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Critiques de August Strindberg (83)
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Mademoiselle Julie

Grosse déception.

Je n'aurais pas dû lire Hedda Gabler d'Ibsen avant, à côté d'Hedda, Mademoiselle Julie m'est apparue bien pâlotte et pas très convaincante.

J'aime bien pourtant l'idée de départ, le jeu des rapports de force entre la maîtresse et son domestique - lutte des classes et guerre des sexes - aurait pu fournir un ressort dramatique efficace, voire captivant. J'ai le vague souvenir, lointain, d'avoir vu travailler une scène de cette pièce, dans un club théâtre, d'avoir plutôt aimé, et je crois que malgré le flou du souvenir je m'attendais à une Julie plus fine, plus touchante, à quelque aspect sympathique chez Jean, à des personnages plus crédibles, à ce que la façon dont se succèdent les jeux de séduction et le mépris, la répulsion, soit mieux conçue...

J'ai sans doute abordé ma lecture avec des attentes inappropriées, et j'ai trouvé que Mademoiselle Julie, au contraire d'Hedda Gabler, avait mal vieilli. C'est peut-être injuste.



Challenge théâtre 2017-2018
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Au bord de la vaste mer

Qui lit encore August Strindberg de nos jours ? J'avoue qu'avant de découvrir ce roman paru en 1890, le nom de son auteur ne m'évoquait pas grand-chose, j'aurais même pu le prendre pour celui d'un coéquipier de Zlatan en équipe nationale. Direction la Scandinavie : la vaste mer du titre est la Baltique, pas si vaste que ça en réalité. C'est aussi une mer allégorique, ainsi que la fin du roman nous le suggérera.



L'histoire est centrée sur le personnage d'Axel Borg, fonctionnaire de l'État suédois, envoyé sur une île pour y superviser l'activité des pêcheurs locaux. À première vue, le sujet peut paraître assez austère... Et oui, ça l'est. Pas d'humour ou de légèreté ici, il s'agit d'un roman aussi riant et chaleureux que les paysages nordiques. Strindberg se plaît d'ailleurs à nous offrir de longues descriptions de la nature, ainsi que des développements scientifiques et philosophiques tel que cela se pratiquait au 19ème siècle. Cet aspect sert surtout à appuyer le caractère très intellectuel, réfléchi, introspectif de son personnage principal... qui, durant tout le roman, va contraster avec l'environnement fruste où il se trouve plongé dans le cadre de sa mission d'inspecteur des pêches.



Jamais Borg ne parviendra à s'intégrer à la population de l'île, il en est tout à fait incapable : il est l'archétype de ces individus intellectuellement supérieurs, mais handicapés par un manque criant d'intelligence sociale et émotionnelle. C'est un homme très (trop ?) conscient de ses qualités, et qui souffre de n'avoir jamais trouvé sa juste place dans la société, de tout temps persécuté "d'en bas par les inférieurs, d'en haut par les médiocres". Quand il demande pourquoi les habitants de l'île le haïssent et qu'on lui répond que c'est parce qu'il leur est supérieur, il dit : "Je ne le crois pas, car leur intelligence est insuffisante pour apprécier ma supériorité"... À ce stade, Borg a sans doute perdu la sympathie de pas mal de lecteurs, et il s'en fichera bien d'avoir gagné la mienne. Et que dire de sa vision des relations sociales, des femmes et de l'amour – ou plutôt de ces "instincts féroces qui se dissimulent sous le grand nom d'amour" !



Car le flot des sentiments vient chambouler le bel ordonnancement de la vie de notre scientifique, lorsqu'il rencontre Maria, jeune femme plus si jeune puisqu'elle a déjà trente-quatre ans, dont on apprendra plus tard qu'elle est de celles que "l'homme n'épouse pas", et qui en fin de compte ne semble pas du tout assortie à lui... Mais même la personne la plus rationnelle ne peut lutter face au court-circuitage des fonctions de son cortex préfrontal (voir ma récente critique sur "Les souffrances du jeune Werther"). Faute de pouvoir trouver une compagne à son niveau, Borg se résigne à s'abaisser à celui de la modeste Maria. C'est peine perdue, ils rompent presque aussi vite qu'ils se sont fiancés. La romance est donc courte, ce ne sont pas ses développements qui intéressent l'auteur, mais plutôt ses causes (s'étant longtemps préservé des sentiments, Borg y est d'autant plus vulnérable, de la même manière qu'un organisme surprotégé perd ses défenses immunitaires) et surtout les funestes conséquences de cette passion amoureuse : sans trop spoiler, on devine que tout cela ne se terminera pas par "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants".



