créateur, dans les deux poèmes Marine et Mouvement.



Il y a aussi chez Rimbaud, des essais formels très remarquables tel celui de créer des poèmes très courts, dans le merveilleux Phrases, comme celui-ci, « J’ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse » avec une scansion extraordinaire et surtout les deux derniers mots lancés comme un cri. Un poème magnifiquement mis en musique par Britten, et les deux derniers mots chantés dans un suraigu vertigineux.

Une autre caractéristique de ces poèmes, c’est leur variations de rythme, tantôt doux et calme comme dans Antique, Fleurs, Les Ponts, Mystique, tantôt et c’est très souvent le cas, leur rythme ardent, énergique, quasi explosif, impérieux, impulsif, leur caractère scandé, si caractéristique du tempérament de Rimbaud, et souligné par Aragon, Char, Eluard, Valéry et tant d’autres.

Et puis il y a leur musicalité que l’on apprécie en déclamant à haute voix, dont un exemple emblématique est le poème Antique et ses incroyables sonorités, allitérations, mais on retrouve cela dans bien d’autres… .



Mais surtout, il faut le dire haut et fort, Rimbaud forge ici de la façon la plus complète et la plus aboutie ce nouveau langage poétique qu’il théorisait déjà alors qu’il avait à peine 17 ans dans sa célèbre lettre à Paul Demeny.

C'est-à-dire une poétique dans lequel le langage ne soit pas un langage de communication, mais soit centré sur le message esthétique, joue sur son propre code, en quelque sorte soit à l’état pur la 6ème fonction du langage de Jakobson, la fonction poétique.

Cette approche qui diffère complètement de l’approche des poètes romantiques ou parnassiens, est celle que l’on trouve chez Lautréamont, Mallarmé, et presque tous les poètes du 20 ème siècle.

Cela implique que le sens ne s’offre pas de façon immédiate, mais que les mots soient employés pour les sons qu’ils provoquent, les images qu’ils évoquent, leurs correspondances, leurs multiple sens etc..

Et donc, bien entendu, ce n’est pas accessible au lecteur ou à la lectrice distrait(e), ou à ceux qui recherchent les mots doux, les belles images,.

Mais cependant, chez Rimbaud, à la différence de Mallarmé, et c’est en quelque sorte pour lui une contradiction insoluble, une impasse, cet hermétisme du langage va de pair avec une volonté de changer la vie, une lutte contre le conformisme, qui transparait, pour peu que l’on prenne le temps de bien les lire, dans de nombreux poèmes : Après le Déluge, Départ, Génie, Barbare, Soir historique, pour n’en citer que quelque uns.



Classer ces poèmes et dégager une structure à ce recueil n’est pas simple.



Les plus simples à définir sont :

- d’une part les merveilleuses descriptions quasi picturales, impressionnistes, qui méritent le qualificatif de « painted plates » donné par Verlaine : le merveilleux poème Les Ponts, un paysage où Rimbaud va glisser des connotations colorées et musicales, les poèmes Fleurs, Mystique, Marine, Ornières

- d’autre part les récits à connotation autobiographique plus ou moins explicite, dont les poèmes d’Enfance, Vagabonds, Ouvriers, Vies, le magnifique Départ, qui donne en quelques phrases cet impérieux appel vers l’aventure, Angoisse, encore un superbe poème, cette fois de la lutte contre « cette chienne de vie », et aussi certains avec une signification érotique cryptée tels Bottom, Dévotion.



Pour le reste, je tente ici un classement personnel, bien critiquable sans doute.



D’abord les poèmes dans lesquels Rimbaud évoque à nouveau son projet poétique et sa recherche de l’absolu, certains désabusés, avouant l’échec de l’entreprise, tels Conte, poème d’une incroyable beauté formelle, et rempli d’un jeu d’oxymores, et sur le temps des verbes absolument époustouflant, ou le magnifique Solde, qui est considéré actuellement comme le dernier du recueil. Mais il y en a toujours d’autres proposant à nouveau le but « prométhéen », tels Soir Historique ou Jeunesse. Chez Rimbaud, cet impulsif toujours en mouvement, on trouve, depuis Le Bateau Ivre, la volonté impérieuse d’aller vers le large, et le retour désabusé au port.



