Grand entretien avec Javier Cercas, modéré par Guénaël Boutouillet.
38e édition Comédie du Livre - 10 jours en mai
Samedi 13 mai 2023. 17h - Espace Albertine Sarrazin
Pascal dit que croire en Dieu est un pari sûr : si on perd, on ne perd rien ; si on gagne, on gagne tout… Voilà, ça, c’était le langage de Paco, qui n’avait pas lu Pascal, mais qui était pascalien. Il a toujours raisonné ainsi.
(page 127)
Dans notre métier, il faut apprendre à vivre avec la frustration. Dans le vôtre comme dans le mien. Et dans celui de tout le monde. Comme disait l’un de mes professeurs, la vie civilisée consiste à ça : apprendre à vivre de manière raisonnable avec la frustration.
Les gens qui pensent toujours la même chose ne pensent pas.
Elle continua d'être une amatrice invétérée de romans, mais pendant des années elle ne toucha plus aux romans du XIXe; elle ne lisait pas non plus de nouveautés et ne parlait avec personne de ce qu'elle lisait, comme si la lecture était pour elle une activité exclusivement intime, un plaisir confidentiel, de la même manière qu'elle l'avait été pour son père avant qu'il rencontre sa mère.
J’ai toujours pensé que ce type avait du talent, en plus d’être un sacré menteur. Mais je suppose qu’il faut être un sacré menteur pour être un bon romancier, n’est-ce pas ?
pp. 194-95
Nous décidâmes de prendre un café pour tuer le temps et, tout en descendant la rue de Las Cruces et en traversant le Pozo Castro, nous parlâmes d’Eladio et de la maison de ma mère ; David dit qu’à ma place, il garderait la maison.
—Bien sûr, moi aussi, si j’étais Stephen King, répondis-je.
—Arrête, putain, répliqua-t-il. Si tu étais Stephen King, tu pourrais garder tout le village.
Elles étaient nées à Lagos (Nigéria), et dans le fond, leurs histoires se ressemblaient. Elles étaient toutes les trois arrivées à Madrid quelques années plus tôt, fuyant la misère et avec la promesse qu’elles pourraient faire leurs études en Espagne. C’est alors qu’on leur confisqua leur passeport et leur portable, qu’on leur interdit de contacter leurs familles et de sortir dans la rue, qu’on leur réclama soixante mille euros pour les frais de voyage et, afin de les terrifier, qu’on les soumit à un rituel qui consistait à leur couper les ongles et les cheveux, à leur raser le sexe et les aisselles et à les forcer à boire un breuvage hallucinogène. À partir de là, on les obligea à se prostituer.
(page 16)
De toute façon, dites-vous qu’en politique, c’est comme ça depuis la nuit des temps ! Une personne sans intérêt arrive au pouvoir aidée par les puissants, le pouvoir transforme cette personne en leader charismatique (c’est ce que produit le pouvoir, aussi bête que soit cette personne) et le leader charismatique se défait ou il essaie de se défaire des puissants qui l’ont aidé. Depuis la nuit des temps.
(pages 136-137)
Ce n’est pas le succès qui fait de nous un crétin ou un fils de pute. Mais il peut faire sortir le fils de pute ou le crétin qu’on porte en soi.
Résigné, Álvaro atteignit son objectif avec un enthousiasme feint dans un énorme lit vieillot surmonté d’une tête de lit en bois d’où pendait un crucifix qui, en pleine euphorie adultère et suite aux secousses propres à ce genre d’activités, se décrocha de son piton et finit sa course sur la tête d’Álvaro qui préféra s’abstenir de tout commentaire et n’en rien penser.