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Citations de Christian Authier (94)


Le même visage d'une humanité affolée et palpitante qui continue de danser au bord du chaos imprégnait chaque page du roman Le Journal de Bernard Maris, œuvre noire et désespérée qui conseillait malgré tout, entre ses illusions perdues et ses deuils inconsolables, de ne pas guérir « de cette fièvre, la vie ».

Né en 1946 à Toulouse, Bernard Maris accéda à une tragique notoriété mondiale en étant le 7 janvier 2015 l'une des victimes de l'attentat perpétré contre la rédaction de Charlie Hebdo. Lui qui fit ses études et qui enseigna jusqu'au milieu des années 1990 l'économie à Toulouse, ville dans laquelle il revenait régulièrement pour retrouver ses enfants, une part de sa famille et ses amis, a un autre point commun avec Bartolomé Bennassar. Il fut également un romancier « clandestin », occulté par les travaux de l'universitaire devenu l'un des économistes les plus médiatiques de France.

Auteur d’essais tranchants, chroniqueur à France Inter, journaliste à Charlie Hebdo où il décryptait les enjeux de l'économie et de la finance sous la signature d’« Oncle Bernard », cet esprit peu orthodoxe ne cessa de se faire l'analyste critique d'un capitalisme ayant vaincu presque toutes les digues. Agrégé d'économie, il refusait néanmoins de voir en sa matière une science, la décrivait telle une « incroyable charlatanerie idéologique qui fut aussi la morale d'un temps », considérait plutôt les forces du marché et de la finance comme soumises à l'irrationnel, à la psychologie collective, à des phénomènes de suivisme et de mimétisme.
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L’écrivain toulousain le plus illustre est paradoxalement plutôt oublié. Certes, la grande médiathèque de la ville porte son nom, mais José Cabanis (1922 -2000) demeure un auteur pour happy few. Lauréat du prix Renaudot en 1966 avec La Bataille de Toulouse, élu à l’Académie française en 1990, membre du jury du Renaudot, il était à la fois un notable des lettres françaises et un écrivain ne quittant guère sa maison de Nollet où il donna naissance à une œuvre faite de nombreuses biographies, d’essais littéraires, de journaux intimes et de romans. En 1952, L'Àge ingrat inaugura un premier cycle romanesque comprenant cinq titres et auquel succéda un second cycle, composé encore de cinq romans. Dans ces petites « comédies humaines », on retrouve et on suit les mêmes personnages. Plus de vingt-cinq ans après Des jardins en Espagne, Le Crime de Torcy, publié en 1990, signa une sorte d'épilogue à ce second cycle.
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Comment Stepe Topalovic, né en 1920 à Kudna, petite ville de la Croatie centrale, se retrouva-t-il dans le sud-ouest de la France en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale ?

Disons que ce fut à cause de Heinrich Himmler, lorsque, au début de 1943, le nouveau ministre de l'Intérieur du IIIe Reich décida de créer la 13e division SS, dite « Handschar », formée en Bosnie avec un recrutement musulman.
(...)
En juillet 1943, Stepe Topalovic, père d'un petit Marko né un an avant, fut transféré, avec près d'un millier de ses compagnons d'armes du 13e bataillon de la division, parmi lesquels son frère, dans l'Aveyron et le Massif central dans le but de parfaire leur formation auprès de reliefs évoquant ceux des Balkans. L'entraînement était impitoyable, coordonné par des officiers allemands ayant servi sur le front de l'Est.

Certains SS bosniaques du bataillon du génie de Villefranche-de-Rouergue déchantèrent assez vite. À défaut de défendre leurs terres et les leurs contre les Tchetniks ou les partisans, comme on le leur avait promis, ils se retrouvaient en France, sous les coups et les aboiements des Waffen SS allemands, pendant que des rumeurs faisaient état d'un envoi sur le front russe.