Il y a ceux d’’orientation philosophique, ou politique, celui qui est le prologue du recueil : , Après le déluge, qui évoque l’échec de la Commune mais l’espoir d‘un printemps, révolutionnaire, et un des derniers, Génie qui célèbre le génie de l’humanité débarrassée des vieilles croyances. Mais ce sont aussi tous les textes très critiques de la modernité, la fièvre des explorations dans Mouvement, et tous ces poèmes qui mettent en avant la misère des villes. (Ville, Villes, Métropolitain).



Enfin, et ce sont peut-être les plus beaux, les poèmes oniriques voire apocalyptiques : le célébrissime Aube, Antique, avec sa fin à la signification érotique, Being Beautous, dont le sens érotique n’échappe pas non plus à un lecteur un peu attentif, aussi Nocturne Vulgaire, Matinée d’ivresse, et enfin, Barbare, pour moi le plus beau par sa construction et sa puissance évocatrice.



En conclusion, ce (trop) long commentaire n’atteindra sans doute pas son but, mais tant pis, j’aurais essayé.

Chère lectrice, cher lecteur, retenez au moins cette invite du grand poète Yves Bonnefoy : « il faut absolument lire Arthur Rimbaud », et j’espère que vous y trouverez, comme moi, grâce à lui, un émerveillement de chaque jour.

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Poésies

Rimbaud est certainement l'un de mes poètes favoris.

A travers ce recueil de poésies, il n'a cessé de me surprendre. Je suis passée par tant d'émotions. Difficile de trouver les mots après avoir lu de si beaux vers. Si vous ne connaissez que les célèbres poèmes de Rimbaud, je vous conseille de foncer sur ce recueil. Frissons garanties. A lire, à relire sans modération.
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Voyages avec Rimbaud, Kipling, Baffo

Un très beau coffret où l'on tombe sous le charme des splendides aquarelles d'Hugo Pratt qui illustrent des poèmes de Kipling, des lettres de Rimbaud et des poèmes de Baffo.

On replonge alors le temps de la lecture entre Aden et Harar, aux confins de l'Inde et de l'Afghanistan, ou au contraire dans l'intimité débridée vénitienne à la poésie parfois douteuse mais toujours égayante !
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Une saison en enfer - Illuminations

Si vous décidez de lire cette oeuvre magistrale, ne cherchez pas à comprendre le sens précis de ces mots, vous n'y parviendrez pas. Ressentez simplement le chaos qui surgit à travers ces lignes, qui vous émeut et vous imprègne grâce à la pureté du talent de Rimbaud.



Laissez-vous porter par l'enfer que seul un amour passionnel sait créer… ❤ Et c'est ainsi que vous ressentirez tout l'art et tout le coeur de ce poète de génie.
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Une saison en enfer - Illuminations

David Le Bailly explore dans un fascinant roman-enquête un angle mort de la vie de l'auteur d'«Une saison en enfer».


Lien : https://www.ledevoir.com/lir..
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Les Poèmes en bandes dessinées

Arthur Rimbaud est considéré comme le poète par excellence. Il était révolté par l'ordre des choses et voyait la poésie comme un moyen de les faire évoluer. J'aime les artistes engagés.



Il est dommage qu'il ait abandonné aussi tôt la poésie pour se consacrer au commerce. Oui, c'est plus lucratif. Le Monde a perdu l'un de ses poètes les plus brillants. Il aura quand même marqué son empreinte sur son époque en nous laissant des merveilles.



Un collectif d'auteur illustre 13 poèmes. Chacun donne sa vision des choses tout en respectant l'oeuvre du Maître. Je trouve que c'est bien de faire connaître l'oeuvre au grand public.



Je dois bien avouer que je ne connaissais pas celle-ci aussi bien que je le croyais. On connaît tous le poète mais un peu moins ce qu'il a réalisé. Des notices biographiques accompagnent chaque poème car cela permet de mettre en perspective ceux-ci.



Bref, c'est que du bonheur pour ceux qui aiment la poésie à l'état brut.
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Poésies

J'ai mis mon Rimbaud pour le panthéon. Heureusement l'aquoibonisme m'a stoppé. La polémique sur le sujet est le but recherché. le silence et le mépris sont donc les meilleures réponses. J'ai eu le tort de survoler quelques critiques, Arthur me parait aussi incompris aujourd'hui qu'hier.
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Oeuvres complètes

Extraordinaire deuxième partie du 19ème siècle en France sur le plan de la création artistique, qui va voir surgir les peintres impressionnistes, et puis Van Gogh et Cézanne, les musiciens Fauré, Debussy, Ravel, les poètes Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, et les deux incroyables "météores", Lautréamont et Rimbaud.

