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Critiques de Claudia Piñeiro (104)
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Elena et le roi détrôné

Argentine, ce pays d'Amérique du Sud qui nous a engendrés tant d'excellents auteurs aux registres très divers : Eduardo Mallea(❤️) Selva Almada (❤️) , Borges, Eugenia Almedia , Adolfo Bio Casares,Lucia Puenzo,Elsa Osorio, Julio Cortazar , Cesar Aria, Ricardo Romero (❤️), Carlos Bernatek (❤️), Eduardo Fernando Varela (❤️)…….et Claudia Pinero dont je viens de lire le troisième livre. Les coeurs veulent juste dire que j'ai lu l'ensemble de leurs livres traduits et les ai adorés 😊.



Ce faux polar met en scène Elena, une femme de 63 ans souffrant de la maladie de Parkinson, qui à elle-même, est un personnage du roman que Pineiro appelle « Elle ». La connotation polar vient du cadavre de Rita la fille d'Elena retrouvée pendue au clocher de l'église par un jour de pluie. L'affaire se présente comme un suicide or Elena pour divers raison étant sûr que c'est un meurtre décide de mener sa propre enquête. Mais vu son état physique ravagé par « Elle », une tâche difficile régit par les pilules de Dopamine, carburants de son corps malade.

En faites l'intrigue policière ici chez Pineiro considérée comme la madame Hitchcock del Rio de la Plata , est un prétexte pour aborder une réflexion subtile sur l'extension de notre liberté de choisir le cours de nos existences en ignorant ou surmontant les contraintes et préjugés imposés par la société et la religion. Trois femmes, trois vies . Mère-Fille choisiront les leurs comme elles peuvent , bien que dans des directions contraires , la troisième elle , elle le subira. Et leur rencontre sera d'un malentendu abyssal.



Pineiro emploie un style indirecte qui donne un texte fluide, qui saisie les personnages dans le vif. Un récit intéressant où à nouveau, elle joue avec le temps ici régie par l'intervalle des prises de comprimés de Dopamine et questionne sur le rôle de notre propre libre arbitre et responsabilité sur nos destins. Un troisième livre tout aussi subtil et réjouissant que les deux premiers lus.









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Les Veuves du jeudi

Les veuves du jeudi, ce sont les Desperate housewives de Wisteria Lane version Buenos Aires. Bienvenue dans une banlieue chic américanisée et ultra-protégée d'Argentine, où le paraître est plus important que tout, où tout le monde soigne ses façades et ravale ses problèmes, où chacun cache ses petits secrets et grands mensonges, où les époux mentent à leurs femmes pour les protéger, où les couples se croient à l'abri derrière leurs haies, où les scandales éclatent en silence dans cette bulle hors du temps et des problèmes d'argent du reste du pays. Dans cette bulle, pourtant, les différences peinent à trouver leur place et fissurent ce microcosme, où les cancans ruissèlent de bouche de buveuse de thé à oreille de joueurs de golf ; Ici les enfants étouffent et se cherchent, voient les adultes comme des hamster tournant inlassablement et sans but sur la roue inarrêtable du temps, boivent un peu, se droguent parfois. Et observent. Tout. Tous. Ce monde tel qu'il est vraiment, sans fard sous leurs paupières grandes ouvertes qui découvrent l'envers du décors que leurs parents peignent à grand coup de poing, de larmes et de vin.





« Raconter et vivre, ce sont deux choses différentes. Raconter, c'est plus difficile. Vivre, c'est vivre, c'est tout. Pour raconter, il faut mettre en ordre, et c'est cela qu'elle a du mal à faire, mettre en ordre, dans sa tête, ses idées, tout ce qui lui arrive. Sa chambre, heureusement, c'est Antonia qui y met de l'ordre. Mais dans le reste de sa vie, elle sent que tout est confus. Elle a l'impression d'être assise sur une bombe à retardement. Et une bombe à retardement, ça finit toujours par exploser. ».





Les gens d'ici sont « parvenus » à être riches, mais que sont-ils prêts à faire pour le rester ? Ils semblent heureux, mais le sont-ils vraiment ? Ils semblent unis, mais des listes circulent… Ils semblent bienveillants mais, ce jeudi, trois hommes, trois voisins, trois amis sont morts en même temps dans la piscine des Scaglia. Des gentlemen qui avaient l'habitude de se retrouver tous les jeudis soirs pour boire, fumer, jouer aux cartes et deviser entre hommes des problèmes qu'ils n'avaient pas officiellement, tandis que leurs épouses vaquaient à leurs occupations superficielles…





« Dis donc, j'ai du boulot, moi ! rit Gustavo. Et de la dignité, tu en as ? demande Tano. Paire ! Paire ! Pourquoi dis-tu cela ? vingt-neuf. Je joue. Je dis ça comme ça. Qu'est-ce que tu en sais ? Qu'est-ce que je sais de toi ? Ce qui compte, c'est ce que chacun de nous sait de lui-même. Je me couche. Et ce que chacun de nous fait quand personne ne le voit. Truco. Ou quand il croit que personne ne le voit. Je contre. »





Mais ces épouses, aujourd'hui, sont veuves : « Cette nuit-là, la nuit en question, Ronie dinait chez Tano Scaglia. Comme tous les jeudis. Même si ce n'était pas un jeudi comme les autres. Un jeudi du mois de septembre 2001. le 27 septembre 2001. »





Accident de piscine, soirée qui a mal tourné ou règlement de compte prémédité ? Mauvais sort jeté ? Pour le savoir, je me suis fondue avec délice dans les mystères de chaque demeure, dont les murs et les murmures recèlent. Dans cette lecture agréable, Claudia Pineiro nous permet habilement de jeter un oeil indiscret aux petites vies de chacun et aux miroirs aux alouettes qui se brisent, annonçant les années de malheur. En repartant depuis 1991, elle fait monter la tension au fil des années et on assiste à la pression sociale monstrueuse que se mettent ces familles, pour conserver le standing de vie américain qui donne une impression sécurisante de réussite, échappant à la misère des autres, bien protégés dans des tours d'ivoire ; Mais on sait tous que ce modèle américain s'est effondré, et ses tours avec, en ce septembre 2001…





« Certains faits - ils sont peu nombreux, moins nombreux qu'on ne le pense - auraient changé nos vies s'ils n'étaient pas arrivés. Et la vente de ce terrain aux Scaglia, en ce mois de mars 1991, est de ceux-là. »
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Une chance minuscule

Les livres de Claudia Pineiro sont comme les escaliers roulants à l'entrée des casinos à Las Vegas . À peine un pied mis sur l'escalier pour y jeter un coup d'œil par curiosité, et hop ! vous voici en plein dedans.....le reste je vous en donne un zeste ici, de quoi vous tenter.