Au-delà de la question de l'amour, les idées qui irriguent "Au bord de la vaste mer", telles que les inégalités fondamentales entre les différents groupes sociaux, devaient déjà faire grincer certaines dents en 1890, et ces pages sont teintées d'une misanthropie et surtout d'une forte misogynie. J'ignore si le personnage de Borg est un avatar de Strindberg ou si l'auteur a fait en sorte de pousser le curseur au maximum pour faire réagir son lectorat. En tout cas cela a fonctionné chez moi, songeant plusieurs fois "Non, il n'a quand même pas osé !" avec ce plaisir de l'enfant qui entend proférer des gros mots. Sans dire que j'adhère à tous les propos et analyses de Strindberg, je mentirais si je prétendais les rejeter totalement... Mais là encore, de nombreux lecteurs ne seront peut-être pas aussi réceptifs. À l'heure où on en est à caviarder Roald Dahl ou frapper J.K. Rowling de damnatio memoriae, il faudrait presque ajouter un trigger warning en tête de chaque chapitre. On peut imaginer ce qui arriverait à l'oeuvre de Strindberg si nos nouvelles Ligues de Vertu avaient la curiosité de se pencher sur elle...



En attendant, la lecture de "Au bord de la vaste mer" reste autorisée, et si ce n'est clairement pas un roman que je conseillerais à tout le monde, il mériterait néanmoins d'être un peu plus mis en lumière.
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Orage

Le Monsieur est un vieil homme solitaire… Il évolue à l’intérieur d’une sphère réduite à son plus strict minimum : sa domestique Louise le seconde dans les tâches de la vie courante ; il échange parfois quelques mots avec son voisin le Pâtissier, qu’il croise en sortant de l’immeuble ; enfin, il reçoit parfois la visite de son frère, ce qui constitue pour lui les rares occasions où il accepte de pointer son nez à l’extérieur de son appartement.





« […] la solitude a du bon et du mauvais, mais quand personne n’exige plus rien de vous, on a sa liberté. La liberté d’aller et venir, de penser et d’agir, de manger, de dormir à sa guise. »





Toutefois, le Monsieur n’est pas aussi esseulé qu’il veut bien le laisser croire… Même, il a beau affirmer chérir sa solitude, comme pour se persuader de l’impossible : en réalité, il ne la supporte pas. Tout seul devant son plateau de jeu d’échecs, il appelle véhément et réclame un partenaire de jeu : Louise, le pâtissier, son frère… n’importe qui fera l’affaire. C’est que le Monsieur est resté seul trop longtemps, dans une longue période qui a succédé à des années de bonheur avec sa femme, Gerda, et leur petite fille. Orage nous apprendra peu à peu les raisons qui ont interrompu ces belles années. Les comportements des personnages, à l’issue de ce premier drame rapporté, seront l’occasion de dresser un premier portrait peu flatteur de l’humanité. Mais ce ne sera pas le dernier…





La solitude du Monsieur ressort peut-être encore plus cruellement depuis que ses voisins de l’étage supérieur sont morts et que leur a succédé une famille mystérieuse qui ne s’éveille qu’à la tombée de la nuit pour s’emporter dans des ballets tapageurs –joyeux ou tragiques ? La vie intense qui semble animer ces nouveaux voisins impose un contraste cruel à la routine calme –sereine ou ennuyeuse ?- qui caractérise le quotidien du vieux Monsieur. Cette agitation, qui se traduit chez lui en un bruit de fond incessant, rappelle les premiers roulements de tonnerre de l’orage…





Cette pièce courte ne constitue sans doute pas le texte idéal par lequel aborder l’œuvre d’August Strindberg. Elle cumule de grandes qualités –profondeur psychologique des personnages, intérêt dramatique, qualité des personnages secondaires- mais elle est extrêmement brève et se termine si rapidement qu’elle laisse le lecteur dans un sentiment de frustration peu agréable… Mais il ne s’agit là, bien sûr, que d’un signe du talent que nous laisse apercevoir August Strindberg, et nous donne envie de nous précipiter bientôt sur un texte plus consistant de son œuvre…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Mademoiselle Julie - Le Pélican



C'est une pièce en un acte avec trois personnages. Julie, fille du comte, le valet Jean et la cuisinière Kristin. C’est la nuit de la Saint-Jean, Julie cherche à émoustiller le valet, et est déshonorée (je me demande quand d’ailleurs puisqu’il n’y a pas de pause). Elle se suicide. J’ai compris bien sûr qu’il s’agit de rapports de forces entre homme et femme et entre deux classes sociales, mais cela me paraît traité de façon superficielle.