Si pour Lautréamont, c'est la mort prématurée qui interrompit brutalement son histoire poétique, pour Rimbaud, on le sait, et tant de commentaires ont été faits sur ce point, la fin de l'aventure poétique, c'est le retrait volontaire à l'âge de 20 ans. Alors que l'on ne sait quasiment rien de la vie De Lautréamont ni de ses opinions (quelques aphorismes dans son recueil "poésies" et quelques lettres), on sait beaucoup de choses sur le génial Rimbaud, et sans doute trop, malheureusement. Car la légende Rimbaud, faite de l'enfant surdoué et fugueur, de l'amant de Verlaine, de "l'homme aux semelles de vent" qui va tenter l'aventure en Abyssinie et s'y livrer au commerce et au trafic d'armes, tout ce "buzz" autour de sa vie empêche, je trouve, de voir le poète extraordinairement novateur, révolutionnaire, qu'il a été, que tous les grands du 20ème siècle, Breton, Char, Eluard, pour ne citer que ces trois là, admirent et reconnaissent comme leur source d'inspiration.

Et quand je lis le texte consacré au poète dans Wikipedia, je constate avec tristesse que près des deux tiers sont dédiés à ses aventures en Europe et surtout en Afrique. Et aussi, il faut bien le constater le Pléiade des oeuvres complètes comporte aussi plus de deux tiers des pages consacrés à la correspondance de Rimbaud, de ses proches et de ses amis, le plus célèbre étant Verlaine. Si certaines sont touchantes, comme la lettre d'amour passionnée qu'Arthur écrit à Verlaine, celle de sa mère qui se plaint de l'absence de nouvelles de son fils, la plupart de celles écrites après que le poète a quitté la poésie sont d'une grande banalité et ne seraient jamais passées à la postérité si l'auteur n'avait pas été un certain Arthur Rimbaud...j'excepte bien entendu les lettres de l'adolescent à Izambard et Demeny, dont la celébrissime lettre du "voyant" du 15 mai 1871.



Et donc, désolé pour cette longue introduction pour dire que le Rimbaud aventurier du désert qui fascine certains, personnellement n'a pour moi aucun intérêt et que je m'en tiendrais à la critique de l'oeuvre poétique. Comme l'a si bien écrit René Char: "Rimbaud, le poète, cela suffit, cela est infini" ou encore Yves Bonnefoy: "il faut absolument lire Arthur Rimbaud", sous-entendu, le poète. Si je vais essayer de vous faire partager mon amour inconditionnel pour ce poète, je suis conscient, bien entendu, que chacune et chacun peut avoir sa propre vision.



Que l'oeuvre de Rimbaud ait été écrite entre l'âge de 16 et 20 ans, ce n'est pas tant cela qui donne le vertige, mais ce qui stupéfie c'est le chemin prodigieux parcouru en quelques années par cet adolescent qui, d'une poésie inspirée par Hugo et Baudelaire va progressivement créer un nouveau langage poétique, " absolument moderne".



Je fais le choix d'une analyse des poèmes par année:



- 1870, en septembre puis mi-octobre, au décours de ses fugues successives, le jeune Rimbaud (il aura 16 ans le 20 octobre 1870) remet à l'obscur poète Paul Demeny, une série de poèmes, qui resteront 17 ans dans un tiroir, et constituent le "Dossier de Douai". Y figurent les plus faciles, les plus " grand public ", mais pas les plus originaux, ceux qui parlent de la jeunesse amoureuse (Première soirée, Rêvé pour l'hiver, Roman, les Réparties de Nina, A la Musique...), du jeune poète vagabond qui se met en scène dans Ma Bohème, Au Cabaret Vert, La Maline, le Buffet, enfin de la jeunesse confrontée à la mort: le Dormeur du Val, Ophélie. Mais aussi, apparaissent ces thèmes majeurs que sont d'une part, la révolte contre le pouvoir politique ou religieux, le refus d'une religion du péché et de la punition: le Forgeron, le Mal, le Châtiment de Tartuffe, ...et d'autre part, la fusion avec la nature et la nostalgie d'une antiquité célébrant le corps: Sensation, Soleil et Chair...Ces thèmes persisteront tout au long de l'oeuvre jusqu'aux Illuminations.



