Citations de Cesare Pavese (618)
Le charme subtil des convalescences consiste en ceci : revenir à ses habitudes avec l’illusion de les découvrir.
Aimer une autre personne, c’est comme dire : dorénavant cette autre personne pensera plus à mon bonheur qu’au sien. Y a-t-il quelque chose de plus imprudent ?
Pourquoi est-il déconseillé de perdre la tête ? Parce qu’alors on est sincère.
Vivre, c’est comme faire une longue addition, où il suffit de s’être trompé dans le total des deux premiers nombres à additionner pour ne plus en sortir.
La poésie commence lorsqu’un idiot dit de la mer : « On dirait de l’huile. » Ce n’est nullement là une description plus exacte du calme plat, mais le plaisir d’avoir découvert une ressemblance, l’excitation d’un mystérieux rapport, le besoin de crier aux quatre points cardinaux qu’on a vu ce rapport.
"Sei una maleducata, una strega, vatti a nascondere. Torna in fabbrica ! - Allora Rosa rideva e faceva ridere gli altri, ma Ginia, continuando a ballare, pensava che era proprio la fabbrica che riduceva così una ragazza."
"Tu es une mal élevée, une sorcière, va te cacher ! Retourne à l'usine ! - Alors Rosa riait et faisait rire les autres, mais Ginia, tout en continuant à danser, pensait que c'était justement l'usine qui réduisait à ça une fille."
La chose le plus secrètement redoutée arrive toujours.
J’écris : Ô Toi, aie pitié. Et puis ?
Il suffit d’un peu de courage.
Plus la douleur est déterminée et précise, plus l’instinct de la vie se débat, et l’idée du suicide tombe.
Quand j’y pensais, cela semblait facile. Et pourtant de pauvres petites femmes l’ont fait. Il faut de l’humilité, non de l’orgueil.
Tout cela me dégoûte.
Pas de paroles. Un geste. Je n’écrirai plus.
Il faut avoir un pays, ne serait-ce que pour partir. Un pays signifie ne pas être seul, sachant que dans les gens, dans les plantes, dans la terre, il y a quelque chose qui vous appartient, que même lorsque vous n'êtes pas là, elle vous attend.
Il y a quelque chose de plus triste que de vieillir ,c'est de rester enfant .
Quand il y avait Ceresa, il y avait toujours de bons moments : on était en maillot dans l’eau, on préparait le goudron, on vidait les barques, et à la belle saison, on goûtait avec le seau de raisin sur la table, sous les arbres. Les filles qui allaient en barque s’arrêtaient pour plaisanter sous l’appentis.
(Le blouson de cuir)
Il me dit alors qu’il ne comprenait pas pourquoi les gens prônaient tellement la jeunesse : lui, il aurait voulu avoir déjà trente ans -autant de gagné- ces années intermédiaires étaient idiotes.
- Mais toutes les années sont idiotes. C’est une fois qu’elles sont passées qu’elles deviennent intéressantes.
Une fois écrite la première ligne d'un récit, tout est déjà choisi, le style, le ton et la tournure des événements.
(P.137)
C'est un ciel toujours tendre et mûr, où sont également - trésor et vignes eux aussi - les nuages fermes de septembre. La vision s'accompagne du soupçon que ce ne soient là que les coulisses d'un décor fabuleux dans l'attente d'un événement que ni le souvenir ni l'imagination ne connaissent. (...) Il suffit de penser aux heures de la nuit, ou du crépuscule, où la vigne n'est plus sous notre regard et où l'on sait qu'elle s'étend sous le ciel, toujours semblable et recueillie. On dirait que personne n'y a jamais marché, et pourtant il y en a qui la travaillent sarment par sarment et, aux vendanges, elle est toute gaie de voix et de pas. Mais ensuite ils s'en vont, et c'est comme une pièce dans laquelle depuis longtemps personne n'entre et dont la fenêtre est ouverte sur le ciel. Le jour et la nuit y règnent; parfois il y fait frais et sombre - c'est la pluie -, rien ne change dans la pièce, et le temps ne passe pas. Sur la vigne non plus le temps ne passe pas; la saison, c'est septembre et elle revient toujours, elle semble éternelle.
Les malheurs ne suffisent pas pour faire d'un con une personne intelligente.
Il sera inutile de se lever du lit.
Seule l'aube entrera dans la chambre déserte.
La fenêtre suffira à vêtir chaque chose
d'une clarté tranquille, une lumière presque.
Elle posera une ombre décharnée sur le visage étendu. Les souvenirs seront des nœuds d'ombre
tapis comme de vieilles braises
dans la cheminée. Le souvenir sera la flamme
qui mordait hier encore dans le regard éteint.
Atttendre est encore une occupation. C'est ne rien attendre qui est terrible.
Les souvenirs commencent vers le soir
sous l’haleine du vent à dresser leur visage
et à écouter la voix du fleuve. Dans le noir
l’eau ressemble aux mortes années.
Dans le silence obscur un murmure s’élève
où passent des voix et des rires lointains ;
Bruissement qu’accompagne une vaine couleur
de soleil, de rivages et de regards limpides.
Un été de voix. Chaque visage enferme
pareil à un fruit mûr une saveur passée.
Les regards qui émergent conservent un goût d’herbes
et de choses imprégnées de soleil sur la plage
le soir. Ils conservent une haleine marine.
Comme une mer nocturne est cette ombre incertaine
de fièvres et de frissons anciens, que le ciel frôle à peine ;
chaque soir, elle revient. Les voix mortes
ressemblent à cette mer se brisant en ressacs.
Le seul moyen d'échapper à l'abîme, c'est de le regarder, le mesurer, le sonder et d'y descendre.
Si nous savons que nous pourrons faire une chose, nous sommes satisfaits et nous ne la ferons peut-être même pas.
« Il a trouvé un but dans ses enfants. » Pour qu’ils trouvent, eux aussi, un but dans leurs enfants ? Mais à quoi sert cette escroquerie générale ?