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Critiques de Carlos Sampayo (65)
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Alack Sinner - L'intégrale tome 1 : L'âge de l'..

Ce New York là n'est qu'un simple décor : les lumières, les gratte-ciels et les bruits n'ont rien de gigantesque. Chaque personnage porte son drame et sa vilenie et la grandeur de la ville ne signifie que la multiplicité des tragédies personnelles. Dans la faune locale se glissent les auteurs eux-mêmes. En se mettant en scène, Munoz et Sampayo indiquent qu'ils ne sont pas seulement des auteurs qui prennent en main un sujet ; ils se placent comme Sud-Américains portant un regard critique sur la société américaine.



Histoire après histoire transparaît la noirceur de l'âme humaine : incestes, extorsions, chantage, vols, meurtres composent la matière de ces presque quatre cents pages de l'album. Cette malédiction se reflète dans la noirceur du dessin, dont la qualité graphique est l'un des points forts de l’œuvre. Un trait sombre qu'il faut parfois déchiffrer, avec de grands aplats de noir ou de subtils tracés qui rappellent les pattes des maîtres argentins ou italiens. Dans Alack Sinner, la violence est omniprésente : dans la rue, dans les familles, dans les institutions (police), dans le sport (la boxe). Cette violence physique n'est que le reflet de la société, elle-même très compartimentée et racisée, d'où des épisodes humiliants et cruels pour Alack (avec les amis du jazzman, ainsi qu'avec la tante de sa fille) pendant lesquels il est renvoyé à son statut d'homme blanc, ce qui est normal puisque ses interlocuteurs sont exclusivement renvoyés à leurs statuts d'hommes ou de femmes noirs.



Alack Sinner, c'est aussi la démystification du culte des apparences : ainsi ce couple de pasteurs dont le mari aime trop la progéniture tandis que l'épouse la déteste ; ainsi Enfer, la compagne d'Alack, qui lui ouvre plutôt les portes du paradis ; ainsi la police censée protéger les citoyens mais qui les abat par folie politique ou personnelle ; ainsi le nom de Sinner dont la signification apparaît en contradiction avec les principes profonds du bonhomme. Cet agrégat d'histoires publiées indépendamment a déjà le mérite de présenter en un volume des histoires d'une grande qualité graphique. Le défaut inhérent à ce type de publication est qu'au début, les enquêtes de Sinner semblent se répéter tant la noirceur humaine est présente. Autre défaut récurrent dans les histoires : le manque de clarté narrative : le point de vue du personnage principal semble mettre de côté, parfois, le lecteur.



Cependant, l'intérêt de cet album est aussi de mettre en valeur le développement en profondeur du personnage. Alack, simple détective privé au début, se révèle peu à peu. il a démissionné de la police à cause de la violence institutionnalisée, bien qu'il soit amené à collaborer avec elle dans le cadre de ses activités. Alack est aussi un homme profondément seul. Cette solitude est paradoxale tant une métropole telle que New York, mais c'est là un thème que l'on retrouve dans d'autres romans new yorkais, comme dans ceux de Paul Auster. Alack a une famille, certes : une sœur qui vit en Angleterre, un père avec qui les rapports sont impossibles, car le père ne sait pas parler à cœur ouvert. La fonction de détective devient peu à peu secondaire : on voit Alack devenir chauffeur de taxi, puis perdre sa licence. Avec Enfer, il rencontre l'amour charnel avant d'entrevoir la possibilité d'une famille.



Loin de s'attacher fermement, même aux femmes qu'il aime, Sinner possède une âme dont les sillons ont été creusés par les affaires dont il a été le témoin. Jamais en paix, Sinner est sans cesse renvoyé à celles-ci. Dans l'océan new yorkais, Sinner est un naufragé dont les bouées s'appellent Nick, Enfer et Cheryl. A la fin du premier tome de l'intégrale, il ne s'est pas encore noyé.
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Evaristo

Carlos Sampayo est un excellent spécialiste du polar. Tout le monde ou presque connaît Alack Sinner (Le bar à Joe) et ses aventures dessinées par Jose Muñoz, qui firent les délices des lecteurs de (A suivre). Pas de détective privé désabusé ici mais le commissaire argentin Evaristo Meneses, chasseur de criminel et de truands et plutôt dur en affaires. Ca, si Evaristo réfléchit vite et bien et ne renonce pas devant l'adversité et le danger, il sait très bien se servir de ses poings et de ses flingues… le vrai Evaristo (1907-1992) n'a semble-t-il pas été conquis par ses aventures mises en BD mais bon, quand on est devenu une légende, un modèle de réussite et d'incorruptibilité, on peut se montrer difficile…