Les frères Topalovic identifièrent assez vite une petite poignée d'hommes susceptibles de partager leur plan : organiser une mutinerie et rejoindre les maquis français. C'est en compagnie de quatre SS jugés dignes de confiance qu'ils mirent en œuvre leur projet de soulèvement. Chacun devait convaincre au moins une cinquantaine d'hommes de passer à l'action le moment venu...
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(17 septembre 1943)
Autour de 4 heures du matin, les combats de rue font rage alors que les renforts cernent la ville. Pour les frères Topalovic et les insurgés, l'issue ne fait plus guère de doute. Des mutins réussissent à percer les lignes ennemies avant que le jour se lève, mais la plupart tombent sous les balles ou sont faits prisonniers. A 8 heures, la situation est presque sous contrôle, ratissage de la ville et chasse à l'homme se poursuivent, et en début d'après-midi l'ordre règne. Une trentaine de mutins ont été tués. Autant seront fusillés les jours suivants, d'autres seront condamnés à des travaux forcés ou à de la prison. Par la suite, le bataillon - malgré la fidélité de la grande majorité des soldats — est sévèrement épuré : des centaines de SS sont envoyés en service de travail obligatoire en Allemagne, ceux qui refusent partent pour des camps de concentration.

Stepe et Ivan Topalovic ainsi qu'une dizaine de matins parvinrent à s'échapper et, protégés par des paysans, à rejoindre dans les jours suivants des maquis tenus par des FFI et des FTP. Malgré l'échec du soulèvement. Radio Londres donna un grand écho à « la première ville d'Europe de l'Ouest libérée de l'occupation allemande ». Peu importait que cette libération n'eût duré que quelques heures, et pas davantage la nature des mutins : deux infiltrés communistes et des engagés volontaires dans la SS...

Comme souvent, la légende dépassa la réalité et l'on imprima la légende. Bien que l'immense majorité des soldats du bataillon fût finalement restée fidèle au commandement allemand, on louerait plus tard « la révolte des Croates de Villefranche-de-Rouergue » et cela même si, précisément, ce fut en partie l'origine croate des meneurs qui les empêcha de rallier leurs compagnons d'armes bosniaques et musulmans au soulèvement. Surtout, on gomma leur appartenance commune à la SS pour peindre les mutins comme des victimes des nazis. Plus prudemment, on désigna parfois ces engagés volontaires ou ces conscrits comme des « enrôlés de force » luttant pour la liberté.