- 1871, la plupart des poèmes seront conservés par Verlaine. C'est durant cette période que naissent les poèmes les plus extrêmes, souvent très durs, chargés de révolte, de colère, de rage, de description de la laideur. Tout y passe, la laideur physique : Mes petites amoureuses, ou morale, des femmes: Les soeurs de charité, celle des vieillards: Les Assis, ...., la révolte et la colère consécutive à l'épisode de la Commune: l'Orgie Parisienne ou Paris se repeuple, l'Homme Juste (dirigé contre Hugo qui ne s'est pas impliqué auprès de communards) les mains de Jeanne-Marie (hommage aux communardes), Chant de Guerre Parisien, la révolte contre la religion: les Premières Communions, etc...Et à côté de ceux-là, il y a le merveilleux, tendre et érotiquement crypté, Les Chercheuses de poux, l'énigmatique et absolument novateur sonnet Les Voyelles, l'étrange Blason du corps féminin L'étoile a pleuré rose, et enfin la flamboyante métaphore du désir et de l'ivresse de liberté, voués en définitive à l'échec, qu'est le Bateau Ivre, ce prodigieux poème que Rimbaud avait écrit pour impressionner les poètes de Paris, en quelque sorte, comme un "chef-d'oeuvre" d'un compagnon du devoir.

En 1871, il y a aussi l'Album Zutique, une contribution de Verlaine et Rimbaud au groupe de poètes "zutiques" qui s'était formé après l'épisode de la Commune, en réaction à ceux qui étaient rentrés dans le rang, groupe qui voulait conserver une attitude anarchisante. C'est parodique, un peu potache et dirigé contre les poètes que Rimbaud et Verlaine détestaient, mais aussi obscène, tel le Sonnet du trou du Cul ou Les remembrances du vieillard idiot. Ce n'est pas le Rimbaud que j'aime, mais il faut accepter que lui, et Verlaine, n'étaient pas des anges, loin de là.



- 1872, le ton et la forme ont considérablement changé. La véhémence a laissé place à un ton plus interrogatif sur le bien fondé de la révolte: Qu'est-ce pour nous mon coeur, plus désabusé sur sa vie: Chanson de la plus haute tour, Ô saisons ô châteaux, Mémoire, plus philosophique aussi: L'éternité, Âge d'Or, Comédie de la Faim, Comédie de la soif, plus mystérieux: Est elle almée? Jeune Ménage, Michel et Christine.

Rimbaud commence à vraiment employer ce nouveau langage poétique qu'il appelait de ses voeux dans la lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871. Et il s'affranchit souvent de la rime dans Bannières de Mai, Jeune Ménage, voire de la régularité de la métrique, dans Bonne Pensée du matin, rompt complètement le rythme de l'alexandrin, les vers de 12 syllabes n'étant plus qu'accessoires au service d'une structure plus fluide, presque de la prose, comme dans Mémoire,cet extraordinaire poème, merveilleuse métaphore filée du cours d'une rivière du matin au soir qui paraphrase la vie, et la place, d'Arthur dans la difficile famille Rimbaud (une première version s'appelant d'ailleurs Famille maudite).



- 1873, c'est Une Saison en Enfer, ce prodigieux texte en "prose de diamant", disait Verlaine, le plus beau texte en prose de la langue française le qualifiait Claudel. C'est la confession spirituelle que rédige Rimbaud sans doute après avoir été blessé par Verlaine début juillet. La confession bouleversante de la crise qu'a traversée le poète durant une saison, Avril à Août. Une crise dont il témoigne, dans un style oral, heurté, souvent halluciné, où plusieurs voix parlent, où souvent le rythme, le son, priment sur le sens. C'est la relation de l'échec de son entreprise prométhéenne, poétique, humaine, amoureuse, qui l'a amenée au bord de la folie, et les questionnements sur ce que pourrait être sa vie, sur le sens du travail, sur la sagesse de l'Orient, etc..., qui se résout par un retour à la vie simple, à "la vérité dans une âme et un corps".



- les derniers poèmes ce sont ceux des Illuminations, (le titre n'est pas de lui, mais de Verlaine) dont on pense maintenant qu'ils furent composés,au moins en partie, après Une Saison en Enfer, en tout cas furent remis à Verlaine en 1875, et publiés en 1886, sans l'accord de Rimbaud qui avait alors, et depuis longtemps, abandonné tout intérêt pour la poésie.