"Une chance minuscule" de Pineiro, c'est une petite (mal)chance qui au long d'une vie peut totalement en changer le cours. Est-ce la chance, le hasard ou le destin ?



Une trentenaire blonde, aux yeux bleus, mariée, vivant dans un quartier huppé de Buones Aires, du jour au lendemain quitte tout, disons plutôt se sauve aux Etats-Unis, à Boston. Pourquoi ? mystère.

Vingt ans plus tard, par un concours de circonstances auquel elle ne peut échapper, elle y retourne pour une mission professionnelle, en quinquagénaire rousse, aux yeux de jais ( lentilles de contact colorées ).

La trentenaire Marilé Lauria s'est mutée en la quinquagénaire Mary Lohan, avec une voix voilée de dysphonie et d'inflexions de sa nouvelle langue, donc incognito assuré. Il y a un ex-mari argentin, un mari américain décédé et un "lui" abondonné, suite à la fuite.

Voici le début.....et l'autre bout des escaliers roulants.



Mary Lohan ou Marilé Lauria ou Maria Elena Pujol. Trois noms, trois vies; une seule personne. Et "une chance minuscule " qui en décide pour elle à chaque fois.

C'est elle qui nous raconte son histoire avec minutie, entrecoupée d'une drôle d'anecdote qui revient en boucle, intacte ou légèrement modifiée comme un film qui avance slow motion, une anecdote qui ne présage rien de bon......vous êtes déjà figés devant les "slot machine", en train de vider vos poches....



L'auteur joue ici, magistralement avec "le temps". Elle le gère comme elle le veut, aidé d'une construction originale, tout aussi magistrale. Une histoire trés dure, poignante, où elle pose de nombreuses questions sur les tours que nous joue le destin, et le rôle de notre propre libre arbitre et responsabilité qui y sont impliqués, pendant et après . "Nous ne pouvons pas tous faire le meilleur choix, nous n'y avons pas été préparés....le reste de notre vie nous donne encore l'occasion de faire des choix pour réparer ou perdre pour de bon la possibilité de réparer nos erreurs ".

Et cerise sur le gâteau, la bibliothérapie.



Toute cette combination est parfaite pour vous faire passer une nuit blanche, préparez vos mouchoirs.....et ne passez pas à côté de cet excellent cru Pineiro !



"C’est peut-être cela, le bonheur, un instant où l’on est là, tout simplement, un moment quelconque où les mots sont de trop car il en faudrait trop pour le raconter."







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A toi

Un quartier chic de Buones Aires.

Inés la futée est mariée à Ernesto, depuis dix-sept ans. Ils s'aiment (?), ils ont une fille ado, Lali, apparemment tout baigne.....mais....le hasard décide qu'Inés trouve dans les affaires d'Ernesto un petit mot "A toi " signé au rouge à lévres et des capotes dédicacées......aïe,aïe,aïe......oui , ça va chauffer,mais pas exactement comme vous le pensez....

Claudia Pineiro nous lance à toute vitesse au cœur d'une comédie noire , qui s'amorce avec "un meurtre". Dans une société machiste, où sa propre mère a été abandonnée par son père et se fait appeler ,"la veuve de Lamas", bien que le mari soit encore vivant, Inés va tout faire pour sauver son couple......mais c'est sans compter sur un mari plus que volage....

Une intrigue à la Hitchcock alternée avec l'histoire de Lali, elle aussi dans le pétrin, nous tient en haleine jusqu'à la surprise finale.

L'histoire est banale , mais l'humour caustique et la prose de Pineiro en font un petit bijou littéraire.

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Une chance minuscule

Mary Lohan, la cinquantaine, rousse aux yeux foncés, embarque sur un vol New York – Buenos Aires. Elle retourne dans son pays natal vingt ans après l'avoir quitté, après avoir fui un drame qui, faute d'une chance minuscule, n'a pas pu être évité, et dont elle est responsable.



A l'époque, Mary s'appelait Marilé Lauría, était blonde aux yeux bleus et vivait dans une banlieue huppée de Buenos Aires, fréquentant des familles dont les enfants sont inscrits à St-Peter, collège chic et privé.



Aujourd'hui, c'est précisément à St-Peter que Mary est envoyée, pour une mission professionnelle qu'elle n'a pas vraiment cherchée, mais pas vraiment évitée non plus. Chance ou malchance minuscule, elle l'ignore encore. Ce qu'elle sait, c'est qu'elle est anxieuse, désirant et redoutant à la fois d'être reconnue malgré sa nouvelle apparence et ses lentilles de contact colorées. Elle craint, en même temps qu'elle souhaite, de croiser un homme en particulier, d'être obligée ou d'avoir envie de lui rendre des comptes.



Peu à peu, Mary/Marilé raconte son histoire, sa jeunesse, son mariage, sa vie paisible et vaguement ennuyeuse, jusqu'à la tragédie qu'elle a provoquée involontairement. Victimes et "coupable" vivant dans le même microcosme, l'atmosphère devient rapidement irrespirable pour Marilé, ostracisée par son entourage et son mari, tous odieux et hypocrites. Elle ne reçoit aucun appui, elle est seule au monde, ou presque. Mais s'il n'y avait que ça, elle pourrait le supporter. Mais sa seule présence risque de causer la souffrance de quelqu'un d'autre, alors elle part, brisée. Et si elle ne rompt pas tout à fait et revient à Buenos Aires aujourd'hui, c'est parce que dans sa fuite à l'époque, elle a pu compter sur la gentillesse d'un inconnu, rencontré par la grâce d'une chance minuscule.