Franchement je suis passée à côté de cette pièce. Je ne pense pas réitérer l’expérience avec Strindberg.



Challenge théâtre 2017-2018

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Le Bouc émissaire

Quelle pépite que ce roman écrit en 1906 qui sera la dernière oeuvre de August Strindberg, l’auteur suédois le plus connu. Mais à la lecture, il pourrait se passer de nos jours, tant la stupidité de l’homo sapiens n’a pas évoluée. Déjà, seuls les sans scrupules s’en sortent. Comme dit l’auteur : la vie est une suite d’épreuves qu’on doit surmonter.

Libotz, avocat vient s’installer dans une petite ville pas très accueillante. Il se rend, chaque jour pour se restaurer, chez Askanius, le propriétaire, qui l’aidera, sans le trouver sympathique. On ne peut pas l’aimer : c’est l’étranger. Il acceptera que tout lui échappe : le travail, l’amour, la vie, quoi… persuadé qu’il n’est pas fait pour le bonheur, regrettant que le monde soit fait ainsi. Les scènes de dialogues sont les points culminants qui dévoilent, peu à peu, une fine analyse de l’espèce humaine. On a l’impression de voir des lions dans une cage qui se battent pour avoir le meilleur morceau de barbaque.

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Le cabinet rouge

Je connaissais Strindberg pour avoir vu plusieurs de ces pièces de théâtre mais je ne l'avais jamais lu. le hasard a voulu que je tombe sur le cabinet rouge chez un brocanteur.

Strindberg avait trente ans lorsqu'il a écrit, dans une veine naturaliste, ce premier roman déjà très maîtrisé qui a connu un grand succès.

Il nous dépeint, dans cette oeuvre autobiographique, et au travers de quelques personnages, la Suède de la fin du XIXème siècle. C'est tout un petit monde composé d'artistes, de journalistes, de politiciens, de fonctionnaires, d'hommes d'affaires, d'éditeurs, qui s'anime sous nos yeux, en quelques saynètes qui permettent à l'auteur de planter le décor et de nous faire découvrir les dessous d'une société corsetée et pleine d'hypocrisie.

Le personnage principal Arvid Falk, en qui nous pensons reconnaître Strindberg, est un jeune écrivain qui hésite entre plusieurs métiers, ce qui l'amène à pénétrer dans différents milieux professionnels.

L'écrivain est caustique ; il a trempé sa plume dans le fiel. Personne ne semble trouver grâce à ses yeux. Doté d'une hypersensibilité et d'une grande culture, il analyse avec beaucoup d'acuité les relations humaines, les ressorts socio-économiques, ainsi que les rapports de classe.

Nous sommes stupéfaits par la modernité et la justesse des propos, sur les plans politique ou moral.

Intrigantes, manipulatrices, séductrices, les femmes ne sont pas épargnées dans ce livre et nous retrouvons bien là la misogynie de Strindberg.

Roman dense, touffu, bien écrit et remarquablement traduit en 1907 par Etienne Avenard, le cabinet rouge nous immerge dans les questionnements et les turbulences qui ont traversé l'Europe à cette époque.

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Créanciers

Un hasard incroyable me fait lire cette pièce de Strindberg après "Un amour insensé" de Tanizaki : les deux oeuvres ont bien des points communs, notamment les relations de Tekla et de son second mari Adolphe, pygmalion dépassé par sa créature.

Cependant la perversité qu'on attribue à Tanizaki ne peut se comparer à celle de Strindberg qui dévoile à travers cet écrit une âme de comptable bien peu reluisante : le mari "donne donne donne". La femme "prend prend prend".

C'est ce qu'Adolphe confie au premier époux de Tekla, Gustave, manipulateur ayant pour dessein secret la destruction du nouveau couple. Non par pure vengeance, ce qui le rendrait en somme plus humain, mais pour récupérer sa mise.

Car pour Strindberg seul l'homme donne : l'homme étant "le père de la femme", comme il le dit crûment, l'épouse est redevable de tout à son mari : de l'avoir épousée, de l'avoir "éduquée" (comme l'imagine Tanizaki ou Molière dans l'Ecole des femmes, ce qui introduit le soupçon d'un fantasme quasi incestueux), de lui avoir fourni maison, parure, amis, loisirs. Bref le mari est le créancier de sa femme et la femme qui quitte son mari est une voleuse, tout simplement.

