Autofiction nerveuse, ce roman parle d'amour impossible d'un esprit "cartésien" face à un esprit "borderline".
J'ai fait cette lecture en quelques jours. le roman se lit bien, je pense qu'il y a eu un gros travail de "nettoyage" afin de faire ressortir l'essentiel. La nervosité se ressent à travers les lignes. le roman est régulièrement ponctué de références culturelle, populaires ou non, et c'est heureux, cela détend l'atmosphère...
Il reste le sujet, difficile. Comment comprendre cette amour ? Comment accorder, sinon la confiance, du moins les circonstances atténuantes, au protagoniste masculin.
Comment comprendre ?
Pourquoi tant et tant de souffrance. le plaisir en valait-il la peine ?
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Un porteur d'eau possédait deux cruches, chacune d'elle pendant aux extrémités d'une solide perche qu'il portait sur les épaules. L'une des cruches était fêlée, tandis que l'autre était parfaite. A la fin de la longue marche du ruisseau à la maison, la cruche fêlée arrivait toujours à moitié pleine, tandis que la cruche sans faille accomplissait son travail à merveille. Tout se passa ainsi pendant des années. Mais la cruche fêlée était honteuse de son imperfection, et misérable de ce qu'elle considérait comme une faillite. Un jour, près du ruisseau, elle s'adressa au porteur d'eau: "J'ai honte de cette fêlure à mon côté, qui laisse fuir toute l'eau le long du chemin qui mène à votre demeure."
Le porteur dit à la cruche: "As-tu remarqué qu'il y avait des fleurs seulement de ton côté, sur le chemin? C'est que, connaissant ta fêlure, j'ai semé des graines de jolies fleurs seulement de ton côté du sentier, et chaque jour, durant tout le trajet, tu les arroses. Ainsi, depuis des années, je cueille des fleurs qui embellissent ma maison. Si tu n'avais pas été telle que tu es, jamais nous n'aurions eu toute cette beauté."
"....Je ne vois pas comment on peut oublier une telle volupté, marmonnait R. avec un reste d'ironie réflexe, mais elle était au bout du rouleau, elle ne réagissait pas. Ce qui nous minait, elle et moi, au plus profond de nous-mêmes, nous atteignant, elle dans sa fermeté intellectuelle, moi dans ma perception sensible, c'est qu'à côtoyer Luc, à le regarder, à l'entendre, à le lire, l'existence n'avait absolument aucun sens. Rien ne comptait, on ne comptait pour rien. La valeur de la vie s'était retirée toute." (P 194)
Alors il y a des livres - n'est-ce-donc rien? - dont la lecture comme l'écriture, loin de nous embarquer ailleurs , nous tirent vers le miroir , vers un lieu où , nous voyant soudain à l'arrêt, saisis dans le cadre,ombres , cernes , rides gravés sur le visage vif argent de l'enfance, nous pouvons simplement,simplement comprendre notre douleur.
Le mot "folie" vient du latin "follem", "ballon". Donc le mot convient parfaitement. Un fou , c'est quelqu'un qui va de-ci de-là, qui n'est pas arrimé. Comme Luc. (...) c'est "L'Homme sans Gravité" dont parle Charles Melman: un type qui se laisse guider par l'instinct, toujours en quête de jouissances immédiates qui se valent toutes, sexe, drogues, vitesse, et d'excès qui le lassent, un homme à la fois perpétuel excité et éternel frustré, sans repère, sans pensée nette, errant sans but, sans cadre, sans feu ni lieu, sans foi ni loi, un ballon, oui .. (..)
Pour te comprendre, il fallait faire comme le poète, regarder les nuages, là-bas, les merveilleux nuages. Au fond, nous etions tous des nuages, et tu avais avec nous tous des manières de nuage. Nous errions tous dans le ciel du temps, étirant nos formes changeantes et cotonneuses, échangeant nos étoffes de ouate, certains dérivant sans cesse au fil du vent, d'autres immobiles et compacts, engrangeant masse et semblant de matière.
Quelquefois, deux nuages se rencontraient, se trouvaient, mêlaient leurs contours dépareillés, fusionnant jusqu'à ne plus faire qu'un, leurs clartés s'interpénétraient, leurs limites s'abolissaient, peaux, sexes, brumes de l'esprit, humeurs, vapeurs, tout se fondait, se confondait, se comprenait, le plaisir faisait la pluie et le beau temps; mais cette union ne durait pas, et peu près chacun reprenait sa route, dérivant dans un coin de gris-bleu , parfois troué d'un rayon qu'on pouvait croire divin .. si l'on refusait de se voir comme on voit les nuages : sans autre destin qu'un ciel sans bords, allant nulle part, dans leur habit de lumière et de néant.
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