Et si elle ne s'était pas mariée, et si elle avait acheté une nouvelle voiture, et si le collège, et si la récompense, et si quelques minutes de retard, et si, et si...



Les causes, les conséquences, leur enchaînement sans fin: avec des si, l'éventail des vies à vivre et des histoires à raconter est infini. Mais il y a toujours un choix à faire ou ne pas faire, qui condamne les autres possibilités, pour le meilleur ou le pire, mieux vaut peut-être ne pas savoir. Se retourner sur le passé ne le changera pas, mais il n'est peut-être jamais trop tard pour essayer de (se) réparer. C'est ce que Mary va tenter de faire, et au final peu importe qu'elle agisse consciemment ou poussée dans le dos par le destin.



Le hasard, la chance, la culpabilité et la résilience sont les thèmes de ce roman, avec en creux une critique de la riche bourgeoisie de Buenos Aires, comme dans "A toi" et "Les veuves du jeudi", précédents romans de C. Piñeiro. Mais ce roman-ci n'a rien de joyeux, il n'est que drame et douleur, n'empêche qu'il est magnifiquement écrit, sa construction chronologique parfaitement maîtrisée, et l'anecdote récurrente du train, chaque fois plus complète, est une trouvaille ingénieuse, qui installe un suspense de mauvais augure.



Il se dégage beaucoup d'émotion et de sensibilité de ce roman majuscule, quelle chance (pas minuscule) de l'avoir lu.
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Bétibou

Un homme est découvert la gorge tranchée dans sa jolie maison du Country Club La Maravillosa, quartier privatisé et surveillé (par des postes de gardes surveillant les entrées et sorties) pour nantis, où tout est fait pour le repos de l'âme et la santé du corps. Ca ressemble à un suicide, sauf que l'épouse de cet homme nouvellement décédé avait été retrouvée morte 3 ans auparavant, dans les mêmes conditions. A l'époque, tous les regards concernant la mort de l'épousée s'étaient tournés vers le mari, mais aucune preuve de sa culpabilité n'avait pu être trouvée.

Le quotidien El tribuno s'empare de cette affaire, et couvre ce meurtre/suicide au travers de l'approche maladroite du "gamin des faits divers". Ce dernier a été embauché en remplacement du célèbre journaliste Jaime Brena qui, ayant eu l'heur de déplaire à son rédacteur en chef, se retrouve à la tête de la fabuleuse rubrique société, écrivant des articles sans importance sur des sujets frôlant le ridicule... Quoiqu'il en soit, le rédacteur en chef indélicat demande à son ancienne maitresse, Nurit Iscar, Betibou de son surnom (car présentant une certaine ressemblance avec Betty Boop), une écrivain autrefois célèbre qui vivote en servant de petite main aux excentriques qui veulent écrire leur vie, de s'immerger dans le country club et d'y raconter de la fiction, pour alimenter le journal. Jaime, incapable de se tenir à l'écart, avec ses contacts toujours dans la poche, se rapproche du petit jeunot qui le remplace.



J'ai vraiment aimé ce Bétibou, un petit roman relatant l'enquête menée par deux journalistes différents mais complémentaires et un auteur. L'écriture de C. Pineira est simple, instructive mais pas démagogique, et nous dépeint une certaine société de l'Argentine moderne relativement peu connue, trempant tour à tour sa plume fine et élégante dans l'ironie, la férocité, l'extravagance, la tolérance, la bienveillance ou l'humour. L'avancée de l'enquête est plutôt lente, ce qui permet au lecteur de prendre son temps pour découvrir les personnages savoureux qui prennent vie sous nos yeux (Bétibou est un très beau portrait de femme, et l'on croirait ses amies tout droit sorties d'un film d'Almodovar !), leur histoire, leur environnement. Les dialogues, sans ponctuation ni identification de l'interlocuteur, sont percutants, et cette façon de procéder donne un certain cachet au texte.

De nombreux sujets sont évoqués au cours de ces 400 pages. Sous couvert de nous raconter l'investigation liée à la résolution d'un meurtre dans un country club, il me semble qu'une bonne partie du texte, décontextualisée, peut très bien s'appliquer à de nombreux pays, et de nombreuses époques. Par exemple, quand je pense "Argentine" et que je lis : "Quand on ne prête aucune importance aux atrocités passées, elles laissent des plaies ouvertes et, pire encore, il est certaines personnes qui s'arrogent parfois le droit de réparer ce que la justice a en son temps laissé impuni. Il n'empêche que cette justice rendue à titre personnel constitue une nouvelle atrocité qui alimente un cycle infini de haine et de vengeances. Est-il moins assassin que les autres, celui qui tue quelqu'un qui mérite de mourir ?", ça ne m'évoque pas immédiatement la résolution d'une enquête par deux journalistes et un écrivain. Mais après tout, chacun trouvera ce qui le touchera dans un texte !

Une belle découverte.

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A toi

La vie d'Inès est parfaite : dans une belle maison dans un quartier chic de Buenos Aires, elle mène une vie oisive et futile de femme au foyer qui n'a à se préoccuper que de son cours de yoga et des apparences, avec Ernesto qu'elle connaît sur le bout des doigts (croit-elle) depuis 20 ans qu'ils sont mariés. Ah oui, et puis elle a aussi une fille de 17 ans qui fait constamment la gueule (mais ne vous inquiétez pas, c'est une ado, ça lui passera).

Et puis un jour, Inès trouve dans les affaires de son mari un coeur dessiné au rouge à lèvres, transpercé d'un « je t'aime » et signé « à toi ». Futée, elle comprend très vite qu'elle est membre malgré elle d'un triangle amoureux qui semble inclure Alicia, la secrétaire de son mari. Pour en avoir le coeur net, elle suit discrètement celui-ci et assiste à l' « accident » qui coûte la vie à Alicia. En maîtresse-femme imprégnée jusqu'aux cuticules de son sens du devoir conjugal, elle prend les choses et son mari en mains (surtout ne pas se laisser aller, comme sa nouille de mère quand son père les a abandonnées il y a 30 ans), prête à tout (et quand on dit « tout », c'est vraiment « tout ») pour sauver son couple et donc les apparences (ou plutôt son apparence de couple, comme diraient les mauvaises langues).