Avec pareille mentalité, on comprend que Strindberg ait été un homme aigri et qu'il ait raté sa vie sentimentale et conjugale.

Cette pièce fut mise en scène avec beaucoup de succès en 2018 par Anne Kessler pour la Comédie Française. Elle fut interprétée par Adeline d'Hermy, Sébastien Pouderoux et Didier Sandre.

J'aurais beaucoup aimé savoir comment Anne Kessler a fait vivre ce texte. Monter une pièce de théâtre, c'est la ré-écrire avec un souffle, une tonalité propres, parfois très différents de ce qu'un lecteur seul face à l'écrit peut percevoir. Le théâtre est fait pour la scène.



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Inferno

Inferno (1897) est l’un des deux livres que le suédois August Strindberg a écrit en français, et si cet ouvrage est moins connu que ses œuvres théâtrales, il est central pour connaitre l’écrivain car c’est l’autobiographie, l’autoportrait puissant en forme de roman, d’un homme qui a beaucoup souffert de sa paranoïa. Il a aussi écrit des dizaines d’articles dans des revues françaises entre 1883 et 1911, et déclara d’ailleurs en 1894, «Écrire en français dans le Figaro fut la réalisation d’un rêve de jeunesse». Comme d’autres artistes de son époque, il rêvait de conquérir Paris.

Sa vie privée et ses écrits, notamment Mademoiselle Julie, ont suscité un tel scandale qu’il a été amené à quitter son pays. Et à l’hostilité réelle de la société suédoise conservatrice et pétrie de luthérianisme, s’est ajouté le harcèlement incessant de multiples ennemis imaginaires, sans compter l’échec de ses trois mariages, échec prévisible quand on sait qu’en 1895, il a écrit un article intitulé De l’infériorité de la femme. Ce délire paranoïaque de persécution se superpose à un fond d’instabilité qui l’ont conduit à être non seulement écrivain, mais aussi peintre, photographe, télégraphiste, chimiste, et même alchimiste. Il s’est installé à Paris et sa région (Versailles, Passy, Neuilly) en 1894, et a déménagé chaque fois qu’il croyait que ses ennemis avaient découvert son adresse, en partie - semble-il - intoxiqué par l’absinthe. Sa femme l’espionne, ses ennemis le jalousent et devinent ses pensées. Il même pensé qu’ils s’étaient installés dans une chambre voisine de la sienne pour le tuer avec une machine électrique. Comme ses ennemis arrivaient toujours à le retrouver, poursuivi par «les puissances», il a fui à Dieppe, puis est rentré en Suède chez un ami médecin qui l’a soigné un moment, et chez qui il a trouvé le réconfort, avant de s’en aller, persuadé que cet homme était jaloux de ses succès comme scientifique. Il part alors en Autriche, puis revient en Suède, et sa vie vagabonde l’a aussi amené à Berlin, en Suisse romande, au Danemark, et à Bruxelles.

C’est en Suède, et donc en français, qu’il a rédigé son autobiographie Inferno, présentée comme un journal, mais en réalité journal retravaillé, et cela après avoir déjà publié également en français, outre ses articles, Plaidoyer pour un fou (1887) où il avait décrit les déboires du premier de ses trois mariages. Inferno aborde son instabilité, qui conduit à l’échec de son deuxième mariage, et à sa grande crise psychologique, morale, spirituelle et artistique des années 1895-1897. Sa deuxième épouse le quitte lorsqu’il se lance dans des expériences de chimie, voulant trouver l’or des alchimistes, et prouver que le soufre n’est pas un corps simple. D’autres articles expliquent que l’iode est un dérivé de la houille et que la terre n’est pas ronde. De protestant, il devient un athée virulent, puis tombe à Paris dans la superstition et le mysticisme, sans oublier une brève phase de catholicisme, passant chaque fois d’une certitude à l’autre. Dans son enfance, il avait déjà eu une phase de ferveur religieuse intense. Il correspond avec Nietzsche, et finalement, il croira trouver son port d’attache et une explication à ses maux dans les théories de son compatriote Emmanuel Swedenborg (1688-1772), curieux mélange à la fois de vrai scientifique et de théologien mystique imprégné des thèses illuministes. Swedenborg influença les débuts de la psychologie, et semble lui-même avoir été atteint de troubles psychiatriques. Son œuvre, écrit-il, l’a été après dix-sept ans de conversations avec les anges. Il a été surnommé le Léonard de Vinci du Nord ainsi que l’Aristote de Suède. Strinberg a eu connaissance de ses travaux à la lecture à Paris de Seraphîta (1835), déconcertant récit de Balzac qui date de sa période gnostique, pas la meilleure !