Nous sommes dans les années 60, peu de temps avant que les militaires prennent le pouvoir en Argentine avec les conséquences et les exactions que l'on sait. L'album reprend quelques unes des enquêtes les plus connues ou les plus spectaculaires qu'Evaristo Meneses fut amené à résoudre. A de rares exceptions (Opération Hermann et Sous la menace) elles concernent des délits de droit commun. Opération Hermann revient sur l'enlèvement et l'exfiltration en 1960 par les services secrets israéliens d'Adolph Eichmann et pose la question de la violation des règles diplomatiques les plus élémentaires concernant la légitimité d'un Etat. Plus glaçant encore, Sous la menace explore les prémices de la prise de pouvoir par la junte militaire et de la « guerre sale » que connut l'Argentine à partir du début des années 70 et qui fit autour de 10 000 victimes.



Evaristo est un très bel album (format agréable, beau papier mat…) qu'agrémente un bref mais utile appareil critique. le scenario de Carlos Sampayo est rigoureux et d'une sobriété allant droit au but. le dessin de Francisco Solano Lopez est d'un clarissime total, associant élégance et équilibre, dans la droite ligne D'Alex Raymond (Rip Kirby) ou de Franck Robbins (Johnny Hazard). On est loin du dessin halluciné de José Muñoz et des ses grands aplats mais tout cela est efficace et donne un recueil parfaitement réussi.

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Alack Sinner - L'intégrale tome 1 : L'âge de l'..

Apparues pour la première fois dans les pages de Charlie Hebdo en 1975, les aventures d’Alack Sinner sont maintenant publiées dans leur intégralité par les éditions Casterman. Deux tomes qui reprennent les histoires d’Alack Sinner en prenant en compte leur chronologie.



Créé par deux argentins (Carlos Sampayo et José Antonio Munoz, Grand Prix du Festival d’Angoulême en 2007), Alack Sinner est un ancien flic, dont le dégoût envers la corruption de ses collègues le poussa à se reconvertir en détective privé. Un personnage cynique, solitaire et aigri qui noie son mal de vivre dans l’alcool du Bar à Joe.



Dans l’aspiration de ce héros évoluant dans les bas-fonds newyorkais, Sampayo livre une chronique acerbe de l’Amérique des seventies. Un quartier gangréné par le racisme, la guerre des gangs, les drogues et les ripoux et une ambiance bien particulière, propice au polar noir des années 70.



Le graphisme noir et blanc de José Antonio Munoz, inspiré par le roman noir et le cinéma américain, contribue à installer cette atmosphère particulière, tout comme cette inévitable narration en voix-off. Mais, si cette dernière installe parfaitement l’ambiance, son utilisation excessive a également tendance à ralentir la lecture et à freiner le dynamisme de cet album. Si ce rythme de lecture ne dérange pas sur une histoire individuelle, dans ce format intégrale qui incite à enchaîner les histoires, cela finit par peser.



Dans la lignée de « Choucas » (l’humour, les jeux de mots subtils et les références littéraires en moins), cette première intégrale de près de 400 pages est indispensable à ceux qui savent apprécier les bons polars noirs qui reposent en grande partie sur l’ambiance créée par une narration en voix-off.
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Alack Sinner - L'intégrale tome 2 : L'âge des d..

Lorsqu'à la fin de l'Affaire USA, Alack Sinner est pris à partie par son futur gendre, on se dit que cet homme sera décidément toujours aux prises avec l'humanité. Dans ce deuxième tome de l'intégrale, on retrouve quatre albums fort différents entre eux qui continuent d'écrire une autre histoire de l'Amérique : celle des barbouzes, celle des agences secrètes, celle des rednecks aussi. Le dessin de José Munoz garde une grande qualité, s'affinant parfois pour flirter - de loin seulement - avec le comics, tout en conservant ses caractéristiques premières : blancs et noirs tranchés, figures humaines taillés à la serpe, découpage et cadrage parfois déroutant.