Et puis c'est alors que surgit Charo, la nièce d'Alicia. Mais quel rôle joue-t-elle dans cette histoire ? Pauvre Inès, elle qui n'a jamais compris ce qu'était un triangle isocèle, la voilà confrontée à la quadrature du cercle, avec un paquet d'hypothèses à géométrie variable. Elle finit par comprendre la vérité et échafaude un plan machiavélique qui assouvira sa vengeance. Ou pas. Mais ce qui est sûr, c'est que, aveuglée par ce « sauvetage », elle délaisse totalement sa fille qui pourtant, de toute évidence, file un mauvais coton. Mais quoi, ce n'est quand même pas la mauvaise humeur chronique d'une gamine apathique qui va détourner Inès de sa mission capitale ?



Un suspense vaudevillesque, plein de rebondissements, de manipulations et de cynisme, dans lequel Inès, à la fois naïve et déterminée cherche une solution qui risque de créer encore plus de problèmes. Immoral, drôle et addictif, ce roman de 170 pages se lit à toute vitesse. Méfiez-vous des apparences, un coeur peut en cacher un autre. Ce n'est pas « à toi » qui dira le contraire.
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Les Veuves du jeudi

Les « veuves du jeudi », c'est le surnom que s'est donné un petit groupe de femmes dont les maris, une soirée par semaine, se réunissent entre messieurs de bonne compagnie. « Veuves » au sens figuré et humoristique, certaines d'entre elles vont le devenir, au sens propre et sans le moindre humour, après que l'une de ces soirées « gentlemen only » se soit terminée en drame.

Un accident (voire pire) qui vient perturber la tranquillité chèrement payée de Los Altos de la Cascada, voilà qui était pourtant inimaginable. Résidence ultra-sécurisée à l'américaine sur les hauteurs de Buenos Aires, destinée exclusivement aux familles fortunées et « bien sous tous rapports », La Cascada est censée être un paradis à l'écart du bruit et de la fureur de la ville, protégée de l'insécurité et de la pauvreté des gens ordinaires – sauf les domestiques – par des portiques de sécurité et des autorisations d'entrée signées en quatre exemplaires.

Au coeur de ce rêve doré, réalisé à coups de billets de banque par quelques privilégiés, la vie n'est cependant pas idyllique. Dans ce monde du paraître, fondé sur les apparences, la superficialité est, de fait, portée au rang de valeur, la perfection est une nécessité, et faire toujours mieux que les voisins une obligation qui ne dit pas son nom. Cette pression sociale, obsessionnelle pour certains, se transforme en tension difficilement soutenable quand l'Argentine plonge dans la crise économique au tournant des années 2000. Celle-ci n'épargne pas les riches, qui ont de plus en plus de mal à faire correspondre porte-monnaie et sacro-sainte illusion d'aisance. Pour eux qui croyaient que l'argent faisait le bonheur, imaginez la tragédie quand la source se tarit...

Débutant par l' « accident » qui se produit peu après le 11 septembre 2001, ce roman repart ensuite quelques années en arrière pour poser le décor et amener peu à peu les prémices du drame. le fait que le petit monde de Los Altos s'effondre après les tours du WTC n'est pas anodin : le mode de vie des classes aisées argentines était calqué sur le « modèle » états-unien, en témoignent les « countries » tels que Los Altos et les nombreux anglicismes, ainsi que, sur un autre plan, la politique ultra-libérale des années 1990 et la parité dollar/peso argentin, aberration économique qui, entre autres, mènera le pays à la catastrophe.

Dans cette chronique féroce des malheurs de ces « pauvres petites gens riches », l'auteur livre une étude sociologique implacable de ce milieu huppé, de ses codes et rituels, dans lequel le bling-bling cache mal l'hypocrisie ambiante. Caustique, elle n'y va pas avec le dos de la petite cuiller en argent pour décrire les comportements des résidents de Los Altos, soumis de plein fouet aux affres de la crise qui, terrible comme la Grande Dépression de 1929, en conduira plus d'un au désespoir.
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Les Veuves du jeudi

Sortir de sa zone de confort peut parfois être une bonne surprise, parfois être une deception. En lisant ce roman argentin, je m'attendais à une histoire avec un peu de suspens, j'y ai trouvé une histoire brouillonne, avec de bonnes choses , certes, mais racontées d'une façon qui ne m'a pas plue.



Pour ce qui est du plan, on était "bien".

Dans une banlieue privilégiée de Buenos Aires, un quartier où il faut montrer patte blanche au gardien pour qu'il vous laisse franchir les hautes grilles, vivent quelques couples , avec ou sans enfants, qui partagent le même état d'esprit : ils sont riches, ils se fréquentent entre eux , ils jouent au tennis entre eux, ils ont presque oublié leur ancienne vie, leurs anciens amis.

Tous les jeudi, quelques spécimens masculins se retrouvent pour jouer aux cartes, refaire le monde , picoler un peu. Et tout ça , sans leurs bonnes femmes, qui se sont (humoristiquement ) baptisées " Les Veuves du jeudi " ( d'où le titre...).

Jusqu'au jour, où, trois d'entre eux meurent électrocutés dans la piscine du plus gros poisson...

Et là, l'auteure, repart vers le passé, pour raconter de façon non linéaire, non chronologique, comment tout ce petit monde privilégié s'est rencontré, apprécié, ou pas, fréquenté etc...

Ces hommes , pour certains, étaient en train de perdre toute leur fortune dans la crise financière qui a touché leur pays, l"Argentine.

Suicide collectif, suicide assisté, ou meurtres ? Là est la question dont on connaitra l'issue, dans la troisième partie.