Il constituent la dernière étape, la plus aboutie à mon sens, de l'exploration du nouveau langage poétique que Rimbaud avait théorisé en 1871. Poèmes en prose, ou en vers libres, forme que Rimbaud est le premier à inventer (Marine, Mouvement), ils abordent les multiples registres, formels et thématiques, de ce que peut être une poétique nouvelle. Je reviendrais dans une autre critique sur l'analyse de ces merveilleux, et souvent complexes, poèmes.



Voilà une critique bien longue, me direz-vous. Désolé, je ne pouvais pas faire moins pour un homme qui, s'il voulait changer la vie, a changé la mienne, profondément. Je fais partie de ceux dont René Char disait: " nous sommes quelques-uns à croire, sans preuve, le bonheur possible avec toi".
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Poésies

Je me sens dans mes petits souliers, blessée de ne pas être au diapason des autres critiques de ce recueil...

Et non, mon coeur n'a pas frémi, comme je l'espérais. Mais si j'analyse cette tiédeur de lectrice, je me rends compte que Rimbaud lui-même est moins en cause que l'édition de ses poèmes elle-même.

En effet, j'aime à me plonger, oreilles grandes ouvertes à la musicalité des mots, esprit rêvassant, voltigeant... mais là, l'accumulation de notes de fin de pages, précisant l'utilisation et le choix du moindre terme, bien que très certainement passionnante pour les étudiants en lettres et autre élite littéraire, cette accumulation, disais-je, m'a profondément ennuyée à la longue, trop présente, trop lourde, au point de me détacher complètement du texte et d'en ôter toute émotion. Je pense que dans une édition plus "légère", j'aurais pu me glisser dans l'univers de Rimbaud.

Bien sûr, j'ai été émue d'y retrouver les poèmes étudiés jadis au collège, au lycée, d'autres m'ont touchée, mais dans l'ensemble, pardon aux grands fans inconditionnels, je n'ai pas été transcendée émotionnellement parlant, bien que consciente du talent, de l'originalité de la forme, des sujets, des mots.
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Une saison en enfer - Illuminations

Je viens de lire ce texte dont j'ai tant entendu parlé et que tout le monde cite. Il est pour moi illisible, incompréhensible, d'un autre âge, avec d'incessantes références religieuses catholiques. J'ai mis une deuxième étoile parce qu'il y a un petit ton épique et que c'est écrit par un adolescent.
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Une saison en enfer - Illuminations

Mlaheureusement, je n'ai pas réussi à accrocher au style d'écriture de l'auteur.

Déjà, d'emblée, je trouve que cette oeuvre commence mal : aucun préambule, pas d'explication, on dirait qu'on a sauté des pages et commencé à lire au hasard.



Je préfère largement de cet auteur la poésie en vers, que je trouve infiniment plus artistique, plus poétique, dont la mélodie et le rythme des vers me touche. Dans la prose, je n'arrive pas à saisir le sens, et même, la noirceur liée à une dépression me lassent vite, je n'ai pas de plaisir à continuer ma lecture et lire des plaintes et des métaphores très négatives à mon goût.



Je pourrai réessayer plus tard. Aujourd'hui en tout cas, ca ne m'a pas plu ;)
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Poésies

J'ai lu ce livre du 24/03/2020 au 10/04/2020.



J'ai lu ce livre dans le cadre de mes études. On me disait tellement de bien de Rimbaud, on le considère comme un génie. J'étais donc curieuse d'en savoir davantage sur ce monstre de la poésie car je ne connais que quelques poèmes. Je dois dire que je n'étais pas hyper emballée au fil des pages, ce n'est pas mon truc. Néanmoins, je salue le talent de Rimbaud et sa modernité dans ses thèmes, son langage plus courant, plus vulgaire qu'habituellement.

C'était très intéressant à analyser ses poèmes et à comprendre cette personne surtout j'ai pu découvrir des poèmes écrit avec son amant, Verlaine. J'ai donc pu constater l'influence de l'un envers l'autre et vice versa. C'est donc un recueil très intéressant sur un poète en devenir.



Pour conclure, il mérite de passer à quelques heures pour comprendre Rimbaud même si je ne suis pas friande de son style, cela mérite d'être intéressant.