Sinner est-il encore détective ? Oui ... et non. Il l'est quand les siens sont en danger : sa fille Cheryl enlevée par des mafiosi, sa sœur Toni enlevée et séquestrée par un Français amateur de photographie et de masochisme. Il l'est aussi quand on l'engage : ainsi en va-t-il de Jill Oates, ancienne compagne de Frank Sinatra croisée dans le premier tome de l'intégrale, devenue une femme d'affaires plutôt gênantes pour le gouvernement. Sinner est aussi un observateur du monde en mouvement. Dans l'album Nicaragua, il est un témoin privilégié de la lutte diplomatique - mais pas seulement - qui a lieu entre le gouvernement des Etats-Unis et les sandinistes nicaraguayens. Là comme ailleurs, Sinner se tient toujours derrière le rideau des apparences : les tensions politiques n'empêchent pas les amours habituelles (avec une Nicaraguayenne), elles n'empêchent pas les tensions père-fille, elles développent même, parfois, les absurdités de la vie quotidienne (ainsi quand sa fille, encore très jeune, est qualifiée de communiste à l'école).



Ce qu'il y a derrière les choses semble bien constituer un fil rouge pour ces histoires d'Alack Sinner. Avec cet homme qui n'a rien d'un héros, on devine les dessous de la vie politique internationale classique comme ceux d'une vie politique clandestine où tout se joue dans les zones grises (L'affaire USA). Sinner donne aussi à voir l'Amérique profonde, conservatrice, qui regarde l'étranger d'un drôle d’œil. A priori, cette Amérique-là n'a rien à voir avec New York où tous ses mêlent. Mais les bas-fonds restent les bas-fonds, qu'ils soient urbains et pluvieux ou ruraux et ensoleillés. Sinner part en bus dans un long trip pour retrouver Sophie, pour laquelle il avait retrouvé son frère boxeur, mais il doit pour cela affronter les mesquineries et des dangers plus réels. Les voyages ne réussissent décidément pas à Sinner qui, même lorsqu'il part pour Paris, s'y trouve confronté à la perversité des hommes (Histoires privées).



Au registre des critiques négatives, il y a toujours cette narration déroutante, dont on perd parfois le fil. Le propos reste noir, indéniablement, mais Sinner, en tant que personnage, s'efface presque derrière les thèmes choisis par les auteurs. Il est un observateur de son monde, certes, mais surtout un simple médiateur entre les auteurs et le lecteur. En d'autres termes, Alack Sinner perd de sa substance et, donc, de sa profondeur dans cette intégrale. Avec ces quatre albums, Alack Sinner n'est plus tant un roman (graphique) noir sur l'Amérique, mais plutôt un portrait sombre de celle-ci, dessiné par un personnage principal qui subit les événements plutôt qu'il ne les façonne.



Des années 1980 aux années 2000, Alack Sinner continue de nager dans un océan d'immondices. Il a toujours ses bouées - Cheryl, Sophie, et même son ami Nick Martinez qui a quitté la police - et, en 2004, il est toujours vivant, détective recyclé en grand-père aimant. L'Amérique est violente, l'Amérique est cynique, mais au final, l'Amérique est belle, et familiale. Mais cela, ce sont les apparences, n'est-ce pas ?
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Evaristo

Evaristo est un commissaire, assez macho parfois violent, cet album comporte 16 de ses aventures, il y a beaucoup de thèmes abordés sous forme de quelques pages, cela fait référence :

- l'enlèvement de Eichmann, nazi,

- un personnage politique de la vie Argentine des années 20 et 30 : Juan Ruggiero

- Une organisation mafieuse polonaise qui organisa un trafic de femmes

- Premier serial killer qu'on surnomma "courtaud aux grandes oreilles"

- Dictatures argentines

Et beaucoup d'autres sujets, ce sont des problématiques peu abordés dans les thrillers classiques, d'où l'intérêt de cette très belle bande dessinée.

C'est assez particulier de pouvoir découvrir des personnages dont on lit une histoire, c'est ce qui se passe quand on lit un roman graphique par rapport a un livre classique, et tout est important pas seulement les mots, mais les dessins, les expressions des protagonistes.

J'ai vraiment beaucoup aimé, ces petites scénettes de la vie en argentines, ces mini enquêtes, car on voie ce fameux commissaire Evaristo, qui est sur tous les fonds, dans toutes les situations possible et inimaginables, bon il as le bon rôle et souvent, le dernier mot.

Mais les histoires étaient très différentes les unes des autres et les planches de dessins très expressif, ça donne un petit plus de l'histoire et cela permet d'encore plus de s'impliquer dans les investigations.

De plus cet ouvrage est vraiment magnifique, et je remercie vraiment BE POLAR et les éditions Illantina m'avoir permis de pouvoir le lire.