Ce récit édifiant profita à Stepe Topalovic, qui continua le combat au sein des FTP dans le sud-ouest de la France ...
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Réfractaire à tous les conformismes et aux endoctrinements, allergique au roman engagé et au Nouveau Roman, Georges Ousset plaçait très haut André Fraigneau, les Hussards, Aragon, Abellio, Jules Renard, Dumas, Balzac ou Bemanos, tandis que les maîtres de la Série noire n'avaient pas de secrets pour lui. Impossible de ne pas évoquer Le Maître et Marguerite de Boulgakov dont il se fit l’inlassable passeur, au point d'en écouler des milliers d'exemplaires au fil des ans et d'attirer l’attention d'un jeune journaliste de l'ORTF du nom de Bernard Pivot. Les nouveaux talents ne lui échappaient pas et il repéra dès leurs débuts Jean Rolin, Patrick Besson, Eric Neuhoff ou Frédéric Berthet. À la fin des années 1990, on trouvait encore des éditions originales des Carnets de Montherlant publiés dans l'immédiate après-guerre à La Table Ronde. Le prix étant en anciens Francs, la conversion se révélait favorable à l'acheteur. Quand on entrait dans la Bible d'Or, il n'était pas rare d'en sortir avec un tout autre livre que celui que l'on était venu chercher. « Comment ? Vous n'avez pas lu cela ? » lançait M. Ousset en levant les yeux au ciel. D'autres fois, il vous glissait précautionneusement entre les mains un James Hadley Chase tel un talisman en chuchotant : « Vous le paierez si le livre vous plaît... » Il y avait de l'acteur chez cet homme qui prenait des mines faussement effarouchées pendant qu'il distillait quelques insolences. M. Ousset ressemblait à un moine qui aurait été défroqué pour avoir trop fréquenté ce que l’on appelait « l'enfer » des bibliothèques. Cependant, la Bible d'Or avait tout d'un petit paradis. C'était un lieu de partage, hors du temps et de fait assez éternel.
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Toulouse, ville d'écrivains ? La caractéristique n'est sans doute pas évidente pour celle dont la renommée est plutôt liée à l'aéronautique, au rugby, à la musique classique ou à l'opéra. Cependant, bon an mal an, pour s'en tenir à la seule fiction, une vingtaine d'auteurs, toulousains d'adoption ou de naissance, publient des romans dans des maisons d'édition solidement installées dans le paysage littéraire. On songe en premier lieu à Jean-Paul Dubois, authentique enfant du pays, prix Concourt 2019 pour Tous les Sommes n’habitent pas le monde de la même façon et dont sans doute le meilleur livre, Une vie française, prix Femina 2004, se déroule quasi entièrement dans la ville. Parmi les plus connus, on peut citer Laurent Mauvignier, installé à Toulouse depuis des années, apprécié de la critique et des lecteurs, ou Magyd Cherfi, ancien chanteur du groupe la, dont les récits autobiographiques mâtinés de romanesque commencent à constituer une œuvre. Toujours chez les contemporains, citons encore Alain Monnier, remarquable écrivain, qui a souvent choisi sa ville comme décor de romans pleins de fantaisie et de profondeur à l'instar de Givrée ou de Place de la Trinité.
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Ce n'est pas un économiste comme les autres. Celui-là est vraiment au-dessus de tout soupçon : il ne croit pas à l'économie. Il croit davantage à la littérature qu'à l'économie. Il ne mâche pas ses mots, il appelle un imbécile un imbécile, un charlatan un charlatan (un économiste un charlatan), un idiot un idiot (un prix Nobel d'économie un idiot). Ces mots ne lui sont pas dictés par l'envie, le dépit ou le ressentiment, ils viennent du fond du cœur, un cœur épris de vérité et révolté par l'injustice. C'est précisément parce qu'ils viennent d'un homme foncièrement bon, honnête, que ces qualificatifs ont autant de portée.
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A Esquirol, il prit la direction des quais, longea la Garonne face aux Beaux-Arts. L'ambiance était plus calme, mais ces satanés cyclistes étaient partout, en particulier sur les trottoirs qui semblaient avoir leur préférence malgré les nombreuses pistes qui leur étaient destinées. Ces cons-là roulaient comme des dingues, grillaient les feux, s'acharnaient sur leurs sonnettes pour faire dégager les piétons (...). Dans les villes qu'il aimait comme Naples, Lisbonne, Séville, Istanbul, Beyrouth ou Madrid, il n'y avait pas de vélos. Cette mode était venue du nord de l'Europe, de plats pays stupides comme les Pays-Bas ou la Belgique. Il imaginait sans peine que les Allemands devaient également priser la bicyclette. Avec les Allemands, le pire était souvent sûr.
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Beaucoup boivent pour oublier, je bois pour me souvenir. De la vie d'avant, qui semblait légère et tendre, ouvertes à des promesses un peu folâtres. De la douceur des choses et des étranges peines lorsqu'elles mordent pour la première fois nos peaux pas encore endurcies. Je bois pour me souvenir de ceux avec qui j'ai trinqué et qui ne sont plus là.
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En cette fin des années quatre-vingt, U2, Simple Minds et Cure tapissaient le fond sonore. Prince concurrençait Michael Jackson. Les vidéoclips cassaient la baraque. On entendait parler d'une chaîne américaine qui en diffusait vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Sur les sacs US Army des lycéens subsistaient des AC/DC inscrits au feutre noir. Clash, Téléphone et Police étaient de frais retraités. Un peu partout, sur les scènes des bars musicaux de la ville, des disciples bourillons singeaient leurs idoles. Nous ne savions pas que le rock était déjà ridicule et que la new wave le serait bientôt. (p. 32)
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Des portes se sont fermées. Nous avons beau passer et repasser devant, nous avons perdu les clefs. Si les chemins d’autrefois nous sont interdits, comme des vêtements trop petits que l’on ne peut plus enfiler, ceux de demain n’auront même pas existé. Ces vies heureuses que nous avons ratées, que sont-elles devenues ?
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Cette courge qui avait grandi dans une famille bourgeoise et catholique de province aussi modérée qu'un centriste des Pyrénées ,qui avait fait de longues études avant de mener une existence caricaturale de bobo jusque dans le choix de ses vacances exotiques de la Thaïlande à la Croatie, ne voyait pas d'inconvénient particulier au fait de sortir avec un authentique facho.
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Ce dont Christophe ne se doutait pas, c’est que nous l’aimions mais que nous ne le comprenions plus. Même moi, par moments, j’en avais assez. Il me lassait.
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Séparés, atomisés, passés au grand mixeur, les humains ne formaient plus qu'un jus tiède, et sans saveur. Une pâte informe d'où émergeaient quelques grumeaux indigestes.La broyeuse avait son oeuvre.
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"Si MH a déjà publié des livres avant Extension du domaine de la lutte, c'est bien son premier roman qui, par un succès d'estime et critique, va marquer en 1994 son entrée dans le monde des lettres".