Ma note : 6.5/10
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Une saison en enfer - Illuminations

Le poète d’« Une saison en enfer » avait un frère, dont personne ne parle jamais [...] David Le Bailly lui consacre un beau récit, délicatement documenté.
Lien : https://www.nouvelobs.com/bi..
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Illuminations

J’ai tenté à nouveau la lecture de ces poésies en prose attribuées à Arthur Rimbaud (mais certains critiques considèrent qu’une partie - au moins - est l’oeuvre d’un poète mineur nommé Germain Nouveau). Quand j’ai lu "Illuminations" pour la première fois, il y a fort longtemps, je n’avais pas su dire si c’était « du lard ou du cochon » (pardon, j'utilise une expression de ma grand-mère !). Des décennies plus tard, je reste assez dubitatif. D’une manière générale, je n’ai pas d’appétence particulière pour la poésie en prose. Mais, plus précisément, je n’ai pas eu le coup de foudre pour ces textes qui étaient pourtant censés renouveler la poésie. Certes, je trouve ça et là quelques formulations jolies ou surprenantes: j’en donne quelques exemples en citations. Mais je préfère - et de loin - les poésies (rimées) que Rimbaud a écrites antérieurement.
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Une saison en enfer - Illuminations

Une saison en enfer pour le poète des poètes, une heure en lévitation extra-sensorielle pour la lectrice néophyte que je suis.

Je n'ai rigoureusement rien compris mais ça n'a aucune importance, l'expérience n'était pas là : lu "les yeux fermés" pour mettre en sommeil ma boîte à raisonner, en essayant de maintenir ouverts quelques chakras afin de tenter la connexion aux capteurs à travers lesquels le poète perçoit le monde. Par instants, au détour d'un mot tordu, cela a fonctionné, et la décharge est fulgurante, d'une violence inouïe. On n'approche pas sans dommages des forces primales de l'univers, et c'est ahurissant de penser que ce tout jeune homme surdoué, sur-dimensionné pour la vie des hommes, dont dans ces lignes on entend le coeur battre à défaut de le comprendre, ait eu de ces forces une perception si puissante. Cela doit être quelque chose de sublime et de terriblement douloureux qu'être Rimbaud.
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Le Bateau ivre et autre poèmes

Recueil d’une soixantaine de poèmes, il se rapproche plus du Rimbaud que j’ai aimé dans ses « Cahiers de Douhai ». D’ailleurs, ces derniers se retrouvent ici dans leur intégralité. Mais Librio n’en est pas à ses premières multiplications de textes édités dans une même collection.



Tout n’accroche pas, tout n’émotionne pas mais la simple plume de Rimbaud suffit. Ce qu’il manque ? Le temps et la patience pour les lire et les relire afin de s’en imprégner et de n’en pas rester à la surface.
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Une saison en enfer - Illuminations

Deux recueils en un : Une saison en enfer et Les illuminations. Après la lecture appréciable des Cahiers de Douai, je poursuis mon exploration de l’univers poétique de Rimbaud. Des textes cette fois majoritairement en prose qui m’atteignent, m’éveillent et me touchent moins. Probablement que le contexte, l’atmosphère ambiante de mon environnement mais également mon état d’esprit, se prêtait moins à cette lecture et expliquerait cette insensibilité voire inintérêt à ces deux œuvres de Rimbaud. Une relecture s’impose, plus reposée.
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Une saison en enfer - Illuminations

J'aurais voulu me laisser choir dans Une saison en enfer, mais est-il possible de trouver la tranquillité dans ce texte qui bouillonne comme un fleuve ? Il est le seul recueil de poésie d'Arthur Rimbaud publié de son vivant. C'est une poésie en prose. Ce n'est pas une raison pour torturer le lecteur que je suis, en mal d'émotions...

J'ai mis un temps fou à entrer dans ce texte, je ne dirai pas à chercher à le comprendre, ce serait faire offense à son auteur, j'y ai renoncé. Je me souviens d'une chambre d'hôtel en mai 2018, j'étais à Prague, j'avais emporté dans ce voyage ce recueil que j'avais lu dans l'avion. J'ai commencé à écrire une chronique, un billet d'humeur, je tournais en rond autour de ce texte, impossible de le cerner, les mots étaient comme un essaim d'abeilles. J'écrivais des mots épars sur une feuille de papier. J'avais la tête ailleurs... Ma mère, très malade, mourut deux jours plus tard, pendant notre séjour. Nous rentrâmes mon épouse et moi précipitamment en Bretagne et ce texte fut oublié... le recueil Une saison en enfer et les bribes de mots griffonnés sur un papier, tout cela fut oublié dans un coin, peut-être que les pages de cet ouvrage garderaient encore ce douloureux souvenir...