De plus c'est un plaisir de diversifier mes lectures que ça soit dans le format que dans la thématique.
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Billie Holiday

Une mise en bouche réussie et qui m'a alléché, emporté, attisé ma curiosité. Puis la BD proprement dite. Où sont les émotions ? Je ne les ai pas ressenties, hélas.
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La Faille

Un dispositif narratif original, servi par une langue très fluide, proposant l'approche chorale d'une certaine fin du monde. Si les questions posées sont intéressantes, et l'histoire presque haletante, la montagne accouche hélas d'une souris. Dessins simples mais beaux, à la limite du croquis, s'accordant au texte qui tient souvent plus de la légende que du phylactère.
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Evaristo

Un grand merci à BePolar et les éditions Ilatina pour m'avoir offert cette BD. Je ne suis pas habituée à critiquer les BD.D'abord le livre est très beau. Il est épais (c'est une surprise !) et la présentation est particulièrement soignée. Tout est en noir et blanc, les épisodes sont séparés par une page très classieuse. C'est une BD inspirée d'un policier argentin qui a existé. Il s'agit d'une série d'épisodes inspirée de la vie de ce policier qui aime particulièrement les bourre-pif et qui plaît beaucoup aux femmes. La fin du livre explique plus particulièrement certains épisodes qui font partie de la légende populaire. Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est la vision qu'il donne de l'Argentine par petites touches, les dessins explicites qui vont droit au but. Un superbe cadeau à faire ... et en plus avec du polar dedans !

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Fly Blues

Quel monde détestable ! Cette fois, je risque d'être piquant, à la hauteur de ma déception. Triste vision de la France, ultra violence à tous les coins de rue, désillusions, tromperies, tout ceci est d'une tristesse désolante. Une surenchère de boue, un magma d'excréments. Tout ce que j’abhorre.



Trompé par le dessin d'Oscar Zãrate (à l'ancienne, inhabituel, un peu malhabile, sorte de gribouillis de cahiers d'école, une patte personnelle qui m'attirait vraiment) et la thématique musicale sur fond de jazz, je déchante totalement. La narration de départ m'a un peu fait penser "La guitare de Bo Diddley" de Marc Villard, mais alors, qu'on est loin de ce bon roman ! Quand l'un touche au vrai, l'autre paraît totalement factice, fantasmé, et de très mauvais goût. Je n'adhère à rien de ce monde qui m'attriste. Je n'avais qu'une hâte, achever ma lecture pour passer à autre chose.



Je ne comprends pas ce que ces pages défendent, sinon des bassesses irréelles. J'y vois un catalogue de mauvais esprit, une liste de misères accumulées, un échafaudage de mauvais scénarii. Qu'on me comprenne bien, le monde des bisounours n'est pas le mien, j'aime à me frotter à la crasse et aux égouts, les horizons désenchantés existent, je ne tiens pas à les nier. Mais traiter ces thèmes à cru sont appréciables quand cela implique une réflexion sur l'humain. Il s'agit de pointer la saleté pour s'élever, secouer la fourmilière.



Rien de tout ça dans "Fly Blues". Ici, la gratuité de l'entreprise me semble nauséabonde et putative, tout est facile et vil, désincarné et fort peu crédible. Ce Carlos Sampayo n'est vraiment pas pour moi. Je redonnerai sa chance à cet auteur, mais je n'en recommande pas cette lecture-ci, à moins d'avoir envie de perdre son temps en se traînant dans la fange, ce qui peut se concevoir... il y a - à mes yeux - bien des nourritures plus digestes, qualitatives et raffinées. Penchez-vous plutôt sur Renaud Dillies, Alain Kokor, Nicolas Dumontheuil, Fred, Luc Brunschwig, Nicolas Vadot, Jean-Jacques Sempé, Wilfrid Lupano, Zidrou, tout est bon, intelligent et poétique chez ces gens-là.
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L'Année où le lion s'est échappé

Beaucoup aimé ce livre, son rythme dans toute la première partie... Et puis intervient toute une partie destinée à nous détailler le passé d'un des personnages, il est vrai énigmatique... mais l'effet est surtout néfaste, celui de casser notre lecture... J'ai en revanche dévoré la dernière partie qui est la reprise et la fin de la première. Pourtant d'habitude j'aime beaucoup les ruptures dans la chronologie de l'histoire qui amènent souvent une originalité divertissante. Mais quand cela amène une rupture du rythme... dans un roman dont l'enchainement et le croisement rapide des personnages est le principal atout... c'est dommage, on est passé tout prêt du 4 voire 5 coeurs !
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Alack Sinner, tome 1 : Viet Blues

Dans le monde de la bande dessinée, tout comme dans l’univers du roman noir, le personnage du détective privé possède la particularité de ne pas vieillir. De plus, il s’agit d’un homme solitaire qui n’a que très peu d’attache ce qui lui confère une aura des plus singulières dépourvue d’un certain réalisme alors que paradoxalement, le genre s’attache à dénoncer les travers de notre société. Mais comme toujours, les codes sont fait pour être transgressés et ce sont les deux argentins José Munoz et Carlos Sampayo qui se chargeront de faire voler en éclat le carcan dans lequel on avait enfermé le détective privé en créant Alack Sinner qui donne son nom à la série.