Entre temps, l'auteure nous aura brossé le portrait d'un pays et d'une caste sociale: ceux qui ont tout et qui ont peur de tout perdre. C'est intéressant sur le plan social, mais sur le plan "plaisir de lire", je m'y suis ennuyée. Trop brouillon, l'auteure passant d'une anecdote à l'autre, comme au hasard..., d'un personnage à l'autre sans le signaler. Une multitude de personnages (mari et femmes) sont à retenir et leurs liens (à part pour trois couples) difficiles à relier... Cette profusion de personnages fait qu'on ne s'attache à aucun, ce qui est un comble quand on connait dés le début, l'issue tragique.



Claudia Pineiro aurait pu traiter ça de façon humoristique, cynique, pince sans rire, non...

L'auteure aurait pu traiter cette histoire façon roman à suspens, mais non.

Il y a ce début, cette fin explicative (c'est déjà ça, me direz-vous...) et au milieu un gros gloubi boulga.

S'il n'y avait pas eu pour moi, au travers ce roman, la découverte d'un pays que je ne connais pas, je crois que j'aurai laissé tomber mais, vaille que vaille, je me suis accrochée.



♫ Don't cry for me, Argentina♫, je reviendrais, à travers des auteurs visiter ton beau pays...
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A toi

La vie d'Inès , mariée depuis vingt ans , femme au foyer, de la bonne bourgeoisie Argentine, à Buenos Aires, est parfaite en apparence,: oisive , futile, se préoccupant de son cours de yoga, vêtements, apparence …Ernesto et Inès s'aiment …….enfin….



Elle croit bien connaître son mari, ses besoins, ses désirs lorsqu'un jour en cherchant un stylo , elle ouvre sa serviette : tombe sur un coeur , dessiné au rouge à lèvres , traversé d'un «  Je t'aime » et signé «  À toi » , une trouvaille vulgaire qui lui fait très mal.



L'auteure nous offre alors une comédie vive , maligne ,entraînante , lue d'une traite, sorte de thriller tragi- comique ,noir, féroce , où Inès, drapée , dans sa dignité , singeant les apparences , rusée , exerce alors une surveillance active, mais assiste , impuissante à un meurtre ….



N'en disons pas plus.

Surtout que dans cette société à mâles dominants , plutôt machiste ,elle a vu sa propre mère abandonnée par son père, qui se fait appeler «  La veuve de Lamas » …

Un suspense pétri de rebondissements , de cynisme éhonté , de manipulations , de retournements de situation.

Inès est prête à tout pour sauver son couple , à la fois naïve et déterminée , conformiste , ne supportant pas sa fille , crée une situation ubuesque , jouant au jeu du chat et de la souris , faux semblants , substitution de preuves , espionnage, jusqu'à la fin ……surprise …





Humour caustique, immoralité , drôlerie , inventivité , ce court roman en forme de piège nous livre un très beau portrait de femme pourvue d'un mari vraiment léger, volage …



N'oublions pas l'histoire de Lali , la fille d'Ernesto et Inès, très drôle , elle aussi , dans de beaux draps, en courts chapitres alternés .



Même si l'histoire est vraiment banale , elle est bien troussée, l'écriture est fluide, addictive : on ne lâche pas ce petit bijou littéraire, on le lit à toute vitesse, une amie de Babelio m'a incité à le commander à mon libraire .



Merci à elle, ce fut un plaisir !

Un livre que je vais prêter à mon entourage !
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Les Veuves du jeudi

Altos de La Cascada : une réserve dans les années 1990-2000. Pas une réserve d’Indiens, non, une réserve de gens nantis, riches, privilégiés, en Argentine. A l’abri des risques et dangers de la vie dans un immense quartier clos, sécurisé par des codes et des vigiles, de jour comme de nuit. Dans ce cadre paysagé idyllique, de grandes maisons modernes, fonctionnelles et luxueuses, des cours de tennis, un golf de dix-huit trous. Des habitants vivant entre eux, se recevant, participant à des associations oeuvrant pour la résidence, se connaissant tous. Coulés dans le même moule économique et social.



Dès les premières pages, on apprend que trois hommes de la résidence viennent de mourir noyés dans une piscine. Et puis on n’entend plus parler de ce drame jusqu’aux dernières pages : l’auteur raconte longuement ce qu’est la vie à La Cascada, comment elle a évolué avec les années, les normes, explicites ou sous-entendues, qui doivent y être respectées, les relations et les affinités qui se sont créées.



« Il y a des gens qui se méprennent, qui croient que, parce que nous vivons dans ce type d’endroit, nous finissons toutes par nous ressembler ».



Mais de chapitre en chapitre, on retrouve différentes familles, l’histoire de chacune, les circonstances de son arrivée à La Cascada, son intégration dans ce milieu qu’elle a imaginé de rêve. Chacune a apporté avec elle ce qui la rend unique. Unique et tristement banale souvent. Le décor aseptisé ne protège pas du chômage, de l’alcoolisme, de la violence maritale, du snobisme ou de la bêtise. Il ne guérit pas des névroses incrustées, des ambitions déçues, des préjugés imbéciles.



L’auteur décrit avec finesse, juste en les illustrant de détails au jour le jour, les failles, les défaillances, les faiblesses, plus ou moins graves, de chacun des personnages. Deux seulement sauvent la pureté et l’exigence. Deux adolescents magnifiques, insensibles à la perversion des valeurs que leur milieu, trop favorisé, a suscitée chez leurs parents sans même qu’ils en prennent conscience.

Deux adolescents qui rachètent, par leur soif d’absolu et de vérité, les accommodements frauduleux que les adultes prennent avec la réalité.



La structure du livre est surprenante au début de la lecture. Certains chapitres sont d’un narrateur omniscient, d’autres donnent la parole à une femme qui vit à la Cascada depuis longtemps. Ils changent aussi de temporalité, sur une trentaine d’années. Mais comme un puzzle, l’ensemble construit peu à peu la fatalité révélée dès les premières pages. Une construction longue mais fouillée et parfaitement convaincante.



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A toi

Attention : GROS COUP DE CŒUR !!!

Ce roman policier signé Claudia Piñeiro est une vraie réussite.