Ce texte resurgit dans ma mémoire à l'occasion de plusieurs événements. Tout d'abord, une chronique estivale quotidienne de trois minutes sur France Inter où Sylvain Tesson nous parle tous les matins d'Arthur Rimbaud à la manière d'un explorateur... Ensuite, une tentative échouée de revenir plus paisiblement à Prague au mois d'avril dernier, annulée et pour cause, vous devenez pourquoi... Enfin, le temps d'aujourd'hui dont on dit parfois naïvement et peut-être stupidement qu'il sépare le temps d'avant et le temps d'après, comment marquer cette coupure définitive sinon par l'art qui fut oublié dans les règles sanitaires. Rimbaud lui n'eut aucun état d'âme, à l'âge de dix-sept-ans, il trancha dans le vif de l'art, séparant cruellement le temps ineffable de la poésie, il y eut définitivement le temps d'avant lui, classique, rejetant dans la poussière et la craie les poètes du XIXème siècle qu'il côtoyait dans un Paris parnassien conquis, séduit à son insolence et celui qu'il ouvrait à grandes brèches vers un monde encore inconnu dans lequel il n'eut d'ailleurs pas le temps ni peut-être la volonté de marquer ses pas de manière durable. D'autres plus tard s'y engouffrèrent, les surréalistes, mais pas seulement, toute la poésie qui nous est contemporaine aujourd'hui vient de cette brèche ouverte par Rimbaud.

J'ai relu à cette occasion Une saison en enfer. Que ce texte est furieusement beau et difficile à la fois ! Il me résiste encore, je me dis que c'est bon signe, j'y reviens et j'y comprends presque autre chose à chaque fois que je le relie, lorsque que je cherche à l'interpréter. Par contre, il entre en moi chaque fois que je me lâche, que je me laisser aller, que je n'attends plus rien de ce texte, aucun message, aucune délivrance, aucune interprétation, seulement le texte tel qu'il est, de manière brute, brutale, « brut de décoffrage » comme disait mon père, ouvrier du bâtiment. Je crois que l'expression subsiste encore... le lire à haute voix est encore mieux, j'ai fait l'expérience cet après-midi dans mon jardin, juste une page pour voir... Comme le texte paraît brusquement différent lorsqu'on a la chance de pouvoir le dire à haute voix. La poésie de Rimbaud doit être criée, du moins celle d'Une saison en enfer...

Si l'enfance est une saison, l'enfance précoce peut être un enfer pour celui qui la vit. Être un génie à quinze ans ou dix-sept ans, ce n'est pas descendre un fleuve impassible. Que faire de ce soleil qui dévore Rimbaud ? Quel était son regard lorsqu'il contemplait ce gouffre béant en lui-même d'où surgissaient, tels de la lave d'un volcan en éruption, ces pulsions de verbes et de couleurs ? Que faire de cette force, de cette révolte, de cette douleur hallucinée ? Que faire de cette lucidité sur le monde ?

On envie parfois les enfants surdoués. C'est une erreur car c'est un inconfort total pour eux et pour les parents. Rimbaud était un enfant très doué à l'école. Il raflait tous les prix dès l'âge de onze ans. Mais parce qu'il travaillait assidument dans des disciplines structurées, telles que le grec et le latin, cela l'a aidé à sauter sur l'autre versant, y porter son génie, jeter sur des pages ce qui brûlait en lui...

Écoutez tout de même ce premier vers d'Une saison en enfer écrit par un adolescent de dix-sept ans peut-être, censé à son âge entrer dans l'existence : « Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient. »

Dans ce vers, je trouve que l'enfant précoce devient presque un homme mûr voire âgé qui se penche sur son passé, non pas usé certes, un homme sage, presque philosophe, capable de faire à la fois un pas de côté tout en ne reniant pas les feux follets qui lui dévorent l'âme. Beau et triste à la fois ! Quel gâchis pour cette enfance avortée ! Mais quel bonheur pour nos coeurs ! Et tout le texte est ainsi, comme s'il dépliait mille vies de lui auparavant, d'une violence infinie, magnifique, magistrale... Narcissique certes, mais peut-on ou doit-on lui reprocher cela ?