C'est bien comme ça que je l'avais vu aussi, même plus que succès d'estime.
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Faire avec ce qui est possible. Faire au mieux, au plus juste. Ne pas aller contre son naturel, contre ce qui est vrai, beau et important pour nous. C'est cela réussir sa vie : faire bien ce que l'on aime faire [...]
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L’histoire de France n’est pas un musée que l’on visite, dans une odeur d’encaustique et avec le sentiment obligé du devoir de mémoire, pas plus qu’elle n’est une galerie où les ombres funèbres de la culpabilité et de l’auto-flagellation se répondent dans une conversation morbide. Non, elle est vivante et ne se réduit pas aux bibelots commémoratifs dont nos politiques sont friands. Elle s’incarne dans des figures qui ont bien plus de réalité que la plupart des ombres que la société du spectacle nous glisse entre les mains et sous les yeux au cœur d’un commerce de représentations falsifiées.
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Parfois, quand nous étions seuls, Marie se jetait sur moi et m'enlaçait en cherchant mes lèvres. Nous étions trop semblables pour que je ne saisisse pas ce qu'elle quêtait dans ces étreintes. Des souvenirs pour plus tard, des stocks d'images et de sensations, des moments destinés à dépasser l'absence. Ses yeux brillaient d'une étrange lueur, j'avais le sentiment d'être face à un vampire amoureux et triste, essayant vainement de tirer de ma bouche et de mon corps quelque survivance. Je laissais mon regard sourire et la réchauffer, rendant à ses baisers leur vie palpitante.
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En ce temps, la politique était simple. Nous étions de gauche pour ne pas fâcher nos professeurs et "Tonton" veillait sur la France. (p. 13)
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Jamais une jeunesse française n'a été aussi sage que celle conçue entre les barricades de Mai et le départ de De Gaulle. Nos parents avaient été des garnements contestataires, nos grands-parents avaient fait du marché noir, couché avec l'Allemagne ou saboté des trains. Certains de nos oncles crapahutèrent en Indochine ou en Algérie. Et nous ? Gentils garçons et braves filles, nous avons été de toutes les manifestations antiracistes. Nous avons fêté la musique et le cinéma grâce à Jack Lang. Nous avons enfilé des préservatifs sans rechigner. Notre docilité confinait à l'absence. En un mot, nous n'avons pas fait d'histoire. (p. 12)
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