On fait la connaissance d'Ines, femme au foyer, s'occupant d'Ernesto, son mari depuis un vingtaine d'année et de sa fille adolescente. Tout va bien en apparence, jusqu'au jour ou Ines tombe sur un cœur signé "A toi" dans les affaires de son mari. Elle décide donc de l'espionner et découvre qu'il a une liaison avec sa secrétaire. Scénario plutôt classique, seulement des le premier chapitre, Ernesto tue accidentellement la secrétaire sous les yeux de son épouse. Ines va tout mettre en œuvre pour sauver les apparences et tout manigancer pour sauver son mariage. Mais les apparences sont trompeuses et ce roman très riche en rebondissements.



Le style est vraiment très drôle, l'écriture fluide et le roman se dévore en quelques heures a peine tant il est dure de le lâcher.

"Yo pensé, lo tendría que hablar con Ernesto, preguntarle si le pasaba algo. Y casi lo hago. Pero después me dije, ¿y si me pasa como a mi mamá que por preguntar le salió el tiro por la culata? Porque ella veía medio raro a papá y un día fue y le preguntó : "¿Te pasa algo, Roberto?". Y él le dijo: "¡Sí, me pasa que no te soporto más!". Ahí mismo se fue dando un portazo y no lo volvimos a ver. Pobre mí mamá."



Bref si un petit voyage en Argentine vous tente, lisez ce roman, vous ne serez pas déçus. Quand a moi, je vais vite me procurer d'autres romans de l'auteur car c'est une belle découverte.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Elena et le roi détrôné

Elena, c'est cette femme sexagénaire, qui vient de perdre Rita, sa fille, qui se serait suicidée et le roi détrôné, c'est ce cerveau qui ne parvient plus à se faire obéir par les membres - bras, jambes - et qui ne peut lutter contre Parkinson...Elena est persuadée que Rita a été assassinée, elle doit se rendre à l'autre bout de Buenos Aires pour y enquêter, interroger Isobel  une femme qu'elle et sa fille ont aidée vingt ans plus tôt, afin de faire la lumière sur cette mort - la police ayant classé l'affaire - et Elena refusant l'idée du suicide de sa fille. le chemin pour retrouver Isobel est un long chemin de croix entre rues à traverser, trottoirs à ne pas rater, marches à descendre, à remonter, métro à emprunter, place à trouver, bousculade à éviter, avec des jambes qui ne répondent que maladroitement et tête penchée car le muscle du cou ne répond plus. Et puis la rencontre avec Isobel qui lui fera affronter une autre réalité, une situation trop douloureuse pour Elena, une vérité cruelle.



Avec Elena et le roi détrôné, Claudia Pinéiro propose un roman dur, lent, un texte qui décrit dans les moindres détails les difficultés et la dégradation du corps de cette femme atteinte de Parkinson. Claudia Pineiro dissèque les moments et les efforts surhumains que déploie Elena...On sent la colère, le ressentiment, la violence et la frustration, à la fois pour ce corps qui se dégrade et qui n'obéit plus et le refus de la mort tragique de sa fille, sa conviction qu'elle a été assassinée, qu'elle n'a pas pu se suicider.

Un texte âpre, répétitif qui peut lasser mais qui, si l'on persévère, dévoile un coup de théâtre à la fois surprenant et cruel.

Encore un moment fort et réussi, proposé par Claudia Pineiro.
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A toi

Oh là ! Un livre fort réjouissant. Les "desperate housewifes" argentines se révèlent bien dangereuses, une certaine Inès en particulier...



Atypique, décalé, d'un cynisme savoureux, ce roman m'a emmenée à Buenos Aires, dans les rues où déambule Inès, cherchant d'abord à aider son mari, Ernesto, qu'elle a vu tuer accidentellement celle qui semblerait être sa maîtresse. Il va lui revenir, c'est sûr, et une famille doit rester soudée.



Mais tout va déraper, les pensées comme les actions. Pendant ce temps, la fille du couple , Lali, vit un moment très difficile, et ses parents , trop occupés à s'inventer des alibis, à échafauder des hypothèses, à déjouer les diableries de l'autre, ne devinent rien.



On adore entrer dans l'esprit tortueux et logique à sa façon d'Inès, suivre ses manigances, observer ses déconvenues, et la colère qui monte, qui monte...



Merci aux lecteurs, en particulier à Idil, de m'avoir orientée vers ce roman , qui mérite vraiment le detour!

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A toi

Après vingt ans de mariage, Inès, de la bourgeoisie argentine, pensait bien connaître son mari Ernesto, ses désirs, ses besoins et ses envies aussi, lorsqu'elle tombe sur un message d'amour signé "A toi", décide-elle, avec curiosité plutôt qu'avec jalousie, d'enquêter pour connaître sa rivale. Lors d'une filature elle voit son mari bousculer sa maîtresse qui, en heurtant une souche, se brise les vertèbres. Commence alors un jeu du chat et de la souris où Inès, pour protéger son mari et voulant maîtriser ce qui reste de son couple, reconstitue le parcours de son mari pour y substituer des preuves de liaison qui pourraient l'accuser. Toute accaparée par le sort de son mari et de son mariage, elle délaisse sa fille qui doit gérer sa détresse seule.



A toi est un roman à suspens, mené d'une main de maître par Claudia Piñeiro. Se focalisant sur la personnalité d'Inès, une femme mariée, conformiste et convaincue des sentiments de son mari, qui peu à peu, se fourvoie lentement dans une situation qui va lentement partir en vrille. Jouant avec les faux-semblants et les retournements de situation, mêlant les voix d'Inès, de Lali sa fille et des réflexions intimes de son mari, le puzzle se reconstitue pour se transformer en piège qui se referme progressivement. Une très belle surprise et un beau portrait de femme bourgeoise, sûre de ses fondements qui vont pourtant lentement s'effriter.
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Les Veuves du jeudi