À la lecture de ce texte, je me suis posé des tas de questions. Y avait-il une lumière intérieure, une source divine dans les entrailles de Rimbaud ? Était-il possédé par une force qui lui était étrangère ? Est-ce que des substances licites ou illicites l'ont aidé à s'enflammer un peu plus vite dans les vers qu'il écrivait ? Possédé certainement, par quelque chose de violent je le pense aussi, mais pas étranger à lui, je le pense intimement, tout simplement il ne savait sans doute pas dompter cette fulgurance d'étoiles filantes, ce geyser, ce séisme qui ouvrait des brèches et faisait s'écrouler les monuments des poètes avant lui et jaillir d'autres édifices insensés.

Je pense que la poésie de Rimbaud ne délivre aucun message, il en va de même d'Une saison en enfer, simplement elle délivre une lumière fulgurante venue des silences et des vertiges intérieurs qu'a ressenti le poète.

Ici, c'est une peinture, le poète qu'est Rimbaud est un peintre. Sa palette est faite de mots et de lumières. Peut-être ne faut-il y voir ou entrevoir que cela ? Une saison en enfer est une formidable peinture.

D'où vient cette voix alors, cette colère ?

Dans Une saison en enfer, mais pas seulement dans ce recueil, Rimbaud éclaire ce qu'il touche. Ici la boue n'est jamais loin du soleil. L'inverse aussi. J'aime quand la boue n'est jamais loin du soleil, quand celui-ci s'y reflète dans une flaque. Belle alchimie !

« Dans les villes la boue m'apparaissait soudainement rouge et noire, comme une glace quand la glace circule dans la chambre voisine, comme un trésor dans la forêt ! Bonne chance, criais-je, et je voyais une mer de flammes et de fumée au ciel ; et, à gauche , à droite, toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres. »

Une saison en enfer est une sorte de journal intime qui revisite la vie antérieure d'un adolescent de dix-neuf ans qui aurait eu plusieurs existences avant lui. On pourrait en rire. Mais Rimbaud nous impose le respect. Nous l'admirons parce que nous aurions peut-être tous voulu disposer de toutes ces vies avant nous, et lui, d'un coup d'écriture, d'un briquet qu'il allume juste au bord de son coeur, il nous offre des déferlements de vies antérieures qui n'en finissent plus.

L'enfer n'est que la vie sur terre, voici le drame de l'existence. Comment vivre en enfer alors, sinon grâce à la poésie ?

Vivre en enfer, le temps d'une saison... Quel risque après tout ? Comment faire venir la beauté sur ses genoux ? Comment s'enfuir, se révolter contre Dieu, le ciel, ce qu'il est et ce qu'il n'est pas ?

Et si tout ce texte fou n'était qu'un rêve ? Je le relie encore un peu, je le parcours sans cesse pour regarder si j'existe encore, si ce texte existe encore, si je ne l'ai pas imaginé, dire, oui ce texte est bien réel, il est sous mes yeux, sous mes doigts, sous mes battements d'ailes.

Rimbaud nous dit peut-être aussi que venir au monde, c'est connaître d'emblée l'enfer. Cruelle destinée ! Naître, puis se relever, marcher vers la lumière.

Ce texte est un éveil au corps et au ciel. Est-ce comme si les deux étaient totalement liés ? Oui, je pense que les deux sont totalement liés.

Extirper le corps du sol d'ici-bas, pour le tirer au plus haut, voilà le geste peut-être inconscient de Rimbaud, un adolescent insoumis, simplement voyant, qui casse enfin les codes, comme il cassait la vaisselle de Madame Verlaine.

Comment déplier alors ce texte à l'infini ?

Partir, mais peut-on partir ? Peut-on réellement partir ? Nos ailes sont brûlées. Nos semelles sont souvent de plomb.

S'évader, mais par quelle porte, quelle fenêtre, quel chemin ?

Arthur Rimbaud est pressé. Il a rendez-vous avec la solitude. Moi, j'ai rendez-vous avec Rimbaud chaque fois que je descends vers ces vers. Vers ces vers...

Une saison en enfer semble me dire : Ne jamais s'arrêter en chemin. Ne pas perdre son temps. Ne pas se laisser distraire. Aller jusqu'au bout du chemin. Apprendre à vivre sa vie et non tenter de la sauver.

Plus tard, c'est-à-dire ce soir, je vous lis ces vers : « Quand irons-nous, par-delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer – les premiers ! – Noël sur la terre ! »

Rimbaud tâtonne, sans doute nous aussi. La vie est tellement immense.
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