Inferno commence par une introduction sous forme de courte pièce inspirée des théories de Swedenborg, qui annoncent la mort de l’Église, remplacée par une «Nouvelle Jérusalem» et un «Nouveau Ciel». Strindberg commence ainsi son autobiographie par planter le cadre mystique de sa crise et de ses croyances. Lucifer (étymologiquement porteur de lumière), y prend la tête d’une croisade contre Dieu, cruel manipulateur cynique, pour défendre les hommes, et cela sous le regard d’un esprit encore supérieur, l’Éternel. La «fin heureuse» de cette introduction, rassurante pour Strindberg, voit Dieu acculé à la repentance.

Le roman est ensuite divisé en une vingtaine de chapitres décrivant donc sa vie et sa paranoïa, les forces invisibles qui l’encerclent et décident de son destin, son obsession de trouver l’or des alchimistes, sa vaine recherche du sens des «signes» qu’il reçoit, sa peur d’être interné, son gout pour la liturgie, pour l’occultisme, son culte des symboles…



Plus tard, il écrira notamment La Danse de mort (1900), reprenant le thème du couple uni de manière inséparable, autant par la haine que par l’amour Pas découragé pour autant, semble—t-il, il se remariera encore en 1901.



Ne manquez pas de voir sa maison-musée si vous passez à Stockholm.

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Le rêve de Torkel

Torkel, âgé d'une dizaine d'années, est né sur l'île de Skamsund.

Élevé par un père ancien pilote de vaisseau, malhonnête et, avouons-le, quelque peu enclin à la boisson, le jeune garçon n'a qu'un rêve : quitter cette vie misérable et rejoindre l'île de Fagervik située juste en face.

La découverte de ce nouveau milieu et de ses habitants met en évidence les contrastes très marqués des deux îles.

D'un côté, Skamsund, monde de ténèbres, île inhospitalière et austère peuplée de marins, de pêcheurs et de pilotes, travailleurs, mais pauvres et moroses. De l'autre, Fagervik, monde de joie, île abritant des hôtels, des villas et un port de plaisance, peuplée de vacanciers oisifs dont la seule préoccupation est la recherche de plaisirs.

Ces deux îles que tout semble opposer vont permettre à Torkel de faire l'apprentissage de la vie, qui n'est ni totalement laide, ni vraiment belle, mais riche de tellement de nuances...

Cette courte nouvelle publiée en 1902 aborde la complexité de la vie et l'importance des choix que nous sommes parfois amenés à effectuer face à certaines épreuves.
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Mademoiselle Julie

Mademoiselle Julie est une pièce du dramaturge suédois August Strindberg relatant le face à face entre deux figures : Julie, personnage éponyme, jeune aristocrate au comportement étrange et Jean, un domestique dévoré d'ambition. Entre eux, un unique personnage secondaire, Christine, cuisinière figée dans l'attente et le silence, domestique prisonnière des convenances sociales. Un unique décor : la cuisine de la maison du comte, la nuit de la saint-Jean. Et oscillant sans cesse entre grandeur et décadence, passant de l'amour à la haine, les personnages s'affrontent, en écho aux bouleversements sociaux du temps ... Ainsi, mademoiselle Julie danse avec les domestiques, sans soucis de son rang, et se donne à l'un deux tout en conservant le sentiment d'un honneur tout aristocrate. Ainsi, Jean, tout en tremblant devant le comte quand il n'a pas ciré ses bottes à l'heure dite, rêve de noblesse et d'élévation. Les distinctions sociales s'estompent, et chaque personnage se trouve comme prisonnier, à tenter encore de penser à travers elles.



Ce qui m'a particulièrement intéressée dans cette pièce, c'est qu'elle se veut l'application d'une réflexion sur l'art dramatique. Strindberg a en effet interrogé la pratique théâtrale, souhaitant la renouveler en partie, l'adaptant à un monde en pleine mutation où l'on ne s'intéresse plus vraiment à ce qui se passe sur les planches. Alors, pour recréer l'illusion (à son sens mise à mal), il a écrit une pièce qui se joue d'un seul tenant, sans entracte, sans division d'aucune sorte. Rechercher plus de naturel et échapper à un théâtre emprunté et plein d'affectations, où des acteurs sur-maquillés et mal éclairés récitent un texte en guettant les applaudissements du public. Dans sa préface, Strindberg décrit longuement les décors, éclairages et types de jeu qu'il appelle de ses voeux, pour un renouvellement de la forme théâtrale.