Alack Sinner est né dans un quartier pauvre de la banlieue new yorkaise où il grandit avec sa sœur Toni. Vétéran de la guerre de Corée, Alack Sinner intègre le NYPD en tant qu’agent en uniforme. C’est dans l’épisode Conversation avec Joe qu’il expliquera les raisons de sa démission suite aux excès des violences policières dont il était régulièrement témoin. Mais ce sont ces mêmes flics qu’il dénigrait qui se chargent d’exécuter les auteurs du viol de sa sœur Toni. Ne tolérant pas cette justice sauvage, Alack Sinner va être stigmatisé avant d’être mis à l’écart, ses collègues n’acceptant pas son humanisme moralisateur. Exclu des forces de police, Alack Sinner entretient tout de même une solide amitié avec l’inspecteur Nick Martinez également vétéran de la guerre de Corée. Sa carrière de détective démarre avec L’affaire Webster et L’affaire Filmore. De temps à autre, en manque de fond, Alack Sinner ferme son bureau pour devenir chauffeur de taxi. Mais les affaires dont il a la charge deviennent de plus en plus importantes à l’exemple de Nicaragua qui fustige l’interventionnisme américain en Amérique du Sudet L’affaire USA qui sera la dernière enquête de notre détective vieillissant. Marié à Gloria, Alack Sinner divorcera et aura plusieurs liaisons avec des femmes de caractère comme Loretta, Sophie et Enfer. Sinner qui signifie pêcheur et Enfer auront une fille prénommée Cheryl. Dans Histoires Privées, Cheryl va être impliquée dans une sordide histoire de meurtre qu’Alack Sinner s’emploiera à résoudre afin de lui éviter la prison.



La série Alack Sinner paraît en France en 1975, dans les pages de la revue Charlie Mensuel avant d’être publiée chez Casterman dans la collection Roman (À Suivre). Toujours chez Casterman, l’intégrale de la série fait l’objet d’une publication en deux tomes qui paraissent en 2007 pour L’âge de l’Innocence et en 2008 pour L’âge de la Désillusion.



José Munoz débute sa carrière de dessinateur à Buenos Aires en collaborant avec l’auteur de bande dessinée Alberto Breccia (Mort Cinder / Perramus) et le scénariste Héctor Oesterheld qui travaillait notamment avec Hugo Pratt pour les séries Ernie Pike et Sergent Kirk. D’emblée on détecte l’influence d’Hugo Pratt et d’Alberto Breccia dans toute l’œuvre de Munoz qui rencontre Carlos Sampayo en Espagne, en 1974 alors que l’Argentine subissait les foudres de la dictature. De leur collaboration naîtra les deux séries qui feront leur succès, Alack Sinner et le Bar à Joe. C’est notamment en France que leur travail est salué par la profession qui leur attribue diverses distinctions dont les prestigieux prix du festival d’Angoulême.



S’il est doté de tous les codes du roman noir, Alack Sinner possède également une chaleur et une poésie toute latine que l’on ressent tout au long des aventures de ce détective atypique. Même si on le qualifie de solitaire, Alack Sinner s’entoure de toute une galerie de personnages pittoresques mis en valeur par le graphisme en noir et blanc d’un dessinateur qui parvient à restituer avec talent l’atmosphère bigarrée d’une ville de New York que l’on a peu l’habitude de voir. L’univers d’Alack Sinner est extrêmement dense et s’imprègne des événements de son époque comme la guerre du Vietnam ou l’embargo américain au Nicaragua. Les histoires deviennent de plus en plus complexes en révélant des pans de la jeunesse du détective, ce qui lui confère d’avantage d’épaisseur et d’humanité. Mais paradoxalement c’est lors des enquêtes plus « classiques » que Sampayo révèle tout son talent de scénariste en déclinant des histoires aussi courtes qu’efficaces. D’une enquête à l’autre on retrouve des protagonistes qui évoluent tout comme le personnage principal, raison pour laquelle il est recommandé de lire la série dans l’ordre afin de comprendre les nombreuses interactions entre les différents personnages.



