Claude Pujade-Renaud retrace dans ce roman l’histoire, et surtout la fin, de Port-Royal des Champs, progressivement détruit par la haine de Louis XIV et des jésuites : expulsions des postulantes, puis des religieuses, arrestations ou exil des Solitaires poursuivis pour leurs écrits, destruction du cimetière et du couvent, etc. Ce récit nous est transmis par un chœur de voix, essentiellement féminines, qui, si elles ne se distinguent pas par un style propre à chacune, diffèrent par les discours tenus : rares sont les opposants à Port-Royal qui s’expriment, mais celles qui y sont favorables en ont une certaine vision personnelle et l’appréhendent différemment. Cela donne au lecteur un tableau contrasté, voire éclaté, de ce lieu, le laissant dans l’indécision et l’étourdissement de tous ces témoignages.
J’ai volontairement parlé de « voix » ci-dessus, car l’écriture de l’auteure est émaillée de petits traits oraux, tels que « je sais je sais » ou « … euh ». Ceux-ci sont suffisamment rares pour ne pas être dérangeants et utilisés à bon escient, de sorte qu’ils humanisent les propos, rapprochent les personnages de nous. Une autre caractéristique stylistique qui m’a frappée est la sécheresse de ce récit : à l’image du désert qu’est devenu Port-Royal des Champs, privé de ses vivants comme de ses morts, le texte m’a paru aride et asséché. Il ne cherche pas à émouvoir, ni à apitoyer, mais à témoigner, montrer.
ABC au féminin : si la postérité a davantage retenu de Port-Royal ses illustres Solitaires, son histoire est avant tout féminine : celle de la lignée des Arnauld notamment, des moniales qui s’y sont succédé, puis celle de l'Invisible et des copistes qui, patiemment, conservent et transmettent les documents sauvés de la fureur royale. C’est en tout cas ce qui apparaît à la lecture de ce roman de Claude Pujade-Renaud qui donne majoritairement la parole à des personnages féminins, ayant connu le couvent à diverses époques de son éphémère existence : de Catherine Arnauld, la fondatrice, à Françoise de Joncoux, dite l'Invisible. De même, lorsque Marie-Catherine Racine cherche à en savoir plus sur son illustre père et son Histoire de Port-Royal, c’est avant tout elle-même qu’elle recherche, son identité. Au fil de ses rencontres, elle réalisera qu’il existe d’autres alternatives que le couvent ou le mariage pour les femmes. Enfin, en se détachant de ses premiers modèles, elle s’épanouira dans sa vie présente, s’affranchissant d’un passé pesant.
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