Les positions de Strindberg par rapport à la construction du personnage sont intéressantes également. A partir d'un sujet "pris dans la vie tel qu'il l'a entendu relater il y a quelques années", il crée avec Julie et Jean deux personnages riches et changeants. Point de caractère préétabli que le personnage portera jusqu'au bout comme marque de fabrique : tous deux apparaissent comme un conglomérat d'impressions, de sentiments, de souvenirs, de lectures diverses, "tout comme l'âme elle-même est un assemblage de pièces de toutes sortes". Pour cette même raison, aucune explication ne sera donnée pour justifier leur comportement et le destin tragique de la jeune fille ne trouvera pas de causalité bien définie. L'on pourra au contraire lui trouver des motifs multiples, sans pouvoir trancher.



Mademoiselle Julie me semble une pièce réussie, d'un point de vue dramatique : l'action est intense, ramassée, et le lecteur-spectateur est vite entraîné dans l'étrange atmosphère de cette nuit de fête. Pour n'en ressortir qu'à la fermeture du livre, ou du rideau. Dans sa volonté de tenir le spectateur de bout en bout tout en le laissant souscrire à l'illusion théâtrale, Strindberg a ménagé des moments de pause permettant à l'attention de se relâcher un moment, grâce au ballet, à la pantomime ou au monologue. A ce titre, il accorde, lors de moments précis de la pièce, une liberté non négligeable à l'acteur qui doit lui-même inventer son propre monologue, construire sa gestuelle et non déclamer un texte déjà écrit.

Au final, je garde une très bonne impression de cette pièce lue d'une traite durant un voyage en train (pourtant particulièrement bruyant). C'est que je me suis véritablement laissée entraîner par le rythme et l'écriture de cette petite pièce.
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Mademoiselle Julie

C’est une pièce qui, dans un lieu commun et étroit -une cuisine-, développe un univers de sensibilités et d’émotions. Au-delà de l’histoire qui se construit sur le mépris, cette pièce permet une mise en abîme des luttes sociales: lutte de pouvoirs, lutte de classes, lutte pour l’amour.

J’ai beaucoup apprécié ce texte fort de ce dramaturge suédois.

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Au bord de la vaste mer

Figure nietzschéenne scandinave, Axel Borg, intellectuel et touche-à-tout incompris, mis à l'écart par ses supérieurs hiérarchiques obtus, qui le cantonnent à des tâches subalternes en réponse à ses idées novatrices, demande son affectation dans une île comme inspecteur des pêcheries. Conscient de sa supériorité intellectuelle, il se trouve très vite en bute à l'hostilité des pêcheurs, dont il ne peut s'empêcher de mépriser la vulgarité, ses projets de réforme pour une meilleure gestion des ressources ichtyologiques rencontrant leur inertie foncière. Lors de l'une de ses coutumières sorties en mer, il fait la connaissance sur un ilot, d'une femme de trente-quatre ans, dont il s'avère qu'elle s'est installée avec sa mère dans une maison à proximité de ses quartiers, et qu'il convoite immédiatement, sans nourrir cependant d'illusions à son sujet, ayant déceler chez elle la fausseté, l'inconstance, la puérilité, pour tout dire un terrain propice à l'hystérie. L'homme se fait tout de même un peu violence pour combattre sa pente à l'isolement et répondre à leurs invitations.



Au bord de la vaste mer ménage de très belle description des richesses géologiques, de la faune et de la flore du pays chéri du très fameux dramaturge suédois. Il sourd de ses pages une indiscutable et très lourde misogynie, symptomatique d'une peur viscérale des femmes et d'une conception de l'amour fusionnel inatteignable et forcément déçu. À déposer sous le sapin de votre amie féministe pour égayer le réveillon.
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Mademoiselle Julie - Le Pélican

Je viens de voir la pièce ... et j’enchaîne par sa lecture.

Vous pouvez d'ores et déjà prédire que je ne vais pas vous la déconseiller!



La pièce: vive, enlevée (parfois brutale"), malgré le strict respect de l’unité de temps de lieu d'action que s'impose Strindberg.

Mais là n'est pas l'essentiel. L'auteur réussit à marier (enchevêtrer serait plus exact ! ) habilement plusieurs thèmes tels que séduction, domination, poids des origines et du passé.....