Imprégnés de musique, les différents épisodes mettant en scène Alack Sinner sont bourrés de références rendant hommage au roman noir et au cinéma. On y découvre une scène de Chinatown, on croise le personnage de Travis Bickle et on distingue le livre de Raymond Chandler, Le Grand Sommeil sur la table de nuit d’Alack Sinner. Ce ne sont là que quelques allusions parmi d’autres dans ce monde foisonnant mis en scène par un dessinateur totalement inspiré. Les deux créateurs vont même jusqu’à mettre lumière leurs activités artistiques dans La Vie N’est Pas Une Bande Dessinée, Baby.



Incontestablement, c’est Vietblues qui illustre tout le talent des deux argentins qui évoquent dans cet épisode les discriminations que subit la communauté afro-américaine que ce soit au Vietnam ou à New York. On y croise deux personnages charismatiques que sont l’activiste Olmo et le pianiste compositeur John Smith III, incarnant toute la complexité des rapports sociaux entre les différentes communautés. Outre la tension narrative, l’histoire baigne dans une aura musicale peu commune imagée par la présence du saxophoniste Gato Barbieri, personnage réel, qui composa, entre autre, la bande originale Du Dernier Tango à Paris.



Dans un autre registre, Constancio et Manolo met en lumière l’intégration difficile de la communauté hispanique à New York. Par l’entremise du grand père Manolo, les auteurs font allusion à la guerre civile en Espagne en évoquant l’épisode tragique de Guernica que Munoz illustre avec une force terrible en intégrant des extraits du célèbre tableau de Picasso. Toujours sombre, toujours tragique l’histoire met en évidence dilemmes complexes auxquels Alack Sinner est souvent confronté.



Une ligne graphique originale, des scénarios intenses et complexes font d’Alack Sinner l’une des meilleures séries que la bande dessinée ait jamais connu. Novatrice pour l’époque en mettant en perspective des clivages sociaux dont on entendait rarement parler aux USA, la série reste toujours d’actualité en illustrant les problèmes d’intégrations et de discriminations qui minent toujours les différentes communautés qui composent le pays.
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Rosario

Rosario, ville portuaire et prospère d’Argentine, années trente. Rosario baigne dans le sang et l’argent sale, la prostitution et le crime organisé. Gangrenée par la maffia qui s’impose implacable, aidée de ces politiques corrompus, la ville est plongée dans la peur et l’obscurité. C’est au quotidien que le peuple tente de se soulever au nom de la justice, peuplant l’ombre de la nuit de ses revendications vaines. Tableau noir à l’atmosphère asphyxiante sous un trait ténébreux, les visages et silhouettes de la ville se confondent et se mêlent à l’obscurité de son histoire. Les gris, les marrons et les bleus dépeignent une ville suffocante, annihilée par le régime. Les assassinats et vengeances personnelles se rendent à ciels ouverts, plus personne n’est en sécurité et le croire, c’est prendre le risque d’être condamné.



Derrière les barreaux de sa cellule, Rogelio évoque d’une voix laconique ce passé qui le hante et le tourmente encore, jouant de ce violon que plus personne n’écoute. L’urgence de se souvenir alimente cette vie de criminel à jamais privé de liberté, le besoin de raconter encore une fois ce qui s’est réellement passé au début de ces années trente.



Rogelio est un amoureux facile, il ne suit de raison que celle que lui dicte son cœur. Tombé sous les charmes de Raquelita d’abord, blonde mystérieuse qu’il fréquente un temps avant que celle-ci ne disparaisse sans laisser de traces, il devient fou d’Agatha, fille du Parrain, aussi dangereuse qu’elle est belle, manipulatrice dont l’arme funeste est dessinée par ses courbes sulfureuses. Rogelio est amoureux dépendant, docile à souhait. C’est tout naturellement qu’il devient un informateur de la maffia au sein des anarchistes, famille de confiance qu’il trahit aux noms de l’amour et de la peur.