Même si je n’y suis jamais allé, je sais que l’Argentine est un beau pays, le plus européen des pays d’Amérique du Sud. Argentina, de l’italien argentine, « argent », comme pour souligner les malheurs du pays, miné par ses difficultés financières qui affament les plus pauvres et ruinent la classe moyenne tandis que les vrais riches continuent de festoyer. De Peron et son Evita si romantique (Don’t cry for me, Argentina) au couple Kirchner (Madame succédant à Monsieur à la tête du pays) en passant par les sinistres généraux dont la bêtise (s’attaquer à l’Angleterre de Maggie Thatcher sans en avoir les moyens) égalait presque la méchanceté (les Mères de la place de Mai), l’Argentine de ces cinquante dernières années reste le plus beau cas d’école de la faillite d’un état qui avait tout pour y échapper et du malheur subit par son peuple. Perpétuellement sous perfusion et donc sous tutelle du FMI, la vie quotidienne argentine reste suspendue au taux de change dollar-peso, au taux d’inflation et à un chômage endémique. Rassurez-vous, le roman de Claudia Pineiro n’est pas un traité d’économie. Mais si les difficultés financières du pays ne sont que le petit bruit de fond de son histoire, il n’est pas inutile de les avoir à l’esprit pour mieux appréhender la psychologie de ses personnages. Les entrefilets économico-politico-financiers qui jalonnent son récit en portent témoignage.

Claudia Pineiro nous invite dans l’Argentine à l’abri, celle qui ne manque pas d’argent, celle qui, au début du roman, voit même avec plaisir la crise financière pousser à la hausse les prix de l’immobilier qu’elle possède. Bourgeois aisés, couples glamour, parents attentionnés, ils vivent dans leur magnifique « country » clôturé et gardé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils jouissent du calme et de la beauté du golf inclus dans leur domaine, si près et si loin du monde réel, à quelques pas de Buenos Aires, mais isolés de son bruit, de sa saleté, de sa pauvreté et de son insécurité. La finesse de la critique sociale (analyse des rapports dominants-dominés entre les maîtresses de maison et leurs domestiques, stéréotype de la famille idéale, isolation sociologique et physique des riches tentant de se constituer un havre de prospérité et de sécurité dans un pays en déroute financière où la précarité et la misère croissent aussi vite que la délinquance) est remarquable, tandis que l’intrigue, riche et complexe, fait lentement monter la tension. A l’intérieur de ce microcosme privilégié et protégé les masques vont peu à peu tomber : les amis n’en sont plus vraiment, les couples chancellent, les faibles et les différents sont rejetés, les situations florissantes périclitent, l’argent qui coulait abondamment se fait plus rare et plus dur à gagner. Certains n’hésitent pas à se salir les mains pour continuer à se remplir les poches, tandis que d’autres se réfugient dans le déni et la fuite en avant …

Les apparences commandent, chacun se devant de maintenir à tout prix ce niveau de vie privilégié fait de domestiques dociles, de jardins immaculés, de maisons luxueuses, de voyages choisis, d’écoles privées. L’allégorie est brillante car surgit en filigrane derrière le besoin de paraître et la vanité des personnages, tout le problème de l’Argentine qui vit au-dessus de ses moyens depuis tellement longtemps. C’est formidablement bien observé et restitué sans nuire à l’intrigue. Claudia Pineiro a beaucoup de talent et un style que j’avais déjà apprécié dans Bettibou. Je suis désormais un de ses afficionados.

Pour terminer en beauté, illustrons le propos avec ce petit dialogue, écologiquement correct, entre deux « housewifes » dont l’une seulement est désespérée, autour d’un dilemme cornélien entre ray-grass et silicone :

« Teresa sortit de sa poche une bobine de fil de couleur ocre et, avec le concours de Lala, elle attacha la plante. "C'est du fil de sisal recyclé ; ne laisse jamais personne utiliser dans ton jardin autre chose que du matériel biodégradable." Lala l'aida à nouer l'attache du papyrus. "Tu t'imagines, les siècles passent, nous aussi, et le plastique, lui, il reste là. En parlant de plastique, tu ne devais pas te refaire les nichons cette année ?" "Oui, mais je vais attendre un peu que Martin soit moins obsédé par le fric, sinon il va me faire une crise de nerfs." "Attends pour la silicone, mais pas pour la pelouse. D'ici quelques mois, il aura retrouvé du boulot et, dans ton parc, ce sera la misère."

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Une chance minuscule

Coup de coeur - une auteure à découvrir

Dans l'avion qui la mène de Boston en Argentine, Mary Lohan se remémore sa vie quand elle était Marile Lauria et qu'elle résidait à Temperley dans une banlieue de Buenos Aires. Elle doit auditer un collège, pour le valider en tant qu'établissement partenaire, respectant le programme et les valeurs pédagogiques du Garlic lnstitute créé par Robert Lohan, son compagnon qui vient de mourir. Un voyage qui est comme un retour, chargée d'une mission qu'elle n'a pas choisie mais qu'elle a acceptée comme une mise à l'épreuve, une occasion d'affronter un passé douloureux et renouer peut-être avec des acteurs d'un drame qu'elle n'a pu surmonter. Un voyage aux allures de rédemption pour apaiser une plaie béante.



En alternant le présent et le passé, Mary Lohan révèle l'évènement tragique qui s'est déroulé et qui, avec Une chance minuscule, ne se serait pas produit, un instant qui a tout fait basculer et qui a changé la vie de cette femme intégrée et respectée socialement, qui va perdre son statut et qui, face au rejet et à l'opprobre de la communauté, préférera fuir et abandonner sa vie. Entre sa vie argentine de femme et de mère qu'elle pense accomplie, Marile devra se réinventer dans une nouvelle vie, celle de Mary Lohan, en conservant ancrées en elle les séquences minutieusement chronométrées des évènements pour tenter de les comprendre, apaiser sa douleur et se reconstruire.

Avec ce récit à la première personne, Claudia Piñeiro délaisse l'ambiance à la Claude Chabrol et son observation de la bourgeoisie argentine, et propose un roman plus intimiste, un retour sur une douleur qu'il va falloir surmonter pour trouver une rédemption. Une construction originale mêlant souvenirs et lettres, autant de points de vues qui permettent d'entrer dans l'intimité de cette femme et suivre sa reconstruction.