Les deux acteurs principaux usent et alternent de toutes leurs armes : contes, tortures, séduction, coquetterie, humiliation, flatterie, provocation, enjôlement, alternance de politesse et grossièreté....

Quant à l'amour, si le mot est employé à plusieurs reprises, c'est en fait pour mieux "démontrer " que le mot n'est que le faux nez dissimulant désirs, ambitions, rancœurs, besoin de domination : bref très conforme au pessimisme de Strindberg.



A noter, la préface détaillée (50 pages) et intéressante de cette édition.



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Le Bouc émissaire

Magnifique étude de caractères,tous les héros strindberghiens y sont.Askanius,le bon-mauvais qui succombe à sa folie des grandeurs,Libotz,qui se croit destiné au malheur et y succombe,et l'ignoble Tjarne,sans scrupules qui triomphera des deux?
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Le Bouc émissaire

Magnifique personnage, attachant, irritant, bonne poire aussi, qui m'a beaucoup amusé. Ce roman est un bijou.
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Mademoiselle Julie

L’auteur (1849-1912 Stockholm) respecte la règle des trois unités, de temps, de lieu et d’action mais la pièce peut surprendre car elle ne comporte ni entracte ni pause.



Ce huis-clos nous entraine la veille de la saint Jean en 1894 dans la campagne suédoise. En cette nuit s’affrontent deux personnages opposés et équivoques : Jean, un valet et Julie la fille du comte, maître de Jean. Et puis entre eux, une présence, celle de Kristin, la cuisinière, promise de Jean.



Julie veut imposer sa volonté à Jean qu’elle méprise car c’est un serviteur et aussi parce que c’est un homme. Sa mère lui ayant donné une haine féroce envers ce sexe.



Jean rêve de grandeur. Il est arrogant et veut sortir de sa condition par l’éducation, l’argent. Argent qu’il compte soutirer à Julie en la séduisant.



Une tension va naitre entre ces deux personnages opposés et semblables, grisée par l’alcool et la danse. C’est un jeu de séduction-répulsion qui consiste à dominer l’autre pour ne pas être dominé.



C’est une tragédie forte avec des personnages complexes et de belles images. La fin me bouleverse à chaque fois.
Lien : http://memelessorciereslisen..
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Mademoiselle Julie

J'ai choisi la version traduite par Boris Vian parue en 1952 et prenant son point de départ dans une version anglaise pour lire la pièce d'August Strindberg, "Mademoiselle Julie" que j'ai vu récemment au théâtre de l'étoile du nord à Paris dans une mise en scène de Julie Brochen avec la captivante Anna Mouglalis dans le rôle-titre.

Mais si Strindberg a innové, cette pièce écrite en 1888 a été jugée trop sulfureuse par les autorités suédoises à sa création.

L'histoire est celle d'une relation entre une jeune aristocrate et son valet qui s'apparente à une guerre de classes mais aussi à une guerre de sexes où la femme est perdante. Car contrairement à un autre dramaturge suédois, son aîné Henrik Ibsen, August Strindberg semble assez misogyne. Je crois d'ailleurs qu'il est connu pour ça.

La scène se passe en huis clos et débute durant la nuit des fêtes de la Saint-Jean. Tout le château danse pendant que monsieur le comte est en voyage. Sa fille, mademoiselle Julie, se laisse emporter par l'ivresse de la fête. Elle va jusque dans la cuisine pour aller chercher Jean, domestique de son père et bon danseur. Alors qu'il s'est engagé auprès de Christine, la cuisinière, un jeu de séduction malsain va les rapprocher. Julie a l'habitude de dominer les hommes de par son rang mais elle ira jusqu'à s'abandonner dans les bras de Jean.

Pourtant, au petit matin, elle n'assumera pas le risque d'être considérée comme une aristocrate humiliée par un homme d'un rang inférieur. Les rôles vont s'inverser et le valet deviendra le dominant.

C'est comme si Strindberg voulait dire qu'on ne peut pas s'affranchir de l'ordre établi quand on est une femme. Je n'en suis pas certaine et cela me fait douter. En tout cas c'est une pièce que je trouve bien construite.