Ces informations capitales collectées, Agatha s’attache à le remercier dignement, inutile de préciser qu’il lui est impossible de résister. Mais tout bascule lorsque le prénom de Raquelita surgit à nouveau aux oreilles de Rogelio qui n’a plus qu’un seul désir, la retrouver. Agatha au courant de l’affaire jure alors de tout entreprendre pour le briser…



Cette bande-dessinée est imprégnée d’une noirceur tragique au bout de laquelle aucune once d’espoir ne vous attend, la nuit est pénombre, le jour l’est tout autant. Ici, le réalisme l’emporte et aucun héros ne viendra sauver la ville et ses habitants, la peur régit toute parole et vos mouvements. C’est une question de survie et vous n’êtes décidément pas assez fort pour contester cela. Les hommes débordent d’humanité défaillante, ce sont la prétention et la peur qui les animent. Bien que le portrait dressé soit solide, l’illustration immersive et grandiose, Rosario manque de ce je ne sais quoi qui emmènerait le lecteur au transport. Une lecture qui saura toutefois se faire apprécier !
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Billie Holiday

Cette musique du diable que Billie Holiday a portée si haut se marie à merveille au travail de ce duo argentin trop discret mais terriblement talentueux.


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Fats Waller, Tome 2 : Chocolat amer

Voilà la suite de la biographie de Fats Waller en bande dessinée proposée par Igort et Carlos Sampayo. Avec ce Tome 2 : Chocolat amer, les auteurs nous permettent d'accompagner le pianiste de jazz américain les dernières années de sa vie, au moment où, en Europe, la guerre d'Espagne, la deuxième guerre mondiale et le nazisme détruisent des vies. Il apporte un peu de gaité et devient incontournable, lui qui doit inventer 6 chansons par jour pour faire manger ses enfants et ses ex-femmes. Sa fin sera tragique, il meurt de froid et alcoolique en 1943.

J'ai préféré ce deuxième tome au premier, pour le fond, même si je n'ai pas plus apprécié les dessins.



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Alack Sinner - L'intégrale tome 1 : L'âge de l'..

Voici un recueil d'histoires courtes mettant en scène un détective désabusé. Ce qui caractérise avant tout ce polar hors norme, c'est qu'il est vu à travers les yeux d'auteurs d'Amérique du Sud. Munoz et Sampayo dressent un portrait critique du capitalisme et de la corruption des villes d'Amérique du Nord. Il y a aussi beaucoup d'humour dans les situations de ce personnage au caractère sombre, faisant penser parfois à Humphrey Bogart dans ses rôles de détective, en marge des recherches de la police. Les dessins au pinceau de Munoz sont d'une qualité exceptionnelle qui lui a valu le prix d'Angoulême en 2007.
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La Faille

Il n'est pas courant qu'un scénario de bande dessinée tente de prendre à bras le corps les innovations du monde dans lequel nous vivons, et de construire une histoire qui mette en jeu les nouvelles interactions entre personnes et institutions, ainsi que la complexité générale de notre société.


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Billie Holiday

J'aime beaucoup la musique de Billie Holiday, depuis que j'ai étudié au lycée la sublime chanson Strange fruit. Cependant, je ne connaissais absolument rien de sa vie, et je me suis dit que cette BD serait une bonne occasion d'en savoir plus.



C'est une bande-dessinée vraiment particulière, et je dois dire que je ne l'ai pas appréciée du tout. La longue préface de Francis Marmande (écrivain et musicien de jazz) permet d'en apprendre un peu plus sur Billie Holiday, cela dit, ce n'est ni clair ni linéaire, je n'ai donc pas tout compris. On peut comprendre que la vie de Billie Holiday et de ses ancêtres est loin d'être toute rose : esclavage, racisme, viol, drogue, alcool... Billie Holiday est morte à 44 ans, après avoir vécu les pires choses que l'on peut vivre, malgré son succès dans le jazz.



La BD en elle-même est en noir et blanc, avec des dessins très particuliers. Si j'aime ce partis-pris artistique, je trouve que c'est très gênant pour l'histoire car j'ai eu beaucoup de mal à distinguer les personnages, à les reconnaître, à savoir s'il s'agissait de Noirs ou de Blancs. Le récit est tout sauf linéaire, je dois dire que je n'ai absolument rien compris. Le lecteur suit un journaliste qui doit écrire un dossier à l'occasion des 30 ans de la mort de Billie Holiday et qui ne la connais pas. Il va enquêter pendant une longue nuit, faisant patienter sa maîtresse qui l'attend. Les passages avec le journaliste sont entrecoupés de longs passages sur Billie Holiday. Il n'y a cependant aucune transition et j'ai eu bien du mal à comprendre quand on était dans le passé et quand on était dans le présent.



Ce qui ressort de cette lecture c'est le racisme ambiant, cruel, qui a touché Billie pendant toute sa vie. L'injustice aussi, et la violence qui l'a toujours accompagné. La musique est finalement très peu présente dans cette BD, et ça m'a manqué.