Un roman intimiste magistral et une écrivaine qu'il faut découvrir absolument.
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A toi

La routine bien huilée du couple d'Inés et d'Ernesto va être chamboulée par la découverte d'un mot signé au rouge à lèvres « A toi » et de préservatifs joliment dédicacés. Pas loin d'une comédie macabre, le roman de Claudia Piñeiro va jouer avec nos nerfs en enchaînant des événements et des révélations plus dingues les uns que les autres. Avec une pointe d'humour noir, l'auteure nous dresse le portrait de personnages qui, de par leurs personnalités et leurs envies d'arranger les choses, ne peuvent que s'enfoncer encore plus. Et à côté de ce couple particulier, on a une jeune adolescente qui n'a pas le temps de s'occuper des problèmes de ses parents tant elle a déjà du mal à gérer les siens.



Bref, A toi fut une lecture très rythmée et qui a su me surprendre. Claudia Piñeiro nous charme par sa plume incisive et ses personnages quelque peu masochistes. Un court roman qui en plus de cela, sait surprendre !
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A Crack in the Wall

Claudia Pineiro est une auteur que j'aime beaucoup et j'étais curieuse de découvrir ce livre, jamais traduit en français.



"La fissure dans le mur" a deux sens : propre comme au figuré. Pablo Simó est un architecte qui doit négocier avec Nelson Jara, un homme qui se plaint de l'apparition du fissure dans le mur de son appartement après la construction d'un immeuble par la compagnie de Pablo. La tension monte progressivement entre les deux hommes.



La fissure est aussi un symbole de la crise de la quarantaine de Pablo, l'opportunité de prendre des décision et de changer de vie.



C'est un roman très noir, et le lecteur sait d'avance qui va mourir et qui est le meurtrier. Mais le meurtre est au final juste un petit élément qui permet a l'auteur de broder son histoire autour.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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Bétibou

Bétibou ou Betty Boop ? Une star de cartoon, de quatre-vingt ans, toujours en haut de l'affiche sans avoir pris une ride ou une écrivaine à succès dont les cinquante-quatre ans commencent à se voir tandis que le succès s'en est allé ? La première, c'est Betty Boop, la seconde c'est Nurit Iscar, alias Bétibou, ainsi surnommée en référence à ses bouclettes. De Betty Boop, vous saurez tout, de sa naissance en 1930, de son inspiratrice, la chanteuse Helen Kane (I Wanna Be Loved by You, repris plus tard par Marilyn Monroe et tant d'autres) jusqu'au mouvement des « flappers » dont elle reste le symbole. De Bétibou, vous suivrez les chroniques qu'elle rédige pour le journal qui a eu la bonne idée de l'envoyer sur les lieux d'un décès suspect survenu dans une résidence ultra-sécurisée afin de maintenir l'intérêt des lecteurs selon la bonne vieille règle médiatique qui veut que ce n'est pas parce qu'on ne sait rien qu'il ne faut pas le faire savoir. Associée à un journaliste débutant et à un vieux routier, genre (pour rester dans l'univers d'Hollywood) de Bogart avec du ventre, mais aussi du coffre, de l'expérience et du talent, elle va mener l'enquête que la police semble négliger.

Vous êtes un peu fatigué(es) des polars nordiques, des flics déprimés, des tueurs sadiques ou des thrillers sanglants ? Vous hésitez à vous plonger dans la « littérature » parce que vous aimez qu'il y ait du suspens et une intrigue ? Bétibou est le type de roman qu'il vous faut, à la croisée des chemins entre le roman policier et le roman de caractères.

J'adore l'ambiance, les personnages, le ton souvent narquois, toujours détaché, et cette façon qu'a le narrateur de passer d'un personnage à un autre, d'un lieu à un autre en un instant. J'avoue, parvenu aux trois quarts du roman, que je me moque complètement de savoir qui a tué et pourquoi le dénommé Chazaretta. S'est-il tranché ou s'est-il fait trancher la gorge ? Etait-il l'assassin de sa femme, morte trois ans plus tôt dans des circonstances similaires ? Peu me chaut, tant j'ai apprécié les réflexions toujours profondes, souvent drôles*, sur la solitude, les angoisses d'une femme de cinquante ans, la retraite qui approche (adopter un chien ou pas), le succès littéraire qui vous quitte ; sur les riches, la puissance de leur argent, leurs domestiques et leurs résidences « sécurisées » ; sur la presse autocensurée et ses journalistes qui ne sont plus que des relayeurs d'informations circulant sur internet ; sur le talent qui dérange et qu'on placardise ; sur l'amour enfin, auquel il est si difficile de renoncer. Bien sûr que vous saurez ce qui est arrivé à Chazaretta mais le véritable suspens concerne la réponse à la question finale de cet extrait :

« Tout à l'heure, en allant se coucher, il va se fumer un joint et regarder ce DVD, peu importe à quelle il s'endormira. Avec, en guise de berceuse, Betty Boop lui chantant Boop, Boop be Doop. Aura-t-il un jour le courage de dire à Nurit que c'est lui qui l'a baptisée Bétibou ? Lui racontera-t-il que, dans son bureau, il avait collé sa photo qui avait été publiée dans la revue du journal à la sortie de Mourir à petit feu, son roman préféré ? Lui racontera-t-il que Rinaldi s'est juste contenté de le copier ? Racontera-t-il un jour à Nurit Iscar, à Bétibou, qu'il est tombé amoureux d'elle à distance - comme on peut tomber amoureux d'une actrice de cinéma-, et pas seulement de ses bouclettes mais aussi de l'esprit qui inventait ces histoires, qui choisissait ces mots, qui créait ces personnages ? Non, il ne pense pas trouver un jour le courage de le lui dire. »

Un roman étonnant, différent, passionnant, qui donne envie de faire route avec Claudia Pineiro.

Personnellement, je vais me précipiter sur Les Veuves du Jeudi.



* "Vous vous rendez un peu compte ou pas ? demanda Paula. De quoi ? Qu'il y a encore peu de temps, les hommes avec qui nous sortions avaient jusque là des problèmes de distension des ligaments de ménisque, allez, une appendicite à tout casser. La prostate, c'est le début de la fin, lui dit Carmen."

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