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Mademoiselle Julie

Voilà plusieurs jours que je médite ma critique pour cette Mademoiselle Julie et j'avoue que je sèche... Je sais bien qu'il s'agit de l'une des pièces de théâtre les plus jouées dans le monde mais je confesse n'avoir pas bien saisi l'objectif de Strindberg. On se perd dans les multiples changements d'avis de Julie ; va-t-elle fuir avec Jean? va-t-elle rester? Il fallait que je lise cette pièce, je l'ai lue, ça s'arrête là. Peut-être devrais-je la reprendre dans quelques années.
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Le Bouc émissaire

Le pouvoir de la haine



Édouard Libotz n’a pas eu une enfance facile. Son père, épicier de son état, l’a toujours plus ou moins maltraité et le jeune homme a rapidement pris conscience du tragique de la destinée que son passage sur la terre lui réservait. Il réussit pourtant à faire des études de droit et s’installe dans une petite ville de Suède dont la principale caractéristique est d’être une station thermale assez recherchée. Les débuts sont difficiles pour Libotz et les clients se font cruellement attendre. Il reçoit aide financière et encouragement de la part d’Askanius, l’aubergiste qui devient plus ou moins son ami. Mais notre héros n’est pas au bout de ses peines. Pour les habitants de la ville, il est un étranger et le restera quoiqu’il fasse. Bien que son étude d’avocat commence à avoir du succès, il est en butte à la haine et à l’hostilité générale. Pourtant, Libotz n’est pas méchant au contraire, il est même rempli de bonne volonté et n’hésite pas à aider dans la mesure de ses moyens ceux qui sont dans la misère et la peine. Mais on dirait que toutes ses bonnes actions se retournent contre lui. Plusieurs événements viennent perturber la vie de la petite ville, des drames se jouent et des destins s’accomplissent. La haine domine la petite communauté et cette haine a besoin de quelqu’un pour la canaliser, un bouc émissaire qui fait qu’au lieu de se déchirer entre eux, les habitants s’unissent et concentrent toute cette haine sur une seule et même personne : Libotz !



Avec ce livre, j’aborde l’œuvre de ce grand auteur dramatique que fut Strindberg, réputé particulièrement pour ses pièces de théâtre. Et ce livre rappelle effectivement une pièce de théâtre par la construction magistrale du récit et la place immense que prennent les différents personnages. Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement avec le film « Dogville » de Lars von Trier. C’est puissant comme récit, tant par l’écriture dépouillée et efficace que par la façon dont l’auteur met en place toutes les pièces qui mèneront au dénouement tragique de ce drame enfanté par la méchanceté intrinsèque de l’être humain et sa mesquinerie légendaire.



Un livre qui recèle une analyse particulièrement fine et réaliste des relations humaines et des âpres luttes que doivent mener les humains entre eux pour rester vivants et réussir à tirer leur épingle de ce jeu cruel et cynique qu’on appelle la vie. Un chef-d’œuvre !



« Cette attitude était la conséquence d’une confiance fondée non pas sur une méconnaissance de la méchanceté foncière de l’être humain, mais sur une position de principe : il faut croire au bien, se forcer à penser du bien de son prochain et tâcher de lui trouver des excuses et de lui pardonner coûte que coûte, en cas de déception. Il était ainsi fait, il était né avec ces idées sur le monde, sur les hommes et sur sa propre destinée, et il appelait cela sa « religion » ».



« Ils causèrent, avidement, tel un couple de naufragés sur une île déserte. »



« Il se garda bien de s’enorgueillir de sa victoire, mais il emprunta désormais les rues principales et y marcha la tête haute. Les regards haineux des passants ne l’atteignaient plus, il était immunisé contre les injures, qu’il n’entendait même pas, et il évitait de regarder les vitrines où toutes les semaines, s’il en avait envie, il pouvait voir sa caricature. Ainsi vivait-il, revêtu d’un scaphandre hermétique, ne recherchant le commerce ni des grands ni des petits. »
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Le rêve de Torkel

Le rêve de Torkel, c'est l'île de Fagervik qu'il aperçoit depuis Skamsund, l'île où il vit. Tout oppose les deux îles. Skamsund (dont le nom évoque la honte) est un ilot aride où les habitants doivent trimer pour assurer leur survie ; l'autre, Fagervik (dont le nom évoque la beauté) est une île où se prélassent des vacanciers oisifs dans un cadre magnifique. On le voit d'emblée, on se trouve dans un univers dichotomique, proche du conte, de la parabole, impression que renforce la morale un peu trop clairement énoncée à la fin. Mais le charme de cette nouvelle tient plutôt au parcours de ce jeune garçon qui va apprendre que la vie, justement, n'est pas si simplement divisée entre bon et mauvais, beau et laid, et que trouver sa voie est un peu plus complexe. La morale, c'est celle qu'il s'est forgée, par son éducation et son expérience. On regrette presque que Strindberg n'ait pas développé son idée pour en faire un texte plus long.
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