C'est dommage, je suis passée à côté de cette lecture, mais ça m'a donné envie de trouver d'autres livres sur cette grande chanteuse.
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Fats Waller, Tome 1 : La voix de son maître

Récemment parue cette bande dessinée réunie, en 155 pages, les deux tomes de la biographie par Sampayo et Igort, du pianiste–chanteur de jazz Thomas Wright Waller, plus connu sous le nom de Fats Waller. Le gros Waller.



Carlos Sampayo, le scénariste argentin que l’on sait sensible aux méfaits des dictatures, a choisi de raconter la vie de Waller depuis 1937, le début de ses grands succès jusqu’à sa mort en 1943. Mais surtout, il mêle les anecdotes concernant le pianiste aux évènements qui vont faire basculer le monde dans le chaos de l’autre côté de l’atlantique. La vieille Europe sombre dans le fascisme et bientôt la guerre, Fats lui sombre dans l’alcool, mais reste solide derrière le Steinway des studios RCA où il enregistre, en solo, son petit plaisir, son rêve raté de musicien classique (les vrais, pense-t-il). Les brigades internationales tentent de résister, Fats écrit Honeysuckle Rose pour une de ses nombreuses bonnes amies. Il voudrait apporter de la joie. Il voudrait surtout être respecté, mais ce n’est pas évident pour un noir, un nègre, dans le New York des années 30. On va croiser, au gré des cases, les pianistes Earl Hines et Art Tatum, amis, mais rivaux de Fats.



À eux trois, ils vont inventer le piano jazz moderne. Les cases, c’est la partie du dessinateur italien, sarde, Igort. Il réussit parfaitement à mettre en images, l’ambiance jazzy de New York, les clubs, les studios, les hôtels, les rues dans lesquels évolue Waller. De même, ses dessins, côté Europe, réussissent à mettre mal à l’aise le lecteur. Et pourtant, il n’utilise pas de grand effet, chaque page n’a que trois bandes, cinq cases maximum. Des couleurs pastels dans les ocres, beiges, orangés, seuls les quelques bleus, ceux du costume de Fats Waller, irradient, éclairent de sombres propos. Igort nous offre aussi quelques beaux portraits du pianiste. On a aussi l’impression qu’il s’est délecté à dessiner les immeubles de Manhattan. Son Flat Iron Building, on pourrait presque y pénétrer.



Cette réédition comporte, en bonus, un prologue de deux planches et surtout en toute fin, un portfolio de plus de 20 pages à la fois postface, making-of d’Igort, repères biographiques, ainsi qu’un long article sur Fats, de notre confrère Francis Marmande. The joint is jumping, indubitablement !
Lien : https://www.lejazzophone.com..
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Evaristo

Je découvre par le biais de cette oeuvre, la BD argentine. Carlos SAMPAYO a créé un "personnage" : le fameux Commissaire Evaristo. C'est un géant, un costaud, il n'a peur de rien. Son courage a fait sa réputation, il est respecté et craint.

Le volume en noir et blanc comprend plusieurs histoires typiques des années difficiles en Argentine, on y trouve d'anciens nazis, la corruption, les braqueurs, maquereaux et autres tueurs.. Evaristo n'est pas parfait mais il a des principes et de bons indics, il connait sa ville, son histoire et les hommes (ou femmes) qu'il faut.
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Evaristo

J’ai été frappée par la qualité des dessins dans cette bande dessinée. Le texte n’est pas le plus important et quand on voit le peu qu’il y en a, les illustrations se suffisent à elles-mêmes pour suivre les enquêtes du commissaire Evaristo.



Nous sommes plongés dans l’Argentine des années 1950, dans un pays corrompu. Evaristo contient les clichés auxquels on peut s’attendre aux vues des lieux et époques traités, néanmoins, j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette bande dessinée policière.



Ce livre contient 16 enquêtes, donc 16 histoires, mettant en scène le commissaire Evaristo. Finalement les enquêtes sont très courtes et se lisent très rapidement. Parfois, elles me laissaient sur ma fin, j’aurais aimé plus d’actions, plus de recherches. Mais ça, cela doit être mon côté habituée aux romans policiers dont le rythme est beaucoup plus lent.



Evaristo est malgré tout une très belle découverte et je ne pensais pas que j’allais autant apprécié le format BD. Comme quoi, je me découvre encore en tant que lectrice !
Lien : https://desplumesetdeslivres..
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